Chapitre 26.1 ✔️
M A L E K
« L'activité démoniaque devient de plus en plus intense au niveau de la forêt. »
« Si tu ne réussis pas à localiser le démon jumeau, tu peux peut-être localiser le tien. »
« Les anges continuent de disparaître. Sans doute capturés par Aversion. »
« C'est beaucoup trop risqué. On peut pas y aller ! »
« La Skogsra est réceptive à ceux qui peuvent l'aider dans sa tâche. »
« Eneko est pas chez lui ni chez sa grand-mère. Il est sorti en milieu d'après-midi, apparemment, puis plus rien... »
Mon esprit rassemblait toutes les informations possibles, mais plus je tentais de trouver une solution logique et raisonnable, plus mon désir de partir dans cette forêt augmentait.
Après mon escale à l'Angélique, j'étais retourné chez moi sous les multiples conseils de Sonja. Ma grande sœur, malgré son nouvel appartement, tenait à repasser souvent. Elle m'avait rappelé qu'elle serait là si jamais un problème m'éloignait de nos parents. Elle se montrait toujours disponible et cela me rendait le sourire. Après de longues heures interminables, ma chambre respirait enfin. Tout rentrait en ordre, à peu de choses près. Je refusais d'avouer savoir quoi que ce soit à ma famille malgré leurs questions excessives.
La nuit, je ne réussis pas à dormir. Eneko envahissait mes pensées et trouver le sommeil dans cette chambre restait ardu. Qu'importe où je regardais, le sang chaud de la Mara giclait encore...
Alors, à la première lueur du soleil, j'envoyai un message à Sonja, qui avait passé sa nuit au QG. Apparemment, il y avait aussi des salles de repos et des chambres spéciales, là-bas. Décidément. Quoi donc ce café pouvait-il cacher, encore ?
Je la retrouvai à huit heures, elle et sa tête de déterrée. Elle n'avait pas l'air de s'être rendue compte que son maquillage s'était disséminé sur son visage durant la nuit.
— Excuse ma gueule, j'ai passé toute la nuit à réfléchir. J'risque de pas être présentable pour sauver Eneko.
Je gloussai à cette vue.
On se doutait qu'Anaël avait emmené Eneko dans la forêt. Une aubaine, puisque c'était là-bas que se trouvait notre dernière chance de l'aider : la Skogsra. On avait essayé de retrouver le blond sur les réseaux, mais il ne laissait aucune trace de son existence.
La forêt était reculée, et à cette heure-là, impossible de trouver quelqu'un pour nous y emmener. Les parents de la brune allaient travailler. On devrait se préparer pour l'université d'ailleurs, mais la vie de notre ami était plus importante.
— Faut encore qu'il y soit, soupirai-je.
— C'est notre dernière piste, et la plus plausible. On n'a pas le choix.
De toute évidence, on avait du temps devant nous, le soleil se levait seulement. Avec un peu de chance, les démons dormaient encore...
Au bout d'une marche interminable, les premiers arbres, se dévoilèrent. Loin derrière, la ville se réveillait encore, au bout d'un sentier vide encerclé par les champs. On aurait dit un couple en randonnée.
— Dès qu'on pose un pied dans la forêt, on doit faire attention, d'accord ? s'imposa Sonja. C'était comment, la première fois que tu l'as vue ?
— C'était... vraiment chelou. J'avais l'impression qu'elle disparaissait et réapparaissait entre les arbres, et j'ai été... attiré par elle ? Comme un aimant. J'me contrôlais même plus, mais j'avais pas l'impression qu'elle voulait parler...
— Et elle ressemble au dessin du bestiaire ?
— À peu de choses près, ouais. Après, j'm'en souviens plus trop, c'était pas hier.
Ma flamme s'intensifiait à l'approche de la forêt. Elle ressentait sans doute l'activité furieuse des démons que l'un des guerriers avait noté la veille.
On encourrait un grand danger.
Et si l'on ne rencontrait pas la Skogsra, ou qu'elle refusait de nous parler — si jamais elle le pouvait ?
Je secouai mon crâne pour me débarrasser de mes craintes. On pénétra dans la forêt et erra de longues minutes en veillant à ne pas trop s'éloigner l'un l'autre pour éviter tout accident.
— Y'a pas un rituel ou un chant démoniaque pour l'invoquer, par hasard ? m'exaspérai-je.
— Tais-toi !
Sonja m'agrippa le bras avec violence, à la limite de le tordre, afin de m'arrêter.
— C'est elle !
Au loin, près de la rivière qu'elle pointait du doigt, une silhouette féminine errait.
Toutefois, mon regard ne se posa pas sur elle.
Une rivière ? Il n'y en avait pas dans ce coin-là, pourtant ! Comme la première fois...
Sonja se hâta vers la créature sans que je puisse lui faire part de mes interrogations. J'accourus en sa direction.
Plus on approchait, plus je discernais les racines qui s'enroulaient autour de son corps. Ce dernier se mouvait contrairement à la première fois, comme si elle était passée en forme « active ».
Malgré l'aspect humain de la Skogsra, elle dégageait une aura surnaturelle. Des taches sombres parsemaient de son anatomie. Seuls de longs cheveux frisés, ébènes et sales couvraient sa peau et l'un de ses yeux. Son iris brillait malgré une curieuse obscurité, comme de l'obsidienne. L'orifice qui lui remplaçait le dos aspirait la lumière aux alentours ; celle-ci s'atténua lorsqu'elle se retourna vers nous.
J'avais l'impression de revivre notre première rencontre. Se souvenait-elle de moi ? Sa taille nous dominait, plus que dans mes souvenirs. Sois pas hostile, s'te plaît...
J'adressai un regard à Sonja, paralysée, et la réveillai d'une secousse brève. Les yeux sombres et pourtant fins de la créature faisaient froid dans le dos, malgré la beauté évidente qu'elle dégageait. Cependant, elle ne semblait pas prendre beaucoup de douches...
— Nous sommes venus demander de l'aide, annonça Sonja. Avec tout votre respect, nous pensons que vous pouvez nous aider à retrouver quelqu'un.
— Vous êtes gardienne de la forêt, n'est-ce pas ?
Pas un mot ne sortit de sa bouche. Seul le vent souffla plus fort sous les déversements de la rivière. Les racines qui la recouvraient glissaient le long de ses jambes, relevaient sa poitrine et s'enfonçaient dans son dos ou dans le sol.
— Nous cherchons un ami, nous pensons qu'il est dans la forêt, capturé par Aversion, avec d'autres de notre peuple. Nous aimerions nous y rendre, mais nous ne pouvons pas vaincre tous les démons seuls.
Là encore, pas de réponse. Toutefois, elle pivota vers une autre direction, rendant l'énorme creux dans son dos visible. Conscient de ce que les légendes racontaient, j'éloignai Sonja, mais ma curiosité m'obligea d'y jeter un coup œil. Mon corps se raidit. Tout autour de la cavité s'étaient formées des canines aussi géantes que celles d'un loup-garou. Je déglutis. Elle allait pas nous manger avec son dos, quand même ?
Cependant, sous des craquements d'os, les deux lignées de dents se rapprochèrent et la peau de la créature s'étira jusqu'à former un dos qui hacha les racines qui s'y étaient enfouies. Il se rouvrit et une voix terrifiante résonna.
— Détruisez Aversion.
Des échos voyageaient à travers les arbres. Difficile à genrer et à comprendre — on aurait dit une sorte de Dieu qui nous parlait de loin.
— Pardon ?
— Détruisez Aversion, répéta-t-elle. Acceptez de détruire Aversion et je vous libérerai le chemin afin de l'atteindre.
Elle était catégorique, et pour être honnête, je n'avais pas les couilles pour refuser ou tenter d'altérer ce pacte. Je pris Sonja à part.
— On n'a pas le choix. C'la seule solution pour sauver Eneko. Écoute, je... J'veux tout faire pour essayer d'le sauver, même si t'es pas d'accord. J'ai vraiment l'impression que... qu'on peut avoir quelque chose de spécial, alors...
— Te fais pas de bile, j'ai compris. Et je suis d'accord, seulement... sans renforts, je suis un peu inquiète
— On n'a pas le temps.
— Je sais... et de toute façon, j'ai pas le droit. Ça serait illégal, s'inquiéta-t-elle, le regard agité.
On ne pouvait compter que sur nous-mêmes.
— Si vous acceptez et que vous laissez Aversion tel quel, vous subirez la colère de la gardienne de la forêt.
Je déglutis. Avouer cela à Sonja me faisait encore du mal. J'avais en réalité toujours des difficultés à imaginer ce genre de choses avec un garçon, avec Eneko, mais prendre le risque de le perdre sans agir me paraissait inconcevable. Alors, un dernier regard en direction de ma partenaire suffit pour que l'on valide notre décision.
— C'est d'accord.
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