20. Plus qu'un ennemi

- Installe toi William, ordonna Éric.

Le petit blond obéit, tirant sur les manches de son pull noir pour calmer son stress et dissimuler ses mains tremblantes. Il gardait la tête baissée sur ses baskets, son instinct lui criant de fuir.

- Je crois que tu as oublié de me faire parvenir quelques informations, commença le policier en insistant sur le mot "oublié".

William garda le silence et serra les poings sur le coton de son vêtement.

- Tu te rends bien compte que cela te place dans une très mauvaise position.

Éric continuait à parler seul mais William ne l'entendait plus, sa tête comme dans du coton. Son cœur résonnait dans ses oreilles et la peur serrait sa gorge. Tout ce passait exactement comme dans ses cauchemars, le silence radio de Valentine, le policier apprenant son secret. Il se figea sur sa chaise quand il entendit Éric se lever et tirer vers lui de quoi s'assoir.

- William, raconte-moi tout.

Le petit blond secoua négativement la tête. Le policier était très proche de lui. Si il avait fait cela pour l'arrêter plus facilement ?

- Écoute mon garçon, je sais qu'elles étaient tes relations avec Evan. On m'a raconté le harcèlement.

William se dégagea brusquement quand Éric posa sa main sur son épaule.

- Je ne veux en aucun cas te forcer à revivre des souvenirs douloureux mais c'est important. J'ai besoin de reconstituer la vie d'Evan ces deniers mois et bien malgré toi tu y tiens une place importante.

À ces mots, William se mit à trembler. Il ne voulait pas se rappeler d'Evan. Il refusait de reconnaître que la victime ressentait pour lui bien plus que de la haine.

- Mais pour faire cela, il faut que tu me parles.

- Vous voulez m'arrêter, souffla le petit blond. Vous croyez que je l'ai tué.

- Non, bien sûr que non.

D'un mouvement du menton, William regarda pour la première fois le policier. Il vit avec surprise le regard attentif et compréhensif d'Éric. Peut-être semblait-il aussi triste pour lui. Il se senti plus en confiance et resta encore quelques minutes sans rien dire, écoutant les paroles rassurantes de l'adulte.

- Ça, il marqua une pause. Ça a commencé tout de suite au début de l'année. Il m'a tout de suite détesté sans que je sache pourquoi. Au début, il me lançait juste des regards noirs et il me poussait en classe.

- Mais tout à très vite mal tourné.

William acquiesça, tournant son regard vers le sol.

- Vers la fin-septembre, il a failli me casser la cheville au foot. Il avait fait exprès, ça se voyait.

- Tout cela n'a fait qu'empirer j'imagine. Raconte-moi.

- Il était devenu violent, il me frappait et m'insultait souvent. Je sais que ça peut paraître stupide mais il me faisait peur.

Éric secoua négativement la tête en souriant à l'adolescent pour le rassurer.

- Ce n'est pas stupide, c'est très grave ce qu'il t'est arrivé.

Cependant, l'atittude de William semblait encore cacher quelque chose. Le lycéen était angoissé, il le voyait bien. Il essayait de lui cacher quelque chose. Éric analysa pendant plusieurs secondes le comportement de l'adolescent, se remémorant le début de l'interrogatoire.

- Il ne s'est pas arrêté à l'harcèlement moral et physique n'est-ce pas ?

Le petit blond se figea. Il n'avait jamais rien dit des gestes d'Evan. A personne.

- William, tu peux tout me dire, je suis là pour t'aider. Je ne vais en aucun cas tu juger.

Comment raconter quelque chose qu'on souhaitait plus que tout oublier ? L'adolescent se posait cette question tout en essayant de chasser les souvenirs qui apparaissaient comme des parasites. Il n'avait aucune envie de partager ce qu'il avait vécu avec Éric. Cet homme était un policier et il avait des soupçons à son sujet. S'il parlait de ce qu'il avait vécu, cela donnerait à l'adulte encore plus de raisons de le croire coupable.

Surtout, il avait honte, beaucoup trop honte pour oser parler. Le policier allait forcément se moquer de lui, qui ne le ferai pas ? Il s'était laissé faire par Evan comme une poupée, un pantin que le meilleur ami d'Evan maniait sans difficulté, tirant sur les ficelles avec sadisme. La peur l'avait fait prisonnier à chaque geste du brun.

- Je suis là pour t'aider, retenta Éric d'un ton doux. Je te promets également que ce que tu diras restera entre nous.

William acquiesça, ignorant quoi faire.

- Je comprends, finit par déclarer le policier après un long silence. Tu en parleras quand tu seras prêt ou n'en parles jamais, c'est comme tu veux.

- Ça a commencé en octobre.

Éric se figea devant William qui prit une grande inspiration avant de continuer.

- Je ne sais pas pourquoi il a fait ça. On rangeait le matériel de sport tous les deux et il m'a forcé à l'embrasser quand personne ne pouvait nous voir. Après... Après il s'est mis à me toucher.

La profonde respiration de William fut saccadée par les larmes qui lui serraient la gorge et les poumons.

- Est-ce que cela a duré jusqu'à la mort d'Evan ?

Le petit blond acquiesça, ses iris azur bougeant sans s'arrêter dans tous les sens.

- Juste avant les vacances, il a fait en sorte qu'on se retrouve tous les deux seuls dans la douche après le foot.

Il n'avait jamais eu aussi peur de toute sa vie. Acculé contre le mur glacial, transpercé par le regard affamé d'Evan, il n'avait pas pu lutter quand le brun s'était approché, tétanisé de terreur. Le froid avait mordu son dos mais la chaleur de sa main sur sa joue fut quelque chose de plus douloureux.

Serrant les poings pour espérer se calmer, William tremblait sur sa chaise. Il avait vraiment essayé d'oublier mais les souvenirs refusaient de disparaître.

- Pourquoi n'en as-tu jamais parlé ?

La voix douce d'Éric le ramena sur terre et le footballeur passa sa main sur ses joues trempées de larmes.

- Personne m'aurait cru et j'avais trop honte. Evan me faisait trop peur.

Le petit blond était en larme et Éric dû lutter pour ne pas le serrer dans ses bras. William était un suspect et pas des moindres après toutes les informations qu'il avait partagées. Le policier s'imagina bien malgré lui son fils à la place de l'adolescent et une colère sourde commença à enfler en lui.

Plus il en apprenait sur Evan, mois il avait envie de retrouver son meurtrier. Méritait-il qu'on brise encore plus ceux qu'il avait déjà lui-même brisé ? Le meilleur ami d'Edgar ne semblait vivre que pour répandre la haine et contaminer les gens de sa jalousie et de sa noirceur. Éric avait devant lui milles et une raisons de tuer Evan. Si tout cela était juste ? Peut-on mériter de mourir ?

Le policier posa son regard sur le petit blond tremblant devant lui. Il pouvait presque distinguer la silhouette de Guillaume. Il secoua vigoureusement la tête pour chasser ses pensées. Il devait empêcher cette enquête de mettre à mal son étique. Éric avait déjà fait face à de nombreux questionnements similaires et la réponse avait changé entre le début de sa carrière et à présent. Mérite-t-on de mourir ? Aujourd'hui plus que jamais, la question demeurait floue.

Les pleurs de William le ramenèrent à la réalité. Éric passa la main sur son visage et reprit le fil de ses questionnements.

- Tu as sûrement voulu qu'il meurt non ?

Un hochement de tête positif lui répondit. Le visage du jeune homme était caché derrière ses manches et il hoquetait de manière brouillonne.

- Regarde-moi William.

Le petit blond essuya ses yeux d'un revers de main et Éric affronta le regard d'inquiétude qu'il posa sur lui. Le bleu de ses iris ne cessait de se remplir de larmes que le jeune homme essuyait vainement sur ses joues.

- Que s'est-il passé la nuit du trois janvier ? Tu souhaitais sa mort, peut-être quelqu'un l'aurait fait à ta place ?

- Je dormais quand Evan est mort, je n'ai rien fait. Personne n'était au courant pour Evan.

- Même pas Maxime ? Et ta petite amie ?

Éric fronça les sourcils quand le petit blond secoua la tête.

- Valentine n'a jamais su et Maxime ne sais pas tout ce qu'il s'est passé.

- En es-tu bien sûr ?

Le petit blond cligna frénétiquement des paupières en pâlissant à vue d'oeil. Éric s'inquiéta de son état de santé, l'harcèlement n'étant que le premier pas de la descente aux enfers.

- Non c'est pas possible, murmura William. Ils... ils n'ont rien fait.

- Peut-être souhaitaient-ils seulement te protéger ?

- Ils n'ont rien fait !

La chaise se renversa dans un bruit strident. Le lycéen regardait Éric avec peur et colère, le policier reconnaissait facilement ces émotions.

- Comment en es-tu aussi sûr ?

- Ils ne peuvent pas l'avoir fait !

- Pourtant ils t'aiment, ils n'ont pas dû supporter ce qu'Evan te faisait subir.

Le petit blond chancela et Éric le rattrapa quand il perdit l'équilibre. Il rassit l'adolescent sur sa chaise, désolé de ce qu'il lui faisait subir.

- Je sais qu'ils n'ont rien fait. Ils n'ont pas pu tuer Evan.

- Et vous trois ?

Le regard de William devint fuyant et il tira plus fort sur ses manches. Éric le regarda passer sa main dans son cou en plissant les yeux. Le jeune homme n'avait pas hurlé, n'avait rien dit pour se défendre de cette accusation.

- Ils n'ont rien fait, fini par souffler William.

- Et toi alors ? Que faisais-tu à minuit lorsque qu'Evan a été tué ?

Les yeux du petit blond se remplirent de larmes.

- Evan... Evan a voulu...

Le policier s'imagina d'un coup le pire. William s'était tu et gardait le regard fixé sur le sol.

- Il t'as violé ?

- Il a failli, avoua le petit blond. J'étais dans une chambre et Valentine était partie pour aller me chercher une aspire. Evan en a profité pour rentrer mais Valentine est revenue à temps.

- Elle l'a vue ?

- Non, il est parti avant qu'elle n'arrive.

Les nouvelles informations furent rapidement notées sur son carnet. Les allé et venue d'Evan se créaient petit à petit sous ses yeux.

- Qu'elle heure était-il ?

- Presque minuit.

Alors William était une des dernières personnes à avoir vu la victime en vie. Evan avait été retrouvé dans la piscine où il s'y était noyé d'après le rapport d'autopsie. Quelqu'un l'avait assommé avec force avant de jeter son corps inconscient à l'eau pour qu'il y meurt. Le regard d'Éric se posa sur William. L'adolescent était-il capable de frapper avec autant de violence quelqu'un avant de le traîner jusqu'à la piscine ?

- T'a-t-il dit quelque chose ?

- Il m'a dit qu'il allait sûrement mourir et qu'à cause de ça il allait faire tout ce qu'il avait envie de faire.

Alors comme ça, la victime était au courant de sa propre fin. Pourquoi n'a-t-elle pas fui?

- Il a dit quelque chose d'autre ?

- Rien du tout, répondit William en secoua négativement la tête.

Éric fit claquer sa langue contre son palais. Le comportement d'Evan était incompréhensible. Qui acceptait ainsi sa propre fin sans essayer d'y échapper ?

- Comment savait-il qu'il allait mourir ?

Il nota un point d'interrogation en gros sur sa page quand William haussa les épaules. Le policier revint à son interrogatoire. Evan avait tenté de commettre un acte grave peu avant de mourir, le petit blond aurait très bien pu vouloir se venger.

- Qu'à tu fais après qu'Evan soit parti ?

- Je suis resté dans la chambre le reste de la nuit.

Un long silence suivit ses paroles. Le policier ne savait pas quoi penser de l'innocence de William, Maxime et Valentine. Il avait besoin de prendre recul sur cet interrogatoire. Il n'arriverait à rien ainsi à chaud. Le témoignage du petit blond l'avait plus impacté qu'il voulait bien l'admettre.

- Très bien William, on en a fini pour aujourd'hui. Je te recontacterais sûrement en cas de problèmes.

L'adolescent se leva et détala le plus vite possible après que l'adulte lui ait serré la main. La peur s'empara de nouveau de lui une fois sorti. Si Éric n'avait pas cru ce qu'il lui avait dit ? Des bruits de pas lui firent tourner la tête et Maxime apparu dans son champ de vision.

- Est-ce que ça va ?

William secoua négativement la tête et se laissa faire quand son meilleur ami le prit dans ses bras.

- Tout va bien se passer, je te le promets.

Quelques secondes passèrent avant que William ne pose la question qui lui brûlait les lèvres depuis qu'Éric avait évoqué les allés et venus de son meilleur ami.

- Maxime ?

- Ouais ?

- C'est toi qui as tué Evan ?

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