17. Cracher le morceau
Le vent violent secouait les arbres près du lycée. Du haut du quatrième étage de l'internat, William regardait les premiers élèves arriver par la fenêtre.
- Ça va ?
Un sursaut le traversa quand Maxime posa sa main sur son épaule. Il hocha la tête.
- Tu comptes lui dire ?
- Elle va me détester.
- Tu sais que ce sera pire si elle l'apprend d'elle-même.
Maxime analysa quelques secondes son meilleur ami. William se faisait trop de soucis. S'il expliquait posément ses actions à Valentine, il n'y avait aucune raison à ce qu'elle ne parte en courant. Il fallait cependant que le blond lui dise avant qu'elle ne le devine.
William se détacha de la vitre dans une dernier soupir. Comment aborder tout ce qu'il avait vécu avec elle ? Elle allait forcément lui en vouloir, se moquer. Il allait la dégoûter. Le petit blond ne pouvait tout simplement pas lui avouer ce qu'il s'était passé avec Evan, c'était au-dessus de ses forces.
Malgré les conseils de Maxime, le footballeur prodige évita sa petite amie toute la matinée. Il ne savait pas comment lui parler de sa volonté de faire du mal à Evan s'il ne lui racontait pas ce que le mort lui avait fait. Il ne voulait pas parler mais Maxime avait raison. Valentine s'approchait de la vérité et ça le terrifiait.
Il essaya du mieux qu'il put de l'ignorer, ce qui renforçait les soupçons de la rousse. Pourquoi William gardait-il obstinément le silence ? Depuis la mort d'Evan, il était différent, il lui parlait moins, la voyait moins. Elle ne pouvait pas s'empêcher de se dire que ce comportement cachait forcément quelque chose. Le problème étant que si Valentine avait remarqué ces changements, certaines personnes aussi. L'adolescente s'inquiétait pour son petit ami, Éric n'allait pas tarder à remonter jusqu'à lui.
Un frisson remonta son échine lorsque la voix d'Axel se glissa malgré elle dans sa tête. Que c'était-il passé ? Pourquoi lui avoir dit que William était avec Evan au moment de sa mort et... dans le même lit ? Avait-il menti ou Valentine préférait-elle refuser d'y croire ? Elle savait qu'il ne fallait pas faire de conclusions hâtives mais son petit ami la fuyait comme la peste. Comment le rassurer, lui poser des questions, comprendre ?
La jeune femme ne savait même pas comment elle réagirait si le petit blond lui avouait qu'il avait tué Evan. Elle préférait ne pas y penser et se dire qu'il s'agissait d'un malentendu. Sauf que toutes les preuves convergeaient vers William. Le silence qu'il lui imposait l'inquiétait vraiment. Il fallait qu'elle le confronte, qu'elle obtienne des réponses et à ce moment-là, elle aviserait.
L'occasion se présenta quand elle trouva William seul sur un banc dans la cour après le repas de midi. Le petit blond frappait nerveusement le sol avec son talon et était plus pâle qu'à l'ordinaire. Valentine s'arrêta quelques secondes près de lui, se demandant comment aborder la conversation et la guider vers le sujet d'Evan. Finalement elle prit une grande inspiration et s'avança vers lui. L'adolescent leva la tête et la rousse abandonna toute subtilité.
- C'est vrai ? Lança-t-elle.
- Qu'est ce qui est vrai ?
- Pour Evan. J'ai posé des questions tu sais.
William tressaillit. Ses yeux heurtèrent ceux de Valentine. La jeune femme avait croisé ses bras sur sa poitrine et attendait qu'il parle. Elle avait passé les derniers jours à enquêter sur la mort d'Evan et voilà que la plupart des pistes menaient à William.
Elle l'avait laissé seul avant minuit dans une chambre et maintenant elle doutait, ressassant en permanence sa conversation avec lui, quelques jours plus tôt.
- Tu... tu étais avec lui au moment de sa mort ?
Après avoir été dans la même chambre...
Au fond d'elle, Valentine priait pour s'être trompée, qu'Axel lui ai menti, que les autres footballeurs ne lui aient pas confirmé cette version des faits. Pourquoi aurait-il fait cela ? Tuer Evan. C'était bien la principale question que se posait la rousse. Son petit ami était si distant. William soupira.
- Tu me fais aussi peu confiance ?
- Si tu ne dis rien, comment veux-tu que je te protège ? Que je te fasse confiance ? William ! J'ai peur de te voir sous les verrous pour avoir tué le dernier des connards !
- Oui. Oui c'est vrai que j'étais avec lui, que j'ai rêvé qu'il crève ! Et ouais j'ai aussi rêvé de le tuer moi même !
William avait hurlé si fort que Valentine tressaillit. Alors c'était pour ça que le jeune homme ne voulait pas qu'elle enquête. Il avait voulu à tout prix qu'elle ne déterrer pas des secrets qu'il avait mis tellement de temps à enfouir. Il avait voulu tuer Evan. Il avait voulu, cela ne voulait pas dire qu'il l'avait fait.
- Il... il le méritait, chuchota William en ravalant ses larmes.
- Pourquoi ?
Elle voulait qu'il lui dise. Qu'il la regarde droit dans les yeux et qu'il avoue, lui raconte les insultes, les coups. Le petit blond détourna le regard en serrant les poings.
- Il le méritait, c'est tout.
Ignorant la douleur dans sa poitrine, la jeune femme s'assit à côté de William sur le banc, le faisant sursauter. Elle glissa ses mains sur ses joues et releva sa tête vers lui.
- Pourquoi ? Répéta-t-elle.
William n'eut même pas la force de se dégager. Yeux dans les yeux, il répondit.
- Je l'ai tué.
Il vit les yeux froids de la rousse s'écarquiller, son souffle se bloquer dans sa poitrine. Le petit blond garda un visage neutre. C'était mieux ainsi. Il valait mieux lui mentir pour l'éloigner que lui avouer toute la vérité.
- Je l'ai tué et c'est tout, pose pas de questions.
William se leva, raide comment un poteau avant de fuir vers le bâtiment principal, laissant sa petite amie choquée. Il... pourquoi ne lui faisait-il pas confiance ? Evan l'avait harcelé pendant des mois et rien. Il refusait de parler. Son petit ami avait tué Evan. Pourquoi ne pas lui raconter son harcèlement, tout. Sa... sa virée dans son lit ?
Valentine prit une profonde inspiration et secoua la tête. Ce n'était pas le moment de flancher. Elle ne pouvait pas faire confiance qu'en Axel pour cette information. Mais le reste avait été admis par les deux élèves de la section foot... peut-être que cela aussi était vrai.
- Non !
Il y avait une explication, quelque chose ! La vérité flirtait avec Valentine et celle-ci ne faisait que lui filer entre les doigts. Si William détestait Evan, comment aurait-il pu ? Son petit ami lui cachait autre chose que son harcèlement, elle le savait mais il refusait obstinément de parler. Comment le faire changer d'avis ? Dans un soupire, elle se laissa choir contre le dossier inconfortable du banc en bois, passant sa main dans ses cheveux tout en fonçant les sourcils.
Qu'est-ce William lui cachait ? Balançant sa tête en arrière et fermant les yeux, elle se mit à réfléchir. Valentine ignora ses sentiments, son angoisse, la sensation qu'il n'avait pas confiance en elle, celle qu'il ne valait peut-être mieux ne pas savoir.
La jeune femme laissa son esprit vagabonder dans ses souvenirs, cherchant un regard, un geste, n'importe quoi qui puisse lui apporter une réponse. William était si secret, pas du genre à s'épancher sur ses sentiments. Elle eut un ricanement cynique, ils s'étaient bien trouvés tous les deux. La rousse se reconcentra sur ses souvenirs et son souffle se coupa brusquement en même temps qu'elle se redressa en écarquillant les yeux.
Ses poings se serrèrent dans un accès de rage et elle ne senti même pas ses ongles qui s'enfonçaient dans ses paumes. Tout était devenu si limpide, si logique. À la soirée, Evan et William s'était bien retrouvés dans la même chambre.
***
William se réveilla dans un sursaut. Il prit sa tête entre ses mains et glissa ses doigts sur son visage. Il inspirait longuement pour chasser les larmes qu'il avait au bord des yeux. Il regarda frénétiquement dans tous les coins de sa chambre pour s'assurer qu'il s'agissait bien d'un rêve. Il n'y avait personne, Evan était mort, il n'avait plus rien à craindre. Il était mort mais rien n'allait mieux.
Un sanglot se brisa dans la chambre jusque-là silencieuse. William pleura comme il n'avait jamais pleuré. Il pleura jusqu'en avoir mal, jusqu'à ce que ses poumons brûlent et sa gorge hurle. Jusqu'en avoir mal aux épaules par les sanglots violents les secouant sans répit. Il avait mal, il avait peur. Il ne savait pas quoi faire.
Valentine avait appris la vérité, elle allait le détester. Elle savait qu'il avait eu envie de faire, il lui avait dit qu'il avait tué Evan. Comment pouvait-elle continuer d'aimer quelqu'un qui avait voulu tuer ? Continuait-elle à l'aimer ?
Le visage d'Éric apparu alors dans l'esprit du jeune homme et son souffle se fit plus court. Il avait un mobile pour tuer Evan, il aurait très bien pu tuer Evan, il avait voulu tuer Evan.
Les battements de cœur de William s'accélèrent et il semblait à ce dernier que le monde entier pouvait les entendre. Si jamais Éric était mis au courant de ce qu'il avait souhaité faire, tout allait mal se terminer.
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