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Les heures passaient et Elena profitait de ce répit pour tourner en rond. La figure du cercle, de la sphère la fascinaient. Une surface de points, une homogénéité parfaite. Il n'y avait pas un endroit qui puisse être différencier d'un autre. Elle repensait aux légendes arthuriennes qu'elle avait lues il y a quelques années et à la fameuse table.
Elle aurait aimé que l'underground soit une sphère mais il y avait des dirigeants. Il y avait Globe. Elle sourit devant le jeu de mots involontaire puis maudit le message anonyme. Son auteur avait jugé utile de mentionner qu'elle en était la cheffe. Pourquoi?
Depuis que l'inspecteur l'avait laissée seule dans cette petite pièce grise qui se résumait aisément à quatre murs, une porte, un matelas et des toilettes, Elena essayait en vain de détourner ses pensées de cette lettre. Elle avait fait mentalement la liste de ceux qui savaient:
-Iode
-Devon
-Gamper
-Devon
-Globe
Cinq personnes étaient au courant, les quatre premiers étaient ses amis les plus proches. Le dernier, elle l'imaginait mal lui proposer son aide pour lui planter un couteau dans le dos juste après.
Il y avait pourtant eu quelqu'un pour la trahir. Ça lui faisait presque plus mal que tout le reste, à savoir se faire arrêter et revoir Marco. Elle penchait pour un membre du journal. Le fait d'avoir pris la peine de préciser qu'elle en était la cheffe pouvait vouloir montrer que l'auteur de la dénonciation se mettait en retrait de ce qu'ils avaient fait.
Elena ne voyait pas qui pouvait vouloir se mettre en retrait ainsi. Ils avaient toujours tous été si déterminés et unis dans leur entreprise contre le gouvernement. Peut être que ce qu'elle leur avait raconté ce midi avait effrayé l'un de ses amis au point de faire ça? Mais plus elle y réfléchissait, plus ça lui semblait absurde. Elle pouvait donner des noms à la police et il se retrouverait également en danger. Sauf q'il s'était dit que ça serait une circonstance atténuante quand ils se serraient tous faits prendre.
Refusant d'y penser plus longtemps, elle interrompit sa marche circulaire pour s'allonger. Il était tard malheureusement, sa tête était bien plus rebelle que ses jambes. Elle soupira. Ca avait toujours été comme si son corps était un peuple et son crâne, l'underground, le seul à se révolter encore.
Quelque chose ne marchait pas bien au niveau de la chronologie, se disait-elle. Elle leur avait raconté que la police était sur leur piste à midi et à peine quelques heures plus tard, Ledanois et sa troupe débarquaient dans son appart. Dans ce laps de temps, une lettre avait-elle pu parvenir au commissariat?
Il n'y avait qu'Iode et Globe qui avaient été au courant avant les autres.
Aucun des deux n'auraient pu faire ça. Du moins, elle se refusait à le croire.
Après un énième soupir, elle sombra dans un sommeil tranquille.
Dimanche 16 septembre 2017
Ça fait deux semaines que je vais au lycée et que Marco est parti. Il me manque mais j'essaye d'y penser le moins possible. Maman m'a dit que je ne devais pas m'enfermer dans la solitude et la nostalgie. J'étais plutôt d'accord avec ses conseils. La journée, ça va, je rencontre des nouveaux gens à l'école et d'ailleurs, je commence à bien m'entendre avec Iode et Devon, on est sur le même îlot en anglais et on passe toujours ce cours là à rire. Avant j'aimais pas l'anglais mais cette année, vu mes voisins, c'est génial. Bon, le soir c'est un peu plus compliqué du coup. Je pense à Marco et j'ai de plus en plus de mal à dormir à cause de ça.
Marco redescendit du toit de l'immeuble quand le soleil commença à plonger derrière l'horizon. Ledanois lui lança un sourire en le voyant entrer dans leur salle de travail. Il était penché vers l'écran de Nolwenn.
-Tiens, viens voir, c'est une première liste des proches et des connaissances d'Elena qu'on a faite à partir de ce qu'on sait d'elle.
Le jeune policier s'approcha et lut la liste de noms. Un en particulier, retint son attention: Gamper.
-On était en train de se pencher sur le cas de Gamper, reprit l'inspecteur, on sait que c'est un de ses amis de longue date et il publiait des messages anti gouvernementaux sur son compte facebook avant de recevoir un avertissement de la part de la police. Comme ils se connaissaient déjà au collège, tu pourrais nous en dire plus?
Marco grommela un oui qui signifiait à Ledanois qu'il aurait préféré que son passé commun avec Elena reste entre eux. Il répondit toutefois:
-Oui, ils étaient meilleurs amis, depuis la primaire. Si ils sont toujours en contact, ça peut être intéressant de chercher de ce côté là je pense.
-Bah si leur amitié a duré du primaire au collège, il n'y a pas de raison pour qu'ils ne se voient plus encore aujourd'hui, dit Nolwenn.
-Ta gueule, lui répondit l'inspecteur avant de se reprendre en riant.
Il tenta de faire passer ça pour une blague, prétexta qu'il était tard et qu'il ne voulait pas entamer un débat sur l'amitié alors que la journée avait été longue. Ses deux collègues sourirent donc et hochèrent la tête. En réalité, Ledanois espérait que sa remarque n'avait pas trop heurté Marco. En se moment, il savait bien qu'il devait ménager son jeune assistant.
Celui-ci ne semblait pas trop ébranlé, il lui demanda même à voix basse:
-Je pourrais être là pendant le prochain interrogatoire? Histoire de progresser dans l'enquête sur mes sentiments.
-Bien sûr, je pensais laisser Elena mijoter un peu demain et l'après midi, aller voir ce Gamper. Tu voudrais venir? Je ne sais pas si ça te va mais si vous vous connaissiez, on pourrait étudier des réactions intéressantes. Par exemple, si il est déçu de voir que tu es dans la police, ça peut être un indice.
-Ok, je viens voir Gamper, répondit Marco.
-Parfait, rendez vous ici à 13h, pas la peine de venir plus tôt, c'est valable pour toi aussi, Nolwenn, on a fait du bon boulot aujourd'hui et vous pouvez être fiers de vous. La journée a été intense alors restez donc vous reposer un peu demain matin.
Le jeune policier acquiesça puis salua ses collègues avant de rentrer. Il choisit de rejoindre son appart à pieds. C'était très inhabituel. Il n'aimait habituellement pas les imprévus mais dans une journée pareille, il se dit que tout devait sortir des ses habitudes. Peut être qu'en voyant toutes les choses hors routine qu'il avait faite, tout ce qu'il s'était passé depuis ce matin s'effacerait.
Il rêvait doucement sur le chemin de chez lui mais la réalité était là, il était rongé par les regrets. Il aurait très bien pu garder cette lettre pour lui, la cacher et Elena serait libre.
Quand il l'avait connue, elle aimait cette liberté, peut être plus encore qu'elle ne l'avait aimé lui.
Mais lui avait du mal à faire sans cadre, il avait rapidement le vertige si on ne lui disait pas quoi faire.
Comment aurait-il pu faire autrement? Aller contre la loi, contre une moitié de lui même et avoir l'impression d'avoir trahi l'inspecteur.
Dans les regrets qu'il ressentait, se cachait pourtant l'autre moitié de Marco, celle qui l'avait poussé à monter sur un bateau de pêche en sachant que son père en serait furieux, celle qui lui hurlait qu'il restait encore un espoir pour Elena et une occasion pour lui de se racheter. C'était vrai puisqu'elle continuait de hurler.
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