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L'après midi, Iode, Ivern et Elena allèrent donc travailler à la bibliothèque universitaire. La fondatrice de la Chouette se pencha sur le cours auquel elle n'avait pas pu (ou voulu) aller ce matin. Elle parvint à se concentrer un quart d'heure avant de relever la tête de ses maths et de la laisser divaguer.
Elle regarda ses amis en face d'elle. L'un lisait un livre d'histoire et l'autre travaillait sa chimie. Son amie croisa son regard.
-Pause clope?
-Ça fait 15 minutes.
-Bah ça a pas l'air d'être efficace, chuchota Iode, allez viens.
Elena se laissa embarquer par l'apprentie chimiste. D'habitude, c'était toujours elle qui dictait l'heure d'aller fumer. Une fois sorties de la bibliothèque, elles purent enfin parler à haute voix.
-Bon, tu m'expliques pourquoi t'avais l'air préoccupée et ailleurs depuis ce matin?
En cherchant son briquet, elle sentit son portable trembler. Une petite chouette la regardait dans le coin de son écran. Elle jeta un coup d'œil pendant qu'Iode lisait par dessus son épaule.
"Globe:
Bonne nouvelle, j'ai réussi à avoir plus de détails sur l'enquête qui vous concerne. Ils pensent que le journal a été fondé et est donc dirigé depuis Brest parce qu'ils ont trouvé une connexion au site de la Chouette depuis un ordi de la fac. Ils devraient passer chercher le registre des noms de ceux qui se sont connectés ce jour là cet après midi à la bibliothèque. Voilà, en résumé, ils ne savent pas grand chose mais restez prudents. Je ne pense pas qu'ils puissent remonter à vous avec ça seulement mais si tu as besoin d'un abri, tu sais que tu peux compter sur moi. Bonne journée."
Elena remonta ensuite pour lui montrer le premier message.
-T'aurais dû en parler ce matin, c'est mieux qu'on soit tous au courant de ce qu'il se passe.
-Ce matin, on savait pas vraiment ce qu'il se passait. Où est-ce qu'ils en étaient de l'enquête. Imagine que ça ait été l'un de nous à avoir balancé les autres.
-T'entends ce que tu dis? Je peux comprendre que le coup de pression a pas été très agréable mais tu peux pas douter de nous. On est tous amis et tu peux faire confiance à tous tes amis. Les plus vieux comme les plus récents.
-Ouais t'as raison, je peux pas douter de ça. Sinon, il reste quoi?
Elena terminait sa cigarette le regard dans le vague. Elle était rassurée par le message de Globe mais le stress qui planait autour d'elle depuis la veille lui avait clairement montré qu'elle n'était pas aussi perméable qu'elle voulait le croire.
Un couple sortit de la bibliothèque. Ils avaient un uniforme de la police et une liasse de feuilles dans les bras. L'homme marchait vite. Mais même rapide, même de dos, même après des années, Elena saurait toujours le reconnaître. Elle écrasa sa clope sur le rebord de la poubelle puis poussa violemment la porte. Elle laissa retomber son bras le long de son corps. Le sang affluait jusqu'au bout de ses doigts et sous son crâne, la jeune femme sentait ses tempes battre.
Iode la rejoignit à l'intérieur du hall.
-C'était eux qui venaient chercher la liste des connexions tu penses?
-C'était Marco, souffla Elena
-Oh. Le fameux Marco est dans la police.
-Je viens de l'apprendre.
-J'imagine qu'il enquête sur la Chouette alors. Vu ce qu'a dit Globe.
-Faut vérifier, dit la jeune femme en accélérant vers l'accueil de la BU, Fred travaille cet aprem?
-Ouais. J'aime beaucoup ton idée, sourit-elle.
Elles se dirigèrent vers l'accueil de la BU et entrèrent dans le petit bureau de bibliothécaires. Iode posa sa main sur la joue de la documentaliste, vérifia que personne ne pouvait les surprendre et déposa un baiser sur ses lèvres.
Elena les interrompit.
-Salut Fred, tu sais ce qu'ils voulaient les deux policiers qui viennent de partir? Pas de problèmes j'espère.
-Salut Elena, dit-elle en s'éloignant d'Iode, t'inquiètes, y a pas, de souci, ils voulaient juste le relevé des connexions sur les ordis du 7 novembre 2021.
-Merci de ta précision. Iode? On retourne bosser?
-Tu pourrais nous laisser profiter un peu plus quand même, protesta son amie.
-Vous savez très bien ce que vous risquez si on vous voit vous embrasser.
L'étudiante en chimie lança un dernier sourire amoureux à Fred puis sortit du petit bureau. Elles rejoignirent Ivern à l'étage et tentèrent tant bien que mal de se remettre à travailler.
Jeudi 15 mars
Je crois que Marco a vu qu'il pouvait me faire confiance. Il m'a confié son grand secret ce midi: il veut rentrer en Italie et m'a demandé si je voulais être sa complice pour le voyage. Bon, j'étais contente qu'il me raconte son secret mais je m'attendais pas à ça. J'ai pas l'impression que ce soit une idée très raisonnable. Du coup, je lui ai demandé pourquoi il voulait partir. Ici, il commençait à se faire des amis et il avait l'air de sourire tout le temps donc moi je pensais qu'il était heureux. Mais il m'a expliqué que sa mère lui manquait beaucoup. Elle était restée en Italie. Son père a été muté en France et a décidé de prendre Marco avec lui pour qu'il grandisse ailleurs que dans les Pouilles qui, selon lui, n'offrent que très peu d'avenir. J'ai voulu savoir aussi comment il comptait faire pour retourner chez lui depuis la Bretagne. Il a prévu de faire du stop. Bon, ça m'a définitivement l'air d'être une mauvaise idée alors j'ai prévu de tout faire pour qu'il se sente bien ici.
Ce soir, il y avait St Etienne qui jouait en Europa league alors j'avais le droit de rester au bar. Il y avait Patrice, le père de Gamper. Comme il est pécheur, je lui ai demandé si il serait d'accord de prendre Marco sur son bateau un jour. Pendant l'été, les grands du collège vont sur les bateaux au port pour aider. Il a dit que 5e, c'était un peu jeune mais il a accepté du coup j'étais contente en allant me coucher. Je savais que Marco serait content d'aller faire un tour en bateau vu le premier secret qu'il m'a raconté et puis St Etienne avait gagné quand même.
A leur retour au commissariat, Marco et Nolwenn se partagèrent la liasse de feuilles. Ils commencèrent à éplucher les noms. Il fallait les recenser et chercher des informations sur chacun d'entre eux. Le site de surveillance gouvernemental leur fut d'une grande aide. auparavant, la police aurait simplement eu accès aux casiers judiciaires des personnes mentionnées dans le registre. Cela ne concernait qu'une infime partie d'entre eux. Aujourd'hui, ils n'avaient pas besoin d'aller stalker leurs différents comptes. A un nom, le site associait une liste d'éléments, fini la perte de temps.
Il devait y avoir une bonne centaine de personnes à recenser. Les deux policiers devaient se familiariser parfaitement avec chacun d'entre eux. A la moitié de sa liste, Nolwenn partit chercher un café. Marco continua d'éplucher sa liste, il n'aimait pas vraiment les pauses, ça le déconcentrait plus qu'autre chose. Le jeune policier s'arrêta pourtant. Net. En plein milieu de sa liste lui aussi. Elena Quemeneur.
Combien de temps qu'ils ne s'étaient plus parlés? Quatre ans? Cinq? Le sourire chaleureux de celle qui l'avait accueillie quand il avait débarqué au bout de la Bretagne s'imposa dans son esprit. Il sourit lui aussi en se laissant aller aux souvenirs.
Nolwenn revint et lui jeta un drôle de regard en voyant qu'il s'accordait une pause. Il se reprit immédiatement en termina sa liste sans vraiment y penser. Plutôt comme un robot aurait pu remplir de la paperasse.
Le soir, la bonne surprise de recroiser simplement le nom d'Elena laissa place à une certaine inquiétude. C'était la première fois qu'il avait affaire à quelqu'un qu'il connaissait depuis qu'il était devenu policier. Il s'endort en essayant de se convaincre qu'il y a eu une bonne centaine de connexions ce jour là et que ce n'est sûrement pas elle qu'ils cherchent mais un mot tourne dans sa tête: Pezzo di merda.
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