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Mercredi après midi, la porte de la cellule d'Elena s'ouvre pour la troisième fois de la journée. L'inspecteur Vasseur se tenait dans l'entrebaillement et attendait qu'elle se lève pour qu'ils rejoignent la salle d'interrogatoire. La jeune femme le regarda de son oeil intact, l'autre était masqué par un coquard qui datait de la veille. Elle n'avait plus la force de soupirer, d'opposer la moindre résistance. André se chargea donc de la relever puis de la mener à travers les couloirs.

Elle ne chercha pas à se dégager. Le contact de sa main qui serrait son bras la brûlait. Pas seulement à cause des hématomes qui couvraient maintenant son corps. Elle supportait mal qu'il l'aide pourtant Elena dût se l'admettre: elle était trop faible. Il valait mieux mettre de côté sa fierté et garder le peu de forces qu'il lui restait pour les deux heures qui allaient suivre.

Le premier interrogatoire avait duré trois heures mais depuis, c'était deux. Deux heures, deux fois par jour.

-T'as pas l'air en forme cet après midi, sourit Vasseur en pliant sa veste en jean sur le dossier de sa chaise, Bon, reprenons là où on en était ce matin. Je vais commencer à tourner un peu en rond dans les questions puisque tu ne veux pas m'aider à avancer donc je vais les reformuler maintenant. Les noms de tes complices?

Elena sentit ses muscles se tendre. Elle s'apprêtait à encaisser, comme d'habitude. Son corps commençait à avoir de bons réflexes.

Un premier coup vint et fit danser des couleurs inhabituelles dans sa vision. Avant même d'être totalement revenue au gris de la salle d'interrogatoire, l'inspecteur reposait sa question.

Nouveau direct de sa part. Puis encore la même question, un coup, la question toujours. Il aurait été si simple de répondre. Ca aurait calmé la tempête un instant mais la jeune femme se fit violence pour garder les lèvres closes. La frappe arriva avant même qu'elle n'ait le temps d'y réfléchir davantage.

Vasseur semblait agacé, il avait oublié le dossier de l'enquête sur son bureau, et par dessus celui-ci, la feuille avec les questions pour l'entretien de cet après midi. Il sortit son portable pour appeler Marco et lui demander de descendre tout ce dont il avait besoin. En attendant, l'inspecteur improvisa:

-Que sais-tu sur Globe?

Elle avait déjà fermé les yeux et attendait le coup mais le bruit de la porte qui raclait le sol les lui fit rouvrir. Elena croisa le regard de son ancien ami. Elle sentit un regain d'énergie la parcourir. Comme la jeune femme ne voulait pas lui montrer sa faiblesse, surtout pas à lui, elle cracha à l'inspecteur:

-Je vais continuer de ne rien vous dire de ce que je sais. Et vous ne saurez jamais rien. Ledanois aurait peut être réussi à tirer quelques infos.

Marco émit un petit rire et la dévisagea. Il avait rit et Elena ne sentait plus seulement un supplément de forces dans son corps, mais elle se sentait invincible. Ce qui la traversait était si fort qu'elle aurait pu en pleurer. Elle se contenta d'un éclat de rire, les yeux plantés dans ceux du jeune policier.

Vasseur la fit taire, comme d'habitude. Un coup dans la mâchoire et le silence revint. Marco quitta la pièce et referma la porte.

Le rythme monotone revint: quatre question identiques, quatre coups.

Elena nota tout de même que les frappes étaient plus dures, et placées de manière plus précises que les jours précédents. Elle voulait croire qu'elle était parvenue à atteindre l'ego de Vasseur. Sa drôle d'idée de lui donner des réponses s'était envolée. Elle avait rit avec Marco.

Et même si elle ne termina pas l'interrogatoire consciente et qu'André fut obligé d'appeler deux policiers pour la ramener dans sa cellule, elle avait rit avec Marco.



Samedi 30 avril 2020

Putain mais c'est quoi ce bordel, le gouvernement a lancé un fichage national de tous les étranger qui vivent sur le sol français. Je ne sais pas si Marco va être inquiété. Il a peut être été naturalisé maintenant. Je ne sais pas et je ne veux pas vraiment savoir, ça me plairait bien de réussir à aller de l'avant. Dans un mois, c'est fini le lycée. J'ai choisi d'aller en fac de maths l'année prochaine et j'aimerais profiter pleinement de la vie étudiante et des soirées alors pas question de continuer de traîner un chagrin d'amour vieux de trois ans. Je ne comprends pas pourquoi il n'est toujours pas parti. Iode m'a dit qu'avec le temps, tout finit pas passer mais bon, là c'est long quand même.



Marco avait refermé la porte de la salle d'interrogatoire avec un grand sourire. Il comprit enfin la bonne humeur qui l'avait enveloppée après la lecture du journal d'Elena. Ce jour-là, il avait été heureux de retrouver le fantôme de la jeune femme. Aujourd'hui, c'était elle qu'il avait retrouvée.

Le jeune policier sortit. Il n'avait aucune envie de poursuivre la rédaction du rapport que Vasseur lui avait ordonnée. Non, il voulait d'un peu de liberté. Marco se décida donc à sortir du siège de la police pour aller se promener. Il avait le coeur léger et trouvé la réponse à son dilemme: Son amour pour Elena existait toujours, sinon, comment expliquer le bonheur que lui débordait du coeur après ces quelques éclats de rire.

En plus, elle avait loué les compétences de Ledanois devant le nouvel inspecteur. Il avait trouvé ça tout simplement magistral.

Sur le trottoir en face du commissariat, il aperçut une silhouette qu'il avait déjà croisé. C'était la jeune femme qui connaissait Devon. Il repensa à l'enquête qu'il laissait en suspens puisque Vasseur l'accablait de tâches administratives.

Bon, il s'était décidé à être libre quelques heures mais il n'avait pas vraiment d'idées pour occuper ce temps alors il traversa la rue.

-Salut!

-Oh, salut, répondit-elle en sursautant, je ne vous avais pas vu arriver.

-Désolé, vous vous promeniez dans le coin?

-Je rentre de la fac, mentit Iode, et vous? J'imagine que vous sortez du commissariat puisqu'il est juste là.

-Ouais, c'est ça, sourit Marco, vous aviez eu des nouvelles de Devon depuis la fois où on s'était déjà croisés?

Il vit se regard se voiler légèrement et s'excusa une nouvelle fois. Il lui promit de ne pas reposer la question puisqu'il voyait que cela la rendait triste.

-C'est pas grave, sourit son interlocutrice qui semblait avoir retrouvé la bonne humeur avec laquelle il l'avait connue, vous voulez aller boire un verre?

-Un verre? Euh pourquoi pas. Mais je ne connais même pas votre nom?

-Iode. Et toi?

-Marco. Mais je te préviens au cas où c'est une tentative de drague, je suis déjà pris.

L'étudiante en chimie se mit à rire alors qu'ils commençaient à descendre vers le port. C'était un rire un peu jaune mais elle se força à afficher une certaine légèreté, comme la dernière fois qu'elle avait croisé le jeune policier. C'était comme ça qu'il l'avait déjà connue alors ça lui permettrait de paraître moins suspecte.

-Pas de souci, moi aussi. Mais parle moi donc de l'élue de ton coeur, je suis curieuse de savoir qui c'est même si je ne vous connais ni l'un ni l'autre.

-Bon, c'est un peu compliqué mais voilà, j'aime bien quand elle rit, quand on va se promener au port, quand elle m'aide en maths, quand on s'embrasse au parc.

-C'est génial, répondit Iode, j'espère que vous allez être heureux longtemps alors.

Il lui demanda comment il était, son copain à elle et elle parla de Fred pendant le reste du chemin. Une fois arrivés au bar, elle l'entraîna tout au fond de la salle, près de la porte qui devait mener dans une partie privée puisque c'était écrit dessus. Puis Iode dit qu'elle allait commander les boissons au comptoir. La taverne était déserte et le jeune policier aimait l'ambiance qu'il régnait. On entendait les mats de voiliers claquer, il pouvait même voir une partie du port à travers la grande baie vitrée qui laissait passer la lumière. Dans tout le bar étaient disposés des tableaux d'un même peintre. C'était joli la façon qu'il avait eu de représenter la mer, en utilisant toutes les couleurs de sa palette.

Marco souriait. Il avait bien fait de se laisser guider, se dit-il. Depuis qu'il était dans la police, depuis trois ans donc, il n'avait pas véritablement d'amis. Ses camarades de lycée étaient loin et constituaient davantage des connaissances. S'il avait besoin de se confier, il y avait Ledanois qui avait toujours fait attention à lui.

Mais là, les sentiments qui le traversaient étaient si forts qu'il devait en parler à quelqu'un. L'inspecteur n'était peut être pas le meilleur interlocuteur, il aurait rapidement compris qu'il parlait d'Elena. Il avait déjà en partie deviné que son "p'tit" ressentait encore quelque chose. Une parfaite inconnue sympathique, c'était sûrement le meilleur plan pour discuter amour.

D'ailleurs Iode ne revenait toujours pas. Marco s'apprêtait à se lever pour aller voir ce qu'il se passait quand il entendit la porte s'ouvrir derrière lui.

Il n'entendit que ça et puis plus rien.





Désolée pour le rythme de publication un peu plus lent que prévu. Il ne reste plus que quelques chapitres avant la fin. J'ai du mal à l'écrire puisque je constate qu'il y a pas mal d'incohérences ou de choses que j'aimerais changer dans l'histoire pour l'améliorer. J'ai donc un petit manque de motivation ces derniers temps. D'après mon plan, il ne manque plus que deux chapitres à écrire, quatre à publier. Je vais essayer de les faire que vous puissiez avoir le fin mot de l'histoire quand même, puis je passerai à une bonne grosse réécriture pour rectifier ce qui ne me plaît plus.

Bref voilà, la fin arrive d'ici quelques jours/semaines et plus tard, je m'occuperai des modifications. D'ailleurs, si vous avez des remarques, trouvé quelques chose qui n'allait pas, n'était pas logique, n'hésitez pas. Merci encore pour tous vos votes et commentaires!

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