Au bout de mes rêves

Et même s'il faut partir
Changer de terre ou de trace
S'il faut chercher dans l'exil
L'empreinte de mon espace

Et même si les tempêtes
Les dieux mauvais, les courants
Nous feront courber la tête
Plier genoux sous le vent

J'irai au bout de mes rêves
Tout au bout de mes rêves
J'irai au bout de mes rêves
Où la raison s'achève
Tout au bout de mes rêves

Stuttgart 2010

Alors que le ballon qu'il propulse s'écrase dans les filets, la tête du petit blondinet se déforme et un hurlement franchit la barrière de ses lèvres. Il avait marqué. C'était le temps additionnel. Ils allaient gagner. Une masse s'écrase sur lui. Des bras, des têtes, des jambes. Il s'effondre au sol. Ils allaient en finale de coupe régionale. Ils savaient tous ce que ça voulait dire. Leurs rêves étaient accessibles. Ceux réalistes. Ceux qu'ils pouvaient atteindre à leur âge. 

Parce qu'il rêvait de bien plus. Il rêvait de maillot blanc et d'hymnes. Il rêvait de stades pleins, de chants et d'applaudissements. Il rêvait de médailles accrochées autour de son cou et de coupes. Et il n'était pas le seul à rêver. Non, toute l'équipe rêvait. Ils avaient tous des modèles. Ceux qui allumaient les étoiles dans leurs yeux. Des allemands à qui ils voulaient ressembler, des étrangers dont ils regardaient les exploits depuis qu'ils étaient gamins. Des Zidane, Buffon, Messi, Ronaldinho et autres. Ils rêvaient de maillots rouges, de maillots noirs et jaunes, ou bien bleus et rouges, ou blancs. De grands clubs. Des clubs plus grands encore que Stuttgart. Parce que c'était bien Stuttgart, mais y avait plus fort. Ils voulaient l'équipe première, mais ils voulaient plus aussi à mesure que leurs rêves se rapprochaient d'eux.

x x x

« Joshy, tu viens à la maison ce soir ? » 

Il hoche doucement la tête à son meilleur ami. Il se saisit de son sac à dos rempli de livres et de cahiers et il rejoint son coéquipier. Serge, il l'adorait. C'était plus qu'un équipier. C'était son binôme au lycée, c'était son ami dans la vie. Alors il allait souvent chez lui le soir. Parce qu'il voulait pas dormir tout seul à l'internat. Il avait eu l'autorisation de ses parents il y a bien longtemps pour le faire. Il avait droit à un matelas déposé dans la chambre de l'attaquant. 

« À demain Timo ! » 

Ils lui font des grands signes et puis ils montent dans le bus en direction de la banlieue de la ville. La dizaine de minute de marche qui les séparent de la descente du bus à l'appartement du cadet se passent dans le silence. Le léger blond peste. Il trouve son sac trop lourd. Et puis, il sait qu'ils devront s'attaquer à leurs devoirs une fois arrivés et cette idée ne l'enchante guère. 

Les sacs s'écrasent dans l'entrée alors qu'ils reprennent leur souffle après avoir fait la course dans les escaliers. Une fois de plus, il avait perdu. 

« C'est parce que t'es plus grand. Mon sac est trop lourd. » 

L'autre ne prend même pas la peine de lui répondre, parce qu'il avait la même excuse à chaque défaite. 

« Bonjour Madame Gnabry. Bonjour Monsieur Gnabry. » 

Il leur fait un sourire alors que les adultes déposent un baiser sur leurs joues à tous les deux. Ils étaient devenus comme une deuxième famille avec le temps. 

« Bonjour Joshua. Tu as passé une bonne journée ? » 

Et tandis que Serge est en train de raconter une anecdote à son père, le blond répond à la maman. 

« J'ai marqué à l'entrainement. » 

Il y a cette légère lueur de fierté qui brille dans son regard. Celle qui attend une approbation de l'autre. Et il se sent heureux quand elle lui sourit et qu'elle le complimente. 

« Goûter les garçons ? » 

Ils se précipitent dans la cuisine pour prendre un morceau de pain.

« Non, vous ne regarderez pas le match tant que vos exercices de maths ne seront pas faits. » 

Ça souffle, ça peste chez les adolescents. Et pourtant ils savent qu'ils n'auront pas le dernier mot. Parce que c'était toujours comme ça. Alors les pointes de stylo grattent le papier qui s'imbibe petit à petit d'encre. Et si l'un râle, c'est bien pour la forme. Parce qu'il a l'esprit logique Serge. C'est presque trop simple les mathématiques. Les chiffres, tout ça, ils semblent lui parler. 

C'était différent pour Joshua. Il préférait l'histoire, l'allemand, le français et l'anglais. Des matières scientifiques, il n'aimait que les travaux pratiques qui lui permettaient de bouger et de bricoler des choses. De toute façon, il comptait bien arrêter l'école l'année d'après pour s'intéresser à la cuisine. Parce que s'il n'était pas footballeur, il voulait être cuisinier. C'était son rêve depuis qu'il était tout petit. Ses parents lui avaient dit d'accord et les professeurs avaient tous approuvé l'idée. 

Ça se voyait que des journées entières assis sur un banc ce n'était pas pour lui. Alors que quand il fallait faire des choses de ses mains, il avait un don. Que ce soit de l'électricité, réparer un vélo grippé, faire une brioche ou un repas complet. Disséquer une grenouille, mélanger deux liquides en chimie, peindre une toile ou gratter les cordes d'une guitare, il était doué pour ça. Même en énigmes, casse-têtes ou échecs, il était doué quand ils allaient faire leurs soirées jeux de société. Mais devant un tableau noir et le cul sur une chaise, il déprimait. Alors à quoi bon s'acharner.

« FINI ! » 

Il tend sa feuille remplie à la mère de son ami qui vérifie que tous les exercices sont bien complétés. 

« Eh bien on passe à table. » 

Ils la suivent jusqu'à la cuisine. 

« Ça sent bon ! 

— C'est quoi ? » 

Il écoute avec attention les explications du père sur le plat typique de son pays de naissance qu'il avait préparé. 

« J'ai hâte de goûter. » 

Goûter, tester, tout était bon pour le blond. Il satisfait ses papilles et bientôt, ils pressent l'arrivée du dessert. 

« Arrêtez, vous serez à l'heure devant votre match ! » 

Légères moues venant déformer quelques secondes leurs visages. Et puis, leurs regards se croisent et ils se sourient.

Ils sont installés côte à côte dans le canapé, écoutant l'hymne de la ligue des champions qui s'élève dans le stade, observant ces joueurs qui avaient le droit d'y prendre part. Ils paraissaient impressionnants, grands, beaux, inatteignables. Et cette coupe, c'était leur rêve, à tous les deux. La plus grande compétition après la coupe du monde. Celle qu'ils rêvaient de jouer en club. Et quand ils se regardaient par moment, ils n'avaient pas besoin de parler pour savoir ce que l'autre pensait. Parce qu'ils avaient les mêmes idées qui leur traversaient l'esprit. 

Alors quand Zanetti a fini par levé la coupe, quand les larmes de joie ont roulé sur les joues des italiens et celles de tristesse sur celles des allemands, ils ont été tristes. Parce que c'était un club de leur pays qui perdait. Pas trop tristes comme si c'était le club qu'ils supportaient, juste déçus pour les joueurs qu'ils aimaient tant et les faisaient vibrer en équipe nationale. Et leurs regards n'ont pas quitté la coupe, les paillettes, les cris de joie. Ils se sont regardés et ils savaient. 

Un jour, ils voulaient y être.

x x x

Sevilla 2020

Ils étaient à quelques minutes d'une victoire. À chaque attaque parisienne, son cœur s'emballait. Il regardait partout sauf sur le terrain. En cet instant précis, Serge aurait préféré être partout sauf sur le banc. Parce qu'il n'y avait rien de plus horrible que de stresser sur le banc. Devant lui, les français hurlaient, sur le terrain ils se démenaient comme de beaux diables pour empêcher une égalisation quitte à faire quelques fautes tactiques dans la zone adverse pour les empêcher de partir. Il y avait trois minutes à tenir et il espérait qu'ils les tiendraient.

Les coups de sifflet s'élèvent et il exulte. Il crie, il hurle, il court en direction du terrain, de ses coéquipiers, des coach, de tout le monde. Ils l'avaient fait. Ils avaient remporté la Ligue des champions. Il déconnecte complètement. Il ne réalise pas. Pas encore. Parce que les émotions sont trop fortes. C'était comme dans un rêve. Un beau. Un de ceux qu'il faisait enfant. Elle est loin l'époque où il avait l'impression qu'il était en train de se briser. Celle où on l'avait envoyé loin d'Arsenal et où on n'avait pas eu confiance en lui dans un club bien plus petit en Angleterre. 

Mais aujourd'hui, il n'y pensait plus. Parce que ça faisait longtemps que c'était du passé. Il se jette dans les bras de Joshua. Joshy. Josh. Son Josh. Son meilleur ami depuis des années. Celui qu'il avait au téléphone au moins une fois par semaine quand il était à Arsenal. Celui qui avait toujours cru en lui. Celui qui lui remontait le moral et qui rêvait pour deux quand il n'était plus capable de le faire. Il le serre fort contre lui alors qu'il voit les larmes qui roulent tout doucement sur ses joues. D'autres paires de bras viennent les entourer et il reconnait sans mal ceux de Leon.

Les paillettes s'élèvent au-dessus d'eux alors que Manuel brandit la coupe. Ses bras se lèvent machinalement vers le ciel, comme ceux de tous les autres. Il crie, il chante, il saute, il danse. La médaille balance autour de son cou. Il attrape à son tour la coupe pour la lever le plus haut possible sous les ola de ses coéquipiers et leurs rires. Il la passe au blond qui fait de même. Et puis, ils prennent des photos, ils discutent, ils courent encore un peu. Ils sont dans un autre monde. Un monde qu'ils pensaient inaccessible. 

Et peut-être que les émotions sont les mêmes que celles qu'ils avaient vécues quand ils avaient gagné la coupe régionale à quinze ans, celle que leur club n'avait pas gagné depuis douze ans à l'époque. Elles sont juste décuplées. Parce qu'il n'y avait pas de sentiment aussi agréable que celui de la victoire pour lui.

La tête de son meilleur ami repose sur son bras alors qu'ils observent le ciel. Au-dessus d'eux, les étoiles et la lune les éclairaient. Et c'était beau. Tout était beau ce soir-là. Le calme s'était fait sur le stade. Il ne restait qu'eux deux. Ils réalisent enfin. Ses doigts viennent glisser sur la médaille qui entoure son cou. Il ferme les yeux un instant. Il tourne la tête vers le blond et il s'aperçoit qu'il est en train de faire la même chose. Ses yeux sombres croisent ceux bleutés. Ils sourient. 

« On l'a fait Joshy. »

x x x

j'espère qu'il vous aura plu. j'aime vraiment beaucoup ce binôme. et leur photo dans l'herbe voilà quoi  

(ils sont dans mes brouillons avec timo à stuttgart eux, owi. un jour peut-être).

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