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Gamper regardait son ancien ami qui dormait sur une chaise face à lui. Iode venait de sortir pour retourner observer le siège de la police. Lui ne pouvait plus quitter le bunker, il avait été aperçu la dernière fois qu'il était sorti, pour aller mettre le feu au commissariat de Recouvrance avec deux autres révoltés.
Au sein de l'underground, les rôles étaient répartis de sorte à ce que personne ne se sente inutile. La veille, ils avaient commencé à mettre à jour le site de la Chouette avec Ivern et une informaticienne dissidente. Le jeune homme s'était senti terriblement inutile. Il n'avait rien compris aux principes qui régissaient les lignes de code. Il les avait regardé défiler en pensant à Elena, aux moyens de la sortir du siège de la police.
Heureusement pour lui, Iode était revenue hier soir au bunker avec des infos sur le commissariat central et Globe leur avait présenté un plan qu'ils avaient pu dessiner grâce aux dires d'un ancien policier. Son cerveau s'était échauffé et il réfléchissait à un plan d'évasion depuis. Aujourd'hui, il avait laissé Ivern et Ada, l'informaticienne qui les aidait pour la Chouette, travailler de leur côté et testait les possibilités d'évasion mentalement.
Après une courte sieste en tout début de matinée, il avait repris l'élaboration de plusieurs scénarios pour tirer Elena des griffes de la police.
En fin d'après midi, Iode l'avait appelée pour lui dire qu'elle était au "goût thé" avec Marco. Son amie ne savait pas vraiment quoi faire mais elle avait eu une folle idée: le jeune policier pourrait leur donner beaucoup plus d'informations sur ce qu'il se passait dans le commissariat central. Peut être qu'ils pourraient le... kidnapper?
Gamper se retrouvait donc dans cette situation à attendre le réveil de Marco. Il maudit l'imagination de son amie.
Mais enfin le jeune homme bougeait. Quelques secondes plus tard, il ouvrit les yeux, deux grands yeux verts où aujourd'hui se reflétait l'incompréhension.
-Salut, commença timidement le cadet, ça fait bizarre de te revoir.
-Euh... Salut, bizarre ça c'est sûr, on est à l'arrière du bar?
-Pas vraiment, bienvenue dans les locaux de l'underground, sourit Gamper.
-Oui, j'ai su que tu étais dans le camp des révoltés mais qu'est-ce que tu me veux?
-Un peu d'aide.
-Pour tuer encore plus de monde? demanda l'aîné en se penchant en avant.
-Non, pour faire évader une amie commune, fin tu vois de qui je parle. Je comprends même pas comment t'as pu lui faire ça. T'aurais pu la prévenir avant d'aller l'arrêter non? Quand l'enquête a commencé à se rapprocher d'elle, pourquoi tu lui en as pas parlé?
-J'avais aucune idée de là où elle pouvait être, j'aurais bien aimé mais ça faisait six ans qu'on s'était perdus de vue alors j'avais aucun moyen d'aller lui raconter tout ça. Et puis il y a eu cette lettre anonyme qui a tout précipité. Et maintenant, elle risque la peine de mort dans deux jours. Je regrette tellement, Gamper, acheva-t-il en entendant sa voix se briser.
Le révolté s'approcha de lui pour poser sa main sur son épaule. Il le regarda longtemps avec un sourire triste. Son ton avait changé lorsqu'il parla.
-Les regrets ça se change, et il est encore temps d'aller l'aider. En plus, tu es super bien placé pour essayer de la sortir de là. T'es avec moi?
Marco haussa les épaules ce qui laissa transparaître sa gêne. Et puis une phrase revint à sa mémoire. Il l'avait beaucoup aimée quand il l'avait lue dans le carnet d'Elena: "Est-ce que c'est notre volonté qui fait le destin?". Le jeune homme sentit un sourire se dessiner sur son visage. Il avait peur mais l'idée de Gamper le tentait terriblement. La main de son ami quitta son épaule pour se présenter à lui. Il frappa dedans puis la serra longuement comme avant, lorsque l'un adressait une passe décisive à l'autre sur le terrain de foot du collège.
Et au loin, ils crurent entendre Elena les féliciter et haranguer toute l'équipe. "0-0 dans la tête, on continue comme ça!" Pendant le reste du match, elle continuerait de dégoûter les attaquants adverses, n'hésitant pas à plonger sur le bitume. Et devant, les deux amis enfileraient les buts, certains qu'il n'y avait pas à se soucier d'en encaisser vu les réflexes de leur gardienne.
Aujourd'hui, Elena tenait encore mais les frappes se multipliaient et celles d'André Vasseur n'étaient pas molles. Cette fois, les deux attaquants allaient devoir revenir en défense pour l'aider un peu.
Lundi 5 juillet 2020
Bon, c'est bon, j'ai mon bac. C'est fou comme ça ne change rien. Enfin j'imagine qu'il vaut mieux l'avoir quand même. Je sais pas pourquoi je me suis sentie aussi vide quand j'ai vu que je l'avais. Autour, les autres avaient l'air heureux, bon quelques uns tristes aussi mais moi je ne comprenais pas, ça ne me faisais rien. Non, le moment où j'ai été vraiment contente, c'est quand Fred a annoncé qu'elle invitait tout le monde chez elle ce soir pour fêter ça. En ce moment, j'ai trouvé un petit coin dans le jardin pour raconter ma journée. Tout se passe bien, Devon est déjà bourré et Iode a réussi à danser un slow avec Fred. Je sais pas si elle va réussir à pécho ce soir mais ça serait vraiment cool pour elle.
Bon voilà, je suis grande, j'ai le bac. Maman voulait que je le fête au bar comme ça il aurait pu y avoir les gens du village à passer pour me féliciter mais j'en avais pas du tout envie. L'année prochaine, j'aurai une chambre au CROUS. J'ai l'impression de m'étouffer au bar. Tout le monde cherche tellement à avoir raison, à prouver aux autres qu'ils ont tort, j'ai peur de devenir comme ça à force. J'ai trouvé un job pour cet été, je vais travailler aux champs. Avec les bourses, je devrais pas avoir pas trop de problèmes de thunes. Ça tombe bien, je veux plus demander aux parents, ils ont assez à faire de leur côté.
Marco avait écouté attentivement l'idée de Gamper et elle lui avait plue. Il comptait bien l'appliquer dès ce matin. Les regrets qui le torturaient depuis plusieurs jours et son envie de se racheter lui avaient permis d'accepter. Une nouvelle peur s'était donc installée en lui. Il ne serait décidément jamais tranquille. Dans le bus vers le siège de la police, sa voisine lui jeta un regard réprobateur. Son pied tremblait et claquait par terre, le sol vibrait.
-Désolé, marmonna-t-il.
Arrivé au commissariat, il se dirigea vers Jules qui buvait un chocolat chaud dans la cafétéria. Il le salua et s'assit en face de lui. La question qu'il doit lui poser est simple. Les mots circulent dans son esprit. Mais le policier qui s'était occupé de la planque devant l'immeuble de Gamper interrompit ses pensées.
-C'est pas trop compliqué depuis que Ledanois est parti?
Marco resta un instant interdit puis comprit qu'il doit parler.
-Ça va. Tu sais quelle société s'occupe du ménage ici?
-Ouhla, je t'avoue que je me suis jamais intéressé à ça, rit Jules, pourquoi cette question?
-C'est mon père qui cherche une femme de ménage.
-Ah je pensais que le bourge en avait déjà une.
-Arrête de l'appeler comme ça s'il te plaît.
-Tout ce que tu veux, je comprends quand même pas pourquoi tu le défends, ça a vraiment pas l'air d'être un gars sympa.
-C'est mon père, dit Marco en baissant les yeux.
Jules alla jeter sa tasse près du comptoir et en profita pour demander à l'employé de la cafétéria le nom de la société de ménage. Il revint ensuite vers son collègue pour lui donner la réponse à sa question.
Le jeune policier l'avait remercié puis avait prétexté qu'il allait être en retard pour s'éclipser. Il n'était pas monté jusqu'à la salle de travail mais s'était rendu au service des archives. Gamper voulait un plan du commissariat qui soit à jour et plus précis que le rudimentaire qu'ils avaient pu dessiner. Par chance pour Marco, il n'y avait encore personne à fouiller dans les rayonnages de dossiers. Il avait donc pu chercher tranquillement son document et quitta la grande pièce les mains tremblantes mais le plan soigneusement plié sous son tee shirt.
Le jeune homme s'apprêtait à aller dire à Vasseur qu'il ne se sentait pas très bien et préférait rentrer chez lui au final quand il croisa Ledanois dans les escaliers.
-Salut p'tit, ben qu'est-ce que tu faisais en bas? T'avais oublié que tu bossais plus aux stups?
Marco rit et l'inspecteur haussa un sourcil.
-Je te cherchais.
-Ah, il se passe quelque chose? Je t'écoute.
-Euh rien de spécial, je voulais juste savoir comment t'allais.
-Très bien et toi?
-Bien. Bon, je retourne en haut, je suis en retard.
-Ok, bon courage, si tu veux on mange ensemble ce midi, ça sera plus pratique pour discuter.
Le jeune policier hocha la tête puis monta quelques marches avant de soupirer. A ce rythme là, son cœur risquait de ne pas tenir la journée. Il choisit donc de ne pas aller prévenir Vasseur et de descendre directement sur le port. Pour commencer, il passa au "goût thé", le bar où Iode lui avait joué un sale tour la veille pour déposer le fruit de ses recherches: le nom de la société de ménage et le plan détaillé.
Marco alla ensuite flâner sur les pontons, entre les bateaux qui faisaient claquer leurs mats. Il lui fallait bien une petite promenade près de la mer pour se détendre.
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