5 - Désastre


Chapitre 5

ANDRA

Désastre

Cette journée ne se déroule pas comme prévu.

Je rejoins le bureau de la secrétaire générale. La dame est en train d'arroser une de ses plantes près de la photocopieuse. La plaque argentée sur sa porte indique son nom :

— Georgia Milano ? dis-je en cognant doucement contre sa porte déjà ouverte.

— Oui ? Que puis-je pour vous ?

J'entre avec le trac. Honnêtement, j'ai toujours su contrôler mes émotions, mais il y a quelque chose chez Roman qui me déstabilise au point d'avoir l'impression de perdre mes repères. C'est comme s'il siphonnait tout mon air, ça me donne la sensation d'hyperventiler. Je n'arrive plus à réfléchir ni à trouver mes mots.

— Je suis Andra Evans, la remplaçante du professeur Chapman. J'ai besoin d'informations sur l'un de mes étudiants.

Elle se dirige vers ses énormes étagères remplies de classeurs.

— Lequel ?

— Il s'agit de Roman...

— Eaton ? me devance Georgia en pouffant, comme si elle était habituée à ce nom. Je vous préviens madame Evans, moi je n'ai pas grand chose sur lui. Son dossier complet, c'est personnel, et pour y avoir accès, il faut faire la demande d'autorisation auprès de l'administration.

— Juste l'inscription avec son profil et son emploi du temps, ça ira. Merci.

Elle me tend le document rempli de feuilles que j'épluche pendant qu'elle répond au téléphone.

La première chose qui me frappe, c'est le portrait de Roman Eaton. J'ai honte de le trouver vraiment canon. Je pourrais presque le qualifier de parfait. Je me surprends à caresser du pouce la photo et j'observe Georgia en espérant qu'elle n'ait pas remarqué ma façon de le contempler. Heureusement, occupée à parler à son interlocuteur, elle me tourne le dos.

Sur sa fiche, il est écrit qu'il vit au domaine Eaton's Lake à Sidney. Qu'il intègre le programme en médecine pour les quatre prochaines années, ensuite il devra être admis dans une faculté pour y étudier dix ans en médecine généraliste ou choisir douze ans en médecine spécialisée. Son profil est propre, sans tache, pas d'expulsion, que des mérites partout. Son père est nul autre que James Eaton, un des plus grands docteur du pays et chercheur et sa mère est Lawrence Eaton. Aucune info sur elle.

Je constate qu'il y a quatre jours, il a ajouté le cours d'immersion en langue française dans son cursus, programme non obligatoire, et visiblement il n'en a pas besoin. Il est parfaitement bilingue. Je le soupçonne de l'avoir fait exprès, la question est : à quoi est-ce qu'il joue ?

Je tombe sur la date de naissance de Roman et calcule rapidement qu'il n'a pas vingt-huit ans, mais bien dix de moins. Il a précisément eu dix-huit ans le 2 octobre. Le soir où on s'est rencontré...

Je suis choquée. J'ai vingt ans de plus que lui.

Je ferme brusquement le dossier et le dépose sur le bureau. Un malaise s'empare de moi. Je sors de la pièce, plus perturbée qu'avant d'y entrer.

Avant de retourner dans ma classe, je file dans les toilettes pour me passer un papier humide sur la nuque dans l'espoir de m'apaiser un peu. Une fois que j'arrive à me calmer, je me contemple dans la glace. Mes cheveux sont encore humides et mon regard est totalement égaré. J'enlève rapidement le pull que Roman m'a prêté et m'active pour mettre à sec mon chemisier en utilisant le séchoir à mains accroché au mur. Au bout d'un moment, ça fonctionne. En retournant devant le miroir et, à l'aide de l'élastique à mon poignet, je me fais une queue-de-cheval.

Pendant ce temps, la porte s'ouvre. Roman passe le seuil et referme derrière lui tout en s'adossant contre celle-ci. Il me lorgne dans le miroir qui se trouve devant moi.

— T'as menti, Roman. Tu n'as que dix-huit ans. Ton comportement est inadmissible.

Le mien également, j'aurais dû être plus consciente.

Il ne dit rien. C'est peut-être mieux ainsi.

Il laisse écouler quelques secondes alors que je suis butée devant le miroir, me fixant moi et non lui. Je vois son ombre décoller de la porte. Il se rapproche d'un pas lent et mesuré.

Lorsqu'il s'arrête tout près de mon dos, je décèle sa respiration lourde et son souffle caresse mon cou. Je continue à me scruter dans le miroir. Comme pour essayer de rester connectée avec moi-même et ne pas me perdre dans son aura si troublante.

Je tressaille en sentant son index effleurer ma nuque.

— Ce n'est qu'un nombre, Andra.

Je prends une grande inspiration et lui fais face en prenant soin de lui redonner son pull.

— C'est madame Evans, ici. Et... tu aurais dû me dire que tu étais à Woodward.

— Tu ne me l'as pas demandé.

Je laisse échapper un léger rire.

Un petit malin. Il apprécie son effet de surprise. J'ignore si c'est tordu ou limite, adorable.

— À partir de maintenant, on va souvent se côtoyer. Entre toi et moi, il ne s'est jamais rien passé. On est dans un cadre où la relation doit être professionnelle. Donc, venir dans les toilettes en même temps que moi, me toucher... tu pourrais avoir des ennuis.

— Ce sont les toilettes des étudiants ici, celles des profs sont à l'accueil. Alors techniquement, c'est toi qui es là où tu ne dois pas être... Faut pas qu'on te surprenne ici. Les gens pourraient se poser des questions, oh et tu pourrais avoir des ennuis...

Je déglutis nerveusement au moment où ses bras prennent appui de chaque côté de mon corps, contre le lavabo derrière moi. Son visage se rapproche dangereusement du mien et mon souffle s'arrête. Une pression se fait sentir dans mon bas-ventre et les battements de mon cœur réchauffent ma poitrine, se souvenant parfaitement de l'effet qu'il a sur moi.

Ses lèvres sont à deux centimètres des miennes. Son parfum délicieux embaume l'air.

— Stresse pas, je suis majeur dans l'État du Maine. On n'est pas au Mississippi où la majorité est fixée à vingt-et-un ans. Donc toi et moi... n'avons enfreint aucune loi.

— Certes, aucune loi... Roman. Tu es un adulte. Néanmoins, Woodward a un code de conduite. Il stipule que toute relation intime entre un élève et son prof est proscrite. Le cas échéant, l'étudiant peut se faire renvoyer de son cursus. De mon côté, je peux être accusée d'abus de pouvoir et me retrouver licenciée.

— T'as peur ?

Je pouffe pour nier et il semble aimer me voir sourire. Ses yeux détaillent chacun de mes traits, comme pour les mémoriser.

— Roman... pourquoi... pourquoi t'inscrire dans ma classe ? Tu perds un temps précieux. Ton parcours est déjà bien chargé, visiblement, tu n'as pas besoin de ça. J'ai vu ta fiche impressionnante. Tu devrais consacrer ton attention sur tes cours vraiment importants. Les sciences, les maths, surtout si un jour tu veux être admis dans la grande et prestigieuse faculté de médecine.

— Tu t'inquiètes pour moi ?

— Je... je ne comprends juste pas ton intérêt envers moi. Pour intégrer mon programme, tu as dû retirer un cours ? Il ne faut pas faire ça.

Il se rapproche un peu plus, ses lèvres effleurent mon cou. Malgré moi, tout mon corps est réceptif.

— T'es du genre à prôner la droiture. C'est tout à ton honneur de rester professionnelle et de ne te permettre aucun écart. Mais je sais aussi que tu ne pourras pas me résister longtemps... et tant que je te sens en émoi en ma présence, je graviterai autour de toi. Comme là, par exemple... me laisseras-tu relever ta jupe ? Ton goût me manque...

Il soupire dans mon cou pendant que sa main se faufile sous mon vêtement. Je ressens une violente excitation. Peut-être parce que c'est un comportement qui me déstabilise. Quand il s'écarte pour faire sauter le bouton de mon chemisier, ma main le gifle sauvagement pour arrêter son petit jeu.

Mon coup est si brutal que mon ongle le coupe à la commissure de la lèvre. Une goutte de sang roule et du bout de son pouce, il vient l'essuyer et la lécher, comme s'il se délectait de cette violence. Son regard est perçant, sérieux et enivré par l'excitation qui le consume. Ma gifle ne le refroidit pas, au contraire, il revient à la charge, attrapant mon menton pour plaquer sa bouche contre les miennes. Au même moment, la porte s'ouvre. Roman me relâche, s'écarte et l'étudiant rebrousse chemin après nous avoir vus.

Alarmée, je pousse Roman pour montrer à nouveau mon désaccord avec ce qu'il vient de faire. Il sourit, amusé qu'on nous ait aperçus et crache par terre un peu de sang. Je replace mes vêtements ainsi que mes cheveux avant de sortir expressément de cette pièce. 





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