Chapitre XXIII
Le ciel était d'un bleu éclatant ce matin là et les rayons du soleil commençaient à réchauffer ma peau encore humide de la nuit. La clairière où nous nous trouvions avait prise une toute autre apparence que la veille, elle parraissait davantage lumineuse et grande que lors de mon réveil.
Nous étions désormais tous les quatre en cercle au centre de la pelouse, nous tenant enfin prêt pour ce fameux entraînement dont m'avait fait part Axel. Je me tenais prête. Prête à devenir plus forte par n'importe quel moyen, je ne lâcherais rien tant que je serais avec eux. La rage et la colère avaient pris place au fond de mon coeur, elles s'étaient nourrit des visions que j'avais eu d'Axel et me donnaient l'envie de me battre bien plus encore. Je saurais faire face.
Axel se trouvait en face de moi ainsi que Joe et Triss qui se tenaient tous deux à mes côtés. Je fut surprise lorsque Joe m'avoua dès son arrivé qu'il avait tout dévoilé à Triss à propos de nos dons, lui qui quelques jours auparavant était furieux contre moi car j'avais produit plus ou moins la même chose en mettant la puce à l'oreille de sa bien aimée. Cela ne me fait rien mais j'espère une seule chose, qu'elle ne parviendra pas à me juger par la suite, avec toute l'affection que je lui porte. C'est la seule réelle chose qui m'effrait mais ce n'est ni le moment, ni le lieu pour réfléchir à ce genre de problème. Il faut que je reste entièrement concentrée sur mon but.
- C'est à toi de jouer, me coupe Axel en me tendant le fameux grimoire volé au Shundle.
Je m'en saisis et essais de me contrôler tant bien que mal pour éviter que mon coeur ne s'emballe et que je ne me laisse envahir de trop par la peur de cet inconnu qui m'attend.
Le grimoire est vraiment imposant dans mes mains frêles et rejette une odeur de renfermé mélangée à de la moisissure. Je l'ouvre sans tenir compte du début et arrive au milieu du receuil, sur des pages froissées et déchirées dans les angles. Je note l'ancienneté du grimoire et son usure laissée par tous ces siècles de recherches pratiquées par le Shundle, à la recherche du Graal, de cette perfection de pouvoirs. Mais mon secret se cachait entre ces lignes toutes écrites en un vieux latin, mes pouvoirs d'Impure ne pouvaient être exercés qu'à partir de ce receuil, bien que la façon dont je devais l'utiliser m'était encore bien inconnu.
Je parcours des yeux la première ligne de la page et décide de la lire à voix haute, sans trop savoir ce qu'elle désignait:
- Vos vires adepto, est animus tibi ...
Dis-je d'une voix douteuse.
- La force tu auras, le courage tu trouveras, traduit machinalement Axel.
Je lève aussitôt les yeux en sa direction, surprise par sa connaissance si inattendue de cette ancienne langue. Je décide néanmoins de poursuivre.
- Impura credit in vobis, mundus est in pedes ...
- Impure crois en toi, le monde est à tes pieds, poursuit naturellement Axel.
Quand soudain, des légers picottements se font ressentir au bout de mes doigts, au fil des phrases que je site. Ma vision se floute de plus en plus et c'est à peine si je parviens à continuer ma lecture. Ces phrases en latin on réellement un vrai pouvoir sur moi. Un goût amer se dépose dans ma bouche et des soupçons de nausées se font ressentir dans mon estomac. Si ca continue, je ne pourrais pas achever!
Restes forte Angie!
Je poursuis tant bien que mal ma lecture, sans pouvoir même entendre le son de ma voix, mes oreilles étant totalement bouchées désormais.
- Spirar, ... Furtum, ... In calamo!
Parvenais-je difficilement à dire.
- Respire, Vol ... Deviens plume! Acheva Axel.
Après le brouillard, la lumière. Ma vision s'éclaire tout à coup et mes oreilles retrouvent leur audition. Mon corps entier est désormais prit de picottement. Je n'ai plus aucunes sensations, pas même celle de pouvoir contrôler mon corps un instant. Mes compagnons attendent que quelque chose se produise mais en vain. Un long silence s'installe et nous nous quittons pas un instant du regard, attendant que les phrases ditent à voix haute, se réalisent comme par magie.
Mais c'est alors que les picottements se mettent à cesser aussitôt. Je regarde avec stupéfaction mes mains et rejoins Axel du regard, cherchant désespérément une réponse de sa part.
Mais à ma grande surprise, c'est Triss qui trouve réponse à mes questions:
- Impura credit in vobis! Il faut qu'tu crois en toi Angie. Crois en tes pouvoirs. Tu es une Impure, la seule!
C'est vrai, elle a raison, il faut que je crois en ces citations, que je puise mes forces et les rejete sur ce que je lis.
Je prend une grande inspiration, ferme les yeux et répète sans cesse cette dernière phrase dans ma tête:
Spirar... Furtum... In calamo...
Spirar, Furtum, In calamo ... !
SPIRAR, FURTUM, IN CALAMO!
Soudain les fourmillements dans le bout de mes doigts refont leur apparition, mes oreilles se remettent à bourdonner et ma vision se trouble le temps d'un léger moment.
Je baisse les yeux en direction du sol et remarque que ce-dernier s'éloigne peu à peu dessous mes pieds. Mon corps s'élève lentement dans les airs sans que je ne contrôle réellement quelque chose. Le vent me porte, je me sens si légère un instant, je me sens si vivante! J'écarte mes bras comme pour garder un certain équilibre mais laisse mes pieds joints pour amortir une éventuelle chute.
Mes trois amis me sourit et je parviens à lire dans leurs regard l'épanouissement de mon tout premier exploit. Je leur rend ce sourire si communicatif, ce qui me déstabilise et me déconcentre dans mon élévation. Mon corps tout entier se laisse alors glisser des trois mètres de hauteur qui nous sépare et je me retrouve aussitôt propulsée au sol, tout près d'eux.
- Oh, ça va? S'inquiète Axel, se ruant au plus vite vers moi.
- Tu y es peut-être allée trop fort!S'exclame Joe, ne bougeant pas de sa place.
- Ce n'est rien. Il faut que je recommence! Lancais-je sans perdre de temps, tout en me relevant.
Je reproduis l'expérience aussitôt et ne me laisse distraire par aucune autre occupation telle qu'elle soit.
Mon corps s'élève encore plus haut cette fois-ci et sans que je m'en rende réellement compte, je me retrouve rapidement au sommet des sapins de la forêt. Mon corps s'est élevé de lui-même à la vertical et je me surprends à penser que je peux sûrement me déplacer grâce à ce nouveau pouvoir. Ne quittant pas la citation de mon esprit et restant plus concentrée que jamais, je fixe une branche sur laquelle je pourrais me poser et qui se trouve à quelques dizaines de mètre de moi. Je ne l'a quitte pas du regard et puise toute mon énergie sur mon but.
Puis soudain, mon corps tout entier se dirige aussi vite que mes pensées, vers cette branche dégarnit du sapin. Je parviens à me stabiliser en empoignant le tronc de mes bras, restant encore maladroite face à cette toute nouvelle compétence.
Vu d'ici, le paysage est d'autant plus fabuleux et spectaculaire. Je découvre l'immensité de la verdure et du lac, et me surprend même à me trouver minuscule face à toute cette nature intimidante. Cette nature qui me fait me sentir plus vivante et plus forte que jamais, me donnant un vent de liberté et m'autorisant à me laisser pousser des ailes.
Alors que je commençais à apprécier ce silence si rare que m'offrait la nature, une seconde branche non loin de moi se mit à bouger. Axel venait à l'instant de me rejoindre, se servant de son pouvoir toujours aussi imprévisible à mes yeux, de téléportation.
- Je te cherchais, me confit-il. Alors, que penses-tu du monde vu de cet angle?
- C'est merveilleux. Je n'aurais jamais cru un jour pourvoir... faire ce genre de choses.
- Et ce n'est qu'un début. Tu n'as encore rien vu. Me lance-t-il tout en se rapprochant de moi, se tenant désormais sur la même branche.
Nos deux corps demeuraient très proche, son épaule côtoyant la mienne et sa hanche effleurant mon bassin sans que nous le voulions réellement. Nous pouvions perdre l'équilibre d'un moment à un autre alors il était vrai qu'il fallait bien mieux nous maintenir, et ce n'était pas sans me déplaire!
- Pourquoi es-tu venu rejoindre? Osais-je lui demander tout en appréhendant sa réponse.
- Pour veiller à ce qu'il ne t'arrive rien de mal, répondit-il tout en me souriant. Souviens toi que je dois te protéger!
Sa réponse me fit rougir aussitôt et je ne su quoi renchérir sur cela. Il remarqua ma gêne et l'accentua en déposant délicatement sa main chaude sur la mienne. Mon coeur s'emballa aussitôt et mon dos fut parcouru d'un immense frisson on ne peut plus agréable, qui remonta jusqu'à la naissance de mes cheveux. Sa présence et son touché me faisaient un tel effet!
Il continua son geste et mêla à ma grande surprise, ses doigts aux miens, ne formant plus qu'un seul lien solide entre nos deux êtres. Ma main était désormais humide et devait paraître molle au creux de la sienne si forte et si solide. Je ne su à cet instant même où il voulait réellement en venir, mais je désirais par dessus tout que ce moment dur une éternité et qu'il ne s'arrête jamais.
Délicatement, je me tourne en sa direction pour croiser le temps d'un instant son regard, quand une voix féminine s'exclame au pied du haut sapin où nous étions sagement installé.
Je baisse la tête en sa direction et parviens difficilement à reconnaître la personne.
Elle était grande et longiligne, et était vêtue d'une longue cape noire qui recouvrait ses talons. Elle baissa sa capuche et dévoila enfin son doux visage.
Elle avait le crâne dégarnit, mais ses lèvres rosées offraient un contraste remarquable.
Elle leva sa tête en ma direction et s'adressa:
- Bonjour Angie.
Je voyais alors ma mère pour la toute première fois.
***
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