12 - Malicieusement vôtre...

Chapitre 12

ROMAN

Malicieusement vôtre...

Mercredi 14 octobre, en sortant de la douche, je me place devant le miroir, effaçant la buée d'une main pour me regarder dans la glace. Je détaille longuement mes prunelles sombres avant de décrocher un petit sourire satisfait. J'utilise ma serviette pour sécher un peu mes cheveux, puis sors de la salle de bain privative de ma chambre. Via la fenêtre, l'aube s'est levée. Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. Je suis resté couché sur mon immense lit à contempler le plafond, rêvassant à Andra. Après notre petit moment torride, ma prof a dû partir, prenant soin de s'excuser. Ce n'est pas qu'elle regrettait ce qui s'est passé, c'était plutôt une question de se remettre de ses émotions et de poursuivre l'horaire de la journée. Andra devait annoter les travaux de tous les étudiants pour aujourd'hui et s'occuper de quelque chose d'assez urgent au niveau de sa maison. Je ne sais pas ce que c'est. J'en ai profité pour lui remettre mon travail terminé qu'elle n'avait pas. Elle ne bosse que trois jours par semaine à l'université. Soit le lundi, le mardi et le mercredi. Les jeudis et vendredis, je ne la vois pas au campus. Mes journées sont remplies de cours que je néglige dernièrement. Même mes soirées devraient être consacrées à de longues heures d'études soit chez moi où directement à la bibliothèque de l'université. Mes travaux s'accumulent. Est-ce que j'en ai quelque chose à foutre ? Absolument pas.

Être dans le domaine médical était l'exigence de mon père. Je suis surdoué, parce que depuis que je suis jeune, on me stimule dans l'apprentissage avec des cours intenses. J'ai déjà assisté mon père à des opérations dans sa clinique privée. J'ai étudié des techniques, j'ai appris et vu la réalité. Je n'ai aucun souci académique, mais depuis sa mort, je n'en vois plus l'intérêt. Non..., ce qui m'intéresse à présent, c'est cette femme. Celle qui m'a donné son numéro que je caresse sur l'écran de mon téléphone.

Je mords ma lèvre en pianotant d'emblée un message.

« J'ai pensé à toi toute la nuit. Je ne sais pas ce que tu me fais, mais depuis que je t'ai prise contre la table, je bande. La tension ne part pas. Il m'en faut encore... J'en veux toujours plus. »

J'appuie sur envoyer.

Chaque fois que je la revois dans mon esprit, jambes écartées sur la table et que je me remémore la sensation de mon sexe qui la pénètre, je deviens dur. J'ai passé toute la nuit avec cet inconfort. Ce besoin de l'avoir encore près de moi et dans mon lit pour me soulager. J'en pouvais plus, c'est vers cinq heures du matin que je suis sorti du lit pour me changer les idées. La douche froide n'a pas fonctionné, car en fermant les yeux sous le jet, j'ai imaginé Andra qui s'agenouillait pour me sucer. J'ai de plus en plus d'idées perverses, espérant pouvoir tout faire avec elle, dans toutes les positions inimaginables et tous les endroits possibles.

La porte s'ouvre derrière moi et Debra sursaute en me voyant nu. Elle sort aussitôt de la pièce en laissant échapper la pile de vêtements pour cacher ses yeux avec ses mains.

— Oh Seigneur, Roman ! Excuse-moi ! Doux Jésus, Marie, Joseph !

Je souris.

Debra c'est la femme de ménage qui passe une fois par semaine pour s'occuper de mes vêtements et du nettoyage des pièces utilisées. Elle ne s'occupe pas des nombreuses salles de bain inutilisées ou des pièces du troisième étage qui contiennent notamment la chambre de mes parents et un bureau. Elle n'a pas le droit d'aller au sous-sol, là où il y a l'ancienne clinique privée de James : un espace de consultation et deux salles destinées à des opérations, où se trouve encore tout le matériel médical nécessaire. Mon père, avant d'être cardiologue réputé à l'international, pratiquait d'autres interventions mineures comme des avortements, puis des opérations plus importantes...

Debra débute sa journée vers quatre heures du matin et repart le soir. Elle ne s'attendait pas à me voir aussi matinal et... nu. Étant très croyante et pudique, je viens de la traumatiser pour la journée. C'est une femme de cinquante-cinq ans, très discrète, qui ne se mêle jamais de mes affaires. D'ordinaire, je ne remarque même pas sa présence.

Je récupère la pile de vêtements qu'elle voulait déposer dans ma chambre. Ce sont les habits de Woodward repassés. Avec le code vestimentaire, je dois toujours porter des tenues soignées et ternes, rien de coloré. Soit, un pantalon noir, style costard avec une chemise blanche avec ou sans pull gris ou noir par-dessus qui affiche l'écusson Woodward en or. La réputation de l'établissement doit être irréprochable, toutefois, je trouve que c'est plutôt pour montrer une supériorité envers les autres institutions. Et comme c'est très privé et sélect, la réputation transmet une image d'étudiants prétentieux qui sont privilégiés par la bonne fortune des familles. Ça n'a vraiment rien d'excitant. Malgré les études prestigieuses, le campus grouille d'étudiants narcissiques, insignifiants et inutiles à la société. Ce n'est pas parce qu'un gosse vient du monde friqué, qu'il devient intelligent. Nombreux sont ceux qui ne devraient même pas se retrouver à Woodward. Il y a des génies partout dans le monde qui mériteraient d'avoir nos places.

Après avoir enfilé mon pantalon, ma chemise et mon pull gris, j'ouvre mon dressing qui fait la taille d'une seconde pièce pour récupérer une montre parmi tant d'autres. Je me dirige ensuite vers l'escalier pour descendre à l'étage principal en direction de la sortie.

À l'extérieur du manoir, je prends ma voiture, mais avant d'aller à l'université, je dois faire un arrêt.

+ + +

Je gare mon bolide dans le parking du commissariat de Sidney. Un bâtiment modeste engorgé par le brouillard matinal avec très peu de voitures de flics dans le parking. Une fois arrivé devant les portes vitrées, je regarde, fier de mon allure, mon reflet et ajuste les mèches mouillées par le crachin.

En traversant les portes, je croise immédiatement un flic en uniforme qui s'apprête à aller dans son véhicule pour débuter sa journée. Il n'oublie pas de me serrer rapidement la main en voyant ma venue sur les lieux. Tout le monde sait qui je suis. Ça ne me dérange pas. Même si tous ces travailleurs aux salaires médiocres doivent me juger comme étant un jeune héritier qui met les pieds là où seul James était le bienvenu, ils vont devoir se faire à l'idée que maintenant, c'est moi, la main donnante.

Arrivé à l'accueil, une dame, surprise de me voir, met aussitôt fin à son appel en raccrochant le combiné, pour être certaine de me servir et ne pas me faire attendre.

— Monsieur, Eaton ?! On n'a pas l'habitude de vous voir ici. Je peux vous aider, un souci ?

— Appelez-moi Roman. Et je voudrais voir l'inspecteur Mackay.

— Vous êtes chanceux, Roman, il vient à peine d'arriver, il est dans son bureau pour prendre son petit déjeuner.

Elle prend son téléphone, compose un numéro et indique à l'interlocuteur :

— Bonjour inspecteur Mackay, j'ai Roman Eaton à l'accueil. Oui... parfait, je vous l'envoie.

Elle relève la tête.

— Il vous attend. Sixième porte au fond du couloir C.

J'ajuste le col de ma chemise sous mon pull, remonte ensuite mes manches humides tout en me dirigeant vers le bureau qui m'intéresse. Je croise quelques regards indiscrets de personnes affectées aux archives ou aux tâches administratives. L'un d'eux se fige en me voyant, car ça fait un moment qu'il ne m'a pas vu. Enfant, j'accompagnais parfois mon père quand il avait à faire ici. Je me souviens combien il était respecté, voire vénéré. Ces gens ne m'ont pas revu depuis l'enterrement de James. Ils semblent mal à l'aise, sachant que j'ai vécu des événements dramatiques. Le suicide de mon père, suivi de près de celui de ma mère. Ils ont l'air attristé pour moi, alors que je ne le suis pas. Ces suicides ont fait beaucoup de bruit en ville et les gens ne savent pas comment m'aborder, alors ils restent à distance.

Je frappe doucement à la porte de Mackay et il m'ouvre.

— Hé ! Roman ! Comment tu vas, petit ?!

Il me fait une brève accolade vu qu'on se connaît depuis ma naissance.

— Enfin petit, pas vraiment, t'arrêtes pas de grandir c'est hallucinant ! Tu dépasses les un mètre quatre-vingt-cinq ?! T'es un homme maintenant. Tiens, assieds-toi ! Si j'avais su que tu venais, j'aurais pris un repas et un café de plus.

Je prends place sur le fauteuil en face de son bureau. Il s'installe et prend une gorgée de son breuvage chaud. Il a l'air nerveux de me voir. Je reste totalement stoïque. Je n'ai jamais été très... tactile ou joyeux en sa présence. Mackay me lèche beaucoup le cul depuis que je sais tout sur ses vices et que je détiens des preuves accablantes qui pourraient le détruire. Oh... et il sait pour la gouvernante, Rosa, puisqu'il a lui-même fait disparaître toutes les traces, mais il reste muet comme une tombe. De toute manière, il n'a pas le choix.

— Comment ça va sur le campus ? Tu t'amuses bien ? Les études, toujours au top ? Ça me rappelle l'époque où j'étudiais avec ton père à la faculté de médecine, bon tu n'en es pas encore là, mais ça viendra. Tu vas mieux t'en tirer que moi, t'es un prodige, fiston !

Oui, il a cette drôle d'habitude de m'appeler fiston depuis toujours et ça m'irrite.

— Bon allez, je me calme, c'est juste que tu viens pas souvent me voir. Je suis content que tu sois là, t'as l'air en forme. Qu'est-ce que je peux faire pour toi ?

Je pose lentement mes bras sur les accoudoirs, observant l'aiguille de ma montre tourner pour contenir l'animosité qui circule tranquillement dans mes veines. Je ne l'aime pas et je veux m'abstenir de commettre un geste que je pourrais regretter. M'enfin, un geste que je ne regretterais pas si on était seuls et loin du commissariat pour ne pas me faire arrêter.

— Tu bosses sur quel dossier en ce moment ? entamé-je.

— Euh..., fait-il en se figeant, surpris de mon intérêt. Je... Roman, c'est confidentiel.

Je reste posé, face à lui, sans bouger, sans ciller, jusqu'à ce qu'il comprenne que je ne partirai pas tant qu'il refusera de répondre. Il rit nerveusement sachant que j'use de mon pouvoir sur lui.

— OK,... Roman. Je vois que tu joues le même petit jeu que ton père. Tu ne peux pas tout obtenir, comme lui.

— Ah non ? Bien.

Je me lève, prêt à partir et il devient nerveux.

— Pas si vite, Roman ! Assieds-toi..., dit-il anxieusement. J'ai saisi. Tu veux, tu obtiens, sinon tu cesses de financer les départements, je perds mon emploi et tu feras d'autres dégâts.

Il ouvre son tiroir et pose un document sur son bureau.

— Je ne comprends pas trop ce qui t'intéresse dans mon enquête en cours, c'est juste une femme qui...

— Tout. Dis-moi tout ce que tu as sur elle.

Il ouvre le dossier et je vois une photo de mon enseignante prise à son insu, qui met de l'essence, comme si Mackay l'épiait.

— Alors, il s'agit d'Andra Evans, mariée à Jonathan Evans. Son nom de naissance est Andra Cavanna, née d'une mère française et d'un père italien. Ses parents ont fait leurs études aux États-Unis, c'est d'ailleurs là qu'ils se sont rencontrés et qu'ils ont eu Andra. C'est une femme de trente-huit ans, qui bosse dans la traduction de romans depuis des années et qui, tout récemment, a obtenu un poste d'enseignante à la prestigieuse et renommée université Woodward.

— T'as rien d'autre ?

— Pas encore. Je ne suis qu'au début de l'enquête.

— Et qu'est-ce qu'elle a fait ?

— Pour le moment, elle est simplement sous mon radar. Depuis que Jonathan Evans, son mari, a disparu, elle n'a rien signalé et ne semble pas s'inquiéter de son absence. Quand je tente de l'interroger, elle esquive mes questions. Elle est ma première suspecte. Je suis en train de faire analyser quelque chose au labo. Si c'est concluant, j'aurai un premier élément de preuve pour procéder à son arrestation et pouvoir l'interroger au poste. J'obtiendrai également un mandat pour fouiller sa propriété.

— Suspecte de quoi ? Une preuve de quoi, Mackay ? Qu'est-ce que tu fais analyser ?

J'élève le ton, assez pour montrer mon hostilité. Il essuie la sueur qui perle sur son front avec une serviette en papierqui accompagnait son burrito.

— Elle est soupçonnée du meurtre de Jonathan.

Je fronce les sourcils.

— Pas de corps, pas d'aveux, pas d'inculpation.

— Je sais, mais comme je t'ai dit... j'ai peut-être une preuve.

— Ah ouais ? Dis-moi.

Il soupire et cette fois il baisse la voix, comme s'il craignait qu'on nous entende.

— Écoute, fiston, tu crois que j'ai pas vu l'Aston de ton père cachée dans un sentier près de chez Andra ? T'es rentrée chez elle... Je me doute que tu te la fais, mais ne te mêle pas de mon enquête. Le chef du bureau des enquêtes prend sa retraite et si je résous ce dossier, il m'a promis que j'aurais le poste. Si elle a tué son mari, je ne voudrais pas qu'elle s'en prenne à toi. Si ça se trouve, elle ne s'intéresse qu'à ton fric. Alors, ne me demande pas d'étouffer ce dossier, j'en ai besoin pour ma carrière. Trouve-toi une autre nana avec qui t'amuser. Laisse-moi faire mon travail.

Je relance ma question :

— C'est quoi le truc que tu fais analyser ?

— Roman, lâche l'affaire.

Je frappe d'un coup de poing la surface de son bureau et mon impulsivité le fait sursauter au point qu'il renverse son café sur lui. Le liquide chaud le brûle, il se lève et s'essuie rapidement avec les serviettes de papier restantes.

— Je vais répéter, et à présent, tu vas me donner une réponse. Que fais-tu analyser au labo ?

Il retire son veston taché tout en passant une main sur son visage pour chasser l'angoisse et ainsi m'offrir ce que je veux :

— Très bien, Roman ! Je t'explique tout depuis le début. Un soir... le propriétaire du motel Imperial contacte le poste de police pour faire une vérification dans la chambre 6. Celle que Jonathan Evans louait depuis un moment. Cela faisait quelques jours qu'il ne réglait plus la note. Un policier a donc fouillé la pièce, découvrant des effets personnels de Jonathan. L'agent a donc déclaré officiellement sa disparition. Après quelques recherches infructueuses, on m'a chargé de le retrouver. Donc un soir, alors que mes collègues avaient déjà interrogé sa femme, c'est moi qui ai voulu discuter avec elle. Je constate une fois sur les lieux qu'elle n'est pas là. Et quelle ne fut pas ma surprise en voyant des traces de sang contre l'encadrement de sa porte d'entrée ainsi que sur une des marches du perron. J'ai allumé ma lampe-torche pour examiner les lieux. Il pleuvait, c'était difficile de bien voir, mais j'ai réussi à prélever des échantillons. Si le labo me confirme qu'il s'agit du sang de Jonathan, j'ai de bonnes raisons de croire qu'il n'a peut-être pas disparu, mais qu'il lui est arrivé quelque chose. D'ici là, je garde ta prof à l'œil et vaut mieux que tu restes loin d'elle.

Mon sourire est un brin amer.

— Je t'en prie, Roman, ne me demande pas de fermer le dossier et de le classer sans suite.

— Oh... je ne le demande pas, je l'exige. N'oublie pas que tu me seras redevable jusqu'à la fin de tes jours pour ce que je sais sur toi...

Il soupire, presque au bord de la crise de nerfs.

Je me lève pendant qu'il se rassoit, son costard toujours souillé de café.

— Ce fut un plaisir de te revoir, Mackay. Passe une bonne journée et n'oublie pas de rester loin d'Andra.

Au moment où mes doigts touchent la poignée, prêt à sortir, il m'interpelle avec un ton plus conciliant :

— Tu sais, Roman, ton père n'est plus là, mais je crois qu'il aimerait que je te mette en garde. Tu n'as que dix-huit ans, tu hérites d'une fortune colossale, tu es multimillionnaire, fiston... tu commences à comprendre le pouvoir que tu as. Comme il est si facile d'écraser les gens, d'avoir des privilèges illégaux, de se tirer d'affaires, d'effacer des dossiers, de payer des gens pour obtenir ce qu'on veut. Être populaire et profiter des filles et du sexe à volonté. Mais attention, car quand on se croit au-dessus de tout, c'est à ce moment-là qu'on franchit une limite et qu'on commet des actes... regrettables.

Je le dévisage par-dessus mon épaule.

— C'est ce qui est arrivé à ton père et... à moi, qui profitais de tout ce que sa notoriété m'apportait puisque je faisais partie de son club privé et étais son meilleur ami. Fais attention Roman à ne pas déraper, à ne pas franchir la ligne des avantages que tu as, sinon tu sombreras dans les vices. Une fois qu'on y est aspiré, on devient la pire version de nous-même...

J'ignore ce qu'il me dit et disparais de son bureau. 

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