Faire comme si

Inventer les nuits, loin de toi
Caresser l'ennui
Et faire comme si,
Et faire comme si, mais

Pour tout le temps qui nous restera
Oublier l'envie
Et vivre ainsi,
Survivre ainsi,

Condamner nos âmes
Au silence
Sans consumer la flamme
Malgré l'absence
Et la distance

Il faudra faire comme si
Oui, faire comme si
Semblant d'être heureux
Dans d'autre bras
Vivre ainsi,
Et dire aussi
Tout va, tous va, pour le mieux

Allongé dans son lit, il n'arrive pas à dormir. Il se perd dans ses pensées. Sur ce qu'ils auraient pu être et ne seraient jamais. Au loin, il entend les grenouilles chanter. Maison à la campagne pour être loin de tout. Il avait eu une belle carrière, il avait une belle vie, il avait une femme et des enfants. Mais au plus profond de lui, il savait. Il n'était pas pleinement heureux. Parce qu'il était passé à côté de ce qu'il pensait être le grand amour. 

Il aimait sa femme. Elle était sympathique, pétillante, belle. Elle était douce, joyeuse et aimante. Mais il l'avait certainement aimé plus même s'ils n'avaient partagé en tout et pour tout qu'une soirée ensemble. Une soirée et toutes celles où ils s'étaient confiés leurs rêves et leurs espoirs, leurs craintes et leurs blessures. Et il était amoureux de lui. Il l'aimait bien plus fort qu'il pouvait l'aimer elle. Elle était une amie. Cette amie avec qui il prétendait que tout allait bien depuis maintenant quinze ans et qui n'avait rien vu. Ou bien elle n'avait rien dit parce qu'elle savait qu'il en souffrait. Le sujet n'avait jamais été abordé. Ils avaient prétendu. Et pourtant.

Je t'aimais à l'époque et je t'aime toujours. 

Il hésite. Efface son sms. Le réécrit. L'efface une nouvelle fois. Il ne pouvait pas. Il le savait de toute façon. Mais ils se l'étaient promis. Ne plus jamais en parler. Faire comme si. Il avait sa famille en Italie, lui la sienne en Espagne. S'ils devaient se retrouver un jour, ils se retrouveraient. Peut-être. Peut-être qu'ils se retrouveraient à Amsterdam. C'était là qu'il retournait pour y finir sa carrière. Il avait pas osé leur demander, s'ils essayaient de le faire revenir aussi. Il espérait. Et pourtant il aurait pas dû, parce que s'il était dans le coin, ça compliquerait le tout. Ça serait tellement dur de prétendre en jouant à ses côtés.

x x x

Il plaque un sourire de façade sur son visage. Aujourd'hui, il se mariait alors il devait être heureux. Heureux pour lui. Heureux pour elle. Heureux pour eux. Mais il n'y arrivait pas. Il croise un instant son regard azur et il peut y lire tous ses regrets, tous les non-dits, tout ce qu'ils savaient tous les deux. Il ne parvient pas à garder pour lui un léger soupir. Ils avaient fait leur choix des années plus tôt et il fallait l'assumer, jusqu'à la fin. La carrière avant l'amour. Ils n'avaient pas eu le goût du risque et ils en payaient aujourd'hui le prix. Il se retourne vers sa petite-amie alors qu'elle glisse une main autour de sa taille. Il l'observe. Il a le regard qui dévie vers son ventre qu'on pouvait imaginer s'arrondir légèrement, si on le savait. Et il sourit. Elle serait la mère de ses enfants, ils seraient une famille normale, il pourrait vivre en paix. En paix, mais loin de lui. 

Il redresse le regard pour croiser celui de son ancien coéquipier. Celui que la distance avait éloigné, à moins que ça ne soit la douleur et la souffrance de devoir en rester éloigné. Il perçoit un instant sa tristesse alors qu'il semble comprendre. Bientôt, ils sont face à face. 

« Félicitations. J'espère que vous serez heureux. » 

Ça a du mal à franchir la barrière de ses lèvres. Est-ce qu'il serait heureux ? 

« C'est pour quand ? » 

L'autre a un léger sourire qui flotte sur son visage encore enfantin. Il se tourne vers sa fiancée alors qu'elle répond à l'ancien ami, le mari d'une de ses meilleures amies. 

« Encore cinq mois. » 

Lèvres qu'il sent venir se coller contre sa joue. Elle resplendissait à son bras. Elle était toujours aussi belle que la première fois qu'il l'avait rencontrée. Toujours aussi parfaite à ses yeux. Mais elle ne s'appelait pas Matthijs. 


Pour espérer la voie du répit
Fuir dans d'autres draps
Et faire comme si,
Et faire comme si, mais

Étouffer nos cris,
Dans les larmes
Jusqu'à l'infini
Et vivre ainsi,
Mourir ainsi

Il faudra faire comme si
Oui, faire comme si
Semblant d'être heureux
Dans d'autre bras
Vivre ainsi,
Et dire aussi
Tout va, tout va, pour le mieux


« Alors comme ça t'a choisi Turin ? » 

Il voit l'autre qui soupire et grimace. 

« Oui. C'était ce qu'il y avait de mieux pour les défenseurs. Et puis, j'ai toujours aimé. » 

Il sait, qu'il aimait bien ce club. Mais au plus profond de lui, il aurait aimé qu'il choisisse l'Espagne et le Barça, comme lui. Pour ne pas qu'ils se quittent. 

« J'espère que tu réussiras là-bas. » 

Mais il n'y avait pas de raisons. Ils s'observent silencieusement un instant. 

« C'était pas contre toi. » 

Et il comprend à l'entente des mots. Il lui ment. Il le connaissait trop bien. Et il évitait son regard en cet instant précis. 

« J'aurais préféré qu'on ne termine pas sur un mensonge. » 

Il quitte les lieux. Il sent son cœur qui le fait souffrir. Parce qu'il allait être loin de celui qu'il aimait trop pour son propre bien.

Il sent son portable qui vibre dans sa poche quelques minutes plus tard. Il le sort énervé, ravale un sanglot et écrase une larme. Il ne décroche pas. 

« Frenkie, c'est Matthijs. Je suis désolé. Moi aussi j'aurais bien aimé rester proche de toi. Mais c'était trop dur. Je crois qu'on est mieux dans des villes différentes. C'est le mieux pour notre carrière et c'est toi qui as dit qu'on devrait respecter le résultat quoi qu'il arrive. Mais je l'accepte pas. Alors maintenant, t'as plus qu'à faire comme si tout se passait bien. T'es heureux avec elle, tu y arriveras. À bientôt... On se verra peut-être. On gardera contact hein ? – rires nerveux – Et euh... – silence pendant plusieurs secondes – Je t'aime. » 

Larmes qui roulent sur ses joues à l'écoute du message vocal laissé. Il ne rappelle pas. Parce qu'il trahirait nécessairement le résultat. Il fallait aller de l'avant. L'oublier. Faire comme si son je t'aime n'avait pas retourné son cœur et qu'il avait envie de lui crier en retour. Il n'aurait jamais dû proposer cette solution.

x x x

« Si ça tombe sur pile, on prend le risque. Si c'est face, on met un terme définitif à ce qu'il y a potentiellement entre nous, on fait notre vie et on n'en parle plus jamais. » 

Potentiellement... C'était une évidence. Il a le rythme cardiaque qui s'accélère, la tension qui lui tord l'estomac. Il sent les larmes qui pointent au coin de ses yeux. La décision allait tomber. Il dépose sa main sur celle du plus jeune. 

« Promets-moi de respecter la décision, même si elle ne nous plait pas. » 

Il peut lire son hésitation. 

« C'est promis. » 

Mais est-ce qu'une des deux solutions était la bonne ? Certainement pas. Pièce qui s'envole alors qu'il sent sa main être broyée par celle du défenseur la serrant dans la sienne. Pièce qui vient s'écraser au sol en un léger tintement métallique. Face. Une larme vient rouler sur sa joue. Il l'essuie rapidement pour que l'autre ne la voit pas même s'il sait que c'est déjà trop tard. Il se relève. 

« On se voit demain à l'entrainement ? 

— Euh... Ouais. » 

La voix de l'autre est cassée, brisée. Il quitte la salle, celui qu'il aime bien trop.

Il est porté jusque chez lui ce soir-là. 

« Frenkie, qu'est-ce que t'as foutu bon sang ? » 

Son coéquipier le tire dans la maison. 

« Une erreur. » 

Il l'aide à rejoindre son canapé où il s'effondre. 

« T'as bu combien de bouteilles ? 

— J'sais pas. » 

L'autre disparait. 

« DONNNYYY ! 

— Je suis là, je suis là. » 

Bassine déposée au pied du meuble, couverture déposée sur son corps, doigts caressant un instant son crâne. Il s'endort bien rapidement alors qu'il a la désagréable impression de tanguer sur un bateau.

« Donny ? » 

Il reconnait la voix chantant dans sa cuisine. Verre et médicament déposé. 

« Pour ta tête. 

— T'as dormi où ? » 

Léger rire de l'autre. 

« Dans ta chambre vu que j'étais incapable de t'y monter.

— Merci Don. » 

Il avait tellement de choses à s'occuper, tellement de bordel dans sa propre vie mais il était malgré tout là pour lui. 

« C'est rien. J'allais pas te laisser tout seul dans ton état. C'est Matthijs ? » 

Léger hochement de tête.

« J'suis désolé. » 

Il sait même pas comment il a pu comprendre. Peut-être que pour lui aussi ça paraissait évident. Il rajoute rien. Y avait pas grand-chose à rajouter. Et puis, c'était qu'une peine de cœur, il était toujours là, en bonne santé, il le croiserait à l'entrainement, il pourrait continuer de rire avec lui s'il en avait le courage. Il avait pas vraiment de quoi se plaindre, y avait pire, tellement pire, ils le savaient tous très bien.


Puisque nous aimer au grand jour
Aux yeux de tous sans détour
Est impensable, être impassible,
Est impossible

Puisque nous avons une autre vie
Puisque la raison nous dit
C'est impossible

Il faudra faire comme si
Oui, faire comme si
Semblant d'être heureux
Dans d'autre bras
Vivre ainsi,
Et dire aussi
Tout va, tous va, pour le mieux


« Qu'est-ce qu'on fait ? »

Les yeux bleus sont brillants. Ils savent qu'ils sont à l'aube d'un choix, que ce n'était pas une erreur, pas comme ils l'entendent tous. Eux, c'était destiné à arriver.

« Je... On... »

Il était si bien dans ses bras.

« J'ai signé à Barcelone. Je serai plus là l'année prochaine. »

Ça tombe. Il peut palper la douleur de son meilleur ami. C'était peut-être pour ça qu'il en avait tant eu envie. Une soirée et une nuit à s'embrasser pour ne rien regretter.

« Alors c'était pour ça ?

NON ! »

Il voulait pas le croit capable de ça, d'avoir potentiellement joué avec lui. Mais à la vérité, il avait joué. Avec ses sentiments, avec leurs sentiments. Ils avaient aucun avenir. A moins qu'ils ne définissent des nouvelles limites. Il avait si peur. Il se sentait si seul quand ça n'aurait pas dû être le cas, parce qu'il était là. Mais ils n'avaient personne pour les guider, seulement leurs peurs, leurs craintes, leur envie de ne pas tout gâcher dans le contexte footballistique si particulier. Ils étaient à l'aube de leur carrière.

« On pourrait je sais pas... Tirer au sort ?

Tirer au sort ?

Pas aujourd'hui, pas tout de suite. Je veux dire, on est en couple, on est joueur pro et... »

Deux secondes plus tard, il a le dos plaqué contre le canapé, le défenseur installé sur lui et leurs bouches ne se détachent plus. Il laisse ses mains glisser dans son cou, dans ses cheveux, sur ses joues. Il ne veut pas le laisser partir. Mais quand ils se séparent, l'air commençant à manquer il a compris. C'était potentiellement la dernière fois que ça arrivait.

« Faut qu'on aille s'habiller on a entrainement dans vingt minutes et on va être en retard. »

x x x 

Regards qui s'habituent lentement au soleil qui leur brûle les rétines. Ils viennent de quitter le cinéma où ils étaient allés voir un film. 

« Tu viens manger à la maison ? » 

Il ne se fait pas prier. Texto envoyé à Mikky pour la prévenir qu'il ne mangerait pas avec elle. Il ne se faisait pas de souci, s'il y avait une chose qu'il savait, c'était qu'elle n'était absolument pas dépendante de lui. Parfois, il voyait les petites amies de ses coéquipiers et il se disait qu'il était chanceux d'avoir une fille comme ça à côté de lui. Parce qu'il la connaissait depuis qu'il était jeune, parce qu'elle avait ses amies hollandaises avec qui elle faisait ses après-midi, qu'elle était sportive, qu'elle aimait venir au stade. Et surtout parce qu'elle ne le fliquait pas trop.

« Eh ben... Merci pour la soirée c'était vraiment... » 

Il s'arrête. Ne sait plus trop quoi dire. Il a ses yeux azurs qui se perdent dans ceux de la même couleur de l'autre. Et ils étaient si beaux. 

« À demain... du coup... » 

Il a son visage trop proche, son souffle qui s'écrase sur sa peau. Il ferme un instant les yeux, tente de penser à autre chose qu'à son cœur qui s'emballe une nouvelle fois en présence de l'autre. Les lèvres du plus jeune se retrouvent une seconde sur les siennes. 

« Désolé. » 

Il aimerait partir. Ils devaient pas. Ils étaient en couple, tous les deux. Ils le voulaient. Il savait. Que les contacts se faisaient trop réguliers, toujours plus proches, toujours plus doux. Que son cœur accélérait trop en présence de l'ajacide de toujours. Sa main vient se poser sur la joue du plus grand. Celui qu'il observait quand ils partageaient leur chambre en déplacement. Il fait disparaître les millimètres restants entre leurs deux sourires. Il profite du contact des lèvres de l'autre sur les siennes. Ils s'embrassent comme si c'était la dernière fois. Parce qu'ils savent tous les deux que c'est certainement le cas.

Il se sent bien alors qu'ils sont allongés dans le lit du plus jeune quelques dizaines de minutes plus tard et qu'il a la tête qui repose contre le torse de l'autre. Il écoute son cœur qui bat à travers son T-shirt et la peau, s'enivrant de l'odeur qu'il aimait tant. Il sent les doigts qui se perdent dans ses cheveux y laissant quelques caresses. 

« Tu restes ? » 

Léger hochement de tête. Le matelas bouge un peu alors que l'autre se lève. Un short lui est envoyé au visage et il l'enfile bientôt. Il se reglisse sous les draps. 

« Matthijs, je... » 

Une bouche posée sur la sienne le fait taire. Il se sent bien sous les baisers de son meilleur ami. Ils finissent par s'endormir l'un contre l'autre quand le sommeil les rattrape. Et il rêve, il rêve d'un futur dans ses bras. Il rêve et il sait déjà que le réveil sera brutal.


Oui faire comme si, oui faire comme si
Jouer le jeu jusqu'à l'au-delà
Vivre ainsi,
Et dire aussi
Tout va, tout va,
Pour le mieux

Faire comme si

Jusqu'à l'impossible


x x x

j'espère qu'il vous aura plu. il date de l'époque ajax. 

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