Rodéo

Le professeur Chapman a finalement réussi à me coincer hier juste après ma sortie du cours de chimie. Prétextant vouloir me parler au sujet du club de baseball, il m'a demandé de ne pas ébruiter sa relation avec Sharlene Farney et en échange, il revenait sur sa décision de ne pas nous accorder de A à Chaz et à moi durant le premier semestre.

J'ai fais mine de réfléchir un instant, histoire de le faire mariner un peu. Ensuite, j'ai exigé qu'il m'indique par écrit qu'il n'abuserait pas de son autorité au sujet de mes notes scolaires.

Pas folle la fille, ça va dans les deux sens un arrangement et moi, je ne tiens pas à ce que SexyMan oublie sa part du contrat.

Evidemment, je me suis empressée de communiquer la bonne nouvelle à mon meilleur ami qui était surtout très heureux lui, de m'informer qu'Aragog n'était pas gravement malade. Nous n'avons décidément pas les mêmes priorités lui et moi. C'est sans doute pour ça que je l'adore.

Mais là, alors que nous arrivons à Fort Worth, je regrette presque d'être venue. Naturellement, je n'ai pu éviter le chapeau de cowboy, les bottes style western et encore moins la chemise à carreau et le jeans délavé. J'ai quand même dit à Zoey que c'était légèrement exagéré mais Chaz n'est pas du même avis que moi.

Lâcheur...

Nous nous installons dans les tribunes et j'écoute avec un certain amusement mes amies évoquer certains hommes qui font partie du spectacle.

- Un cowboy, il me faut un cowboy !

- Moi aussi ! ils sont trop sexys.

Après la présentation de tous les membres du show, un groupe chante l'hymne américain a cappella. A côté de moi, deux touristes français m'interpellent dans un anglais approximatif :

- C'est très américain tout ça.

Hum, vous êtes aux Etats-Unis, normal non ?

Je fronce les sourcils et je me reconcentre sur l'arène. Enfin, après une éternité et un certain nombre de démonstrations de dressage de chevaux ou de monte de chevaux j'en sais trop rien, nous entrons dans le vif du sujet. Après trente minutes d'attente quand même.

Norah m'explique rapidement le principe de la monte de taureau : le rider doit monter un taureau et se tenir avec une seule main pendant huit secondes. Le rider se tient à une bullrope, une corde tressée à plat, munie d'une poignée renforcée de cuir. Durant la monte, le rider ne peut se toucher ni toucher le taureau de sa main libre sinon il est disqualifié. À l'issue des huit secondes de monte réglementaire, le rider doit descendre du taureau. Ces derniers sont sélectionnés, élevés et entraînés pour ce sport.

Je regarde mon amie avec des yeux ronds quand elle me dit que les bêtes sont suivies comme des athlètes de haut niveau et que l'entraînement, la nutrition et le suivi vétérinaire sont pris très au sérieux par les éleveurs.

Le speaker, sous les applaudissements de la foule présente tous les cowboys qui tenteront de sortir vainqueur de leur duel avec les bovidés. Le dernier à passer, Darren Landrigan, la star locale, devra affronter un taureau qui compte plus de soixante éjections consécutives et qui répond au doux nom de Tomahawk.

Y a pas à dire, ils ont le sens de l'humour au Texas.

Et le spectacle commence...

Je ne peux m'empêcher de pousser un cri lorsque la barrière s'ouvre: oh my God !

L'horloge qui décompte les secondes semble s'être figée, les cris du public et la musique me donnent mal à la tête et mes yeux sont fixés sur le taureau qui a jailli de sa prison comme une bombe et qui semble...déchaîné.

Il tourne sur lui-même et donne des coups de patte avec une violence inouïe.

La scène devant moi semble se dérouler au ralenti et putain, qu'est-ce que c'est long huit secondes !

A force de bondir et de se tortiller dans tous les sens, la bête en furie parvint à se débarrasser de son indésirable fardeau. Je me lève d'un bond en voyant le cowboy être projeté au sol comme une vulgaire poupée de chiffon.

Pendant une bonne trentaine de secondes, le taureau continue de ruer dans tous les sens puis il finit par se calmer et disparaître dans les coulisses, pressé par les assistants du spectacle.

Je me tourne vers Kellan, choquée :

- Non mais what the fuck ? Ils sont complètement malades !

- Tu plaisantes Karlie ! Moi je surkiffe chaque fois que je viens.

- Bande de tarés ! En plus, vous avez vu les cornes de ces animaux ?

Et le calvaire continue : les bêtes sont de plus en plus grosses, de plus en plus violentes et lorsque je vois un homme rester accroché à la bête furieuse puis rester allongé quelques secondes sans bouger dans le sable, j'agrippe le bras de Chaz en hurlant :

- Mais putain faites quelque chose !

Heureusement le mec se relève avec un grand sourire et mes amis me dévisagent d'un air moqueur.

Enfin, vient le moment que tout le monde attend. Tout le monde sauf moi. L'affrontement entre Tomahawk et Darren Landrigan.

Le taureau est déjà dans un état de surexcitation pas possible et les assistants peinent à le maintenir en place.

Lentement, le cowboy s'installe sur son dos et la bête tente de ruer dans l'étroit enclos dans lequel elle se trouve.

Etant placée non loin de là, j'entends Darren hurler « NOW ! »

Le fauve est libéré et les spectateurs se lèvent dans un ensemble parfait en hurlant à pleins poumons. Fascinée et écœurée en même temps, je regarde l'immense animal, ruisselant de bave, et sa cargaison, entamer une étrange danse.

Je crois que je n'avais jamais vu une bête aussi monstrueuse. Le pauvre Darren Landrigan est secoué comme un prunier mais malgré cela il arrive à conserver une certaine élégance dans son geste. D'accord, je dois reconnaître que ce mec est doué.

Mais en un quart de seconde, tout bascule : le cowboy est projeté dans les airs tel un pantin désarticulé et quand il retombe, l'animal se rue sur lui pour lui assener un violent coup de corne.

Un silence de mort s'installe dans la salle tandis que les secouristes installent le cowboy sur une civière. Puis, le speaker nous annonce que le spectacle s'arrête là pour ce soir.

Kellan et Terrence nous invite à passer au bar, où, bien entendu, nous ne pouvons pas commander d'alcool.

Encore secouée par ce que je viens de voir, j'entame une discussion passionnée avec Kellan, texan pur souche.

- Je ne comprends pas pourquoi ces mecs prennent autant de risques. Pour huit secondes ! Huit ridicules petites secondes !

- Ohlàlà mais relax miss ! Tu sais, il y a des sports bien plus dangereux que la monte de taureau.

- Ah parce que tu appelles ça du sport ?

- Bon écoute, je te propose d'oublier tout cela et de venir nous faire voir si tu es une bonne danseuse.

- Hein ? Mais...mais j'y connais rien à la danse country moi !

- Et bien justement, c'est le moment d'apprendre.

Je n'ai pas trop le choix et je suis donc mes amis sur la piste de danse. Si au début, je m'emmêle royalement les pinceaux, j'avoue qu'au bout d'une heure, j'arrive plus ou moins à quelque chose de potable et, avec une certaine mauvaise foi, je reconnais que je ne me suis jamais autant amusée.

Comme mon père n'aime pas trop que je sorte avec mes amis le soir, je préfère ne pas abuser de sa permission et je décide de quitter les lieux avec Chaz vers vingt-deux heures. Avant de partir, je préviens mon meilleur ami que je passe au petit coin. Malheureusement tout Fort Worth semble avoir eu la même idée que moi.

Je me mets à la recherche d'autres toilettes et, à force de déambuler dans les couloirs autour de l'arène, douée comme je suis, j'arrive à me paumer. Je pousse la première porte que je vois devant moi pour me retrouver...dans les coulisses du show.

Un homme d'une cinquantaine d'années m'aperçoit et vient immédiatement vers moi. Heureusement, il ne m'engueule pas et m'indique même des toilettes où, miracle, il n'y a personne.

Lorsque je sors, je constate qu'à nouveau je n'arrive plus à me situer. Un comble quand on sait que j'ai un sens de l'orientation exceptionnel. Ce sont ces fichus taureaux qui m'ont perturbée c'est évident !

Je marche une vingtaine de mètres puis je pousse la première porte à ma droite.

De deux choses l'une : soit ma bonne étoile a foutu le camp très loin d'ici, genre sur Mars ou sur la Lune, soit...je dois être la fille la plus douée de cette planète pour se foutre dans les emmerdes.

Quoi que des emmerdes comme ça...

Moi qui croyais avoir trouvé la sortie, me voilà en réalité dans...l'infirmerie. Enfin, je l'imagine puisque face à moi, j'ai une armoire remplie de produits, seringues et autres médicaments, ainsi qu'un lit d'hôpital sur lequel se trouve le cowboy malchanceux de tout à l'heure, Darren Landrigan. En tout et pour tout il ne porte qu'un boxer et il arbore un énorme bandage qui lui ceinture le torse.

Il me dévisage un instant avec surprise puis il m'offre un sourire radieux.

Moi...je fixe bêtement ses pectoraux.

Est-ce que je vous ai déjà dit que j'adorais les cow-boys ?

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