Chapitre 1 - Gaël
Bip, bip, bip, bip, bip, bip, bip, bip...
— Rhaaa ! Naaannn !
La tête collée sous mon oreiller, je tâtonne à la recherche de mon réveil dont la sonnerie obsédante me vrille les tympans et détruit le peu de neurones qu'il me reste. Si je rajoute à ça qu'elle vient d'interrompre mon rêve au moment où j'allais profiter du corps somptueux de ma jolie Vahiné...
— Bordel !
Ma main rencontre enfin mon réveil et coupe la sonnerie tonitruante avant de descendre vers le sud et de saisir ma queue réveillée par un début de rêve torride. J'ai besoin de me concentrer, de repartir là où j'étais il y a encore quarante-huit heures. Sur une île perdue au milieu du Pacifique à quelques centaines de kilomètres de Tahiti, dans un hôtel de ouf, dans un lit king size de malade et dans les bras d'une des filles les plus chaudes et les plus douces que j'ai jamais eues.
Je sens encore le grain de sa peau collée contre la mienne, son odeur de tiaré qui m'enivre, sa chaleur, ses longs cheveux noirs qui me caressent comme mille mains.
Une mer turquoise, un coin paumé, mes potes, de l'alcool, aucun horaire et des filles. Enfin dans mon cas, une seule qui m'a occupé, vidé, fatigué tout le temps que je ne consacrais pas à faire la fête. Une paire de seins somptueuse, un cul bombé et musclé, des cuisses fuselées, un visage d'ange pour une véritable diablesse. Je repense à tout ce que j'ai ressenti dans ses bras, ses jambes enroulées autour de mes reins pendant que je la ...
— Gaël, t'es réveillé, mon pote ?
Mais c'est pas vrai !
J'accélère le mouvement en essayant de garder à l'esprit les images de mon exotique maîtresse.
Oh la vache ! C'est juste parf...
Bip, bip, bip, bip, bip, bip, bip, bip...
— Gaël, si tu te magnes pas, on va être à la bourre et j'ai pas envie d'énerver le boss dès le premier jour.
Je prends mon réveil et le balance contre la porte.
— J'arrive, bordel ! Je peux pas avoir cinq minutes tranquille, bon sang !
— Arrête de te branler et va prendre une douche !
Comment il sait ?
Il sait. Mack est mon meilleur pote. On est pilote dans la même équipe. On se connaît presque par cœur donc effectivement, il sait exactement ce que je suis en train de faire à cet instant. J'affirme même que lui aussi était en train de se faire du bien, il y a quelques minutes encore. Seule différence entre nous, Mack est quelqu'un de ponctuel, son réveil a dû sonner bien avant le mien et il a eu tout le temps d'arriver à l'orgasme qui me fuit.
Je regarde l'heure sur mon portable et je dois reconnaître que je suis presque à la bourre et que ma douche sera très courte.
Je m'y précipite puis je me brosse les dents, passe mes doigts dans mes mèches noires, trouve mes yeux d'habitude gris foncé si rouge qu'on dirait que j'ai picolé toute la nuit alors que ce n'est absolument pas le cas.
On a prolongé les vacances aussi longtemps qu'on le pouvait. On a pris un avion in extremis. Après vingt heures de vol, on a atterri à Paris avant de prendre le TGV pour revenir chez nous complètement vidés.
Je suis sur les rotules, frustré. J'oscille entre l'envie de retourner sous la couette et le besoin d'adrénaline que je sens monter en moi.
La saison d'endurance reprend. Après des vacances bien méritées on va retrouver le team, les autres pilotes, les motos, les essais et enfin ce pour quoi on se démène sang et eau : les courses.
Nous sommes pilotes de vitesse sur les courses les plus exigeantes du monde de la moto. Quatre compétitions durant lesquelles nous sommes affûtés, concentrés, prêts à faire tomber les chronos. Vingt-quatre heures à tourner sur un circuit, les relais qui s'enchaînent de jour comme de nuit. Certains disent que gagner une de ces courses est une consécration. Ils n'ont pas tort, mais pour beaucoup le fait d'en franchir la ligne d'arrivée est déjà un exploit en soi.
Nous avons rendez-vous dans moins d'une heure pour le lancement des hostilités. Comme les autres, je vais me replonger dans ce monde que j'ai laissé derrière moi depuis quelques semaines. C'est un univers difficile qui nous demande d'être à fond tout le temps. On doit être au meilleur de notre forme, multiplier les entraînements, les séances d'essais, le cul rivé sur la selle de monstres mécaniques que la grande majorité des pilotes n'oserait même pas appréhender.
Dans l'univers de la vitesse, nous sommes très peu à pouvoir concilier performance et endurance. Les pilotes de moto GP le peuvent et encore pas tous. Ils sont rapides, ce sont de vraies bêtes sur la piste, mais une course ne dure que quarante minutes en moyenne. Il y a tout un monde entre être à fond moins d'une heure et l'être pendant vingt-quatre heures.
Beaucoup de pilotes de GP s'y sont essayés, certains brillamment, d'autres ont renoncé parce que c'est un exercice trop ardu.
Voilà mon boulot. Il n'y a que quatre courses durant la saison, mais entre chacune le travail ne s'arrête pas. Il faut mettre au point la moto, bosser pour la marque que l'on représente, voyager à travers le monde pour assurer la promotion, affûter notre physique, faire des remplacements sur d'autres compétitions, même si c'est plus rare.
— Oh mec, t'es prêt ? râle Mack qui doit trépigner devant ma porte que je finis par ouvrir à la volée.
— Oui, crétin ! Si t'arrêtais de brailler dès le matin ?
— Et si un jour tu arrivais à être à l'heure ?
— On y sera et je te parie même qu'on arrivera avec quelques minutes d'avance.
— Ouais, on peut toujours y croire.
Nous quittons la maison que nous partageons et nous grimpons dans la voiture, la bécane étant déconseillée par nos assurances. Comme si prendre la route pouvait être moins risqué dans une bagnole ! J'hallucine. J'aurais très bien pu me tuer en glissant dans ma douche ou en m'étouffant avec le café que d'ailleurs je n'ai pas eu le temps d'avaler.
— J'espère qu'ils auront préparé des litres de café, sinon ça va être long.
— À mon avis s'il n'y en a pas, Franck risque de péter une durite. Il va déjà être tendu comme la ficelle d'un string. C'est comme ça à chaque réunion de début de saison. Tasse en main, il va commencer par énoncer tout ce qui ne va pas. Ça va nous prendre une plombe et ensuite seulement, on aura droit aux quelques trucs qui vont bien.
Je ne renchéris pas. Mack vient de décrire, point par point, ce qui va se passer dès que nous serons arrivés au siège de l'équipe. Marie, la femme de Franck, va nous accueillir avec chaleur pour mieux laisser sa moitié nous pourrir juste après.
Certains pilotes s'en offusquent. Pas nous. Nous roulons dans l'équipe de Franck pratiquement depuis le début. Nous le connaissons par cœur. C'est un mec génial, mais c'est un râleur invétéré qui a besoin de brailler pour rester concentré. C'est quand il ne le fait pas qu'il faut s'inquiéter. Ça n'arrive pas souvent, mais quand c'est le cas, il ne faut pas moufter. Il faut laisser passer l'orage et se faire tout petit.
— Qu'est-ce que j'avais dit ? je balance à mon pote alors que je gare la voiture devant le bâtiment principal. On est même pas en retard. Je m'améliore.
On se marre en pénétrant dans le hall. Les vacances sont oubliées aussitôt et tout ce qui allait avec. C'est une sensation bizarre. On passe d'un monde à l'autre, et pour ça, il suffit de franchir une porte et on se retrouve dans un univers si familier qu'on a l'impression de ne jamais l'avoir quitté. Je perçois le son d'un moteur au loin, les mécanos qui s'interpellent, les odeurs d'huile, de cambouis, l'atmosphère électrique d'un début de saison quand rien n'est joué et que tout est encore possible. On efface l'ardoise, tout ce qui s'est passé la saison précédente et on reprend tout à zéro.
Comme prévu, Marie vient à notre rencontre et nous prend dans ses bras. Elle s'occupe de Mack puis vient vers moi.
— Tu sais que j'ai dû chercher un calendrier et un feutre rouge, m'annonce-t-elle en guise d'introduction. J'ai dû marquer ce jour d'une énorme croix. Gaël Mervans n'est même pas en retard ! Si une tempête ne nous tombe pas sur le coin du nez, on aura de la chance !
— Ma réputation vient d'en prendre un coup, je ronchonne pour la forme avant d'accepter le baiser qu'elle dépose sur ma joue
J'adore cette femme. Elle m'arrive à la poitrine, est toute en courbes, a un visage de poupée auréolé de cheveux blonds bouclés et pourtant il ne faut pas s'arrêter à sa douceur apparente. Douce, elle est, mais elle sait aussi botter les fesses quand il le faut et beaucoup d'entre nous craignent autant ses colères que celle de son cher époux.
— Bon, ils sont quand même tous dans la salle de réunion. Nous n'attendions plus que vous, tempère-t-elle en se marrant.
— L'honneur est sauf.
Nous lui emboîtons le pas et arrivons dans l'immense salle qui accueille, à cet instant, la plus grande partie de l'équipe. Il ne manque que quelques mécanos, un ou deux ingénieurs qui ont été briefés et qui bossent déjà sur la suite.
Nous saluons tout le monde. Franck tout d'abord qui nous gratifie d'une poignée de main virile et destructrice. Petite vengeance pour avoir été les derniers à arriver. Je n'ose même pas imaginer ce qu'il nous aurait réservé si on avait vraiment été en retard, ce que me confirme le regard de Mack. Nous saluons ensuite Glen, Thomas et Antonio, les trois autres pilotes que nous connaissons bien puisqu'ils étaient déjà là l'année dernière. Il manque Fergus, mais peut-être n'est-il pas encore arrivé ou retenu ailleurs. Nous finissons par les ingénieurs, les mécanos, les différents responsables avant de rejoindre la place qui nous a été réservée.
Je vois Marie arriver avec un plateau sur lequel reposent différents mugs. J'en chope un au passage, imité par Mack. Nous sommes prêts à écouter le grand chef qui s'est levé, dressant son mètre quatre-vingt-dix derrière la table sur laquelle il organise quelques bouts de feuilles. Il se racle la gorge, une tasse bien remplie et fumante à portée de main, jette un coup d'œil sur son auditoire pour être certain que nous sommes tout ouïe et c'est parti !
— Bonjour à tous ! Je suis content de vous voir en forme et prêts à entamer une nouvelle saison qui, je l'espère, se terminera mieux que la précédente. Pour rappel, nous avons fini deuxième et quatrième du dernier championnat et nous allons tout faire pour que ça ne se reproduise pas cette année.
Quand on affirme qu'il commence toujours très fort...
— Nous courons après les résultats alors que nous disposons d'un bon matos et des compétences pour le faire fonctionner au mieux, poursuit-il avec véhémence. Il y a donc quelque chose qui cloche et c'est ça que nous allons devoir régler.
Comme d'habitude, Franck sait manier les caresses et les coups et j'attends la suite en sachant que ce n'est qu'un échauffement et qu'il garde encore quelques bastos en réserve.
— Il va falloir qu'on se sorte les doigts du cul, d'autant que si nous ne faisons pas mieux cette année, nous perdrons, au moins, l'un de nos plus gros sponsors. Il nous donne une dernière chance. Alors, autant vous dire que la seconde place n'est absolument pas envisageable. Pour ce faire, j'ai prévu quelques changements. Je sais que certains vont grincer des dents, mais il faudra qu'ils fassent avec.
Pourquoi il me regarde comme si ses derniers mots s'adressaient uniquement à moi ?
Mack me jette un coup d'œil circonspect et je décide que ça pue. Je risque de ne pas aimer ce qui va suivre. Pour commencer, si on perd notre principal sponsor, autant se trouver une autre écurie dès maintenant. Dans notre milieu, les places sont chères et pas si nombreuses, même quand on a de l'expérience. Du coup, l'annonce que quelques changements sont à prévoir est d'autant plus inquiétante. Avec Franck il faut s'attendre à tout, même au pire, et c'est donc fébrile que toute l'équipe est suspendue à ses lèvres.
— Les équipes des deux motos vont changer. Elles vont être rééquilibrées. Gaël et Mack vous devenez respectivement premiers pilotes des motos 91 et 92. Gaël fera équipe avec Thomas et Glen. Mack, je t'adjoins Antonio et le nouveau pilote que nous allons tester cette après-midi.
— Comment ça un nouveau pilote ? Où est passé Fergus ? s'inquiète mon pote.
— Il est out. Il a eu un accident il y a deux jours. Un truc assez sérieux. Je ne vous cache pas que nous avons dû organiser des sélections en urgence en sachant que la majorité des pilotes ont déjà trouvé un team.
— Tu veux dire tous les bons pilotes ? reprend Thomas.
— C'est ça.
— Alors qui vas-tu essayer ? je demande.
— Vous verrez. J'ai sélectionné trois candidats. Ils arriveront en début d'après-midi. En attendant, j'aimerais que vous vous réunissiez avec vos équipes respectives pour faire le point sur les motos, les évolutions qui y ont été apportées et sur ce qu'il reste à faire. Vous pouvez disposer.
C'est pire que ce que je pensais. C'est vraiment la merde. Mack et moi allons courir sur des bécanes différentes et ça n'a rien de réjouissant. On va devoir se tirer la bourre alors qu'on a toujours eu l'habitude de combiner nos compétences. Heureusement qu'on s'entend bien avec les autres pilotes, car il va falloir retrouver de la connivence et de nouvelles habitudes de travail.
— Ça fait chier quand même, râle Mack, au diapason de mes propres pensées.
— No comment !
— Je me demande qui il a trouvé pour remplacer Fergus.
— Encore quelques heures et on le saura, je conclus, passablement énervé par ce qui vient de nous tomber dessus.
Franck avait raison sur un point. Je grince des dents. Je suis même en colère quand je quitte la salle pour rejoindre les ateliers et replonger direct dans le grand bain.
**********
Si vous vous souvenez bien, l'année dernière j'avais entamé un 4 mains avec ma copine auteure Pascale Stephens (qui a aussi le pseudo de Mina Zadig chez Addictives) pour le concours Fyctia. Notre histoire a terminé dans les 10 finalistes mais n'a pas été retenue par la suite. Pascale et moi avons beaucoup hésité et finalement nous avons décidé de ne pas présenter le texte à d'autres maisons d'édition mais de le publier en auto-édition. Nous sommes actuellement en plein dans les dernières corrections et la mise en forme du livre et nous espérons pouvoir le publier en janvier 2024. En attendant voici le début de l'histoire...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top