18. S'intéresser au bon coupable
Axel tapait du pied sur le sol devant la salle d'interrogatoire improvisée. Il secoua ses cheveux bouclés et jouait avec la coque de son téléphone entre ses doigts. L'enquêteur avait-il l'intention de la laisser sortir ? Pourquoi est-ce que cela prenait autant de temps ? L'adolescent se força à prendre une grande inspiration puis frappa contre le mur. Il n'avait jamais réussi les exercices de respirations.
Se pouvait-il que l'enquêteur sache ? Ils avaient pourtant bien dissimulé toutes les preuves... Axel força son esprit à se souvenir de la soirée, des moindres détails auquel il n'avait pas fait attention et qui avaient peut-être tout gâchés.
Au bout de ce qu'il lui sembla une éternité, Fiona sortie de la salle et referma la porte derrière elle. Axel se jeta sur elle.
- Qu'est-ce qu'il t'a dit ?
- Il m'a posé des questions sur la soirée, sur Evan...
- Sur le reste ?
L'adolescente soupira.
- Il sait pour nous deux, quelqu'un lui a forcément dit.
Le problème étant que cela pouvait être tout le monde. Evan avait fait tellement circuler l'information que même un sourd l'aurait entendu.
- Les fils de putes.
Fiona hocha la tête.
- Je suis sûre qu'il nous soupçonne, Clémence m'a raconté son interrogatoire et il ne lui a pas posé autant de questions.
La jeune femme tournait une mèche de ses cheveux auburn autour de son doigt. Elle cherchait une échappatoire. Le policier lui semblait bien trop informé sur elle à son goût, ou bien bluffait-il ?
Tout en descendant les escaliers vers le hall, Fiona réfléchissait. Qui avait bien pu donner toutes ces informations sur elle à l'enquêteur ? À peine dans le vaste espace du rez-de-chaussée, elle ne vit pas arriver William qui lui fonça dedans, perdu dans ses pensées. Le blondinet s'excusa, les yeux rouges rivés au sol avant de détaler dans les escaliers.
- Il faut qu'on le lance sur une autre cible, finit par déclarer son petit ami qui suivait des yeux la silhouette du footballeur prodige.
- Qui ?
Axel eut un petit sourire.
- T'inquiètes je gère.
Comme il s'y attendait, un surveillant vint le chercher dans l'après-midi pour l'emmener voir Éric. L'adolescent s'assit sur la chaise face au bureau, serein. Il devait donner assez de détails remplis de véracité et esquiver les souvenirs qui posaient la question de leur culpabilité à Fiona et à lui. S'il réussissait cet exercice, ils ne seraient plus inquiétés.
- Bonjour Axel, le salua le policier.
- Bonjour monsieur.
L'enquêteur ouvrit son carnet de note, prit un stylo et leva ses yeux bleus vers ceux d'Axel. L'adolescent ne put s'empêcher de se demander s'il effectuait toujours les mêmes gestes avec tous ceux qu'il interrogeait. Pour le moment, tout se déroulait exactement comme ce que lui avait raconté Fiona.
- Quels sont tes ressentis par rapport à la soirée du trois janvier ?
- J'en ai aucun, répondit Axel en haussant les épaules.
- Même pas une pensée au sujet de la mort de ton camarade de classe ?
Le jeune homme se redressa sur sa chaise.
- Bon écoutez, personne n'aimait Evan. Il a fait tellement de crasses à tout le monde que c'est même étonnant qu'il ait survécu aussi longtemps. Alors honnêtement, j'en ai un peu rien à foutre qu'il soit mort.
Ce discours commençait à revenir souvent aux oreilles d'Éric. Evan s'était-il mis à dos tous les élèves de sa classe individuellement ou bien avait-il donné un coup de pied dans la fourmilière ?
- Pourquoi le détestais-tu ? À cause de ce qu'il vous a fait à Fiona et toi ?
- Il a osé aller balancer à ma meuf que je la trompais avec Fiona et il a fait la même pour son mec. Bien sûr qu'on l'a eu mauvaise. De quoi il se mêlait ?!
- Est-ce qu'après ça tu as eu envie de lui faire du mal ?
Axel se revit taper un ballon de foot violemment en imaginant la tête d'Evan.
- Évidemment que oui ! Bien sûr que j'ai eu envie de le buter ! Qui n'en aurait pas envie ? Même vous je suis sûr que vous auriez eu envie de le terminer à ma place !
Éric soupira, cet interrogatoire risquait d'être long. Il jeta un coup d'œil à l'interrogatoire de Fiona.
- Peux-tu me décrire tes déplacements le soir du meurtre ?
- J'étais soit dans le salon, soit dans la salle de jeu. Vous pouvez demander.
Axel espéra qu'il ne le fasse pas.
- Très bien, as-tu vu des choses étranges ? Des comportements anormaux ?
- J'ai vu Edgar aller dans la cuisine puis Evan qui l'a rejoint. J'ai pas vu grand-chose mais ils avaient l'air de se disputer.
La fameuse dispute, Éric s'en souvenait bien.
- Autre chose ?
- Bah quand les gens boivent il n'y a plus trop de comportements normaux. J'ai rien vu de particulier.
- Que faisais-tu aux alentours de minuit ?
Axel savait très bien qu'il s'agissait du créneau horaire du meurtre.
- Attendez, vous me prenez pour le tueur ?
Éric préféra éluder la question.
- Comme tous les élèves présents à cette soirée, tu es considéré comme suspect.
- C'est ça ouais, répliqua dédaigneusement l'adolescent, pas dupe.
- Tu as des raisons de penser que je m'intéresse plus à toi qu'aux autres ?
Axel planta ses yeux noirs dans ceux d'Éric.
- J'ai des raisons de penser que vous ne vous intéressez pas assez aux autres.
- A qui penses-tu en particulier ?
Le footballeur eut un léger sourire.
- William, ça vous dit quelque chose ?
Éric fronça les sourcils. Il se rappelait vaguement du petit blond timide qu'il avait interrogé au tout début de l'enquête. L'adolescent lui avait paru si innocent, autant dans sa façon d'être que dans son rapport aux événements. Il l'avait directement écarté des suspects.
- Oui, plus ou moins.
- Vaudrait mieux pour vous que ce soit plus que moins. Vous fiez pas à sa tête d'ange, ricana Axel.
- Tu le penses coupable ?
- Evan le harcelait. Pas beaucoup des élèves de la classe le savait, juste les sections foot.
Le policier écrivit la nouvelle information dans son carnet avant de l'entourer. Ainsi William était bien plus lié à Evan que ce qu'il lui avait assuré lors de son interrogatoire.
- Crois-tu qu'il ait décidé de passer à l'acte ? Le harcèlement à de graves répercussions psychologiques.
- Je l'ai plus vu à partir de 23h40, Evan est bien mort aux alentours de minuit non ?
Il assorti sa phase d'un haussement d'épaules.
Éric laissa Axel sortir. Il ferma son carnet et se leva. Il était temps pour lui d'avoir une petite discussion avec William.
L'adolescent referma la porte avec un petit sourire, il avait réussi à piquer la curiosité de l'enquêteur. Maintenant que l'homme s'intéressait à William, il passerait tranquillement entre les mailles du filet. De toute manière, il n'avait pas tué Evan. Axel souhaitait juste éviter qu'on apprenne qu'il l'avait menacé de mort quelques heures à peine avant son trépas. Cela aurait été gênant.
Il descendit quatre à quatre les marches pour retrouver Fiona sous le préau. La jeune femme le pressa de tout lui raconter et il s'exécuta avec un sourire.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top