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Pendant qu'Elena était parvenue à trouver le sommeil, il en était tout autrement pour Gamper, son ami d'enfance et partenaire à la Chouette. Le débat du midi lui avait laissé un goût amer dans la bouche. Assis sur son lit, la tête entre le mains, il repensait à ce qui avait été dit: quelqu'un est suspect parmi eux, parce qu'il s'est connecté au site du journal à la BU. Il savait très bien que ça ne pouvait pas être lui, il y a deux ans, il était au lycée. C'était le plus jeune du groupe, avec un an de moins que les autres.

Mais peu importe cette histoire d'âge, l'un de ses amis était en danger et il venait de louper l'occasion de se mettre à l'abri. Gamper se dit qu'il fallait remettre le débat sur la table et accepter la proposition de Globe le plus vite possible. Il savait aussi qu'Elena n'avait pas dit tout ce qu'elle savait la veille. Pourquoi? La connaissant depuis des années, il était au courant de son caractère têtu et indépendant.

Il lui envoya un message pour lui donner rendez vous le lendemain matin.

Gamper ne reçut pas de réponse alors il alla jusqu'à la fac de sciences, espérant croiser son amie. Il y avait du monde dans les couloirs, un peu trop à son goût mais il s'efforça de dévisager chacun des étudiants.

Une main se posa sur son épaule et l'entraîna hors de la cohue.

-Bah alors, qu'est-ce que tu fais là? demanda Iode.

-Je cherchais Elena, il faut que je lui parle. Tu l'as vue aujourd'hui?

-Non. Elle a ses TDs de statistiques je crois. Mais on mange à la cafet tous les mardi midis donc si t'as besoin de lui dire quelque chose, elle sera là.

-Ok, super, bon ben plus qu'à attendre deux heures du coup.

-Bah viens en cours avec moi si tu veux, rit son amie en le saisissant par la main, un amphi de thermodynamique, je suis sûre que tu vas adorer.

C'était tout ce que Gamper pouvait faire pour le moment alors il se laissa entraîner. La bonne humeur d'Iode l'avait détendu. Pendant le cours, l'apprentie chimiste ne put retenir sa curiosité habituelle et lui demanda ce qu'il voulait dire à Elena.

-Je veux juste en savoir plus sur cette enquête dont elle nous a parlé hier, j'ai l'impression qu'elle nous a caché des trucs et qu'on a fait une connerie en refusant de rejoindre Globe.

-Ah, je vois, encore cette histoire de débats. Bon, pour commencer, c'est vrai qu'elle ne nous a pas tout dit, c'est son nom que la police a dans sa liste des suspects. Ensuite, à partir de là, il faut lui faire confiance, elle sait ce qu'elle fait depuis le début, alors je ne m'inquiète pas.

Iode se concentra à nouveau sur le cours et Gamper, pour qui les notions semblaient bien abstraites, se décida à contacter Globe via la messagerie de la Chouette. Son intuition le trompait rarement et là, il était inquiet pour son amie.

"Bonjour, avez-vous des nouvelles d'Elena?"

Un quart d'heure plus tard, la réponse tomba:

"Non, nous devions nous retrouver hier après midi pour qu'elle soit en sécurité mais elle n'est pas venue à notre rendez vous. C'est étrange et puisque vous n'avez pas de nouvelles non plus on dirait, je crains le pire. Ma proposition de rejoindre l'underground est toujours d'actualité."

Gamper contint avec peine la panique qui le gagnait, il répondit à Globe qu'il acceptait et tendit son portable à Iode.

-D'accord. Mais on n'est pas sûrs qu'elle se soit faite arrêter. Peut être qu'elle viendra ce midi manger à la cafet et qu'en ce moment, elle fait tourner des chiffres dans sa tête.

-Tu me tiens au courant, moi je rejoins l'underground. Si elle s'est faite prendre, c'est notre dernière chance de la tirer de là, s'allier avec ceux qui s'y connaissent plus que nous.

-Oui. Salut Gamper, on se retrouve vite.

Le jeune homme quitta discrètement l'amphi et prit le bus vers le port. Il suivit les instructions que lui avait transmises Globe et s'assit au fond d'un bar après avoir commandé une menthe à l'eau. Quelques minutes plus tard, un homme arriva et s'assit en face de lui. Ils échangèrent des paroles à propos du temps qu'il faisait puis il lui demanda:

-Vous pensez qu'il fera beau demain?

-Les goélands volent bas, il pleuvra, répondit-il machinalement.

L'inconnu hocha la tête, Gamper venait de lui donner le mot de passe. Lui faisant signe de la suivre, ils rejoignirent ensuite le siège de l'underground, un énorme bunker désaffecté que la seconde guerre mondiale avait légué à la ville. Celui qu'il avait retrouvé dans le bar le conduisit jusqu'au bureau de Globe, dans les profondeurs du blockhaus.

Le chef des révoltés était aussi inquiet que lui. Si Elena s'était faite prendre, ce qui restait à confirmer, cela mettait en péril le journal. Ça n'allait pas se remarquer tout de suite puisqu'il n'y avait plus de publications depuis la fin de la semaine passée mais à terme, la révolte perdrait gros de ne plus avoir accès à des informations qui ne subissaient pas la censure du gouvernement.

Gamper était davantage inquiet pour son amie et lui demande s'il n'y aurait pas un moyen de la faire évader comme ils l'avaient fait il y a quelques mois pour deux membres de l'underground.

-Ça va être compliqué, je ne te le cache pas, à l'époque, ils faisaient encore des semblants de procès et c'était cette fenêtre qu'on exploitait pour parfois réussir à récupérer nos camarades. Maintenant, les procès publics sont de plus en plus rares à cause de ça justement.

-Il y aurait un moyen pour obliger la police à organiser un tel procès?

-Mettre la ville à feu et à sang. Ils voudront se montrer répressifs et prouver à la population que la lutte contre la révolte va bien. J'imagine que dans ce cas, ils pourraient vouloir médiatiser son jugement. Mais il va falloir bien jouer pour cela. D'abord, il faudra qu'on soit insaisissables dans nos actions, sinon le jeu n'en vaudra pas la chandelle. Et ensuite, il faudra qu'elle sache résister à la pression de son côté. Les interrogatoires seront musclés si l'on se montre plus proches que jamais du chaos.



Jeudi 7 octobre 2017

On avait anglais aujourd'hui et Devon a décidé de se mettre à côté d'Alexis plutôt qu'avec Iode et moi. Ça m'a rendue triste, mais Iode a dit que sa tristesse allait passer. Hier soir, ils avaient beaucoup parlé. Il est très déçu mais ça va passer, ça passe toujours qu'elle m'a dit. Moi je voulais pas que ça ait besoin de passer, je voulais juste que ça se passe pas. Je commençais à être super bien au lycée avec eux deux comme potes. Je veux pas que Devon se sente mal, surtout à cause de moi. En plus, je sais que sa tristesse va ressembler un peu à celle que j'ai en ce moment avec Marco.



Marco était au siège de la police brestoise à 13h pile. L'inspecteur avait ses dix minutes de retard et son grand sourire. Nolwenn était déjà derrière son écran.

Tout allait bien se passer aujourd'hui, se dit le jeune policier.

Avec Ledanois, ils commencèrent à mettre au propre le dossier de l'enquête, dossier qui allait être ensuite envoyé au parquet anti terroriste. Pendant ce temps là, leur collègue poursuivait ses recherches sur l'entourage d'Elena.

Quand le chef de la police brestoise fit irruption dans la pièce sur les coups de 15h, tout le monde interrompit ce qu'il était en train de faire, même Nolwenn.

-Bonjour à tous, je passe rapidement pour vous féliciter. Le terrorisme est très implanté dans notre région et l'arrestation de la cheffe de la Chouette est une grande étape dans l'éradication des mouvements de révolte. Je pense bien sûr à l'underground de notre ville mais également aux autres, la portée de ce journal était nationale. Chapeau bas, vous êtes parvenus à reprendre une enquête qui piétinait depuis un an et demi. L'enquête débute de fort belle manière, il faudra poursuivre tout ça pour s'assurer que la Chouette disparaisse totalement et mettre au clair les liens avec l'underground s'il y en a. Dans ce cadre là, je vous demanderai de mettre toutes les informations que vous pouvez récolter à disposition de nos services qui enquêtent sur les réseaux terroristes dans la ville. Une nouvelle fois, un grand bravo et poursuivez ainsi.

-Merci, chef, dit Ledanois, nous transmettrons nos informations à l'équipe qui se charge du terrorisme dès que nous aurons fini de les organiser.

-Parfait, je vous souhaite une bonne continuation.

-Au revoir.

La porte se referma sur l'homme en uniforme et l'inspecteur se retourna vers ses deux collègues en riant.

-Putain, ça fait deux ans que ce gars est arrivé à Brest. Jamais un bonjour quand je le croisais dans les couloirs. Et là, il nous sort un discours comme s'il nous remettait un Oscars. Vous pensez que j'aurais dû lui dire que je remerciais ma mère?

Nolwenn se mit à rire avec lui. Elle expliqua même la blague à Marco qui ne s'intéressait absolument pas au cinéma, pour qu'il puisse se joindre à l'allégresse générale.

-Bon, allez, l'anti terrorisme attend notre rapport, on s'y remet, décréta l'inspecteur.

Vers 18h, le dossier était complet et Marco alla le scanner pour que les éléments qu'il comportait puissent être transmis aux autres services que ça intéresserait. Il rejoignit ensuite Ledanois qui l'attendait dans sa vieille Peugeot bleue.

-Direction chez Gamper, lança-t-il en démarrant le moteur, t'as avancé sur ton enquête... personnelle depuis hier?

-Bof, je me suis replongé dans les souvenirs mais du coup, je sentais bien que je pense que j'étais encore amoureux mais vu que c'était un souvenir je me dis que c'est peut être le souvenir d'avoir été amoureux qui m'a trompé. Fin je sais pas si c'est clair.

-Heureusement que je commence à parler le Marco on va dire. Non en gros, on en revient à ce que tu m'as dit hier, lui parler plus longuement ça t'aiderait à savoir si, dans le présent, tes sentiments existent toujours.

-Ouais, c'est ça.

Ils étaient arrivés à Bellevue, au pied de l'immeuble de Gamper. Après avoir sonné plusieurs fois, l'inspecteur dût se résigner. En haut, il n'y avait personne.

-Bon, je vais demander à Jules de surveiller le coin, il n'est peut être pas encore rentrée. Enfin, 18h30 un mardi soir, il pourrait être chez lui quand même. Alors alors, on va changer de programme, c'est pas grave. J'étais chaud pour poser des questions donc on va sa rabattre sur Elena. Elle normalement, on sait où la trouver.

-Ok, je peux toujours venir à l'interrogatoire?

-Evidemment.

-Cool, j'aurais mes réponses plus tôt que prévu.

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