La mémoire me revient

J'ai pratiquement terminé la décoration de la maison pour Halloween qui a lieu dans deux semaines. Fausses toiles d'araignées, squelettes, guirlandes oranges et noires, citrouilles, je pense que je n'ai rien oublié. J'ai cependant veillé à ce qu'il n'y ait rien de choquant ou de sordide donc pas de faux cadavre et encore moins pas de fausses éclaboussures de sang sur la façade.

Le sang...

Cinq jours après le bal du Homecoming, la nouvelle avait fait le tour de l'école comme une traînée de poudre. Nous avions eu la confirmation que Shaelyn avait mis en scène sa fausse disparition et le sang retrouvé dans les toilettes du hall de sport était...d'origine animale !

La presse locale s'en est donnée à cœur joie, expliquant comment la cheerleader avait eu l'idée de dérober une pochette de sang dans le cabinet vétérinaire de son oncle et de mettre en scène un kidnapping simplement pour essayer de récupérer son petit-ami.

Quand je vous dis que cette fille est tordue...

Elle a sans doute dû chopper l'idée sur Netflix.

Je dois quand même reconnaitre que c'était assez bien imaginé. D'ailleurs, je suis certaine qu'elle pensait sans doute récolter un grand nombre de félicitations pour sa charmante petite mise en scène. Mais en fait...non !

Tout le monde se fout de sa gueule depuis les révélations de The Arlington Times et son étoile a sacrément pâli dans le lycée...

Et pour couronner le tout, Jenna a décidé de quitter les cheerleaders et elle a posté un article sur son blog au sujet de la plus grande diva des lycées du Texas.

Inutile de chercher bien loin son inspiration...

- Pas mal tes décos Karlie !

Je me retourne pour faire face à Kellan, Terrence, Norah, Zoey et Chaz qui observent avec attention la façade de ma maison. Nous avons prévu de répéter notre pièce de théâtre sur laquelle nous serons évalués en début d'année prochaine, à la fin du semestre.

Pour le moment, j'avoue que nous ne sommes pas très sérieux ni très concentrés. L'échéance est encore loin et nous ne ressentons pas encore la nécessité de travailler à fond.

Nous restons appliqués pendant une heure, jusqu'au passage fatidique. Lors de notre première répétition, Kellan a eu le malheur de butter sur un mot et nous avons été pris d'un tel fou-rire qu'il nous a fallu plus d'une demi-heure pour retrouver notre sérieux. Depuis, nous n'arrivons toujours pas à jouer ce passage correctement et je ne sais vraiment pas comment nous allons nous en sortir.

Cette fois, ce n'est pas la grimace de Zoey ou les grognements de Terrence qui nous interrompent mais mon père qui pénètre dans ma chambre sans même s'annoncer.

La tête qu'il tire m'incite à ne pas lui reprocher son intrusion fortuite.

- Karlie, je dois m'absenter une ou deux heures. J'ai prévenu Richard. S'il y a quoi que ce soit, tu lui téléphones. Je ne serai pas joignable jusqu'à mon retour.

- Euh...ok.

Même pas le temps de lui dire quoi que ce soit, il est déjà parti. Chaz et moi nous nous dévisageons en silence : quand nos paternels nous donnent ce genre de consignes, c'est parce qu'ils ont prévu une planque.

Comme ils ne sont à Arlington que pour le tueur des Queens, j'en déduis qu'ils ont réussi à obtenir des renseignements fiables.

Depuis le bal du Homecoming, tout le monde sait que mon père et celui de Chaz bossent pour le FBI, merci Scott. C'est ainsi que nous sommes devenus les curiosités du lycée. Il ne se passe pas un jour sans que quelqu'un vienne nous demander des infos pour devenir agent. Une fille voulait même l'autographe de mon père !


Je n'ai plus envie de bosser pour l'école et je propose à toute la troupe de sortir prendre l'air dans le jardin. Il fait encore très doux, comme si l'été n'était pas totalement achevé. J'ai même du mal à croire que dans deux mois nous serons en hiver.

- Ton père a des ennuis Karlie ?

Je me tourne vers Norah :

- Aucune idée. Il ne parle jamais de son boulot avec moi.

- Mais si tu es ici, au Texas, c'est parce qu'il bosse sur le tueur des Queens ?

- Tout le monde le sait...

Allongée dans l'herbe sur une couverture, j'observe le ciel où bourgeonnent quelques nuages puis, je ferme les yeux quelques secondes.

Je suis brutalement réveillée par quelqu'un qui ne cesse de me secouer comme un prunier :

- Karlie ! Karlie réveille-toi ! Tu fais un cauchemar, nous sommes là !

Dégoulinante de sueur, j'ouvre les yeux et je me relève brusquement. Ma vue se brouille un instant puis je remarque les visages anxieux de mes amis. J'ai dû m'endormir. Et j'ai à nouveau fait ce cauchemar...

Je constate que la luminosité a fortement baissé et, d'une voix légèrement enrouée, je demande à Kellan si j'ai dormi longtemps.

- Deux heures ! On n'a pas osé te réveiller mais quand tu as commencé à crier, Chaz a compris que tu faisais un cauchemar. On va rentrer chez nous, il est tard. On se voit lundi ! Et,...Karlie, arrête de rêver à la soirée d'Halloween !

Je tente un sourire qui doit sans doute plus ressembler à une grimace qu'autre chose :

- C'est de votre faute aussi. A force d'en parler H24...

Après leur départ, Chaz m'interroge sur mon cauchemar :

- C'est toujours ce fameux truc dont tu n'arrives pas à te rappeler ?

- Sûrement. Mais maintenant, je suis convaincue que c'est une phrase que j'ai entendue au lycée.

- Ah oui ?

- Hum. Mon cauchemar au début, c'est juste un bête rêve. Je marche dans les couloirs du lycée, je te vois, je me dirige vers toi. Puis les lumières se mettent à s'éteindre et à se rallumer brusquement. Et là...j'entends une voix. Genre comme si je me trouvais dans un film d'horreur. Mais je n'arrive pas à comprendre ce qu'elle dit. J'ai l'impression que, si cela ne concernait pas le tueur des Queens, je n'en ferais pas une telle fixation et je ne me sentirais pas aussi angoissée.

- Ah oui effectivement...bah écoute, je suis pas un spécialiste mais...puisque nous passons nos journées au lycée cela devrait finir par te revenir non ?

- Ou pas...

Je passe une mauvaise nuit. Encore une. Cette désagréable sensation de savoir quelque chose d'important m'empêche de dormir.
Et la tête que mon père tirait en rentrant à la maison n'a pas arrangé les choses.

Je ne suis pas spécialement enthousiaste en retournant au lycée. Pourtant, mes résultats sont bons, notre équipe de baseball enchaîne les victoires et je me sens très bien dans mon petit groupe d'amis. Mais c'est d'un pas traînant que je me dirige vers mon casier : j'y dépose lentement les affaires dont je n'ai pas besoin puis, j'inspecte le couloir sans trop savoir ce que je cherche.

Des éclats de voix retentissent alors derrière moi et, très étonnée, je vois Ayden se disputer violemment avec Scott et Zachary. Et ça ne s'arrange pas quand les trois garçons m'aperçoivent en compagnie de Chaz.

Bon sang, pourquoi la vie est-elle aussi compliquée ?

Peu désireuse de me retrouver au beau milieu du jeu de quilles, je m'esquive vers ma salle de classe en pestant sur le fait que Scott partage exactement les mêmes cours que moi.

Plusieurs choses se passent alors simultanément : je vois Zachary empêcher Ayden de donner un coup de poing à Scott, je remarque que Shaelyn se précipite vers son ex-petit ami et, allez savoir pourquoi, c'est à ce moment précis que la mémoire me revient.

Je fixe le couloir, hébétée, mais la voix puissante de Monsieur Weaverling me ramène très vite au présent. Je me laisse docilement amenée par Chaz dans ma salle de classe et je fais un bond sur ma chaise lorsque notre cher principal claque violemment la porte de la pièce.

Son visage rouge de colère me fait craindre le pire. Mais pendant quelques secondes, il se tait et se contente de nous observer un par un.

Puis, vient un sermon que je ne suis pas prête d'oublier. Il faut dire que les élèves de Terminale ont déjà causé quelques soucis depuis le début de la rentrée scolaire. Outre la fausse disparition de Shaelyn lors du bal du Homecoming, plusieurs vols ont été commis au sein des bâtiments, les toilettes des garçons ont été vandalisées à cinq reprises et il y a un petit groupe qui a décidé de pourrir la vie de notre prof d'algèbre.

Pendant la moitié du temps qui devait normalement être consacré à l'histoire des Etats-Unis, nous subissons les foudres de Monsieur Weaverling qui menace ensuite d'exclure tout élève incapable de se comporter correctement.

Je l'écoute à moitié et je réprime mon envie de prendre mon carnet pour y griffonner toutes les pensées qui se bousculent dans ma tête.

Après son départ, je suis dépitée en constatant que notre professeur utilise les minutes qui lui restent pour nous faire la morale à son tour.

Chaz, qui a compris que j'attendais avec impatience de pouvoir lui parler librement, se lève en même temps que moi dès que la sonnerie retentit.

Je l'entraîne à l'extérieur, puisque nous avons sport, et je lui détaille ce dont je me suis souvenue.



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Je sais je sais, je coupe toujours au bon moment... ;-) 

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