E N E K O
Qu'était devenue ma vie ?
Malek et moi, les anges jumeaux.
Sonja, l'ange guide.
Celes, l'ange guerrière.
Prairie.
L'Helhest.
La femme-arbre de Malek.
Ilça et Hel.
Les démons jumeaux encore inconnus au bataillon.
Typé cool. J'avais l'impression d'être dans un roman.
Mon rire sardonique pourrait sans doute être entendu à des kilomètres, si seulement je ne voulais pas me taper la honte. Incertain, je me posai sur un banc dans l'espoir de démêler toutes ces intrigues, d'y trouver un sens ou une morale.
Qu'importe ce à quoi je pensais, cela concernait Malek de près ou de loin. Je ne voyais que lui et son délicat visage. Même ce week-end, je ne l'avais pas vu, mais j'avais soigné des gens à l'Angélique grâce à ma flamme. Je pensais à lui.
J'en avais assez de me reclure sur moi-même, de me ressasser les mêmes choses. J'avais appelé la seule personne qui saurait m'écouter à l'heure actuelle et en qui j'avais un minimum confiance. Mon cœur devait se décharger.
Le vent automnal s'était réveillé en ce dix-huit septembre. Les rues calmes m'apaisaient, petits et grands s'occupaient à l'école ou au travail. Dans le parc habituel, ce carré herbacé enfermé par des bâtiments imposants et ternes, Anaël me retrouva.
Des cernes le marquaient et il se traînait, quelque peu boudiné. Il semblait encore plus penaud que moi. Que traversait-il ?
— Je voulais juste parler, mettre les choses au clair. Je pense que je mérite bien ça.
— Tout à fait. Je suis totalement d'accord avec toi, tu le mérites, me sourit-il.
Je tirai les cordes de ma capuche rose afin de resserrer le col de mon pull. Le blond n'avait pas l'air affecté par la fraîcheur de la journée. Il me regardait avec dextérité.
— Moi aussi, je voulais te parler, en fait. Ça fait un moment, d'ailleurs.
— Ah bon ? Tu voulais me parler de quoi ?
— Oh, je t'en prie. On a tout le temps devant nous. Je te laisse parler d'abord. Tu vas bien ?
— Oui, merci.
— Tu es sûr ?
— Pourquoi tu m'demandes ?
Pour la première fois, ses yeux exprimèrent de l'émotion. Une pointe de peine les endeuilla. La culpabilité me gifla.
— Désolé de reconnaître quand les gens mentent, se durcit-il.
— Désolé.
— Non, c'est peut-être de ma faute. C'est comme ça qu'on m'a élevé. Je m'occupe trop des autres personnes, même si, je l'avoue, ça ne se reflète pas sur... mon visage.
La vision de cet iris brun créait en moi une sensation déconcertante, comme si je n'étais pas à ma place. Je l'appréciais beaucoup, pourtant. Jusque-là, il m'avait aidé et m'avait offert bien plus que ce que je ne pourrais lui donner. Je me sentais reconnaissant en son égard et comptais bien lui faire comprendre.
Hélas, un plus grand souci rongeait mon âme.
— Je crois... que je tombe amoureux.
— Tu crois ?
— Ouais, j'ai... j'ai tous ces sentiments qui s'embrouillent et je sais plus quoi penser. Ce mélange... d'attraction, d'amour, et ces flammes qui... ont forcément un rôle à jouer, j'en suis sûr.
— Oh, tu parles de Malek.
Je me blâmai immédiatement de ne pas l'avoir précisé plus tôt — je ne voulais pas qu'il croie m'attirer plus que quiconque. J'avais cette impression étrange, qu'il tentait de se rapprocher de moi, mais avec Malek dans la tête, je n'avais fait que m'éloigner.
J'espérais qu'il n'avait pas le béguin pour moi et qu'il ne le cachait pas derrière son masque d'indifférence comme moi. Peut-être étions-nous trop similaires ?
— Y'avait absolument rien chez lui pour que je tombe amoureux, me défendis-je. Rien ! Je suis sûr que c'est cette flamme... Même avant que l'on se rencontre, j'avais l'impression de le connaître comme un frère alors que je savais rien de lui. Je me serais jamais senti aussi proche sinon !
La main frêle d'Anaël se posa sur mon épaule.
— Arrête de te donner des excuses. Ça se voit que tu as des sentiments pour lui, que ce soit la façon dont tu le regardes, dont tu lui parles et j'en passe. Je suis sûr que tu connais les vraies raisons pour lesquelles il t'attire. Ce n'est pas surnaturel, l'amour.
Encore une fois, il avait raison. Il avait toujours raison. Ce que j'aimais chez Malek, c'était sa façon d'être, si... naturelle. Son authenticité. Lui, il ne jouait aucun rôle et cela se voyait, à apporter sans cesse insouciance et rires autour de lui. Et puis, il était tellement mignon...
— Moi, je voulais te parler de Théo, me brusqua alors Anaël.
Mon cœur s'arrêta à ces paroles. Théo ? Dès que j'entendais ce prénom, mon corps se pliait en deux sous les souvenirs saumâtres de cette soirée.
— Je suis désolé si cela te dérange, mais on n'en a pas reparlé depuis la dernière fois, alors que... je pensais vraiment qu'on pourrait faire quelque chose, tous les deux.
Ses mots rentraient par une oreille et sortaient de l'autre. Ce cadavre obnubilait mon esprit. Son sang coulait sur le carrelage. Les cris pullulaient par-dessus mon chagrin.
De cette journée, je ne me souvenais que de ça. J'avais beau me torturer, rien d'autre ne me parvenait.
— Il était heureux avec toi, tu le savais plus que quiconque. Pourquoi il se serait suicidé ? Et pourquoi de cette façon ? Pourquoi à ce moment-là ?
— Je sais pas, j'en sais rien !
— Tu ne connais pas quelqu'un qui pourrait nous aider ?
Je crois que si... Sonja m'avait bien avoué que son père travaillait avec la police, mais vu la relation entre les deux anges, j'évitai de le mentionner. Il l'accuserait sans doute du meurtre ou autre.
Je sentais de toute façon que la vérité éclaterait bien assez tôt.
Je secouai la tête.
— J'ai pas la tête à ça, en ce moment.
— Je vois... On en reparlera plus tard. Quoi qu'il en soit, je suis là en cas de problème. Je sais que je ne peux pas te promettre de résoudre tous tes problèmes, mais... sache que tu n'as pas à les affronter seul.
Non... Je n'étais pas seul. J'avais Malek, d'une certaine façon. Sonja nous avait dévoilé le plus important. Je n'avais plus nécessairement besoin de lui. Bien sûr, j'avais appris à l'aimer en tant qu'ami, mais il me paraissait trop désintéressé à cette situation angélique. Comment en savait-il autant s'il ne connaissait que sa mère ?
Après s'être baladé à travers le parc vide, mon regard retrouva le chemin du blondinet. Je pris une longue respiration nécessaire pour lui demander.
— Tu ne me fais pas confiance ? se vexa-t-il.
— Si ! Bien sûr que si ! Mais tu sais bien que Sonja et Malek, non...
Il soupira et releva l'une de ses manches pour révéler une cicatrice.
— Je la cache toujours. Elle date du jour où ma grand-mère m'a poignardé.
— Quoi ? Putain ! crachai-je. Elle...
— Tu as bien entendu. Ma grand-mère était un monstre. Dire que ma mère l'a subi bien plus longtemps que moi...
— Pourquoi elle t'a poignardé ?
— Parce que... je ne suis pas comme tout le monde.
— Comment ça ?
L'entaille s'étendait sur l'ensemble de son avant-bras, encore rugueuse. Voilà pourquoi il avait rajouté cette étrange manche à son vêtement lors de notre première rencontre... Le pauvre garçon dissimulait une âme meurtrie. Cette blessure, Théo... Nous nous ressemblions.
— Tu comprendras bien vite, soupira-t-il. Oh, attends. On m'appelle.
Il se releva et s'enfuit de l'autre côté du parc après avoir porté son téléphone à l'oreille. Seul, je baissai la tête et caressai du doigt mon propre bras. Quelques lignes rosées y persistaient. Au moins, je pouvais être heureux d'avoir cessé ce genre de pratiques...
Je soupirai à la pensée du bordel qu'était ma vie. Comment ma relation avec Malek allait-elle évoluer ? Théo s'était-il réellement suicidé ? Et que faire à propos d'Anaël ? Je ne m'étais pas attendu à ce personnage lorsque j'avais répondu à son premier message.
Sa discussion houleuse s'éloigna. Il ne voulait sans doute pas que je l'entende s'énerver. Sa voix s'évapora sous les ronronnements des voitures environnantes. Curieux, je pivotai la tête et le vide s'installa.
Il avait disparu.
Mes lèvres vibrèrent, mais ce n'était pas la peine de l'appeler, il s'était volatilisé. Le chercher dans tous les coins me ridiculiserait. Je ratissai les alentours d'un œil vif avant d'empoigner mon téléphone.
MOI : T'es passé où ?
ANAËL : Bouge pas.
Naïf, j'obéis.
Au bout de quelques minutes, sa voix résonna. Comme attiré par un aimant, je me retournai en sa direction et retrouvai le petit blond adossé sur une berline noire.
— Tu veux qu'on te dépose ? haussa-t-il la voix.
J'avançai de quelques pas. Alors ça ! Qu'est-ce que... Notre conversation n'était pourtant pas terminée, si ? Son attitude me perturbait et je ralentis la cadence jusqu'à arriver à ses côtés.
— Tu sais conduire ?
— Ce n'est pas moi qui conduis, mais oui, bien sûr. Tu sais très bien que j'ai plus d'un tour dans mon sac.
Mon regard s'enfouit à l'intérieur du véhicule lorsqu'un froid glacial me paralysa le bras sous une dissonance stridente. Ma vision se brouilla. Je perdis l'équilibre. Je ne savais plus quoi penser. Faisais-je une crise ? Qu'est-ce qu'il se passe ?
Je m'écroulai contre le corps d'Anaël, mais ne pus arracher un dernier mot. Je succombai aux ténèbres.
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