CHAPITRE 6. NATHANAËL
Je grogne et ouvre les yeux. Quelque chose pèse sur ma cage thoracique.
Un bras finement musclé et bronzé barre mon torse. Je tourne la tête et découvre que le membre en question appartient sans surprise à Nicole.
Elle dort nue à côté de moi et nos vêtements sont éparpillés aux quatre coins de ma chambre. Une vie de cauchemar mérite bien quelques nuits de rêve.
Bourru, je la pousse sur le côté et me lève en m'étirant avant d'aller enfiler un caleçon. Elle se réveille et papillonne des yeux pour les habituer à la lumière du jour.
- Coucou, dit-elle avec une voix rauque qui se veut charmeuse.
- Dégage avant que j'ai fini de me laver, je marmonne sans un regard pour elle.
Quand je sors de ma salle de bain une dizaine de minutes plus tard, mon lit est chiffonné et vide. Nicole et ses vêtements ont disparus.
Je descends les escaliers et, en me dirigeant vers la cuisine, je passe devant ma mère qui regarde inlassablement dans le vide. Elle a certainement dû voir Nicole passer mais elle ne dit rien, elle ne dit plus grand chose de toutes manières.
Au fond de moi, j'espèrerais presque qu'elle se lève pour m'engueuler, qu'elle me reproche de ramener toutes ces nanas nuit après nuit. Je serais prêt à toutes les provocations pour susciter l'ombre d'une réaction. Mais maman ne bouge pas de cette place maudite, celle où, quelques mois plus tôt, elle a appris la tragédie.
J'engloutis en quelques instants mes céréales avant de sortir de la maison. Rester à l'intérieur c'est risquer de devenir comme maman : un sinistre tableau qui ternit les murs, une peinture écaillée aux couleurs effacées.
L'air chaud du début d'après-midi défait mes cheveux et je respire un grand coup avec l'impression d'avoir retenu mon souffle bien trop longtemps. Je sors mes clefs de ma poche, l'envie de conduire se fait pressante.
Quelques heures plus tard, je reviens chez moi. Les roues de ma voiture qui, il y a encore quelques minutes était lancée à toute allure, crissent sur le béton de l'allée. Trevor m'attend assis sur le pas de la porte occupé à jeter des petits cailloux le plus loin possible.
Trevor a les clefs de ma maison. Quand on était petits mes parents le considéraient même comme leurs troisième enfant. Il passait toutes les vacances à la maison et était ici comme chez lui. Parce que son vrai chez lui, ça craignait grave. On veillait tard le soir mon frère, lui et moi cachés sous la couette avec nos jeux-vidéos. On disait que les bleus sur son corps étaient des blessures de guerre, même le nez en sang il riait vraiment ici.
Maintenant maman n'ébouriffe plus les cheveux de Trevor, c'est à peine si elle prononce encore son prénom et lui n'utilise plus son double des clefs, il attend que je rentre. À présent, il préfère encore rester avec ses parents alcooliques plutôt qu'être ici.
- Et ça c'est vraiment malheureux, je murmure pour moi-même.
De toute façon, personne ne veut rester trop longtemps dans cette maison au risque de voir surgir les fantômes du passé trop bien conservés. Les momies ne sont pas toutes au musée.
- On doit se préparer, me dit-il quand je glisse les clefs dans la serrure.
- Pour ?
- Nath t'abuses, il me suit de près comme s'il avait peur de rester seul dans une pièce, je t'ai dit hier qu'on irait à une fête ce soir.
Je souffle n'ayant plus vraiment envie d'y aller. Je pensais que ma virée en voiture m'aurait détendu mais je remarque que je suis toujours aussi abimé. Même les cigarettes rageusement fumées n'ont pas eu l'effet escompté.
- Ah oui j'ai oublié de te dire, il se mord la joue comme pour s'empêcher de rire, il faut porter un masque.
Je m'arrête net.
- Encore un mot et je ne vais pas à cette soirée.
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