Chapitre 3 - Gaël


Franck a dit vrai. Les modifications apportées sur nos Yamaha vont grandement nous faciliter le travail. En tant que team roulant avec des motos officielles, nous bénéficions de pièces et d'évolutions d'usine que les autres équipes satellites n'auront pas. Nous allons pouvoir nous battre à armes égales avec Suzuki qui domine l'endurance depuis bien trop longtemps à mon goût.

Mon boulot avec Thomas, Glen et le reste de notre équipe a été rapide et on a pu quitter nos bureaux installés à Cuges les Pins assez tôt pour gagner le circuit du Castellet sur lequel sont organisées les sélections pour le nouveau pilote. On a eu le temps de manger un morceau, mais je ne décolère pas. D'ailleurs, la pauvre fille que je viens de percuter, sans le faire exprès, en a été la victime innocente.

Je n'arrête pas de me poser des questions, je me demande qui Franck a bien pu trouver pour remplacer Fergus, surtout en début de saison alors que tous les guidons ont été pourvus et que les meilleurs compétiteurs ont déjà été engagés ailleurs. Mack a rejoint le stand pour aller à la pêche aux infos. Moi, j'ai besoin d'être seul pour ruminer.

Je me dirige vers le média center où un shooting est en cours. Je ne suis pas déçu de ce que j'y découvre et reste scotché devant la douzaine de sylphides réunies dans la salle, attendant leur tour pour se faire prendre en photo.

Je crois que j'ai trouvé exactement ce qu'il me faut pour avaler la pilule amère que nous a balancée Franck. Ça m'emmerde vraiment de ne plus rouler avec Mack. J'ai peur que notre rivalité sur la piste ne vienne gâcher notre amitié. C'est peu probable, mais les médias ont le chic pour faire naître une embrouille là où il n'y en a pas. On a toujours roulé ensemble et il va falloir que je fasse le deuil de notre complicité professionnelle. J'étais pas prêt à ça et je ne le suis toujours pas, même si je m'entends super bien avec mes deux nouveaux partenaires.

— Les essais vont commencer, mon pote, m'interpelle Mack en me rejoignant.

— Ouais, j'arrive.

— Je savais que je te trouverais ici. Si t'arrêtais de ruminer ?

Je quitte des yeux les filles qui prennent des positions aguicheuses avant d'être mitraillées par le photographe pour me tourner vers mon coéquipier.

— Y a que moi que ça fait chier qu'on ne soit plus sur la même bécane ? je lui demande, agacé qu'il n'en fasse pas plus de cas que ça.

— Qu'est-ce que tu crois ? Tu penses vraiment que ça me plaît de rouler contre toi ? J'adore quand on pilote ensemble, mais c'est Franck le boss et c'est lui qui décide.

— T'as vu les pilotes qu'il a choisis ? je l'interroge encore.

— Non.

— Tu as déjà entendu parler d'eux ?

— Non plus.

— Bon sang ! je râle, énervé qu'on n'en sache pas davantage.

Mack passe son bras autour de mes épaules et m'entraîne vers les stands.

— Arrête de ronchonner. C'est un shooting pour un calendrier publicitaire. Ces déesses seront peut-être encore là quand on en aura fini.

— Et pourront peut-être nous aider à faire redescendre la pression ?

— Et ta vahiné ?

— À des milliers de kilomètres, et c'est quoi l'adage, déjà ? Loin des yeux... loin du cœur.

— Oui, mais étant donné que ton muscle cardiaque n'a absolument rien à voir avec ta queue, je ne suis pas certain que ça s'applique ici.

— Pas faux, je concède.

Mack et moi adorons les femmes... Toutes les femmes, même si j'ai une préférence pour les nanas au charme exotique. Mack est plus traditionnel et fond littéralement pour les petites blondes. Certains disent que nous nous comportons comme des serials baiseurs. C'est pas faux. Mais il faut reconnaître aussi que notre monde n'est pas dépourvu de présence féminine. Les nanas aiment les pilotes. Je ne sais pas si la combarde de cuir y est pour quelque chose, ou peut-être le fait qu'on soit des trompe-la-mort prêts à tout pour gagner une compétition ?

En résumé, les filles trouvent les pilotes sexy. Elles sont nombreuses à tourner autour de nous et comme on n'est pas vilains, on reste rarement sans compagnie, ce qui nous convient très bien. On a tout notre temps pour convoler et fonder une famille. Je ne suis même pas certain d'avoir envie de me marier et d'avoir des enfants. Mes parents ne m'ont jamais donné l'exemple du parfait petit couple uni et amoureux. Je les ai vus se déchirer, se pourrir l'existence jusqu'à ce que ma mère se casse. Alors, la vie à deux, très peu pour moi. Vive la liberté et le célibat !

— Vous étiez où, bon sang ? s'agace Franck en nous voyant pénétrer dans le stand. Le premier candidat a déjà fini son passage.

— Et alors ? s'enquiert Mack.

— Ses chronos sont inscrits sur le tableau. C'est pas folichon.

On traverse la voie des stands pour rejoindre le préposé au chronomètre.

Les quinze tours effectués par le second candidat n'ont rien de sensationnel. Les temps sont plus que moyens. Je détiens le record de la piste avec 1'53'' 460, on ne demande pas à notre futur coéquipier de l'égaler, mais de s'en rapprocher le plus possible.

Dans une équipe, les chronos doivent être homogènes. Si l'un des pilotes est très en dessous des autres, c'est un boulet et ses coéquipiers s'épuiseront à devoir rattraper le temps qu'il aura perdu. Clairement, les deux premiers candidats ne sont pas au niveau. Si le dernier ne fait pas mieux, on est pas dans la merde et je ne vois pas vers qui on pourra se tourner.

Mack et moi faisons demi-tour pour découvrir le passage de relais. Le troisième pilote grimpe sur la machine. Ce n'est pas un gros gabarit, mais c'est pas un problème. Il s'élance sur la piste et ses premiers temps sont plutôt moyens. Ce serait bien qu'il commence à nous montrer ce qu'il a dans le ventre. Sixième tour, Antonio entre sur le circuit pour jouer le lièvre. J'espère qu'il ne va pas ménager ses efforts et pousser le mec dans ses retranchements parce que pour le moment c'est largement en dessous de ce qui est demandé.

On attend les chronos et, oh surprise, ils s'améliorent. Le gars suce la roue de notre pote et tient le rythme avant d'entamer les cinq derniers passages qu'il devra réaliser seul.

— 1'55'' 743, s'écrie le chronométreur alors que la moto rejoint les stands.

— Tu t'es pas gouré ? le titille Mack.

— Nan, ce type est le meilleur des trois.

— On a peut-être trouvé celui qu'il nous fallait, se réjouit Mack.

— Celui qui va t'aider à me battre peut-être ? je le nargue.

— Je verrais bien le numéro 1 remplacé le 92 sur notre carénage pour la saison prochaine.

— Même pas en rêve, mon pote ! Nous serons numéro un.

Il éclate de rire, quitte le muret sur lequel nous étions installés tandis que le dernier pilote descend de la moto et disparaît dans le fond du stand. Un peu bizarre comme attitude alors que les deux autres candidats comparent leurs chronos tout en discutant avec l'équipe. J'espère que le type n'est pas un loup solitaire. Ça le ferait en moto GP ou chacun roule pour soi, mais il n'aura pas sa place dans notre team où chacun est solidaire de l'autre, et cela, quels que soient ses temps sur la piste.

Je quitte Mack, les autres pilotes, les chefs mécaniciens des deux équipes regagner la salle de réunion pour y retrouver Franck. J'ai besoin de me rendre là où personne ne peut aller à ma place. Je longe le couloir et prends sur la droite pour rejoindre les toilettes. Je vais y pénétrer quand la porte s'ouvre à la volée laissant le passage à une nana que je reconnais aussitôt.

C'est celle que j'ai percutée tout à l'heure et que j'ai pourrie.

— On a encore failli se rentrer dedans, je balance tout en détaillant la demoiselle dont le physique n'a rien à envier à celui de ses consœurs.

Elle est canon. Je dirais même qu'elle est super jolie. Sa peau est dorée, ses cheveux blond foncé, attachés en queue de cheval et ses yeux d'un vert presque transparent, tant il est clair. Autant dire saisissante.

— Vous vous êtes perdue ?

— Euh non pas vraiment, rétorque-t-elle sur la défensive.

— Je ne vais pas vous manger, même si vous êtes plutôt appétissante.

— Gardez vos réflexions machistes ! crache-t-elle.

— Y a rien de macho à dire à une femme qu'elle est belle, je me défends.

— C'est déplacé de la comparer à un bout de viande qu'on pourrait consommer.

Pourquoi elle me les brise? Qu'est-ce que j'ai dit, bon sang?

— Je crois que vous vous êtes trompée d'endroit, le shooting se passe au média center, ici il n'y a que des salles de réunion.

— Je suis au courant, s'énerve-t-elle.

— Y a quand même un truc que je pige pas. Vous vous faites prendre en photo dans des tenues qui ne couvrent que quelques centimètres carrés de votre épiderme. Vous étalez votre physique sur les pages des magazines ou de calendriers qui vont finir accrochés au mur des chambres d'ados prépubères, aux hormones en ébullition, qui se branleront en reluquant votre plastique et vous vous offusquez que je vous trouve jolie.

— Je ne suis pas là pour ça ! s'exclame-t-elle.

— Quand on est mannequin, c'est bien pour mettre en avant son physique, non ?

— Mais je ne suis pas manneq...

L'enquiquineuse tente de forcer le passage et cette fois-ci, j'en ai ma claque.

— Ça suffit ! Vous n'avez rien à faire là ! j'assène en la chopant par le bras sans ménagement. Allez poser votre joli petit cul devant le photographe qui doit vous attendre.

— Lâchez-moi, espèce d'homme de Cro-Magnon ! Mais pour qui vous vous prenez à la fin ?

Là, elle me gonfle ! Elle est plutôt très à mon goût, mais jouer à l'effarouchée alors que je lui fais un simple compliment, c'est bon ! Je l'accompagne à l'ascenseur, la colle dedans et attends que les portes se referment sur elle avant de gagner les toilettes.

Je rejoins les autres, m'assois à côté de Mack et découvre Franck appuyé contre le bureau, un grand sourire illuminant son visage.

— Tu foutais quoi ?

— Rien, j'ai rencontré une chieuse. Il a l'air heureux, je lâche en désignant Franck du doigt.

— Tu veux plutôt dire que c'est flippant, objecte Mack.

— Il a son nouveau pilote, il est content.

— Ouais, mais j'aime pas le voir sourire, je préfère quand il fait la gueule. Là ça pue, j'te dis.

Ce con finit par me faire douter. Impatient, j'attends que le boss prenne la parole.

— Les mecs, je pense qu'on a trouvé la perle rare. Je ne vous cache pas que je n'y croyais pas beaucoup, surtout alors que la saison commence, mais c'est fait, notre équipe est au complet. J'ai demandé à deux des trois pilotes de partir parce qu'ils ne faisaient pas l'affaire. Leurs chronos en ont dit plus que je n'aurais pu le faire.

— Je te signale quand même que celui que tu as gardé est à deux secondes du temps de Gaël et à une seconde des nôtres, balance Thomas.

— J'en suis conscient, mais la marge de progression est d'autant plus importante.

— Parce que tu crois qu'il en a encore sous le pied ?

— J'en suis persuadé. Alix Granier a un CV atypique qui a attiré notre attention, poursuit-il en agitant une feuille de papier avant de la reposer. Vous savez, comme moi, que toutes les références du monde ne remplacent pas des essais et que le chrono est le seul juge. Je suis d'accord avec toi, Thomas. Ces temps ne sont pas représentatifs, mais ils sont là et nous montrent un niveau bien au-delà de ce qu'on aurait pu espérer. Je sais que ce pilote à sa place parmi nous, alors je vous demande de l'accueillir chaleureusement et de garder à l'esprit que c'est le meilleur choix que je pouvais faire.

— Tu trouves pas qu'il a l'air bizarre ? Pourquoi il nous balance ça ? s'étonne Mack. « Garder à l'esprit », non, mais sans bla...

Mon pote n'a pas le temps de finir sa phrase. Franck se lève et nous le suivons tous des yeux alors qu'il se dirige vers l'entrée de la salle. La porte vient de s'ouvrir et il accueille celle qui est en train de faire son entrée après avoir serré la main de notre patron avec enthousiasme.

— Mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ? je marmonne.

— Elle me dit quelque chose cette nana, me confie Mack à l'oreille.

— C'est celle que j'ai percutée tout à l'heure.

— Ah oui, c'est vrai !

— Et celle à cause de qui j'ai tardé à venir vous rejoindre. Je comprends pas, qu'est-ce qu'elle vient foutre là ?

Mack me regarde en fronçant les yeux.

— Messieurs, je vous présente Alix Granier, notre nouveau pilote qui rejoindra Mack et Antonio sur la 92.

— Merde, elle est pas mannequin ! je m'écrie.

— Putain, mais c'est une meuf !

Non sans blague !


Le numéro 1 est inscrit pour la saison suivante sur le carénage de la moto qui gagne le championnat.

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La surprise est de taille pour Gaël !!! Les machos de Mark Endurance ont du souci à se faire parce qu'Alix n'a pas l'intention d'être releguée à un poste sulbaterne ni de se faire malmenée par des mecs qui ont tendance à rouler des mécaniques !

Comment Gaël va-t-il réagir à l'arrivée d'une fille dans le team, et surtout une fille qui n'a pas l'habitude de se laisser faire ?

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