Humiliation publique
- Je ne savais pas que des fans devaient venir me voir !
- Hum...sans vouloir vous vexer, je ne fais pas partie de vos fans. Je me suis juste...gourée de porte. Au fait, ça va votre blessure ?
- Oui, ce n'est rien. Quelques points de suture, un peu de repos et dans dix jours je reprends mon rôle.
- Vous êtes barge.
- Tu n'es pas du coin ?
- Non. Mon père et moi nous venons de déménager. Bon, je vais vous laisser vous reposer.
- Hum...ça te dit d'aller boire un verre avec moi un de ces jours ?
Non mais il se prend pour qui lui ? Déjà, je ne le connais pas. Ensuite, c'est un cinglé qui aime se mettre en danger avec des espèces de brutes baveuses et sanguinaires. Et puis, une fois mon diplôme en poche, bye bye Arlington. Du moins, je l'espère.
Il ne manquerait plus que mon père n'arrive pas à choper son tueur d'ici à la fin de l'année scolaire. Quoi que. Si je prends exemple sur Peter Burke, il a mis trois ans à coincer Neal Caffrey. Mais bon, c'est une série télévisée aussi.
Je décline donc poliment l'offre de Darren Landrigan qui a l'air à présent de me détailler comme une marchandise.
A force de bosser avec du bétail, ça doit forcément attaquer le cerveau.
Il ne me faut ensuite que trois petites minutes pour retrouver mes amis qui commençaient à se demander si je ne m'étais pas volatilisée.
Je me contente de leur dire qu'il y avait du monde aux toilettes puis, nous reprenons la route en direction d'Arlington.
Chaz est le dernier à quitter ma voiture et, avant de me laisser, il me dit :
- Tu me raconteras ce que tu as réellement fait Karlie ? Parce que le coup des toilettes...
S'il n'avait pas pour ambition de travailler au Muséum américain d'histoire naturelle dans l'Upper West Side, Chaz ferait un bon enquêteur c'est certain.
Je lui fais un petit signe de la main puis je rentre chez moi.
Le lendemain, je consacre la matinée à mes devoirs puis je sors faire un tour avec Chaz. Je lui raconte brièvement mon tête à tête avec Darren Landrigan et mon meilleur ami se met à rire :
- N'importe quelle fille du coin lui aurait sauté dessus et toi, tu lui mets un vent. Sacrée Karlie ! Et pour notre enquête, comment tu vois les choses ?
- Demain soir les cheerleaders recommencent l'entraînement. Comme elles recrutent, c'est ouvert au public. J'ai bien envie d'aller y faire un tour.
- Et le baseball, tu commences quand ?
- Les tests ont lieu mercredi. Dieu merci, papa s'était planté, il y a bien une équipe de filles.
Je passe ma soirée à zieuter sur Google les articles liés aux tueries de Dallas et de Fort Worth et je n'apprends pas grand-chose.
En réalité, je soupçonne les journalistes comme le FBI de ne tenir aucune piste solide. C'est le tueur qui doit bien rigoler !
Mon père, quand il consent à lâcher deux trois trucs à ce sujet, semble pencher pour un adulte et non pour un lycéen comme la presse.
Et moi, je n'en ai aucune idée même si, je serais plutôt tentée de dire que c'est un élève qui est dans le coup.
S'attaquer aux cheerleaders c'est toucher à l'un des piliers du lycée. Les filles qui composent la troupe d'Arlington sont considérées comme des icônes. Si tu t'en prends à l'une d'elles, c'est à l'école que tu t'attaques.
Le lendemain, je décide de consacrer ma semaine à compléter mes observations. J'ai défini plusieurs groupes d'élèves et je compte bien glaner le plus de renseignements possibles à leur sujet.
Il y a d'abord ceux que tout le monde surnomme les « geeks ». Il s'agit d'une dizaine d'étudiants, filles et garçons, passionnés de jeux vidéos et d'informatique.
Ils ont l'air inoffensif comme ça mais...je sais bien qu'il ne faut jamais se fier aux apparences.
En tout cas, ils ne font pas partie, pour le moment, de ma liste de suspects car aucun, selon Zoey et Terrence, n'a eu de conflit avec un prof ou un élève.
Contrairement à ce que je pensais, ils ne sont pas du genre asocial et il y a même moyen d'avoir des conversations sympas avec eux.
Pendant que je mange mon repas à la cafétéria, je consulte mon carnet et les notes que j'ai prises au sujet du deuxième groupe : les DUFF.
Vous savez, ces filles au physique banal voir ingrat (selon les dires de leurs camarades de classe), qui traînent souvent avec deux autres filles plus jolies qu'elles, qui sont mal habillées ou qui portent des fringues de mecs pas du tout sexys, qui jouent les entremetteuses pour leurs copines et qui ne se rendent pas du tout compte qu'elles sont invisibles pour les mecs du lycée et qu'elles ont ce statut de DUFF.
Le problème c'est que lorsque l'une d'entre elles se rend compte de l'étiquette qu'on lui a collée sur le dos...ça craint.
Parce qu'en général elle cherche à se venger de l'affront que lui ont fait ses « amies ». Sauf que ça ne se passe pas vraiment comme dans les films qui se finissent toujours en happy end.
L'année dernière, une fille de Terminale s'est suicidée après avoir vécu l'enfer pendant six mois. Elle avait compris pendant une soirée qu'elle était une DUFF et, bien entendu, elle a cherché à se venger. Sauf que, ça s'est retourné contre elle et cela a déchaîné la hargne de certaines de ses camarades qui se sont amusées à la dénigrer sur un groupe public Facebook.
Un jour, la fille a été retrouvée pendue dans sa chambre.
Norah m'a indiqué qui était la DUFF de notre classe : Abigaïl Siefring. Elle n'en a absolument pas conscience et je trouve cela regrettable. A part quelques rondeurs, mais qui n'en a pas, Aby est une fille formidable. Du moins, c'est mon avis.
Comme tout se sait très vite au lycée, j'ai eu vent de certaines publications sur le net à son sujet. En fait, l'une des cheerleaders, Jenna Coghills, publie une sorte de petite revue pour concurrencer le journal du lycée, parce qu'elle n'a pas réussi à en intégrer son comité de rédaction.
Son but ? Tourner en ridicule le plus grand nombre d'élèves et de professeurs d'Arlington. Mais, selon Norah, Aby est sa cible favorite.
Un instant, j'oublie le tueur des Queens et je me mets en tête de venir en aide à Abigaïl.
Le souci, c'est que Jenna Coghills est très intelligente : comme la concurrence est rude entre lycées, elle fait croire que son journal est destiné à souder les élèves d'Arlington contre les médisances des autres établissements.
Elle présente donc ses articles de manière à ce que nous nous sentions supérieurs aux, je la cite, pitoyables lycéens des écoles de Castleberry High School, de Trinity High School ou encore de Mansfield High School, trois établissements du comté de Tarrant, le même comté qu'Arlington.
Le bruit qui court aujourd'hui c'est qu'elle a prévu d'humilier Abigaïl ce soir lors de la réunion des cheerlaeders.
Tout le monde sait qu'Aby aimerait rejoindre le groupe mais...Jenna et Shaelyn Ackley ne veulent que des filles au physique irréprochable, des filles sportives et à la tête bien remplie.
Oubliez le cliché qui dit que les cheerleaders sont des blondes écervelées. Jenna et Shaelyn, ainsi que toutes leurs copines, font partie des meilleures élèves du lycée. Mais ce sont aussi de vraies garces qui utilisent leur intelligence pour démolir leurs « ennemies ».
Une idée saugrenue me vient en tête tandis que je rejoins le hall de sport avec Norah et Zoey : selon mes notes et mes hypothèses au sujet du mobile du tueur des Queens, Abigaïl possède le profil idéal.
Je décide de m'installer à côté d'elle dans les gradins, histoire de nouer le contact. Je me présente rapidement, Zoey et Norah font de même et nous nous lançons dans une discussion au sujet de l'entraînement des cheerleaders.
La plupart des filles sont des gymnastes et lorsque je les vois s'échauffer, je suis assez admirative. Abigaïl me confie alors qu'elle n'a jamais pratiqué le moindre sport par peur de montrer son corps un peu rond aux autres et qu'elle a surtout la phobie du vide.
Problématique pour quelqu'un qui aimerait rejoindre la troupe des cheerleaders.
En soupirant, Aby se tourne vers moi :
- Je sais bien que je n'en ferai jamais partie. Je suis trop grosse. Ce matin j'ai posté un message sur mon mur Facebook : j'ai reçu de gentils commentaires mais je ne suis pas idiote non plus. Je n'ai pas le physique requis et mes notes ne sont pas assez bonnes.
Je consulte discrètement le message en question et, connaissant à présent les capacités rédactionnelles de Jenna, je comprends que c'est du pain béni pour sa revue.
Norah et moi nous tentons ensuite de retenir Abigaïl qui est invitée par Shaelyn pour effectuer un test avec toutes les autres candidates.
Si elle s'en sort admirablement bien pendant la partie « danse », Aby se met à paniquer lorsque Jenna lui demande de grimper sur le dos de l'une des filles.
Gentiment, les deux leaders du groupe la prennent par le bras et l'invitent à s'assoir sur un banc. Je suis verte de rage car je sais qu'elles font juste les faux-culs.
D'ailleurs, dans la salle, plusieurs filles gloussent tout en dévisageant Abigaïl.
Zoey, Norah et moi, nous décidons de suivre Aby lorsque nous la voyons sortir en courant de la salle. Après avoir vomi le contenu de son souper, notre pauvre camarade s'écroule par terre.
Je tente de la réconforter mais elle reste inconsolable.
Je la raccompagne ensuite jusque chez elle et, prise d'une inspiration soudaine, je lui propose de rejoindre l'équipe du journal de l'école.
Le sourire qui illumine alors son visage me fait penser que non, cette fille ne peut pas être une meurtrière.
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