Alisa
Il ne faisait pas encore jour qu'Alisa courait silencieusement dans la forêt derrière son village. Elle s'arrêtait tous les deux mètres et déposait un piège qu'elle attachait consciencieusement. Elle repérait les traces des animaux qui passaient dans les parages et savaient exactement à quelle hauteur elle devait attacher le collet. Soudain, elle s'arrêta et vit un daim qui mangeait. Elle attrapa silencieusement son arc, visa puis tira dans le flan du daim qui s'écroula. Elle s'approcha du cadavre et commença le rite destiné aux dieux. Elle pria pour la réincarnation du daim et promit d'utiliser le maximum de l'animal pour que son sacrifice ne soit pas vain. À la fin de sa prière, elle sortit son couteau de chasse et commença à dépecer la bête quand elle sentit quelque chose d'humide sur sa nuque. Elle se retourna et cria :
" Ino ! Comment vas-tu mon grand. "
Le loup lui lécha le visage tandis qu'elle le caressait. Ino s'était blessé dans un piège il y a quelques années de cela quand il était encore louveteau. Curieux de tout, il avait confondu un piège à écureuil avec une branche et en tentant de s'éloigner de ce dernier, il s'était coincé la patte dedans. Alisa l'avait ramenée chez elle et l'avait nourri et soigné durant sa convalescence. Quand elle l'avait remis en liberté, la séparation avait été difficile mais Ino ne pouvait plus rester au village. Il devenait trop gros et trop tenté par les quelques moutons que le village réussissait à élever malgré les terres peu propices à l'élevage et à l'agriculture. Il avait fini par vivre dans la forêt, derrière le village et Alisa profitait de ses moments de chasse pour revoir son ami loup.
Elle reprit sa tâche, prit un bout de viande et le lança au loup. Elle profita que le loup mange pour enlever la peau qu'elle replia et mit dans sa sacoche. Dans un autre compartiment, elle glissa des bouts de viande qu'elle garda pour sa famille. Elle en prit d'autres qu'elle coupa en morceau et attrapa une coupelle dans son sac où elle les mit dedans. Elle ramassa des bouts de bois avec lesquels elle fit un feu. Elle prit quelques baies qu'elle mélangea avec les morceaux de viande qu'elle venait de faire cuire. Après quelques mélanges dont elle avait le secret, elle put enfin manger le ragoût tandis qu'Ino finissait le daim. Une fois finit, elle ramassa les os qu'elle accrocha à sa sacoche et partit vérifier ses collets, Ino sur ses talons.
La chasse fut bonne, elle avait attrapé deux douzaines d'écureuil et trois lièvres. Elle n'aurait pas à retourner chasser avant les deux jours qui suivaient. De plus, la fourrure d'écureuil se vendait bien et était un des rares moyens de gagner de l'argent là-haut, dans le nord. Elle sourit en pensant aux petits plats que sa mère pourrait cuisiner grâce aux épices qu'elle achètera par la vente de la fourrure. Elle en salivait d'avance. Elle attacha les écureuils par leur queue à sa sacoche et glissa les lièvres avec la peau du daim. Elle se souvint que les marchands devaient passer dans la soirée et se dépêcha de rentrer au village, toujours suivit par Ino ravit de faire la course avec son amie. Arrivée à l'entrée de la forêt, Alisa dut saluer son ami. Le grand loup resta immobile à la regarder partir.
Elle arriva au village en courant et salua Myrha, la femme du médecin du village qui choisissait les tissus qu'elle allait vendre aux marchands. Myrha était excellente couturière et achetait par moment sa viande et ses fourrures qu'elle échangeait avec des tissus et des vêtements de première qualité pour Alisa et sa famille. La jeune fille l'aimait bien. Myrha lui donnait parfois des suppléments comme des herbes et épices qu'elle avait achetée en trop. Cette fois-ci, elle lui échangea trois écureuils et un lièvre contre des manteaux pour toute sa famille. Ils allaient passer un hiver dur, ils le savaient. Les températures avaient chutées depuis quelques années selon les anciens et même, on sentait une différence avec l'hiver dernier. Pour la remercier, Alisa lui donna sa peau de daim. Myrha lui promit d'en faire quelque chose de mieux que les manteaux qu'elle venait de lui donner. La mère d'Alisa ne savait pas coudre. C'était donc à Myrha, sœur de cette dernière, qu'incombait cette tâche en échange de la viande fournit par la famille. C'était un troc comme il s'en fait tant dans le village. Tout le monde connaissait tout le monde, ce qui était normal dans un si petit village. Alisa était une des plus jeunes. L'année suivante, elle allait enfin accomplir le rite de passage à l'âge adulte et en était impatiente malgré le fait qu'elle venait de fêter ses dix-sept hivers. Bien qu'attachés par une lanière de cuir, ses longs cheveux bruns lui fouettaient le visage. Elle ne pourrait se les couper qu'après être devenue adulte. C'était une tradition dans le village : en coupant les cheveux, on marquait l'arrêt de l'enfance et le début du cycle de l'adulte. Elle portait également une plume qui tombait parmi ses cheveux symbolisant qu'elle était une excellente chasseuse ainsi qu'autour du cou, une griffe du premier ours qu'elle avait tué. Elle évitait d'encombrer sa chevelure ainsi que son cou car elle prétendait que ça la gênait lorsqu'elle chassait. Ses yeux noirs étaient légèrement en amande. Elle était de taille moyenne c'est-à-dire ni trop grande pour rentrer dans les terriers, ni trop petite pour monter aux arbres. Elle portait très souvent un manteau brun en cuir d'ours qu'elle avait tué il y a quatre ans de cela avec de la fourrure d'écureuil qu'elle trouvait plus douce que celle de l'ours. Myrha en avait fait un manteau confortable ainsi qu'une paire de bottes et de moufles pour l'hiver. Depuis ce temps, Alisa refusait de changer de manteau. Elle avait dû se résigner à se séparer de ses bottes devenues trop petites avec le temps et allait devoir faire subir le même sort à son manteau qui subissait lui aussi les ravages du temps. Elle était contente d'avoir ramenée la peau du daim qui semblait plus souple et plus légère que celle de l'ours. Elle avait hâte de voir le résultat final. Elle sautilla sur place avant de reprendre sa course jusqu'à chez elle. En arrivant, elle cria un tonitruant « Je suis rentrée ! » et déposa ses proies chez elle.
" Tu n'es pas obligée de crier aussi fort à chaque fois que tu rentres à la maison ", la réprimanda sa mère.
" Oui maman, dit-elle en baissant la tête, puis reprenant ses esprits se remit à crier. Mais regarde tout ce que j'ai chassé ! On va pouvoir se faire un festin ce soir ! "
Son frère arriva à ce moment-là et se mit lui aussi à crier « Festin ! Festin ! ». Alisa et sa mère sourirent. Alisa rajouta :
" De plus, les marchands passent tout à l'heure. En leur donnant les peaux, on pourra avoir plein d'épices ! "
Sa mère sourit tandis que le petit Sam saute de partout en criant « Épices ! Épices ! ».
" Dommage que ton père soit absent. Il va tellement regretter d'être parti chasser le mangeur d'Hommes. "
Le père d'Alisa était chasseur lui aussi et avait tout appris à sa fille. Il faisait partit des meilleurs chasseurs du village et avait un jour décidé de chasser le mangeur d'Hommes, un ours aussi grand que dangereux, avec une poignée d'hommes. Alisa avait, bien évidemment voulu y participer mais son père avait refusé car c'était elle qui devait nourrir la famille pendant son absence. Elle n'avait rien à envier aux autres chasseurs du village, bien au contraire. Elle les battait, pour la majorité, à plate coutures. Il fallait dire qu'elle avait eu un excellent maitre. Mais son père voyait en elle la petite fille qu'elle avait été autrefois.
Elle prit un des écureuils et commença à le dépecer. Sa mère se mit à côté d'elle et fit de même tout en chantonnant une des chansons pour les rites aux animaux. Leurs voix résonnaient dans la pièce tandis que Sam, qui ne connaissait pas encore bien le chant fredonnait l'air en remplaçant les mots par festin et épices. C'était son inspiration du moment... Leurs voix désemplirent peu à peu la pièce jusqu'à ce que la mère d'Alisa eu fini d'enlever la peau du dernier écureuil. Alisa sépara en deux tas son travail, le premier avec la viande et le deuxième avec les fourrures tandis que sa mère mettait du sel sur la viande pour la conserver. La jeune fille prit les peaux et alla sur la place du village attendant les marchands. Déjà, la moitié du village c'était réuni. Alisa alla rejoindre Myrha qui parlait avec son mari. Elle les salua de la tête et rejoignit la conversation. Deux heures plus tard, toujours aucune traces des marchands. Les gens commençaient à quitter la place en se plaignant. Alisa et Myrha restèrent une heure de plus, mais toujours rien. La nuit commençait à tomber tandis que les deux femmes rentraient chez elles, pensant qu'elles s'étaient trompées de jour.
Une semaine était passé et toujours aucune nouvelle. Myrha, qui s'ennuyait avait presque fini le manteau et Alisa avait maintenant une cinquantaine de fourrure d'écureuil à vendre. Elle décida d'aller dans la forêt pour voir Ino plus que pour chasser. Elle joua et mangea avec lui jusqu'à ce qu'elle entende un bruit. Elle se cacha derrière un buisson et vit une charrette passer. Elle l'a suivi jusqu'au village puis comprit que c'était les marchands. Elle les entendit dire qu'ils allaient rester toute la semaine. Elle avait le temps et décida qu'elle restera en forêt avec Ino comme elle le faisait par moment. Elle n'aimait pas vraiment les marchands. Ils ne lui servaient qu'à vendre ses fourrures pour récupérer des produits de premières nécessités. Ils racontaient souvent des histoires sur la capitale et ce qu'il se passait au sud. D'ailleurs, ils adoraient le sud. Ils nous racontaient que les femmes étaient plus belles et plus grandes et qu'elles couchaient comme des déesses alors qu'au nord, les femmes refusaient de vendre leur corps. Elles étaient plus sauvages et de toute façon, il faisait trop froid pour se déshabiller. Mais les marchands avaient un regard qu'Alisa n'aimait pas c'est pour ça qu'elle restait en forêt le temps de leur passage au village et ne sortait que pour vendre ses produits. C'est aussi pour cela qu'Ino adorait les marchands car cela lui permettait de rester plus longtemps avec son amie même s'il ne les avait jamais rencontrés. Alisa se mit à faire la cuisine. Les plats qu'elle faisait étaient rudimentaires. Elle était moins douée que sa mère et elle le savait mais ça lui convenait. Ino, quand à lui, partit chasser. Après avoir englouti trois lapins et deux écureuils, il rejoignit son amie. Il faisait froid dans la forêt et Alisa était le plus près possible du feu. Quand elle vit Ino, elle l'enlaça de ses bras et colla son visage dans sa fourrure.
" Tu es si chaud, mon grand Ino. Qu'est-ce que j'aimerais avoir autant de poils que toi... ", soupira-t-elle.
Le loup s'allongea à ses côtés tandis qu'elle se blottissait contre lui. Elle s'endormit contre lui en souriant. Ino était définitivement son meilleur ami.
Elle se réveilla le lendemain matin. Elle avait bien dormi. Elle chercha Ino des yeux et se souvint qu'il aimait chasser très tôt le matin. La première fois qu'elle avait découché dans la forêt, elle avait eu peur qu'il se soit enfuit mais il était revenu vingt minutes plus tard avec un lapin pour Alisa. Elle sourit en repensant à ce souvenir. Ino n'allait pas tarder à revenir. Elle refit du feu pour l'attendre. Elle pouvait manger la viande crue mais la préférait cuite. Comme prévue, Ino revint avec un lapin dans la gueule. Elle le prit et commença à le dépecer à l'aide de son couteau. C'était un présent de son père et elle y tenait beaucoup.
Après avoir mangé, elle décida de retourner au village pour vendre ses peaux. Elle croisa Myrha qui lui donna son nouveau manteau. Elle la remercia chaleureusement puis marcha jusqu'à chez elle. La porte était toujours ouverte comme à son habitude. Il n'y avait pas de voleurs dans le village. Il n'y avait donc pas besoin de systèmes de fermeture ultra sophistiqués comme dans le sud. Elle passa le pas de sa porte et cria « Je suis rentrée ! » comme à son habitude mais elle n'entendit pas la réponse habituelle de sa mère. Elle devait être sur la place du village auprès des marchands. Elle aimait bien choisir elle-même ses épices. Alisa prit donc ses peaux d'écureuils et allait se rendre sur la place du village quand elle se souvint qu'elle n'avait pas vu son frère. Elle alla dans sa chambre et le vit dans son lit, dégoulinant de sueur.
" Mon dieu ! Sam ! Que t'arrive-t-il ! ", cria-t-elle.
Sam émit un petit gémissement. Alisa tenta de le rassurer puis chercha sa mère, prête à lui crier à quelle point elle était irresponsable mais elle se réfréna quand elle découvrit sa mère agonisant elle aussi sur son lit. Alisa courut dehors pour chercher le médecin. Elle vit d'autres personnes courir dehors mais elles étaient peu nombreuses. Elle trouva le médecin au chevet d'un homme présentant les mêmes symptômes que sa famille. Elle supplia le médecin de lui donner un remède. L'homme lui répondit qu'il n'en avait pas mais qu'il fallait garder les malades au chaud. De retour chez elle, Alisa prit tout ce qu'elle trouva qui pouvait réchauffer sa famille, manteaux, couvertures, peaux,... et les recouvrit de la tête aux pieds. Elle courut sur la place du village et demanda aux marchands s'ils possédaient un remède.
" Nous sommes marchands, pas apothicaires. Nous vendons des tissus, des ustensiles de cuisines mais pas de médicaments et même si nous en avions, ils couteraient bien trop cher pour toi, jeune demoiselle ", lui répondirent-ils.
" J'ai de l'argent et des peaux d'écureuils à vendre. Je devrais avoir assez. "
" Assez pour une personne, oui. Mais pas tout le village, dirent-ils en souriant. A part si tu veux vendre ton corps et là tu auras assez... "
Alisa sortit son arc et le banda. Les marchands reculèrent de peur.
" Dites-moi comment je fais pour me procurer ces médicaments et comment je fais pour avoir assez d'argent pour me les payer ", les menaça-t-elle.
" Oui... toute suite Madame, dit l'un des marchands en tremblant. Il y a un apothicaire dans le sud. Il est connu pour être le meilleur de Ravos et c'est le seul qui possède des médicaments pour ça... Vous savez, c'est une maladie bénigne dans le sud et je pense que vous l'avez attrapée car l'un de nous l'avait. C'est d'ailleurs pour ça qu'on était en retard... Mais vous, gens du nord, n'êtes pas habitués à ce genre de maladies c'est pour cela qu'elle semble plus dangereuse chez vous. "
" Et pour l'argent ", les agressa Alisa.
" Les médicaments coutent très cher et il vous faudra beaucoup d'argent. Ce n'est pas quelques écureuils qui vont vous les payer... "
" Alors je fais comment ", rugit Alisa.
" Il n'y a pas de moyen rapides, continua le marchand. À part peut-être un mais il est plutôt dangereux... "
" Dites toujours ", dit Alisa hargneusement.
" Mais c'est vraiment dangereux, insista le marchand. Des gens sont morts... "
" Parlez ! ", le coupa Alisa en faisant bouger son arc en direction du marchand.
" Il existe une légende. Un trésor serait caché dans Ravos. On possède un morceau de l'énigme pour y aller. On peut vous le vendre à un bon prix... ", essaya l'homme, parlant à toute vitesse.
" Donnez-le-moi, cria la jeune chasseuse. Voyant que le marchand hésita, elle lui agita l'arc sous le nez. Tout de suite ! "
Le chasseur lui tendit un bout de papier. Elle le regarda et lui demanda :
" Vous êtes sûr que c'est le seul moyen ? "
" Pour être riche d'un coup, oui, dit le marchand. "
Et sans leur jeter un seul regard, Alisa courut dans la forêt pour rejoindre Ino et courut en direction du Sud, là où se trouvait l'apothicaire qui pouvait les aider mais aussi le trésor.
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