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Elena commençait à perdre espoir. Elle se sentait sale et ne parvenait plus à ordonner ses pensées. Les raisonnements que l'on ne pouvait même plus appeler des raisonnements partaient dans tous les sens.

Il y en avait toujours un, comme un bruit de fond qui s'amusait à lui planter des couteaux dans le ventre. Ce faisceau de pensées avait pour thème Marco. Le petit italien ne l'aimait plus, c'était une évidence.

Ensuite, quand elle s'était faite suffisamment de mal en se disant que l'amour de son ancien ami pour elle avait disparu, elle cherchait qui avait pu écrire la lettre de dénonciation. Sa liste de suspects avait évoluée:

-Iode

-Devon

-Gamper

Cool, ses trois amis les plus proches étaient aussi les plus susceptibles de l'avoir trahie. De ce côté là aussi, elle manquait de péter un câble quand les questions venaient l'embêter. C'était peut être Iode mais Elena ne voulait pas y croire. Elle s'était mise à espérer que l'inspecteur viendrait rapidement lui dire qui était l'auteur de la lettre.

Un troisième élément la tracassait. Parfois, la police, quand elle voulait à tout prix obtenir des informations, utilisait des moyens de pression peu scrupuleux. Par exemple, il était déjà arrivé que des membres de l'underground soient arrêtés et que leur famille soit menacée pour les faire parler.

La jeune fille se posait beaucoup de question sur ça. Est-ce que Ledanois allait le faire, comment réagirait-elle si on agitait une arme devant sa mère, son père ou son frère?



Jeudi 10 novembre 2017

On a repris les cours depuis le début de la semaine. Je sens que Iode m'en veut encore un peu pour le coup de faire demi tour devant le lycée et Devon aussi depuis que je lui ai mis un râteau mais ça s'arrange petit à petit. On avait anglais et on était tous les trois du coup. On a vraiment bien rigolé parce que c'était une compréhension orale sur l'intelligence artificielle et Devon avait fini de répondre aux questions avant que la prof mette le reportage.

Ce soir, maman m'a énervée. Elle voulait que j'aille me coucher alors que je discutais avec Patrice, le père de Gamper. C'était trop intéressant, il était en train de m'expliquer pourquoi l'Europe laissait des migrants mourir en Méditerranée. Je me suis énervée mais pas trop fort parce qu'il y avait pas mal de monde au bar ce soir vu que demain c'est férié. Elle a pas voulu que je reste alors quand j'en ai eu marre d'essayer de négocier, je suis montée. Je sais pas trop quand est ce que je vais réussir à dormir. Ce que Patrice m'a raconté m'a énervée et le fait que maman veuille que j'aille me coucher alors que demain y a pas cours aussi.



Marco se réveilla tardivement. La veille, il avait décidé de ne pas mettre son réveil, après tout, les résultats du labo arrivaient à midi, il n'avait pas de raison de se lever plus tôt que ça. En réalité, il ne voulait pas croiser Ledanois aujourd'hui, sans bien savoir pourquoi. Le jeune policier se sentais assez fatigué en ce moment, par le rythme soutenu de l'enquête, ses introspections, les souvenirs qui l'assaillaient, l'ambiance qui se tendait par moments avec l'inspecteur et ses tentatives pour rationaliser toutes ses pensées.

Il quitta donc son appartement du quartier de la cavale blanche pour rejoindre le siège de la police comme chaque matin sauf que là, il était 11h. Ca lui faisait du bien et un grand sourire ne le quitta pas depuis le moment où il monta dans le bus jusqu'à celui où il arriva aux locaux de la police scientifique pour récupérer le rapport sur la lettre de dénonciation.

Marco monta ensuite vers leur salle de travail et salua Nolwenn puis l'inspecteur Ledanois toujours dans le même esprit joyeux. Il commença à parcourir le dossier que lui avait tendu un homme en blouse blanche.

Ah, ils avaient pu relever des empreintes digitales mais elles ne faisaient pas partie du fichier de la police. Dommage. Et d'après le cachet de la poste, la lettre avait été envoyée depuis le quartier de Recouvrance. Parfait, ça lui faisait une zone pour commencer ses recherches. Alors qu'il soupirait d'aise, Ledanois s'approcha de son bureau:

-Tu as l'air en forme aujourd'hui, ça fait plaisir à voir.

-Ouais, j'ai bien dormi cette nuit.

-On dirait, rit l'inspecteur, je n'ai pas souvenir de t'avoir dit que tu pouvais ne venir qu'à midi aujourd'hui par contre.

-Vous ne l'avez pas dit mais je crois que... j'avais envie de faire la grasse mat' ce matin, répondit Marco.

-Eh ben une envie? demanda Ledanois en levant un sourcil, d'accord. Tu prends donc des libertés p'tit. J'avais pas l'habitude mais ça ne me pose pas de problèmes. La prochaine fois que tu voudras un peu de rab de sommeil, tiens moi au courant juste.

-Pas de souci.

Alors que chacun rejoignait son ordinateur et reprenait ce qu'il était en train de faire, l'inspecteur frappa son bureau. Le bruit résonna dans la pièce, faisant taire les cliquetis des claviers. Nolwenn et Marco s'approchèrent. Leur supérieur était énervé et il se contenta de leur désigner l'objet de sa colère d'un signe dédaigneux de la tête.

Sur son écran, un mail était ouvert. Il émanait du chef de la police brestoise.

"Bonjour inspecteur Ledanois,

Vous n'êtes pas sans savoir que deux incendies dirigés contre un collègue ainsi qu'un proche du préfet ont été revendiquées par l'underground. Je vous demande donc d'obtenir rapidement des résultats avec Elena Quemeneur. Vos méthodes d'interrogatoire semblent bien peu efficaces et surtout très légères face à la situation. Les idées de la révolte se propagent rapidement et nous devons stopper l'hémorragie. Je vous recommande donc très fortement l'usage de la torture sur votre suspecte. Vous pouvez affectionner la discussion mais elle n'a pas de sens devant la violence des crimes de l'underground.

Dans l'attente de vos nouvelles et en espérant qu'elles soient bonnes.

Cordialement

Hugues Connor, chef de la police brestoise."

-Il n'y aura pas de torture, jamais, souffla Ledanois, nous ne devons pas nous abaisser à ce niveau de violence. Je sais que les forces de l'ordre sont devenues très friandes de ces techniques dégradantes ces dernières années mais ils se rendront bien compte que c'est ce qui nous mènera à notre chute. Bien, reprenez ce que vous étiez en train de faire les enfants, je vais avoir besoin de tout mon sang froid pour rédiger une réponse.

Marco rejoignit son bureau et suivit les directives de l'inspecteur. Il se replongea dans le fichier que Nolwenn lui avait transmis la veille. Le jeune policier cherchait qui, parmi les amis d'Elena, vivait à Recouvrance.

Il en trouva deux, Ivern et Devon.

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