Gamper exultait. Mardi soir, le jeune homme avait du mal à dormir alors il était parti se promener dans les sombres couloirs de l'underground. Au fil de ses détours, il était arrivé dans le foyer. C'était l'une des salles centrales du bunker, la plus accueillante aussi. Ici, les révoltés pouvaient se retrouver, se reposer, discuter et se divertir. Une large télé occupait l'un des coins de la pièce. Elle était toujours allumée à cette heure là et un bandeau rouge attira l'attention de Gamper.

Il déchiffra les mots qui y étaient inscrits: "La cheffe de la Chouette arrêtée". Une photo d'Elena était affichée sur l'écran et des journalistes parlaient. Le jeune homme ne les entendait pas, il pleurait de revoir le visage de son amie. Il pleurait de voir qu'ils avaient réussi.

Hier encore, avec Iode et deux autre révoltés, ils avaient saboté les rails du tram, résultat: pendant la moitié de la journée, aucun des véhicules n'avait pu passer.

Si la police commençait à communiquer sur l'arrestation d'Elena, c'est qu'ils voulaient mettre un terme à leurs agissements. Et quand les forces de l'ordre racontaient qu'ils avaient trouvé un membre de l'underground, surtout un membre important, ils organisaient toujours un procès. Pour maintenir un semblant de justice dans le pays.

Gamper se mit à courir dans les couloirs gris. Les lampes défilaient dans le coin de son regard et le bruit de ses pieds martelant le sol était étouffé par l'épaisseur du béton. Il n'eut aucun mal à retrouver le chemin de sa chambre qu'il partageait avec Iode et Ivern. Sans trop de pitié pour leur sommeil, il les secoua.

-On a gagné, on a gagné, ils commencent à parler d'Elena, on va l'avoir notre procès.

Ses deux amis fraîchement réveillés acceptèrent en ralant de le suivre jusqu'au foyer. L'édition spéciale était toujours en cours. Les trois jeunes écoutèrent en souriant. Le silence attentif n'était interrompu que par quelques bâillements.

Soudain, ils entendirent ce qu'ils voulaient entendre.

"Un procès se tiendra dans trois jours."

Ils se sautèrent dans les bras, ils venaient d'avoir la confirmation de leur réussite. Cette fois, ils pouvaient véritablement rêver à revoir la tête de mule qui leur servait de cheffe. Leur attention revint néanmoins rapidement se fixer sur le flot de paroles des présentateurs.

Il leur était maintenant primordial de récolter un maximum d'informations sur la tenue du procès, l'endroit où était retenue Elena.

Iode notait tout cela sur sa main et lorsque les journalistes changèrent de sujet, les écritures atteignaient son coude.

-Parfait, dit-elle en regardant fièrement ses complices de la Chouette, demain matin on en parlera avec Globe. En attendant, dodo.

Le mercredi, à la première heure, les trois amis et leurs yeux cernés se rendirent jusqu'au bureau du chef de l'underground. Il les accueillit avec son habituel sourire et écouta attentivement ce qu'ils avaient à lui raconter. A la fin de leur récit, son visage rayonnait d'autant plus.

-Magnifique, le poisson a mordu. Bon, il nous reste trois jours pour trouver le plan qui sauvera Elena.

-Je peux proposer quelque chose, dit Ivern, Gamper nous a raconté qu'on attendait le procès pour agir puisque c'était une sorte de fenêtre ou la sécurité autour des suspects était plus faible. Mais vous avez plusieurs fois déjà fait évader ou essayé de faire évader des membres de l'underground à ce moment là. La police a d'ailleurs réagit en n'organisant presque plus de procès pour les révoltés qu'ils prenaient. Je pense qu'on doit agir dans les trois prochains jours. Ils sont prévenus maintenant alors j'ai peur qu'il y ait trop de mesures de protection.

-Les plans tordus c'est toujours pour toi, sourit Iode, mais pour une fois, il me plaît celui-là.

Globe et Gamper acquiesçaient à la proposition d'Ivern. Tous semblaient d'accord alors le chef de l'underground récapitula:

-On va la sortir d'ici avant le procès, dans trois jours, elle est avec nous. Bon, il y a des chances pour qu'elle soit retenue au siège de la police, vous voyez où c'est? Dans le centre ville, en haut de la rue de Siam. Il nous faut des renseignements. Iode, tu n'es pas encore sur la liste des personnes recherchées alors je pense que ça ne sera pas trop suspect si tu tournes autour du commissariat. Note tout ce que vous pourra, on aura besoin d'un maximum d'informations. Ivern et Gamper, on va s'occuper d'organiser ce que tu nous dira Iode pour qu'un plan soit près au plus vite. Ça va être grandiose si on réussit en trois jours à faire évader Elena.

Chacun savait ce qu'il avait à faire et ils partirent pour leurs postes respectifs avec confiance.

Mardi 16 mars 2020

C'est chaud la term, on a cours tous les jours à huit heures et on finit jamais très tôt. J'en ai un peu marre d'être fatiguée. Hier, on a changé de place et très bonne nouvelle, je suis à côté de Devon vers le fond de la classe. Iode est juste devant nous. C'est cool. Enfin c'est bien le seul truc cool, les cours, parce qu'autour, le monde commence à me faire de plus en plus peur. Depuis l'année dernière, on a un nouveau gouvernement et il a eu quelques mesures de pour restreindre les libertés ou stigmatiser les étrangers. Le soir, il y a pas mal de monde qui parle de ça au bar. J'aime bien aller débattre avec eux. A la fin, je finis toujours par être d'accord avec Patrice mais pas forcément avec maman. Je vois vraiment pas ce qu'elle peut voir de sympathique dans les nouvelles lois.

Depuis trois jours, Marco avait découvert André Vasseur, le nouvel inspecteur en charge de l'enquête sur la Chouette. Mis en confiance par ce que lui avait dit Ledanois la veille, le jeune policier avait voulu montrer qu'il était motivé et s'était mis à exposer ses pistes à propos que qui avait écrit la lettre de dénonciation. Il avait également parlé des nombreux actes de l'underground et suggéré d'organiser un procès.

L'inspecteur Vasseur n'avait pas aimé qu'un jeune de vingt ans lui dise ce qu'il devait faire, surtout que c'était l'ancien assistant de Ledanois qu'il détestait. Il s'était donc mis à afficher un air méprisant avec Marco et depuis, l'assignait à des tâches administratives.

Le mercredi matin, alors qu'André lui demandait d'aller chercher un énième dossier au service des archives, il découvrit à son retour que le chef de la police était là. En secret, il espérait qu'Hugues soit venu pour annoncer à Vasseur qu'il était renvoyé. Depuis qu'il avait été nommé, le nouvel avait multiplié les interrogatoires: un le matin et un l'après midi pourtant il n'avait pas obtenu plus de résultats que Ledanois, Elena restait muette. D'ailleurs Marco se surprenait à être heureux qu'elle ne flanche pas.

Il sortit de ses pensées quand il entendit ce que le chef de la police dit à André:

-C'était une brillante idée ce procès, le coup au moral de l'underground sera important. Vous êtes brillant, inspecteur Vasseur.

Le jeune policier laissa bruyamment tomber le dossier sur la table avant de sortir. Il sentait le regard des autres le suivre mais pour une fois, il s'en foutait.

Marco n'alla pas se réfugier sur le toit, il voulait purement et simplement quitter le siège de la police. Une rage s'était installée en lui depuis que Ledanois était parti. Il aurait aimé aller voir son ancien supérieur, qui devait être en train de travailler au bureau des stups, quelques étages sous la salle de travail où Vasseur écoutait Connor caresser son ego. Mais le jeune homme pouvait déjà imaginer la déception dans les yeux de l'inspecteur. Il lui aurait sûrement dit quelque chose comme:

"Tu as tellement de choses à apporter à quelqu'un comme Vasseur, retournes là haut et essaye de comprendre comment il fonctionne. André aime qu'on le flatte, il s'apprécie beaucoup, tu sais. C'est comme ça que tu dois lui parler, en lui montrant l'admiration que tu as pour lui."

Mais Marco ne se sentait pas la force de jouer à ça. Il n'avait jamais réussi à être crédible au théâtre et on le grillait tout de suite quand il mentait alors il allait aller se calmer en se baladant et remonterait peut-être plus tard dans l'après midi.