CHAPITRE 8. NATHANAËL

Je dépose mon cadeau, enroulé dans un affreux emballage verdâtre, tout en haut de l'immense pile priant très fort pour que tout s'écroule ce qui donnerait à la noblesse une excuse pour mettre à la porte.
Cette fête est merdique bordel.

Trevor essaye de séduire une petite rousse près du buffet et m'a laissé terriblement seul.

Nicole quant à elle n'est même pas venue ! Son frère et elle ont été pris au piège par leurs parents pour aller dîner chez leur grand-mère.
Sans Nicole et ses hanches à s'en damner cette fête perd le peu de saveur qu'elle aurait pu avoir.

Je pique une énième coupe de champagne, en avale le contenu cul-sec et sors le paquet de cigarette de ma poche tout en me dirigeant vers la sortie.

Le lieu de réception est entouré d'un immense jardin dont j'essaye de trouver le bout ; il doit être trop vaste pour ma motivation parce que je finis par me laisser tomber dans un coin d'herbe.
Quand l'ennui me guette, le besoin de nicotine se fait plus pressant. S'ennuyer c'est avoir tout le temps pour réfléchir et je ne veux pas y penser.
Je veux oublier ; oublier cette nuit, oublier ces cris et cette odeur de sang qui imprègne ma peau. Je gratte frénétiquement mes avant-bras avec mes ongles mais rien n'y fait le sang et la mort me parfumeront toujours.

Perdu dans le tumulte de mes pensées, je n'anticipe pas le corps qui s'abat violemment sur moi.

- Un ange tombé du ciel. Je m'exprime d'un ton moqueur quand l'inconnue a retrouvé une position normale.

Elle ne semble pas comprendre le sarcasme qui teinte ma remarque parce qu'elle s'excuse platement.

- Cette soirée est nulle.

Je ne dis pas ça pour entamer une discussion, à vrai dire j'ai pensé si fort que les mots ont jaillis tous seuls, mais elle me répond :

- Avec eux je ne me sens pas moi-même.
- Le gens jugent les autres pour éviter d'avoir à faire à eux-mêmes, chérie.

- Parfois j'ai l'impression d'étouffer.
-  J'ai toujours l'impression d'étouffer, je ricane sombrement.
-  Avec eux je ne me sens pas moi-même.

Elle dit cela d'une voix calme et pourtant sans même avoir besoin de chercher, je distingue une tristesse infinie qui teinte sa voix. J'essaye d'apercevoir le contour de son visage mais l'obscurité et son masque m'en empêchent.

-  Si tu commençais par arrêter de te cacher derrière ton grand masque, je demande piqué par une curiosité nouvelle.

Je tend ma main pour l'inciter à y déposer son déguisement.
Elle hésite, je le vois à la manière dont elle fronce les sourcils. Ce geste doit sûrement être symbolique pour elle, c'est pour ça qu'elle a autant de mal à franchir le cap. Pourtant elle attrape le carton de ses petits doigts tremblant et le fait descendre jusqu'à ce qu'il soit complètement retiré.
Le silence s'installe entre nous, il se glisse là où l'espace le permet. Il n'est pas froid comme la brise, il est plutôt doux peut-être même un brin enivrant. Il chatouille ma peau comme une plume.

- Sans ton masque on remarque encore plus ta tristesse.
- Et toi ? Tu penses arriver à cacher les ombres qui t'entourent ?

Je mets du temps à répliquer, il n'existe pas de mots pour exprimer l'immensité de ce que je voudrais lui expliquer. Je déchire son accessoire pour m'occuper les mains mais il finit en poussière bien trop vite à mon goût.

- Élonie !

Une inconnue hurle quelque part dans le jardin et rompt notre silence magistral. J'aurais tant voulu qu'il dure plus longtemps.

Presque instantanément, je vois ma voisine changer. La panique tend ses muscles. Elle essaye de se lever et je l'aide avant qu'elle ne tombe au sol.

- Je ...

Elle bégaye et semble avoir du mal, elle aussi, à trouver les mots pour exprimer le tumulte de pensées qui la traverse. Ça semble simple, d'exprimer ce qu'on veut, mais je la vois fournir un effort considérable pour mettre de l'ordre dans ses idées.

- Je n'ai pas envie d'y retourner.

Elle m'implore d'une voix qui se casse, s'accroche à l'inconnu que je suis pour lui fournir une solution magique à ses problèmes. Je devrais réduire à néant ses espoirs, la laisser se débrouiller seule, la saluer avant de m'éloigner, lui apprendre que le monde est cruel. Pourtant, je n'arrive pas à la briser encore plus.
Son regard est presque agonisant, comment pourrais-je y éteindre la dernière étincelle ?

Ne sachant pas trop quoi répondre j'enfonce mes mains dans les poches de mon pantalon de costume à la rechercher d'une idée fulgurante. Mon geste est un peu trop brusque et mes phalanges claquent lourdement contre mes clefs de voiture.
Le bruit résonne dans la nuit accordé aux cris répétitifs de cette femme.

Je sors ma trouvaille et les fais tinter en les faisant tournoyer autour de mon indexe.

- Un tour ?

Elle me regarde lancer plusieurs fois mon trousseau en l'air avant de le rattraper. Le bruit métallique finit définitivement de rompre l'atmosphère paisible.

- Ce n'est pas raisonnable.

Ce n'est pas vraiment à moi qu'elle s'adresse alors, dans un premier temps, je ne réponds pas.
La femme continue de héler le même prénom comme une litanie démoniaque. Au son de sa voix, je la sens se rapprocher dangereusement de nous alors je décide de presser mon douce comparse.

- À toi de choisir poupée.

Elle n'est pas convaincue, elle hésite. Après tout, si elle refuse ça ne changerait rien pour moi.
Un homme pour la première fois hurle le même prénom, le sien sûrement.
Son visage se décompose pour mieux se reconstruire un brin rebelle. C'est la détermination qui se peint désormais sur son visage.

- Juste un alors.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top