- Tous le monde a son billet d'embarquement ? s'exclama le manager du groupe alors qu'il tentait de rassembler ses poulains avant de se faire contrôler et d'entrer dans l'avion direction le pays natal de Noeul.
- Oui Hyung ! répondirent les sept garçons en brandissant leurs passeports, visa et billet.
- Okay, on va d'abord faire les enregistrements de bagages et ensuite on cours vers l'avion !
- Okay !

De l'autre côté du globe, on pouvait entendre une musique traverser les rues de la capitale, transformant la journée de chacun en quelque chose de plus festif et plus léger.

- Ah Nong ! s'exclama une femme entourée de son groupe d'amies.
- Salut, fit un garçon en souriant, assis sur son tabouret, guitare posée sur sa cuisse, jouant quelques accords devant ceux qui daignaient s'arrêter pour l'écouter ou discuter un peu avec lui.
- Vous venez l'écouter vous aussi ? demandèrent quelques enfants et adolescents déjà installés par terre, encerclant le jeune homme souriant, lunettes de soleil sur le nez qui jouait de sa guitare, attirant les foules, habitants comme touristes.
- À la base non, mais comme il joue, on va s'arrêter le temps d'écouter un peu, confirma la femme en souriant, les joues rosies alors qu'elle regardait le jeune homme qui ne cessait de sourire.

Le jeune homme se mit alors à jouer un de ses airs préférés du moment, prenant un ton plus doux et plus dans l'acoustique de sa guitare vieillissante. Durant une bonne trentaine de minutes, il joua pour les passants, récoltant quelques baths au passage alors qu'il n'en avait pas forcement demandé, mais il ne pouvait aller contre la gentillesse rare des gens qui venaient l'écouter.

Quand sa guitare se tue enfin, on l'applaudit et il put remercier tous le monde avant de disparaître à travers la foule pour réapparaître dans un autre endroit où il pourrait jouer sans attendre à voir débarquer une nouvelle foule, mais c'était mal connaître son art qui s'étendait dans l'air et qui rameutait toujours du monde ou faisait tourner la tête des curieux. La journée s'éteignit sur une fatigue bien présente mais le cœur léger il pouvait marcher à travers les rues sans se faire réellement remarquer, il aimait cette liberté de vivre comme il l'entendait, voyageant au gré du vent et de son inspiration, se rendant là où il le voulait et répandre sa musique à ceux qui voulaient l'entendre ou qui en avaient besoin. 

- N'Boss ! l'appela quelqu'un alors qu'il entrait dans un petit restaurant de quartier, sa cantine habituelle à chaque soir où la journée avait été bonne.
- Bonsoir Phi.
- Comme d'habitude ?
- Oui, s'il te plaît. Merci.
- Mon fils, la journée a été bonne ? s'enquit une vieille femme venant lui déposer un verre d'eau fraîche et un petit bol.
- Grand-mère Song. Oui, la journée a été très bonne, j'ai pu jouer autant que je voulais et j'ai eu l'inspiration pour de nouvelles chansons. répondit-il à la vieille femme qui lui sourit avec chaleur.
- Mon fils, pourrais-tu jouer pour nos clients ?
- Pour eux ou pour vous ? demanda le jeune homme en pouffant.

La vieille femme gloussa, les joues rosies.

- D'accord, je vais jouer, mais double ration du coup.
- Ne t'en fais pas je sais quoi te donner pour te récompenser. Merci.

Il se leva, prit sa guitare, la sortie de son boitier et l'accorda pour se mettre à jouer quelques morceaux, captivant le petit restaurant qui attira un peu plus de monde jusqu'à ce qu'ils partent tous et que Boss puisse enfin prendre son repas bien mérité.

- Avec un extra, dit l'homme de service. C'est la maison qui offre.
- Merci Phi, dit-il en plongeant sa cuillère dans la soupe pour la boire.

Il avait de l'appétit, mais appréciait surtout le fait qu'il faisait plus frais et que le calme revenait dans la salle. Bien qu'il aimait le monde, la tranquillité était surtout sa compagne et le silence son meilleur ami depuis toujours. Il n'était pas un fan des trop gros rassemblements, mais appréciait voir ceux qui l'écoutaient, apprécier l'instant.

De retour dans son appartement, Boss se délesta de ses vêtements pour aller sous la douche et retirer toute la poussière et la chaleur de sa journée, dénouant ses muscles sous l'eau salvatrice et fraîche qu'il faisait couler sur sa peau. Un léger soupir franchit la barrière de ses lèvres, un sourire les étira. 

Une fois lavé, il s'entoura la taille d'une serviette et traversa l'appartement en quête de vêtements de rechange qu'il enfila à la hâte avant de se prendre une canette de bière et de l'ouvrir devant sa télé.

"Scoop ! Nous connaissons tous les Flying Heart, ce groupe coréen qui fait fureur depuis quelques temps. Actuellement en tournée dans le monde entier pour leur nouvel album, ils se produisaient hier sur le sol anglais mais de récents évènements ont précipité leur départ pour une autre destination sur leur parcours." entendit-il à la télé par une présentatrice visiblement hystérique des nouvelles dont elle parlait.

Boss avait vaguement entendu parlé de ce groupe, mais n'avait jamais regardé quoi que ce soit d'eux ni écouté une seule musique. Pourtant à la télé il put découvrir les visages du groupe.

"Tout récemment il est fait mention d'un article qui attaque l'un des membres."

- Ce n'est pas inhabituel, soupira Boss.

" L'article y parle d'un des membres : Eul qui est moitié coréen et moitié thaïlandais, en le décrivant comme gay et qu'il serait au centre d'une polémique. Certains parlent de rumeurs, d'autres disent avoir des preuves. L'agence n'a, à ce jour, pas fait de commentaire et Spirit, le leader n'a rien dit non plus. Est-ce que les rumeurs de cet article sont vrais ou pas, on vous tiendra au courant."

Boss souffla. 

Des vidéos du groupe quittant leur hôtel après le concert pour se rendre, de nuit, à l'aéroport, il put voir le visage, malgré le bob sur sa tête, du membre impliqué et il comprit assez vite que ça l'affectait beaucoup. Même si il l'était est-ce que ça changerait quelque chose pour ceux et celles qui l'écoutaient et l'appréciaient ? Boss avait toujours eu un soucis avec ce genre de réflexions car pour lui, il n'y avait ni genre ni tares, les gens étaient ce qu'ils étaient et il jouait pour tous le monde tout comme tous l'écoutaient et le soutenaient sans regard sur ce qu'il pouvait être. Mais ce monde là n'était qu'une utopie dans son propre esprit libre. Ce garçon souffrait réellement d'accusations et de harcèlement, ça ne pouvait que ce voir ainsi et Boss se sentait désolé pour lui et son groupe. Si personne ne disait rien était-ce une stratégie pour cacher la vérité ou parce qu'ils avaient peur de ce que ça pouvait faire si ils répliquaient ?

Boss se surpris à vouloir se poser ce genre de questions pour tenter de comprendre pourquoi personne ne défendait ce garçon. Mais n'était-ce pas là la face cachée de l'industrie ? En premier plan on vous montre quelque chose et derrière la véritable action pour défendre leurs poulains ? Pourtant... Pourtant tout ne fonctionnaient pas de cette manière. Non, il y avait des cas où même les agences ne faisaient rien derrière hormis les lâcher pour ne pas se salir les mains.

- Pauvre garçon...

Mais quelque chose le fit tiquer, sur la banderole qui passait rapidement en bas de l'écran, il était indiqué que le groupe arrivait en Thaïlande dans quelques heures pour de nouvelles dates avant de reprendre l'avion pour un autre pays.

Si ils venaient ici, les croiseraient-ils ? Si ils venaient ici, serait-il tranquille ? Il était à moitié Thaïlandais d'après la présentatrice, ce qui voulait dire qu'il serait ici chez lui donc peut-être qu'ici les gens seraient un peu plus clément avec lui....

Rêver c'était bien mais la réalité était loin du rêve et il le savait.

[...]

Dans l'avion, Eul n'était pas serein. Planqué dans sa doudoune, le masque sur le nez et son bob sur la tête, il se cachait du regard des gens qu'il sentait sur lui depuis que les rumeurs de l'article avaient finalement éclatés. Il voulait pleurer mais devait faire bonne figure devant les fans, montrer qu'il allait bien et qu'il n'était pas touché par ce genre d'accusations.

Mais il ne pouvait mentir sur la véracité de l'article : Oui, il l'était... Oui il était homosexuel.

Mais dire la vérité dans son milieu pouvait lui être aussi fatal que bénéfique. Beaucoup de ses idoles s'étaient montrées au grand jour, révélant ce qu'ils étaient et il les admiraient pour ça, mais qu'en était-il de lui ? Son groupe était tout jeune et il ne pouvait rien dire dans l'immédiat car il avait trop peur des retombées sur Spirit et les autres et sur l'agence également.

Leur CEO avait une ouverture d'esprit très grande et il lui en était reconnaissant, mais il se sentait coupable de leur faire subir ça à tous. Et durant tout le trajet jusqu'à la capitale et leur hôtel, Eul se sentait mal et préférait cacher son visage déçu et triste plutôt que d'affronter les journalistes et leurs flash qui les attendaient à chacune de leurs apparitions.

[...]

Dans les rues, des flonflons se faisaient entendre.

Que chantaient-ils ? Pourquoi le faisaient-ils ? Personne ne le savait mais tous suivaient le chemin et se mettaient à les imiter, gonflant alors les rangs qui chantaient sans en comprendre la teneur par simple envie d'imiter les autres, tels des moutons ne sachant rien faire d'autre. 

Boss traversait le trottoir pour se rendre à son agence où il devait signer quelques papiers concernant ses représentations dans des endroits plus petits et clos, mais alors qu'il tentait de s'en approcher, une horde se mit à hurler.

- EUL ! C'EST EUL DES FLYING HEART !

?? Eul ? Pourquoi ce nom lui disait-il quelque chose ?

Lunettes sur le nez, Boss ne passait pas inaperçu avec sa guitare dans le dos et sa chemise ouverte sur son débardeur blanc qui traçait les lignes de son corps sculpté. Il se fit durement bousculer par plusieurs fans ou journalistes, il ne savait pas trop, qui couraient après quelqu'un de visiblement en stress. Penchant la tête sur le côté il se mit à réfléchir, jusqu'à ce que le regard de celui-ci ne lui parvienne.

Ah, c'était le garçon vu à la télé l'autre soir, se dit-il. 

- Il m'a l'air d'être dans une situation assez compliquée.

Soudain, la horde fit demi tour, car le jeune homme semblait avoir bifurqué pour leur échapper, mais c'était sans compter sur sa pauvre connaissance des lieux.

Boss observa les environs et trouva une petite passade où il pouvait clairement se planquer, mais le garçon ne la verrait pas. Devait-il l'aider ? Mais est-ce que cela ne lui apporterait pas des problèmes en plus ? Vu la situation, il ne pouvait pas être plus dans la merde que maintenant.

Boss se dirigea alors vers le petit passage et attrapa Noeul quand il fut à porté de main. Il lui mit une main sur la bouche et le plaqua dans l'ombre du passage étroit où clairement ils ne seraient pas vu.

- Ne bouge pas. murmura Boss de sa voix chaude et posée. Je ne te veux aucun mal.

Mais Noeul cherchait à se débattre. Par peur ? C'était fortement probable, il suffisait de voir dans quel pétrin il s'était mis tout seul en voulant prendre l'air. Mais la voix qui s'insinuait dans son esprit ne lui semblait pourtant pas hostile. Mais il devait rester vigilant.

- Tout va bien. continua de dire la voix sans retirer sa main de sa bouche. Ils vont pas nous voir. Respire un peu.

Respirer ? Alors que son coeur battait si fort au point de lui faire perdre la tête ? Il était si proche de s'évanouir que quand l'homme derrière lui le sentit tanguer dangereusement, il le colla doucement à son torse large et fort pour que Noeul puisse y prendre appuie.

Qui était-il ? Pourquoi l'aider ? Un fan voulant jouer les héros ? Il n'en avait pas besoin maintenant. Allait-il lui faire du chantage ?

Trop de questions, mais quand le groupe passa tout près d'eux, le jeune homme se mit à pleurer de panique, s'accrochant de toutes ses forces au bras qui lui barrait le corps pour le maintenir en place contre se torse chaud et rassurant.

- Ils sont partie, mais tu vas devoir attendre un peu avant que ça ne soit totalement safe pour toi. Je vais retirer ma main, ne cri pas. j'ai horreur de ça et j'ai les oreilles sensibles.

Il attendit cependant que Noeul esquisse un geste lui donnant son accord. Doucement, très doucement, Boss le relâcha mais alors qu'il allait reculer, il dû le rattraper pour lui éviter de tomber à la renverse.

- Dé...
- Shh... Si tu veux, je vais te ramener discrètement.
- Ils... Ils entourent l'hôtel...
- Comment as-tu pu sortir ? demanda Boss étonné.
- Je... suis passé avec un groupe de touristes en me faisant passer pour l'un d'eux.

Boss pouffa.

- Ingénieux. entendit Noeul dans son dos. Garde tout ça sur toi et ne me lâche pas.
- Où...
- Je suis censé aller à mon travail, mais en vue des circonstances, il vaut mieux que je te ramène chez moi le temps de prévenir ton manageur et que ça se calme un peu.
- N... Non ! Je...
- Tu préfères que je te laisse ici ?

Noeul trembla.

- Je me disais aussi... Allez accroche toi à moi et ne me quitte pas d'une semelle. Mon appart' est à deux minutes d'ici. Promis je ne te jette pas dans un autre problème. J'ai horreur de ça...

***