— Il faut que tu manges pour éviter de faire une crise d'hypoglycémie Scarlett. Ce serait dommage de rater ton dernier jour de cours.

Je lève les yeux vers ma mère, assise de l'autre côté de la table. Elle attrape une pomme et me la lance, mais, raté, elle atterrit mollement par terre.

— Bien joué, lâchais-je avec un léger sourire aux lèvres, heureusement que tu es infirmière et pas joueuse de de baseball.

Le téléphone sonne. Tandis qu'elle va répondre j'en profite pour m'éclipser. Je glisse mon sac sur l'épaule et attrape mon skate.

Avant de sortir, je jette un coup d'oeil dans le miroir.

Pour une fois, mes cheveux acceptent de coopérer et aucun noeud ne se niche dans mes longues mèches blondes.

Toutes ces heures de démêlage ne se sont pas avérées si inutiles que ça, finalement.

À l'extérieur le soleil floridien tape fort et il fait déjà bien chaud pour cette matinée de juin.

La ville de Montarrey Bay se réveille peu à peu tandis que je traverse le quartier. Le bitume défile à toute vitesse sous les roues de ma planche.

Plus qu'une journée à affronter, quelques heures de cours puis deux mois de répit où je vais pouvoir faire tout ce qui me plaît. C'est à dire surfer, me nourrir exclusivement de glace aux cookies sans oublier d'aller voir Alexa.

Je passerais autant de temps qu'il faudra à son chevet même si je sais pertinemment que rien ne pourra lui rendre la vie qu'elle avait avant. Celle que nous avions tous ensemble.

Je secoue la tête, il faut que j'arrête de me torturer l'esprit.

En arrivant au lycée je remarque que le parking grouille de monde. Un groupe de filles hurlent qu'elles ont trouvé une place de parking et un gars lui crie qu'il était là avant.

C'est impossible de traverser toute cette marée humaine en skate. À contre-coeur je descends de ma planche et essaie de trouver un moyen de m'échapper de la cohue le plus rapidement possible.

Excédée je trouve enfin une percée dans la foule quand tout à coup je reçois un violent coup sur la tête.

Étalée sur le sol j'ouvre les yeux pour essayer de comprendre ce qu'il vient de se passer. Une planche de surf git par terre à coté de moi. Mais d'où elle sort celle-là ?

Une voix retentit, me coupant dans mes pensées.

Oh nan ne me dites pas que...

Une tête que je connais bien apparaît derrière le 4×4. Une tête que je connais bien pour l'avoir côtoyé pendant une douzaine d'années.

Kyle Anderson.

— Merde, ma planche ! Tu ne peux pas faire attention un peu, s'écrie-t-il.

— Tu te fous de moi, rétorquais-je en me relevant précipitament. C'est toi qui l'a mal accrochée au toit de ta voiture. Quand on est incompétent on évite de faire ce genre de...

Je me tais en voyant Kyle s'approcher de son surf sans se préoccuper une seconde de ce que je dis. Comme si c'était ma faute évidemment... Je croise les bras tandis qu'il vérifie l'état de ses ailerons.

— C'est bon elle a rien ta planche, qu'est ce que tu veux, lançais-je. Des excuses peut-être.

Kyle se tourne vers moi, ses yeux noisettes qui me transcendent comme toujours.

— Je disais ça ironiquement, je ne m'excuserais pas, dis-je en attrapant mon skate.

Je me dirige vers le hall d'entrée du lycée quand il me retient par le poignet. Je lève un sourcil interrogateur.

— Qu'est ce que tu veux Kyle ?

Il passe une main dans ses cheveux bruns tandis qu'un rictus apparait sur le bord de ses lèvres.

— Tu es toujours la même hein, à ne jamais te laisser faire.

— Peut-être bien, soupirais-je. Où tu veux en venir ?

— Je me disais que ça fait un moment qu'on a pas surfer ensemble. Comme au bon vieux temps.

Il désigne les planches de surf qui sont rangées dans son coffre. Une chose n'a pas changé chez lui : il ferait tout pour éviter de rester enfermé dans une salle de classe.

— Maintenant, demandais-je ?

— Sérieusement Scarlett, tu pensais vraiment que j'allais aller en cours le dernier jour alors qu'il y a des superbes vagues ? Je suis juste venu au lycée pour récupérer des affaires mais je ne compte pas passer ma journée ici, alors, tu viens ?

Je dois avouer qu'il a pas tord. Je n'ai aucune envie de me retrouver assise sur une chaise toute la journée.

— Ok, c'est d'accord.

Je grimpe à l'avant de son 4×4, jette mes affaires sur la banquette arrière pendant que Kyle démarre.

Je me félicite mentalement d'avoir penser à enfiler un maillot de bain sous mes vêtements ce matin.

Quand on habite en Floride et que l'on passe la majeur partie de son temps dans l'eau, ça en devient presque une habitude.

Dans la voiture il n'y a aucun bruit. Le silence est pesant. Heureusement nous arrivons près de la côte, alors je fais mine d'être absorbée par le paysage même si nous savons tous les deux que je connais les environs par coeur.

C'est étrange d'être de nouveau réunis après un an où nous ne sommes pas adressés la parole.

C'est aussi bizarre de reprendre le contact aussi subitement et d'une manière aussi...spéciale.

Kyle se gare sur un parking et coupe le moteur. Visiblement nous ne sommes pas les seuls à sécher le lycée pour aller surfer puisque je reconnais certains élèves.

Je pousse la portière et me dirige vers l'arrière de la voiture où Kyle sort des combinaisons. Il m'en tend une.

— Ça devrait être à ta taille.

J'hoche la tête et commence à l'enfiler. Enfin, enfiler est un bien grand mot. C'est un calvaire, impossible de rentrer dedans. Je m'accroche désespérément à la poignée du coffre pour éviter de tomber.

— Je vais te donner une planche facile à manoeuvrer, me dit Kyle en riant.

Je lève les yeux au ciel. Il est toujours le même, identique à l'ami que j'ai perdu il y a un an. Il n'a pas changé et d'une certaine manière cela me rassure.

Nous attrapons les surfs et, sans perdre plus de temps, allons nous jeter dans l'eau. Je crois que je ne me lasserais jamais de cette sensation. Peut importe ce qu'il se passe, l'océan est mon élément.

Une bonne vague arrive, je jette un coup d'oeil à Kyle.

— C'est la mienne, tu as pas intérêt à me la piquer, s'exclame-t-il avec un air de défi.

— C'est ce qu'on verra !

Soudain, tout pleins de souvenirs ressurgissent tandis que je me met a ramer le plus vite possible.

La vague déferle sur mon surf et me fait glisser. Je bondis sur mes pieds et comme d'habitude, je me sens parfaitement synchronisée avec la mer. Ce contact me fait du bien, c'est comme un défi que je renouvelle en permanence. J'oublie tout, l'hôpital, Alexa et l'espace d'un instant je me sens à ma place.

Tout à coup, je relève les yeux vers Kyle et me rend compte que je fonce droit sur lui. J'essaie de me détourner mais la vague est trop forte.

Au dernier moment je saute dans l'eau. Je sens le rouleau passer au-dessus de ma tête, la planche est toujours attachée à ma jambe mais au moins, on aura évité un accident.

Quand je remonte à la surface Kyle arrive en nageant vers moi :

— Tu vois, tu m'a piqué ma vague et tu n'a pas réussi à la surfer, me lance-t-il en m'éclaboussant.

— C'est faux, m'indignais-je avec un sourire. J'ai juste évité de te rentrer dedans, tu devrais me remercier.

Je commence à m'éloigner en ramant tandis qu'il se met à rire dans mon dos.

Nous continuons de surfer pendant deux bonnes heures. Quand nous retournons à la voiture j'ai l'impression que seules quelques minutes se sont déroulées.

— Je t'emmène déjeuner ce midi, me propose-t-il tandis qu'il démarre le moteur. Disons que ce sera pour me faire pardonner d'avoir faillit t'assommer sur le parking ce matin.

— Ça me va, je suis morte de faim !

Nous nous engageons sur la route qui mène au centre-ville de Montarrey Bay. Cette fois le trajet n'est pas désagréable. Nous parlons gaiement, la gêne s'est envolée.

— Alors, tu en as pensé quoi de cette petite séance de surf improvisée ?

— Bien plus intéressant que d'être coincée en cours, confiais-je. Ça faisant longtemps que je ne m'étais pas autant amusée.

Il détourne les yeux de la route et me lance un regard étonné.

— Vraiment ?

— Ouais c'était comme... Avant.

Je me met à tripoter nerveusement la serviette que Kyle m'a prêté. Il reste silencieux pendant un court instant qui, pourtant, me semble s'étirer à l'infini.

Allez parle, dis quelque chose, n'importe quoi.

— Ce que je veux dire c'est qu'il y a un an, on était tous ensemble. On était cinq, on formait une bande géniale. Pourquoi on a tous arrêté de se parler ?

Kyle passe une main dans ses cheveux et tapote le volant de l'autre. Une chose est sûre, il ne s'attendait pas à ce que je lui parle de ça.

— Je me suis posé cette question des milliers de fois et je n'ai pas de réponse non plus Scarlett... Tu sais l'époque où l'on formait une bande avec Sam, Alyssa et Alexa est bien loin maintenant. Faut s'y faire.

Je me redresse subitement. C'est étrange qu'il puisse dire ça, comme si il avait tourné la page.

— Ça ne t'ai jamais venu à l'esprit qu'on aurait pu reprendre contact ? Le seul lien qui a résisté est celui que nous avons tous avec Alexa. C'est quand même fou qu'en un an, aucun de nous quatre ne soyons adressé la parole ! En un an où nous sommes tous allés la voir à l'hôpital on a tout fait pour s'éviter, et j'en sais toujours pas la raison.

— Scarlett c'est comme ça, tu dois l'accepter. La vie fait rentrer des personnes dans nos vies, certaines restent, d'autres partent. Je sais que c'est difficile à comprendre, mais je pense que le groupe qu'on formait n'était pas fait pour durer. Au moins, on est quand même là pour Alexa. Même si c'est chacun de notre côté.

Heureusement que nous arrivons en ville car je ne sais pas quoi répondre à ça. Kyle gare la voiture et, à peine le moteur coupé, je pousse la portière et descends.

Toutes les pensées qui me passent par la tête s'entremêlent. Nous sommes voisins depuis tout petits, il habite en face de chez moi, je le croise tous les jours et pourtant, c'est vrai que je n'ai rien fait pour reprendre contact.

Kyle a sans doute raison. J'attends patiemment sur le trottoir qu'il sorte de la voiture. À travers les vitres je l'aperçois triturer quelque chose sur la banquette arrière.

— Qu'est ce que tu fous Anderson, lâchais-je.

Ça faisait longtemps que je ne l'avais pas appelé par son nom de famille. Une vieille habitude.

— Attends Green, dit-il en passant la tête par la fenêtre. C'est à toi ce portable ? Il sonne.

Il me jette mon téléphone et découvre un appel de ma mère. Je grimace.

— Ça ne va pas, me demande Kyle, les bras croisés sur la portière.

— C'est ma mère. Le lycée ont du l'appeler pour lui dire que j'avais sécher.

Kyle se met à rire, je lui dis de se taire et décroche.

— Allô, Maman ?

— Désolée de te déranger au lycée ma chérie mais je dois t'annoncer quelque chose d'important.

— Qu'est ce qui se passe, tu es au travail à l'hôpital non ?

— Oui.

Derrière elle j'entends de l'agitation. Son service doit être bondé.

— Il y a quelque chose de grave ? Dis moi ! D'habitude tu n'appelles jamais quand tu...

Soudain je réalise ce qui se passe. Je regarde Kyle qui semble essayer de déchiffrer notre conversation.

— Il est arrivé quelque chose à Alexa, soufflais-je.

— Scarlett, écoute : Tu savais bien que son état s'était dégradé récemment, elle a été placée sous oxygène, elle ne mangeait plus...

— Maman dis moi ce qui se passe, m'écriais-je.

Mon coeur palpite, mes doigts tremblent, je ne veux pas écouter ce qu'elle va me dire car au fond de moi je le sais déjà.

Je lève mes yeux embués de larmes vers Kyle tandis que ma mère prononce les mots que j'ai toujours refusé d'entendre.

— Si tu veux venir la voir une dernière fois tu peux. Ma chérie je suis désolée...

Bonjour à toi ! Merci d'avoir lu 💓

J'ai réécris le chapitre pour que l'on rentre plus rapidement dans l'intrigue. Les prochains seront un peu plus courts (1500 mots environ) dis-moi si ça te plais !

On se donne rendez-vous au 2ème chapitre 🌺

N'hésites pas à voter et mettre un commentaire pour me donner ton avis ! Ça ferait de moi une auteure comblée 😋💓

Grosses bises à tous !
Tess

UPDATE :: LA BANDE ANNONCE DU ROMAN EST DISPONIBLE AU DÉBUT DU CHAPITRE ♡