Vers le cœur de l'hiver 7
Chapitre 7
Quand je rouvre les yeux, dans mon tracteur à coucher, il fait nuit. La campagne alentour est très sombre. Aucune lumière artificielle ne vient plus l'éclairer. Aucune lumière artificielle ne vient plus éclairer quoi que ce soit. Même les villes sont plongées dans l'obscurité en permanence à présent. Moi qui suis un citadin pur et dur, j'ai été frappé par ce constat lorsque j'ai quitté Washington. Une ville dans le noir, ça a quelque chose de triste. Ça m'a rendu profondément mélancolique et nostalgique. J'ai toujours tant aimé les lumières de la ville qui semblait ainsi toujours en fête.
Il y a une anecdote à ce sujet que ma mère aimait raconter à chaque fois qu'elle en avait l'occasion, en l'enjolivant toujours un peu plus. Tous les amis de mes parents ont dû l'entendre au moins mille et une fois. Nous vivions à Chicago à l'époque. Alors que je n'étais encore que petit garçon, ma mère avait décidé de m'emmener, par une fraiche soirée d'octobre, sur une foire, une immense fête foraine. Je lui avais naïvement demandé ce qu'était une foire foraine. Et elle m'avait répondu que c'était un endroit où il y avait plein de lumières de toutes les couleurs. Plus tard, dans la voiture, alors que nous empruntions une route qui surplombait légèrement la ville éclairée, je m'étais exclamé : « Whoa ! C'est super beau, la foire ! J'adore ! » Ma mère avait un peu ri et elle racontait toujours qu'elle avait été émue aussi par cette réflexion enfantine, par ma fascination pour les lumières de la ville. Je suis content que mes parents n'aient jamais eu à ressentir la tristesse d'une ville sans lumière.
La nuit autour de moi n'est toutefois pas complètement noire. Je peux déjà distinguer à l'Est les premières lueurs de l'aurore. Il est temps que je reprenne la route. Je sors de mon sac-à-dos la carte routière que j'avais trouvée quelques semaines plus tôt et ma dernière barre protéinée. Il faut que je repère un endroit où me ravitailler en nourriture. J'aimerais trouver une paire de gants aussi, j'ai oublié d'en prendre lors de ma dernière escapade dans un magasin de vêtements et j'ai les doigts gelés toutes les nuits maintenant. Je suis juste à la frontière avec l'état de Géorgie qu'il va falloir que je traverse. J'extirpe prudemment mon corps endolori du tracteur. Je repasse devant les quatre infectés que j'ai tués la veille. J'éventre l'un deux pour me recouvrir, une fois de plus, de tripes et de boyaux contaminés.
Au bout d'une bonne heure de marche, je parviens dans une petite zone commerciale que j'ai repérée sur la carte et où j'espère trouver ce dont j'ai besoin. Il s'agit d'un vaste parking autour duquel sont érigées en forme de « U » des constructions cubiques sans charme aucun. Les vitrines de la plupart des magasins sont déjà éventrées. Le commerce le plus proche de moi à ma gauche, la boutique d'un armurier, est déjà totalement mis à sac. Le deuxième bâtiment, adjacent au premier, est un salon de coiffure sans intérêt. Suivent une animalerie d'où s'échappe une odeur pestilentielle de bête morte et un grand magasin de décoration d'intérieur spécialisé dans la confection de linge de maison. Rien de bien utile dans ma situation. Toute mon attention se tourne naturellement vers le grand supermarché qui occupe toute la largeur du fond du parking.
Le cadenas de la porte forcé et les bris de vitre qui crissent sous mes pas me font rapidement comprendre que je ne suis pas le premier chapardeur à m'aventurer ici et qu'il me faudra me contenter de ce que mes prédécesseurs auront bien voulu laisser, dans l'éventualité où ils ont effectivement laissé quoi que ce soit d'utilisable. Je dépasse rapidement les premiers étals où pourrissent des montagnes de fruits et de légumes. Je dépasse encore plus vite les rayonnages autrefois réfrigérés où moisissent fromages, yaourts et autres laitages rances. La puanteur de la viande avariée m'indique clairement qu'il faut que j'évite le rayon boucherie enfoui un peu plus profondément dans le magasin. Je me dirige presque en courant sur ma droite où l'air est définitivement moins vicié. C'est là que je repère heureusement les immenses étagères métalliques sur lesquelles étaient jadis empilées les denrées non périssables. Aujourd'hui, il n'en reste plus que les vestiges. La première allée tout entière est une véritablement zone sinistrée, jonchée de bocaux en verre éclatés sur le sol. J'aperçois tout de même quelques conserves, mais une vilaine cicatrice qui barre la paume de ma main droite est là pour me rappeler que je suis bien incapable d'ouvrir une conserve sans les ustensiles adéquats. Par chance, l'allée suivante est toujours garnie de quelques friandises et je m'empresse de remplir mon sac d'autant de paquets de biscuits et de barres chocolatées que je peux trouver. Un peu plus loin, j'hésite, rêveur, devant quelques sachets de soupe instantanée, mais je renonce finalement à m'en emparer. Sans eau chaude, ça n'a aucune utilité et ce n'est certainement pas comme si j'étais un homme de Cro-Magnon capable de faire un feu avec un silex et une pyrite.
En traversant le rayon consacré aux articles d'hygiène corporelle, je me ravitaille d'un pain de savon antibactérien. J'attrape également une brosse à dents neuve ainsi qu'un tube de dentifrice mentholé. Je passe sans un regard devant une rangée de déodorants. Quand on voyage en solitaire dans ce genre de conditions, sentir bon devient vite superflu. Par contre, éviter les problèmes sanitaires est devenu d'autant plus essentiel que les quelques pharmacies que j'ai déjà eu l'occasion de piller étaient pratiquement vides. Il serait bien malheureux qu'une mauvaise hygiène me vaille des soucis de santé qui ralentiraient ma progression et que j'aurais toutes les peines du monde à éradiquer.
C'est au moment où je glisse deux grandes bouteilles d'eau dans mon sac-à-dos que j'entends le bruit d'un moteur de voiture qui me fait craindre le pire. Qu'il s'agisse d'une des jeeps des militaires ou d'un véhicule conduit par qui que ce soit d'autre, je préfère m'en éloigner aussi vite que possible. Le Professeur m'a recommandé de n'avoir confiance en personne et j'ai bien l'intention de tenir compte de ses bonnes paroles pleines de sagesse. Je décide donc de me faufiler à pas de loup vers le fond du magasin à la recherche d'une issue de secours. J'aperçois rapidement un pictogramme familier qui m'indique l'emplacement d'une porte de sortie. Je me débats pour l'ouvrir, m'acharne pendant quelques instants. En vain. La porte ne veut pas céder. Merde ! Quelque chose la bloque de l'extérieur peut-être.
« Tu crois qu'il est dans l'coin ? » fait une voix que je reconnais immédiatement. C'est Soldat Sourire. Merde ! Merde ! Merde ! Il faut que je trouve une autre issue, et illico presto.
« On va vite le savoir », répond une seconde voix au timbre très clairement masculin.
Je me déplace le long du mur le plus furtivement possible, en tâchant de bien rester caché derrière les rayonnages. Je vais bien finir par tomber sur une autre porte. Le bruit des pas des deux militaires me rend anxieux. Je pousse ma tête entre deux rayons pour tenter de voir où ils se dirigent. Je constate avec soulagement qu'ils se déplacent vers l'autre bout du supermarché. Je vais peut-être pouvoir me tirer d'ici en passant inaperçu. Mais, distrait par mes petites activités d'espionnage, mon pied gauche atterrit bientôt sur des bris de verre dans un faible bruit crissant qui semble pourtant incroyablement fort dans ce grand magasin silencieux.
Les deux soldats se retournent brusquement. Ils me regardent. Je les regarde. Un bref instant qui paraît s'étirer infiniment. Ils sont les premiers à réagir. Soldat Sourire hurle. Faisant de ses mains un mégaphone tourné vers l'entrée du supermarché. « Le Rat est là ! »
Son compère lève son flingue. A hauteur de ma tête. Et il me lance un ordre : « Bouge pas ! » Là, je sors enfin de ma transe. Et je pars comme une flèche. Jamais il ne m'aurait tiré dessus en visant la tête. Le temps qu'il baisse un peu son arme pour me trouer les jambes, je ne suis plus là. Le coup part. Trop tard. J'entends derrière moi la balle qui éclate quelques bouteilles de vin. Une explosion de mille tintements cristallins. Je ralentis l'allure pour me mouvoir sur la pointe des pieds.
« Espèce de troufion », retentit la voix marmonnée de Colonel Adipeux. Qui vient d'entrer. Avec le reste de ses sbires, on dirait. « Essayez d'me l'avoir en un seul morceau. Faut pas qu'il soit trop amoché. »
Je les entends organiser une battue. J'entends surtout mon cœur battre tellement vite que j'ai l'impression qu'il résonne. Qu'il produit un écho puissant tout autour de moi. Qu'il trahit ma position.
« Passez-moi chaque putain d'allée au peigne fin. Vous deux ! Dehors ! Vous allez m'surveiller les sorties à l'arrière du bâtiment », ordonne le Colonel.
Merde ! Il faut que je me grouille. Vraiment. J'avance. Je progresse. Rayon après rayon. Faisant une halte derrière chaque étagère. Courant sans bruit pour franchir les espaces à découvert. Les martellements des bottes progressent aussi. Une balle perdue qui ricoche contre une poutre métallique. Un juron étouffé. Plus près de moi. De plus en plus près. Le cliquetis d'une arme qu'on recharge. Vraiment trop près. Mon cœur qui bat trop fort. Qui pulse dans mes tempes. Mes tempes, mon front suants. Mon souffle saccadé. La panique. Mon corps recroquevillé. Planqué derrière des cartons de poudre à lessiver. Mes yeux qui cherchent une issue. Frénétiquement. La panique. Et là, je l'aperçois. Une porte fermée. Elle mène sans doute à des bureaux. Ou une arrière salle. Ou un truc du genre. Elle mène ailleurs. Et je veux être ailleurs. La clé est toujours dans la serrure. Faut que je tente le coup. Mais pour l'atteindre, il faut que je sorte de ma petite cachette. Ils vont me voir. C'est sûr. Tant pis. J'ai pas le choix. Faut que je tente le coup. En courant vite. Très vite. Ça va peut-être le faire. Faut que je tente le coup.
Je m'élance. Je cours pour ma vie. « Il est là ! » hurle quelqu'un. J'agrippe la clé. Je la tourne dans la serrure. Ils accourent tous vers moi. Je pose ma main sur la poignée. Et quatre choses se produisent presque simultanément. D'abord j'ouvre la porte. Ensuite une main m'attrape par l'épaule, me retourne et me plaque brutalement contre le mur. Colonel Adipeux pointe son arme à quelques centimètres de mon nez. Il arbore un air triomphant. C'est foutu. Pendant quelques secondes, c'est foutu. Ils m'ont eu. Ils vont me torturer. Il ne faudra pas attendre deux minutes avant que je commence à tout déballer. Puis ils me tueront. Et ce sera fini. C'est évidemment sans compter les forces extérieures, ma bonne fortune et la métamorphose d'une plaie de Dieu en un deus ex machina. En effet, heureusement, à ce stade-ci de mon récit, seules deux des quatre choses que j'ai mentionnées se sont déjà produites, l'ouverture de la porte et ma capture. Il en reste donc deux.
De la porte que je viens d'ouvrir s'échappent des plaintes aussi reconnaissables que redoutables. Dans le même temps, attirés certainement par tout notre raffut, une colonie d'infectés a surgi derrière les soldats. Colonel Adipeux me tient toujours en joue. Tandis que les autres commencent à s'occuper de nos invités affamés. Mais rapidement, ils sont débordés. Les infectés arrivent de partout. De la boite de Pandore que j'ai ouverte. De l'avant du magasin. De partout. Une mâchoire claque à côté de l'oreille du Colonel. Son attention est détournée un instant. J'en profite pour me défaire de l'emprise du militaire. J'entre dans la pièce où étaient contenus les infectés, qui sortent progressivement. J'avance d'un pas lent, un peu chancelant. Je me fonds aux infectés. Je passe inaperçu. La tripaille putride qui me couvre le corps constitue mon meilleur déguisement. Je me force à avancer lentement, à résister à la tentation de courir. J'ai le cœur au bord des lèvres. Je me sens au bord de l'évanouissement. J'entends dans mon dos, comme en sourdine, les coups de feu et les cris d'un combat sanglant. Les ondes sonores ainsi créées m'encerclent, me prennent en tenaille. Elles m'assourdissent jusqu'au vertige. Je traverse la pièce avec une lenteur infinie. Après ce qui semble être des jours et des jours de marche, je parviens à une seconde porte qui donne enfin sur l'extérieur.
A peine ai-je fait quelques pas au dehors que je remarque les deux militaires que Colonel Adipeux a envoyés à l'arrière du bâtiment. Ils repèrent ma présence à peu près au même moment. Et ils s'élancent droit sur moi. Sans perdre une seule seconde de plus à analyser la situation, je tourne les talons et je cours comme un dératé pour mettre autant de distance que je peux entre les soldats et moi. J'entends le premier coup de feu partir et je ressens simultanément une douleur aigüe se propager depuis ma cheville gauche. Je n'ai pas le temps d'interrompre ma course pour constater les dégâts. Au contraire, j'accélère l'allure et je me mets instinctivement à courir en zigzags pour me transformer en une cible plus difficile à atteindre. Les détonations se multiplient derrière moi. La poussée d'adrénaline me donne des ailes et m'offre mon plus beau sprint. Mon seul autre avantage, c'est que les militaires ont beaucoup de peine à courir et à faire feu en même temps. Leurs tirs sont imprécis et leur course est interrompue à intervalles réguliers.
Étrangement, la cadence des tirs ralentit jusqu'à s'interrompre. Je me retourne brièvement et je comprends ce qui se passe. Je n'ai jamais vu un troupeau d'infectés aussi large. C'est une véritable horde qui s'abat sur nous. Les militaires ont à présent complètement focalisé leur attention sur la nouvelle menace. Je saisis ma chance et me remets à courir de plus belle. Je pénètre dans un grand terrain en friche que je traverse promptement. Tout au bout, adjacente au champ à l'abandon que je viens de parcourir, s'étend une autre parcelle de terre dont la déclivité est assez abrupte. Même si les soldats se débarrassent rapidement des infectés et qu'ils se lancent à ma poursuite, le terrain est bien trop accidenté pour qu'ils me suivent ici en jeep.
Il ne faut pas que je traine là. Je dévale la pente escarpée à toute vitesse. En bas, je contourne un chantier à l'arrêt depuis bien longtemps. Alors que mon taux d'adrénaline diminue, ma cheville me fait de plus en plus mal. Je prends quelques minutes pour l'examiner. Une balle a de toute évidence effleuré l'extérieur de ma jambe. La plaie n'est pas très profonde, mais il faudra que je la désinfecte pour me mettre à l'abri d'une infection qui pourrait très mal tourner. Ce n'est toutefois pas le moment de faire ça. Je dois d'abord et avant toute chose fuir cet endroit au plus vite. Je me contente donc d'emballer de manière rudimentaire ma cheville blessée dans un linge propre pour éviter de semer les gouttes de sang et faciliter la tâche des Petits Poucets en tenue de camouflage.
Je passe le reste de la matinée à marcher dans une zone semi-rurale d'abord, puis en pleine nature ensuite. J'essaie tant bien que mal de garder le cap au Sud, de ne pas me détourner de mon but premier. Ma cheville devient franchement douloureuse maintenant et ralentit dramatiquement mon avancée. Il va vraiment falloir que je fasse une halte quelque part pour nettoyer la plaie. Je reprends ma carte dans le fond de mon sac. J'essaie de deviner ma position approximative en prenant la petite zone commerciale de tout à l'heure comme point de repère. J'estime que j'ai dû parcourir une dizaine de kilomètres, mais je n'ai pas marché en ligne droite, loin de là. Selon mes estimations, je devrais bientôt tomber sur une route nationale. Si c'est le cas, je devrais pouvoir trouver sans trop de difficultés un petit hameau que je viens de repérer sur la carte.
En effet, la forêt dans laquelle je m'étais enfoncé débouche, après une petite demi heure de marche supplémentaire sur une grand-route. J'aperçois un peu plus loin une borne kilométrique qui me fournit l'information indispensable pour mon orientation. Je suis plus proche de mon étape que je ne le pensais. Après un bout de chemin vers l'Est, j'arrive au bon embranchement qui me mène, non pas à un petit village de campagne, mais un lotissement de constructions récentes. Les quelques ruelles paraissent désertes. La puanteur plane sur ce petit quartier fantôme. J'essaie d'entrer dans la première habitation devant laquelle je passe. Sans succès, la porte d'entrée est verrouillée. Défoncer une porte va bien au-delà de mes possibilités physiques. Et je préfèrerais éviter de faire du bruit en cassant une vitre. Au détour d'une maison, un bungalow, comme toutes les autres habitations de ce petit quartier, je me retrouve nez à nez avec un tas de cadavres presque plus haut que moi. Quelqu'un est déjà passé par ici et a fait le ménage. Et ce n'était sans doute pas quelqu'un, mais quelques-uns, vu la quantité d'infectés empilés là. Peut-être Colonel Adipeux et toute sa clique. En tout cas, ils ne sont plus là, aucune jeep à l'horizon. Et s'ils ont fait chou blanc ici, ils ne reviendront probablement pas. Je reste quand même sur mes gardes. Les militaires ne sont pas les seuls vivants à errer dans ce pays.
Je me détourne rapidement de ce spectacle pestilentiel. Juste face à moi, de l'autre côté de la rue, une fenêtre du bungalow le plus proche est entrouverte. Le petit quartier résidentiel se trouvant dans une cuvette par rapport aux terres alentours de plus haute altitude, il me semble raisonnable d'espérer que les habitations soient toujours approvisionnées en eau courante. Pour laver ma cheville, ce serait bien commode. Une fois devant la fenêtre, parvenir à l'ouvrir suffisamment largement pour me faufiler à l'intérieur est un véritable jeu d'enfant. Je me retrouve ainsi dans un petit salon dont les meubles ne sont pas couverts d'une couche de poussière. Et ça, c'est bizarre. Par mesure de précaution, je dégaine ma hache. J'ouvre lentement et prudemment la seule porte de la pièce et je découvre une cuisine. Je découvre aussi que, ainsi que je le craignais, je ne suis pas seul. Un être humain, sûrement de sexe féminin, tourné de profil fait quelques petits pas devant le plan de travail. Sa démarche incertaine et ses épaules voutées me donnent d'abord à penser qu'il s'agit d'une infectée. Mais quand elle se retourne vers moi, je constate que la femme est bien vivante.
Note de l'auteur:
Illustration: Munch, Autoportrait en enfer.
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