CHAPITRE 1. ÉLONIE
J'inspecte mes ongles, assise sur le bord de mon lit. Ils sont si basiques que je ne devrais pas m'y attarder pourtant sur le moment tout me semble plus fascinant que la voix aiguë qui cherche à capter mon attention tout en déballant une affolante quantité de mots à la minute.
- Franchement Élonie, je ne comprends vraiment pas pourquoi tu es si peu enthousiaste !
Candice crie son agacement de façon dramatique tout en frappant mon matelas avec un cousin en velours bleu.
Si elle était née dans les années 80, ma cousine aurait été une déesse du cinéma hollywoodien. Les hommes l'auraient couverte de manteaux en fourrure blanche et de bijoux en perles pour qu'elle puisse se battre la lumière des projecteurs avec Maryline Monroe. Elle est d'une beauté éblouissante, comme au cinéma.
Mais tout le monde sait que les films ne reflètent pas la réalité.
Le vrai problème avec Candice ce n'est pas qu'elle ne comprend pas la situation, c'est qu'elle ne peut tout simplement pas la comprendre. Elle n'est pas idiote, loin de là, cependant elle a l'horrible manie de se laisser berner par les apparences sans chercher à en savoir plus, à regarder un peu plus loin que ce qui est à sa portée. Candice est fainéante, elle accepte ce qu'on lui donne sans chercher ce qu'on lui cache. Elle boit les verres que les hommes lui offrent pour la charmer et mange ce qu'on lui sert, des mensonges avec des légumes verts.
Un grand bal masqué pour mon vingtième anniversaire ; elle trouve l'idée splendide, une histoire aux allures de Cendrillon.
Moi, je vois le traquenard ; celui qui ressemble plutôt à la pomme empoisonnée de Blanche-neige. Je vois, derrière la superficialité des paillettes, la petitesse et la mesquinerie cachée par la grandeur apparente.
Mes parents font tout pour que je tombe sous le charme d'Adam. Ma mère n'arrête pas de parler de lui, elle le traite comme un dieu vivant, en fait une icône. Elle pourrait ériger des temples en son honneur si on la laissait faire.
Malheureusement Zeus, bien connu pour détester les déifications, ne semble pas vouloir intervenir cette fois-ci pour punir l'orgueil humain. Si même le roi de l'Olympe me lâche comment pourrais-je faire pour ne pas me sentir terriblement seule ?
Elle loue son physique de mannequin, son sourire blanc comme dans les pubs de dentifrice, ainsi que ses manières « comme on n'en fait plus ».
Sauf que moi je ne veux pas d'un gentleman de vingt-six ans qui n'a pour faire oublier son ennui mortel qu'un compte en banque bien chargé, de nombreux diplômes encadrés pour compenser le fait d'être amorphe. Si les hommes n'ont plus ses belles manières c'est peut-être simplement parce que les femmes n'en veulent plus.
Il est fade et incolore bien loin de la vie que je n'aurai probablement jamais mais dont je m'autorise encore à rêver. La terre avec lui je pourrais la parcourir mille fois et mille fois elle me semblerait minuscule.
Le monde abrite tant de gens vides comme Adam, vivant une existence riche mais pauvre de vie.
Un sourire étincelant n'a jamais été le gage d'une âme pure.
J'ai beau expliquer à ma mère que je vais m'ennuyer jusqu'à ma mort avec lui, elle semble bien trop déterminée pour abandonner son idée de mariage arrangé.
Elle est comme lui, elle a oubliée qu'elle n'était pas encore morte alors elle agit comme si les couleurs de la vie avaient laissé place au vieux noir et blanc des films de Chaplin. Elle a entre ses mains une bougie de bonheur, les allumettes dans sa poche : il lui manque juste l'envie de les utiliser.
Maman respire encore mais son feu intérieur est déjà éteint.
- Tu n'as même pas encore choisi ta robe ? Se choque Candice.
- Aucune ne me plaît, je m'excuse faiblement.
Elle se lève précipitamment et en une seconde elle rejoint la tringle où sont accrochées toutes les robes que la couturière a apportées ce matin. D'un index fraîchement manucuré, elle les fait glisser sur la barre de métal.
- Tu es tellement difficile Élo, elle se tourne vers moi en soupirant, elles sont splendides !
Son visage aux traits fins se pare d'une mine boudeuse. Avec sa tête de poupée et ses anglaises blondes virevoltant autour d'elle, on se croirait presque en présence d'un ange.
Mais Candice n'est pas un ange. Qu'est-ce qu'une créature biblique ferait ici ? Elles sont trop occupées ailleurs, là où la vie est plus belle. Là où la vie a encore un sens.
Elle en tire une et la plante devant moi.
- Trop verte, j'affiche une mine de dégoût.
Si je portais cette robe, je pourrais facilement faire partie de la faune et la flore. Sauf que je ne suis pas trop branchée nature et que la seule plante que j'arrive à tenir en vie est une fausse orchidée.
Je tourne instinctivement la tête vers la fleur en plastique qui orne mon bureau. Cette dernière penche lourdement d'un côté comme si elle était fanée.
J'attire irrémédiablement la mort, je me lamente intérieurement.
- Et celle-là ?
La robe verte tombe sur le lit où je suis assise en indien et ma cousine me tend désormais une robe fourreau rose. Je secoue la tête et elle émet un son grave, entre le grognement d'énervement et celui de frustration.
- Et la bleu ?
J'inspecte d'un œil septique l'immensité du tissu océan.
- Les roses sont rouges, le ciel est bleu et ...
Elle me coupe en plein milieu de ma tirade par un autre cris et jette la robe sur les deux dernières.
- Évite moi tes poèmes qui ne branchent que toi ! Elle rouspète. Je devine qu'on oublie également la rouge, la noire, la jaune et la blanche ?
Elle se laisse tomber épuisée à côté de moi.
En vraie australienne, j'aime la mode. Certes, ces robes ne sont pas splendides mais j'exagère. Je dois même avouer malgré moi que je ne déteste aucune de ces tenues. Je déteste l'événement qui m'oblige à en porter une.
Je lis la déception sur le visage de Candice. Elle imbibe son visage de poupon. Quelle drôle d'émotion qu'est la déception ; être attristé par une chose qui n'est jamais arrivée. Comme s'il n'y avait pas déjà mille et une raisons d'être triste, comme s'il n'y avait pas suffisamment d'excuses pour pleurer.
Je regrette toutefois mon attitude de pimbêche. Je n'aime pas rendre les gens tristes. Je n'aime pas décevoir.
Je détourne les yeux incapable de soutenir du regard l'émotion qui s'empare d'elle et, au prix d'un long effort, je propose enfin :
- Et si on allait faire un shopping pour nous trouver une tenue ?
Elle se redresse souriante. Elle semble finalement heureuse.
Pas moi.
Mais puisque je ne le suis plus depuis longtemps, je n'y fais plus vraiment attention.
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