Chapitre 4 - Alix

Je l'ai fait ! Ça y est ! J'ai réussi à entrer dans un team ! Désormais tous les espoirs me sont permis, je touche enfin mon rêve du doigt. Franck Marcand m'a signifié mon engagement il y a un quart d'heure et j'ai toujours l'impression de planer sur un petit nuage. Même mon accrochage avec le crétin de tout à l'heure, en sortant des toilettes, n'est pas parvenu à m'en faire dégringoler. Impatiente, j'attends de rencontrer les autres membres de mon équipe.

Lorsque la poignée de la porte s'abaisse, mon palpitant s'emballe. Il est temps d'entrer dans l'arène. J'essuie nerveusement mes mains moites sur mon jean et plaque un léger sourire sur mon visage avant de répondre à l'invitation de Franck. Dès que je pénètre dans la salle, je deviens le point de mire d'une vingtaine de personnes et sans grande surprise je découvre que je suis la seule femme. Des pilotes aux mécaniciens, en passant par les ravitailleurs et panneauteurs, il n'y a que des mecs.

Les membres du team semblent étonnés, voire perplexes, mais ça n'empêche pas certains de me mater sans vergogne. Du premier coup d'œil, je repère deux têtes connues.

Crotte, ils font partie du team!

Le grand brun avec qui je viens d'avoir une petite altercation est assis à une table avec son copain blond. À voir leurs mimiques, les deux se demandent ce que je fais là et je jubile à l'avance de la suite des événements.

La surprise et l'incompréhension laissent rapidement la place à l'incrédulité générale lorsque Marcand annonce que je suis le nouveau pilote. Incrédulité et... colère si j'en crois l'expression outrée qui se peint sur le visage du brun. Je ne peux m'empêcher de me réjouir in petto de sa déconvenue.

Eh non, mec, je ne suis pas mannequin! Si tu m'avais laissé finir ma phrase, tu aurais l'air moins con à cet instant!

Un grand silence, pour ne pas dire un grand froid, accueille l'annonce du team manager, mais il n'en fait pas cas. Faisant comme si de rien n'était, il commence à me présenter l'équipe.

— Alix, je te présente tes coéquipiers. Tout d'abord Mack Simmons et Antonio Perossi qui seront tes copilotes.

Cette fois-ci, le beau gosse blond fait grise mine, il a remisé aux oubliettes clin d'œil et sourire charmeur. Il n'est visiblement pas enchanté de m'avoir pour partenaire. Je réprime une grimace. Si le pilote principal me prend en grippe... ça promet ! L'Italien quant à lui semble surpris, mais pas contrarié pour autant. Ce mec a l'air d'être facile à vivre. Malgré sa moustache et sa barbe courte, il a une bonne bouille avec ses cheveux bouclés qui lui retombent sur les yeux. En tous cas, il est souriant. On ne peut pas en dire autant des trois autres pilotes que me désigne ensuite Franck.

— Voici les membres du second équipage : Glen Dickson, Thomas Durieux et Gaël Mervans.

Dickson, l'Afro-Américain est un peu plus avenant que ses collègues. Sûrement parce qu'il semble avoir à peu près le même âge que moi ou alors c'est sa coupe de cheveux qui le fait paraître plus jeune ? Presque rasé sur les côtés et très frisé sur le dessus, ça m'a l'air d'être un déconneur, même s'il ne le montre pas présentement. Durieux, quant à lui, a un physique atypique. Grand, roux et des yeux noisette qui me scrutent sans concession, presque froidement. C'est clairement le mec sérieux et rigide de la bande. Malgré leur déconvenue, les deux pilotes font preuve de politesse et me saluent d'un petit mouvement de tête.

Bonjour l'accueil chaleureux ! Je sens que ça ne va pas être de la tarte pour me faire accepter par cette bande de gugusses.

Mon regard glisse ensuite sur le brun avec qui j'ai eu maille à partir. Gaël Mervans. C'est donc lui qui détient le meilleur chrono... Nos deux brutales rencontres ne m'ont pas permis de m'attarder sur son physique alors je l'observe discrètement tandis qu'il est en pleins conciliabules avec son copain. Grand et large d'épaules, il dégage indéniablement un certain charisme. Avec sa plastique, ses cheveux noirs comme la nuit et ses yeux gris, ce type doit avoir du succès auprès des filles ; il est aussi beau gosse que son pote blond, mais dans un genre très différent. Par contre, c'est un vrai con ! Et un connard impoli, qui plus est, car il ne se donne même pas la peine de me saluer.

Tandis que Franck continue de me présenter les mécaniciens et autres membres du team, je vois du coin de l'œil Mervans et Simmons se lever et se précipiter vers le bureau de Marcand pour consulter mon CV. Et son contenu n'est clairement pas à leur goût vu les mines dégoûtées qu'ils affichent.

— Elle a été mécano, elle a fait quelques courses, mais rien qui a un lien de près ou de loin avec l'endurance, marmonne Mervans.

— Bordel de crotte, jure Simmons. Quand je te disais que son sourire n'annonçait rien de bon.

Seul Perossi semble se réjouir de mon intégration dans l'équipe. Je réprime un sourire en l'entendant s'exclamer :

— Putain les mecs, une nana, c'est trop cool,

Il est bien le seul des cinq à paraître enchanté. Pour me le prouver, je n'ai qu'à regarder l'air qu'affichent Dickson et Durieux.

L'Italien me plaît déjà, lui ! Je suis sûre qu'on va bien s'entendre !

En revanche, je grince des dents en entendant le commentaire que Simmons adresse à son copain :

— Réjouis-toi mon pote, tu as plus de chance que moi de finir premier.

— Franck déconne à plein tube ! Une nana ! Il est allé nous coller une meuf dans les pattes ! grommelle Mervans.

Je sens que ça va être une autre paire de manches avec cette bande de zigotos ! Je sais déjà qu'ils vont me tester. Une fois de plus le fait d'être une femme va être un handicap et il va falloir que je m'impose si je veux qu'ils me respectent.

Alors que Franck termine de me présenter le reste du team avec le responsable communication, une femme arrive avec un plateau chargé de mugs fumants dont elle se débarrasse sur le bureau. Tandis que Franck et les pilotes se précipitent sur les boissons, elle vient vers moi avec un large sourire aux lèvres. Je n'ai pas le temps de dire quoi que ce soit qu'elle est déjà en train de me prendre dans ses bras.

— Bienvenue à bord, ma belle ! Je suis tellement contente d'avoir enfin une femme dans l'équipe ! Je n'en pouvais plus de toute cette testostérone !

Alors elle, je l'aime beaucoup ! Elle me fait penser un peu à ma mère, mais en plus dynamique.

— Désolée, je ne me suis pas présentée ! Je suis Marie, l'épouse de ce tyran, dit-elle en me montrant le team manager du doigt.

— Enchantée Marie, je suis Alix.

Elle fait de son mieux pour me mettre à l'aise et me pose quelques questions auxquelles je réponds quand un éclat de voix nous fait sursauter. Par réflexe, je me retourne pour voir ce dont il s'agit.

Le boss semble se disputer avec Mervans et Simmons. Si je n'ai pas entendu ce qu'a dit le crétin machiste, je ne peux ignorer le beuglement de Franck :

— Ne commence pas à m'emmerder ! C'est comme ça et c'est tout, il n'y a pas d'alternative possible !

— Ne t'inquiète pas, il grogne plus qu'il ne mord. C'est un faux méchant, me rassure sa femme.

Le regard furieux que Mervans pose sur moi me laisse peu de doute sur le sujet de leur désaccord. Je sens que cet abruti va faire des histoires et me mettre des bâtons dans les roues. S'il me cherche, il va me trouver ! Hors de question de me laisser intimider. Je lui retourne un regard rien moins qu'aimable.

Ne compte pas que je me laisse faire, mon coco. Tu as peut-être l'habitude de faire le coq avec les autres, mais ça ne prendra pas avec moi!

Se méprenant sur la raison de mon changement d'humeur, Marie me murmure à l'oreille :

— Franck ne l'admettra jamais, mais c'est un gros nounours sous ses airs bourrus.

Je réprime un rire en visualisant Franck déguisé en peluche puis secoue la tête.

— Je crois que je ne suis pas la bienvenue ici.

— Bien sûr que si ! s'offusque Marie.

D'un mouvement du menton, je lui désigne les deux guignols qui gesticulent aux côtés de son mari.

— Je pense qu'ils ne sont pas de cet avis.

— Ne fais pas attention à eux, ça leur passera ! C'est juste une flambée de testostérone. Il faut leur laisser le temps de s'habituer.

Difficile de ne pas y prêter attention alors que le ton monte une nouvelle fois. Même avec toute la bonne volonté du monde, je ne peux ignorer leur dispute.

— Avec elle dans le team, on peut dire adieu au podium et à notre sponsor ! braille l'abruti misogyne.

— Tu fais chier, Gaël ! Arrête d'être aussi borné ! Sans elle, on ne peut engager qu'une seule bécane !

— Et les autres candidats ?

— Son chrono est le meilleur de tous, le coupe Franck. Je ne te laisse pas le choix ! D'autant plus qu'elle n'est pas dans ton équipage alors je ne vois pas en quoi ça te dérange ?

— Elle va causer des problèmes ! Une nana dans une équipe, ça fout toujours la merde !

Cette fois, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Si je dois montrer les dents pour me faire respecter, autant commencer tout de suite. Je comble les quelques mètres qui nous séparent et apostrophe Mervans :

— Je peux savoir en quoi une nana fout la merde dans une équipe, selon toi ?

Ma question lui coupe la chique. Il ne s'attendait visiblement pas à ce que j'intervienne. J'en profite pour lui river son clou.

— Parce que pour le moment, le seul qui fout la merde ici, c'est toi !

Il lui faut quelques secondes pour se ressaisir et il repart aussitôt à l'attaque, mais en m'ignorant totalement. Il se tourne vers Franck pour poursuivre son argumentaire :

— Elle n'a aucune expérience !

— Il faut bien commencer. Toi non plus, tu n'étais pas expérimenté quand je t'ai engagé, lui rétorque le team manager.

— C'est une femme, insiste-t-il.

— Et alors ?

Sans tenir compte de mon intervention, il continue :

— Elle ne tiendra jamais sur la durée.

— Inutile de faire comme si je n'étais pas là, je m'agace. Tu peux directement t'adresser à moi !

Il me tourne carrément le dos et poursuit :

— Une nana est moins endurante. Elle va affaiblir l'équipage. Mack et Antonio vont devoir courir après le chrono pour essayer de rattraper le retard qu'elle va accumuler au fil des relais.

Excédée par ses préjugés, j'explose :

— J'en ai rencontré des types misogynes, mais alors toi, tu détiens le pompon de la connerie et de la mauvaise foi ! Ce n'est pas parce que je suis une femme que je serai forcément moins endurante.

Je le contourne pour me retrouver face à lui et lui plante mon index dans la poitrine :

— Tu ne sais rien de moi à part ce que tu as lu sur ce CV ! Tu ne crois pas que tu pourrais attendre de me voir à l'œuvre avant de porter un jugement sur mes capacités ?

Marie se glisse entre nous pour nous séparer et tenter d'apaiser la discussion :

— On se calme ! Je vous rappelle que nous sommes une équipe. Alors, on va tous oublier cette discussion et remettre les compteurs à zéro. Ce soir, tout le monde va se détendre et on repartira sur de bonnes bases dans la bonne humeur.

— Marie a raison. Rentrez chez vous et profitez du week-end pour décompresser, ordonne Franck. On se retrouve lundi au QG.

Ayant reçu le feu vert du boss, je ne m'attarde pas et quitte les lieux sans un regard en arrière, tant je suis énervée. À peine sortie du Pit Building, je rallume mon téléphone pour appeler mon frère, mais mon doigt reste suspendu au-dessus de l'écran tactile pendant quelques secondes et je me ravise. J'ai hâte de lui annoncer ma sélection, mais je suis trop à cran pour savourer avec lui la nouvelle comme elle le mérite. Ce connard de Mervans m'a gâché ce moment que j'attendais depuis si longtemps.

**********

Les présentations ne se passent pas dans la meilleure ambiance, c'est le moins qu'on puisse dire ! Mais il semblerait que Alix n'ait pas l'intention de se laisser faire et Gaël a trouvé à qui parler... Reste à savoir si les relations vont être plus apaisées après le week-end... à votre avis ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top