GARETT
Bon alors. Où j'en étais ?
Garett essuie son nez sur la manche de son pull et sort de la salle de bain, légèrement fébrile. Il n'aurait pas du en prendre maintenant. Mais son fournisseur est arrivé en avance. Le sachet est resté une heure ou deux sur la commode du séjour – Garett comptait attendre le début de la fête – puis très vite, il n'en a plus pu. Il est passé plusieurs fois devant, se forçant à ne pas y penser. C'était plus fort que lui. Allez, rien qu'un rail. Une traînée minuscule, presque invisible. Allez.
Ses mains tremblent. Son cœur bat fort et soudain, il a trop chaud. Pourquoi fait-il si chaud, bon sang ? Il se jette sur la climatisation centrale pour éteindre tous les radiateurs.
Un sentiment de bien être s'empare de lui. C'est délicieux, cette sensation. Comme si rien ne pourrait l'atteindre.
Sur la table de la cuisine, des bouteilles d'alcool s'alignent. Y a même quelques saladiers remplis de biscuits apéritifs. Il a bien fait de tout préparer avant. Les gens pourraient arriver à tout moment.
Dehors, la nuit est déjà tombée, plutôt claire. Nola gratte à la baie vitrée, les yeux suppliants. Garett n'aime pas la laisser à l'intérieur, lorsqu'il organise des soirées. Il ne fait pas confiance aux invités. Mais la coke fait sérieusement effet et il n'arrive plus à penser correctement. Il ouvre la porte et Nola se précipite dans la cuisine, sautant gaiement autour de lui. Il se laisse tomber à genoux et plonge son visage dans sa fourrure blanche, passant ses bras autour de son encolure.
— Nola.. chantonne-t-il. Nolaaaa. Nalooo. Hahaha.. Nalo.
Le berger suisse agite la queue, toute contente de l'attention de son maître. Lentement, Garett se laisse glisser sur le carrelage de la cuisine et se retrouve allongé sur le dos, bras écartés. Nola se couche près de lui, le museau sur son ventre. Dans sa tête, tout va à mille à l'heure, il a du mal à se concentrer sur une seule pensée. C'est plus agréable, comme ça. Tout ce qui l'obsède, tout ce qui lui torture l'esprit n'a pas le temps de se faire une place concrète. Il veut rester comme ça pour toujours.
Malheureusement, pour toujours ce n'est pas plus d'une demi-heure. Il n'a pris qu'une petite dose. Progressivement, les effets s'annulent. Son cœur ralentit, sa température corporelle redescend, son esprit s'éclaircit. Il est de retour sur Terre. Lentement, il se redresse. Nola tourne autour de lui. Il la gratte affectueusement derrière l'oreille.
— Tu retournes bientôt dehors. Mais t'as de la chance, il pleut pas ce soir.
Toujours assis sur le sol, Garett regarde autour de lui. Le décor semble presque surréel. Comme il n'a pas la force de se lever maintenant, il sort son téléphone de sa poche et consulte ses messages récents.
De Myles, 20:30.
pas assé de thune pour le get. mais tkt g pris du diluant.
Il souffle avec amusement. Myles n'a jamais la thune pour quoi que ce soit parce qu'il est trop fainéant pour faire comme les autres et se trouver un petit boulot. Quand Garett lui fait remarquer, il se vexe : « Tu peux parler, connard. Avec tes vieux les richous t'as besoin de rien ». C'est vrai. Voilà une chose dont il leur est sincèrement reconnaissant.
De Maman, 19:27
On rentre de Rome d'ici une semaine. Si il te manque de l'argent pour les courses, il y en a dans le tiroir de ma table de nuit.
De Moi, 21:18
Merci, je vais regarder.
La vérité c'est que le tiroir est vide mais que le frigo aussi. Garett a déjà dépensé l'argent autre part. Tant pis. Il connaît toutes les cachettes de ses parents, il se débrouillera. Ils remarqueront sûrement la disparition de l'argent mais se sentiront trop coupables de l'avoir laissé plusieurs semaines d'affilée pour lui en tenir rigueur. C'est toujours pareil. Sa mère rentre en trombe dans la maison, pressée de le voir. Elle le serre contre elle, lui barbouille le front de rouge à lèvres en l'embrassant. Elle dit « Tu m'as tellement manqué, mon chéri ! On ne partira plus aussi longtemps, promis ». Et moins d'un mois plus tard, ils se sont déjà envolés. Même si ça le rend un peu triste, Garett s'en fiche. Il est déjà chanceux de vivre si aisément, il le sait.
Après quelques minutes, il ne sent presque plus aucun effet. Quand il se lève, la tête lui tourne un peu mais ça va.
— Viens Nola.
Il lui sert une gamelle de croquettes et la regarde distraitement manger. L'heure tourne. Les gens ne vont pas tarder. Il a besoin de ça. De combler le silence de cette maison si souvent vide.
On sonne à la porte. Déjà ? Nola aboie. Garett trottine presque jusqu'au hall d'entrée, ses chaussettes glissent sur le marbre. Nola le suit, passant entre ses jambes. Il ouvre. Myles se trouve à la porte, tout sourire. Il brandit fièrement une brique de jus d'orange et une bouteille de coca-cola. Garett veut presque lui claquer la porte au nez.
— Putain.. tu vas encore nous faire ton litre de vodka-coca ?
— T'as tout compris, mec.
Nola le regarde avec méfiance. Myles se faufile sous les bras de Garett pour entrer, crachant un « Putain, ça caille ici ! » entre ses dents.
Garett remarque enfin qu'il n'est pas seul. Il y a un autre garçon sur le perron, les mains enfoncées dans les poches de sa veste. Ses boucles châtains sont en désordre. Il arbore un sourire gêné.
— Salut ? Dit Garett.
— C'est mon cousin ! Lance Myles depuis le hall où il joue avec Nola. J'ai oublié de te prévenir.
— Pas grave..
Le cousin en question danse d'un pied sur l'autre, transi de froid. Garett se décale pour le laisser entrer.
— Ethan, se présente-t-il en lui tendant la main.
Garett se souvient maintenant. Il a passé quelques temps chez Myles, cinq ans plus tôt. Mais c'était un gamin assez solitaire, il tirait toujours une tête de trois pieds de long. Myles disait que c'est parce que chez lui, il vivait des choses très graves. En fait, Myles était le seul à pouvoir lui parler.
— Garett, répond-il en serrant sa main gelée.
— Je sais.
Ils détachent leurs mains. Myles tourne autour de Nola en poussant des cris d'animaux, elle lui répond en jappant joyeusement. Garett lève les yeux au ciel et leur fait signe de le suivre dans la cuisine. Leurs pas font échos entre les hauts plafonds à moulures. Ethan observe curieusement l'enfilement de pièce. En habitué, Myles fait comment chez lui, ouvrant le frigo pour y ranger son butin.
— Ah j'ai invité Tonya aussi, ça te dérange pas ? Questionne-t-il en claquant la porte.
Garett se fout de Tonya. Il vient d'apercevoir avec embarras le sachet de coke qu'il a laissé traîner sur l'îlot central. Il n'a pas envie que Myles ne le voit. Il n'est pas au courant pour la drogue. 'Fin la weed, ce genre conneries, il sait, ils fument ensemble de temps en temps. Mais pas ça. Ça c'est autre chose.
— Tonya ? C'est qui ? Demande-t-il en se décalant discrètement vers la cible.
— Une meuf, là.. Dans mon lycée. La dernière fois, à l'anniv de Jeff, elle m'a laissé lui toucher les seins.
Garett arrive à attraper le sachet compromettant sans que Myles ne s'en rende compte. C'est assez facile. Ces derniers temps, il n'a que deux passions qui l'obnubilent : son groupe et les filles. Depuis qu'il a compris qu'il pouvait draguer en déballant ses connaissances sur la musique, c'est éreintant.
— Ok, ses seins, et tu peux me dire autre chose d'autre ? Genre sa passion ? La couleur de ses yeux ?
— La couleur de ses yeux, peut-être pas. Mais celle de son soutif..
Myles affiche un sourire mutin. Garett et Ethan échangent un regard mi exaspéré, mi amusé.
— Ça va, je rigole.. Elle est mignonne mais j'en ferai pas ma femme, c'est tout.
— Comme si elle te voudrait ne serait-ce que comme copain, marmonne Ethan.
Myles ignore sa remarque et se tourne vers Garett.
— Tu peux pas comprendre, y a aucune meuf dans ton lycée de bourges, là.. Vous vivez comme des saints.
— Ouais, sûrement.
Garett veut échapper à cette conversation. Parmi tous les sujets de cette Terre, ses expériences sexuelles sont définitivement le sujet qu'il déteste le plus – compliqué lorsqu'on est un garçon de dix sept ans et que tous les autres ne semblent savoir parler que de ça. Heureusement, il est sauvé par le gong. La sonnette retentit à nouveau. Il se dirige presque en courant vers la porte. Derrière lui, Myles saisit une bouteille d'alcool fort pour la décapsuler.
— L'heure de se mettre une mine est arrivée, fanfaronne-t-il gaiement.
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