CHAPITRE 2. NATHANAËL
Je sors de mon lit, le bas de mon pyjama couvrant négligemment mon bas ventre, réveillé par les cris de mes parents.
Ils sont complètement barges depuis la mort de mon grand-frère et j'en viendrais presque à espérer les voir divorcer.
Notre famille est déjà brisée, leur couple aussi. Peuvent-ils au moins essayer de ne pas détruire leurs enfants, ceux qui leur restent ?
Je cherche une tenue dans mon armoire et vais immédiatement dans la salle de bain prendre une douche. Au moins, le bruit de l'eau couvre les hurlements hystériques. Est-ce que c'est moi qui suis devenu fou ou est-ce le monde qui a arrêté de tourner rond ? Il a pris une forme carrée, c'est sûrement pour ça qu'on trouve des problèmes à tous les coins de rue.
L'eau coule tendrement sur moi, sa caresse est douce, apaisante puis se fait brûlante, mordante. À la manière d'une fasciite nécrosante, elle me mange la peau. Elle la marque, la flagelle et m'étouffe par sa buée infernale.
Elle pourrait presque m'expier de mes pêchés si je n'en avais pas commis autant.
Je descends pieds nus l'escalier fait de bois en si mauvais état qu'il craque à chacun de mes mouvements. Mes cheveux mouillés gouttent sur mon short gris. Mon père est encore en train de crier sur ma mère tandis que je passe au milieu d'eux comme un fantôme.
Jason, mon frangin, est mort pourtant j'ai l'impression qu'encore une fois c'est lui qui a le beau rôle.
Espèce de petit veinard.
Rester ici c'est plus dur que de partir. C'est une mort lente, c'est une mort sale, à la manière d'un cancer qui tue à petit feu.
L'ambiance familiale vous contamine et vous abîme.
Le petit séjour qui me fait fasse pourrait d'abord être caractérisé par son indigence mais ce qui me saute aux yeux c'est le malheur qu'il renferme. On dirait bien que la tristesse c'est comme l'odeur de cigarette : ça imprègne les murs.
Le couple parentale, rouge de haine, se jette des insultes en plein visage, ils font voltiger des mots acérés comme des couteaux. Ils ne communiquent pas, ils combattent. Au lieu de faire front ensemble, unis contre le deuil, ils s'inspirent de Romulus et Rémus.
Depuis quand la lutte fratricide est-elle devenue un exemple de société ? Depuis quand préférons-nous haïr les autres pour estomper la haine qu'on se porte à soi-même ?
Je tartine un pancake déjà froid de confiture laissée à l'abandon au fond d'une armoire, il semblerait que je sois la seule personne ici qui ait encore besoin de se nourrir pourtant se goinfrer de haine n'a jamais repu personne.
Un bruit de verre brisé surplombe le brouhaha. Habitué au chaos je termine de remplir la pâtisserie de gelée en murmurant des paroles de musique pour enjoliver les futurs souvenirs qui seront laissés par cette scène dans ma mémoire.
Mon père claque la porte et fait, comme à son habitude, trembler les murs par son absence.
Ma mère est abattue ; assise sur notre vieux canapé qui ne connaît plus de soirées film depuis longtemps, elle contemple, vide d'émotion, les débris d'une assiette fracassée au sol. J'aimerais consoler maman, sécher ses larmes mais comment sauver quelqu'un qui ne veut pas l'être ?
Je récupère un balais dans la buanderie et m'abaisse devant ma mère qui n'a toujours pas daigné bouger. Je ramasse silencieusement les morceaux, tragique métaphore de ma famille brisée.
Je ne déteste pas mes parents, ils ont connu la mort de leur fils préféré c'est normal.
Mon père doit penser que son rôle n'exige de lui que son argent. C'est lui qui paye les factures comme il apprécie sans cesse le répéter alors il pense que c'est un bon papa.
Ma mère est tombée en dépression à l'annonce de la mort de son aîné et a quitté son travail. Des médecins, tous plus qualifiés les uns que les autres, cherchent comment soigner le cancer mais personne n'a jamais vraiment trouvé comment guérir la déprime. Maman est gavée de pilules couleur arc-en-ciel qui n'arrivent même pas à peindre son avenir de nuances folâtres.
Maintenant elle est là, à errer depuis deux ans sans but précis et surtout sans réelle envie. Un peu à la manière d'une âme en peine qui n'arrive pas à rejoindre l'au-delà.
Elle se complait dans son malheur, elle aimerait sûrement qu'on la plaigne mais je préfère plaindre les gens qui essayent et ratent plutôt que ceux qui ne tentent rien par peur de l'échec.
Mon téléphone, posé sur un des coins du plan de travail, s'illumine d'un message. Je déverrouille mon écran et lis le texto de mon meilleur ami.
« On sort ? »
Quelques mots, saveur liberté.
Quand un enfant a envie de s'échapper de chez lui, on le blâme. Pourquoi ? N'est-ce donc pas les parents qui doivent lui donner envie de rester ?
Quand la famille devient une prison, même dorée, ce n'est pas pour le geôlier que l'on devrait avoir de la pitié.
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