Je marche d'un pas rapide vers le hall de sport et les vestiaires et Chaz a bien du mal à me suivre.

- Wow ! Doucement Karlie, respire !

Je m'arrête brutalement et, quand je suis assurée que nous sommes seuls, je lui confie ce dont je me suis rappelée.

- Mackenzy Hendler.

- Qui ?

- L'ex-copine d'Ayden.

- On a fait des recherches sur elle ?

- Je pense pas. Après, rien ne dit qu'elle est liée de près ou de loin au tueur. Ou qu'elle soit LE tueur.

- Mais qu'est-ce que tu as entendu ?

- Elle parlait à une autre fille, une Juniore je pense. Je ne connais pas son nom. Elles étaient dans les toilettes du premier étage et Mackenzy se plaignait de sa rupture avec Ayden.

- Hum...en quoi ça concerne le...

- Laisse-moi finir ! Elle a parlé de la Western Hills High School en disant que si elle l'avait quittée ce n'était pas pour se faire à nouveau emmerder par une cheerleader ici.

- D'accord mais...Zoey a dit qu'elle est à Arlington depuis trois ans.

- Chaz bordel laisse-moi finir ! Voilà ce que je me rappelle. J'allais quitter les toilettes quand j'ai entendu qu'elles parlaient de la Western Hills et je me suis cachée. Je me rappelle de tout à présent.

J'inspire profondément et je débite rapidement tout ce que j'ai entendu :

- Kenzie...laisse cette pétasse tranquille. C'est peut-être ta jumelle mais c'est aussi une vraie salope. Combien de fois n'est-elle pas sortie avec le garçon qui te plaisait ? Et vu tout ce qu'elle a fait au lycée, elle peut sans doute s'estimer heureuse de ne pas avoir été choisie par le tueur des Queens.

- Justement. Il l'a peut-être volontairement laissée en vie. Ce sont ses quatre meilleurs amies qui ont été tuées. Tu te rappelles le nom de leur groupe ? Five star of Fort Worth...Sans elles, ma sœur n'est plus rien.

- La police...ils savent ?

- Bien sûr. Ashleigh a été interrogée, comme toutes les cheerleaders.

- Et ?

- Ils ont dit qu'elle avait surtout eu de la chance d'être chez sa prof de biologie pour une séance de rattrapage. Elle devait être présente ce soir-là normalement. Ses amies n'étaient même pas au courant qu'elle avait autre chose de prévu. Donc ils en ont déduit que le tueur ne l'était pas non plus et qu'il n'avait pas prévu de l'épargner.

- Hum. Tiens, elle est toujours en contact avec l'autre...

Je n'ai pas pu entendre la suite car j'avais dû quitter les lieux si je ne voulais pas être en retard à mon prochain cours. Je regarde alors Chaz, essoufflée d'avoir parlé aussi vite. Et je lui confie ce qui me hante depuis que j'ai entendu cette conversation.

La police est convaincue que la sœur de Mackenzie devait mourir elle-aussi et qu'elle a eu de la chance. Cependant, l'idée de l'ex-petite amie d'Ayden commence à faire son chemin dans mon esprit et elle ne me semble pas si tordue que cela.

Dommage que je n'ai pas pu entendre la suite.

Mon meilleur ami semble lui-aussi dans ses pensées puis, il fronce les sourcils :

- Que sait-on des filles assassinées à Dallas ? Est-on dans le même schéma ? Y a-t-il eu une survivante ?

- Je ne me rappelle pas avoir lu un truc à ce sujet. Mais...la presse n'a certainement pas eu droit à tous les détails de l'enquête. Tu le sais comme moi, le FBI ne révèle jamais toutes ses pistes.

- Mon père dit toujours qu'un tueur en série respecte souvent un même schéma.

- Pas faux. C'est une idée à creuser.

- Et je reste sur l'idée d'une vengeance. Mais, pour ce qui est du mobile exact...

Il est temps pour moi de rejoindre les vestiaires si je veux éviter une remarque de SexyMan même si je n'ai qu'une envie : m'isoler dans ma chambre pour cogiter sur le tueur des Queens.

Lors de la pause déjeuner, je constate que Mackenzie lance des regards assassins à Shaelyn qui est assise à l'autre bout de la pièce.

Pourquoi est-ce que j'ai l'impression qu'Arlington est en train de devenir une vraie basse-cour ?

Et puis...elles sont tellement ridicules !

Voilà pourquoi je m'entends mieux avec les mecs : les filles, c'est trahisons, coups-bas et méchancetés à toutes les sauces. Les garçons, eux, ils sont cash, ils ne prennent pas de gants.

Bon, ok, je n'approuve pas l'idée qu'il faut régler ses différents à grand renfort de coups de poings. Mais au moins, avec eux, quand ils ont quelque chose à dire, tout est clair, net et précis.

- Bip bip bip, attentions les filles, drama en vue ! Je répète, drama en vue !

J'éclate de rire en regardant Norah s'assoir à côté de moi :

- Toi, je t'adore !

- Je sais je sais ! Et sinon comment vont nos deux pommes pourries préférées ?

Les pommes pourries, c'est le surnom trouvé par Zoey pour désigner Jenna et Shaelyn.

Pourquoi ? Parce qu'en apparence, ce sont de belles personnes mais quand on gratte un peu, quand on prend la peine de regarder en dessous de la surface, c'est pas joli joli.

La preuve : même si les deux cheerleaders s'étaient juré une amitié indéfectible, les voilà à s'observer du coin de l'œil, à espionner les moindres faits et gestes de l'autre, à traquer les posts de chacune sur les réseaux sociaux et à cracher tout leur venin à leurs nouvelles copines.

Zoey soupire en jetant un coup d'œil à Jenna :

- On parie combien que ce soir, il y a un article sur son blog : une pauvre cheerleader du lycée machin truc se prend un coup de poignard dans le dos par son ex-meilleure amie.

- Elle n'est pas si bête quand même ? Elle va attendre que ça se tasse un peu non ?

- Ouais, possible. En tout cas, je plains Ayden.

- Qu'est-ce qu'il a encore fait celui-là ?

- Tout le lycée est au courant que Shaelyn veut le récupérer. Mais je pense bien que Kenzie a le même projet...

- Et Jenna va lui donner un coup de main.

- Voilà.

- De vraies gamines. Au moins Aby va pouvoir souffler un peu, elles la laisseront tranquille.

- Surtout qu'elle a un allié de poids maintenant.

- Hein ?

- Darren.

- Comment ça, Darren ?

- Il ne la quitte plus depuis le bal du Homecoming.

Je regarde Zoey d'un air interloquée : on parle de Darren Landrigan là ! Le mec qui tient à avoir une coiffure impeccable même secoué comme un prunier sur le dos d'un taureau en furie.

Je ne crois pas un seul instant à son réel intérêt pour Abigail. Il a dû apprendre que tout le monde la considérait comme la DUFF de Terminale.

- Non, je pense qu'il se sert d'elle pour se rapprocher de nous. Il a pas trop apprécié que je lui mette un vent.

- Pourtant il devrait comprendre que c'est ta spécialité. Ayden, Scott, lui... Tu as un sacré tableau de chasse Karlie.

- N'importe quoi.

L'idée que Darren puisse se servir d'Aby me fait grimacer. Je ne veux pas y croire mais après tout, qu'est-ce que je connais de lui ? Pas grand-chose. Et la pauvre Abigaïl est tellement naïve...

Pourtant, ce n'est pas faute de l'avoir mise en garde depuis qu'elle travaille avec nous pour le journal de l'école.

Je griffonne rapidement quelques mots dans mon carnet : je bosse mes maths avec le cowboy depuis quelques semaines mais je n'ai pas encore eu l'occasion de lui poser des questions plus personnelles. Il va falloir que j'y remédie au plus vite. Et il faut que je parle à Abigaïl.

J'ai un mal fou à me concentrer durant l'après-midi : entre mes hypothèses à propos du tueur des Queens et mes interrogations au sujet de Darren, mon cerveau surchauffe. Je bénis alors mon entraînement de baseball qui suit la fin des cours : je crois que je n'avais jamais eu autant envie de frapper dans une balle !

Lorsque je quitte le terrain, j'aperçois Scott assis sur les gradins de bois qui jouxtent la pelouse : il me fait un petit signe timide de la main puis, il quitte rapidement les lieux.

J'avoue qu'il m'intrigue. Oh merde, j'espère qu'Ayden ne lui a pas passé un savon. Il est vrai que depuis notre petite discussion au parc, Scott semble me fuir comme la peste. Déjà qu'après la blague de Curtis des garçons bien intentionnés ont été raconter à Ayden que son ami avait été très tactile avec moi, je suppose que ça n'a pas été du goût de la star d'Arlington. Même si je ne sors pas avec Scott, je ne peux pas accepter que son meilleur ami, s'il l'est toujours, l'empêche de discuter avec une fille de l'école.

Je sais que Scott est blessé au genou et qu'il ne participe plus pour le moment aux entraînements de l'équipe de basket mais c'est étrange qu'il n'aille pas voir ses coéquipiers.

Sans réfléchir, je cours après le basketteur :

- Scott ! Attends !

Il se retourne, très étonné :

- Hum...oui ?

- J'ai croisé Ayden il y a quelques semaines au Vandergriff park. Il était persuadé que nous étions ensemble toi et moi et il était très fâché. Je lui ai dit que non, nous n'étions pas en couple mais je n'ai pas du tout apprécié sa manière de s'immiscer dans ma vie privée. Et comme je constate que tu n'oses plus venir me parler depuis, je voudrais savoir si Ayden t'a menacé.

- Oh, euh...écoute, on a un code d'honneur entre nous : on ne va jamais concurrencer un ami s'il a envie de sortir avec une fille du lycée et...

- Minute ! Je ne sors pas avec Ayden. Je lui ai dit qu'il ne m'intéressait pas.

- Ah ! Ce n'est pourtant pas ce qu'il nous a raconté.

- Hein ? Comment ça ?

- Enfin, non, il n'a pas dit que vous étiez ensemble mais...

- Ooooh je pense que j'ai deux mots à lui dire à celui-là !

Et, avec ma délicatesse naturelle, je plante là le basketteur dans l'idée d'aller refaire le portrait de son charmant camarade.