Encore un matin (Partie 2)

Altaïr dort comme une masse. Je le sais non pas juste en le regardant, parce que je ne sais jamais si ses yeux sont ouverts ou fermés derrière ce tapis qui lui sert de frange, mais en l'écoutant. Il ne ronfle pas, mais son souffle sort par petits soupirs qu'il ne ferait jamais réveillé. Il a de la chance, l'enfoiré. De pouvoir roupiller tranquille comme ça, de s'endormir dès qu'il pose la tête sur l'oreiller. Moi je peux pas. J'ai trop de trucs à penser, trop de papillons noirs comme il dit. Lui et Kiseki s'accordent à dire que je me ruine la santé avec mon rythme niqué, mais c'est pas ma faute si je suis obligé de m'écrouler d'épuisement pour pouvoir dormir trois pauvres heures.
Ça amène pas que des problèmes. Genre je peux regarder Altaïr dormir. C'est le seul moment où il est calme, où son visage est totalement détendu sans ce sourire insupportable – et pourtant adorable comme pas permis – greffé à ses lèvres. C'est déjà une preuve de confiance énorme qu'il nous laisse le voir dormir, je le sais. Maintenant, ce serait cool qu'il nous montre son visage quand il a pas le cœur à sourire, de temps à autre. Kiseki est beaucoup plus patiente que moi, là dessus.

… Kiseki. Elle a pas inventé l'eau chaude, mais c'est ma voix de la sagesse. Mon petit miracle. Toujours les bons mots, les bons gestes. Un sourire à tomber par terre. Bruyante. Très bruyante. Bordélique. Mais assez adorable pour qu'on lui pardonne. Assez courageuse pour braver le froid de décembre à cinq heures du mat, juste pour faire un jogging. Même si je suis pas con, je sais que si elle fait aussi attention à sa santé, c'est pour être en forme lors de ses compétitions, pas pour elle-même. Elle, Altaïr et moi, on s'accorde pas ensemble pour rien. On sait pas prendre soin de nous-mêmes alors on prend soin des deux autres. Comme on peut.

Et moi je suis pas le mec le plus affectueux qui existe. Les petits gestes, les mots qui soignent, je connais pas. Je sais pas comment faire. Alors je fais ce que je sais faire de mieux : je fais l'homme au foyer. Et je leur donne des câlins quand ils en demandent. Je veux dire, s'ils m'ont toujours pas laissé auprès autant de temps, c'est que ça leur convient. Du moins j'espère. J'espère vraiment.

Je me passe les mains sur le visage, et me retourne pour embrasser la joue d'Altaïr. C'est pas très enthousiaste, mais j'essaie.

Allez. Dégagez, les papillons noirs, j'ai un petit-déjeuner à préparer pour mes deux trésors d'imbécilité.

****

– Mashiro, ils sont là, mes yeux.

Roooh ça vaaa. Je te regarde depuis le lit en plus, tu peux même pas être sûre que c'est ta poitrine que je regarde ! Je veux dire, ça pourrait aussi être ton cul. Ou peut-être tes lèvres – celle du visage. Tu as de belles lèvres. J'ai déjà envie de les embrasser.

Mais bon, impossible de me lever car j'ai un cas de "Lisa est accrochée à moi et dors encore"-ite aiguë. Je vais pas bouger, c'est mort. Je ne suis pas sans cœur au point de priver une jolie demoiselle de l'oreiller qu'elle a choisi. Peu importe à quel point j'ai faim. Ou envie de faire pipi. Dur dur d'être lesbienne.

Lucie me juge et je le sens, alors je la wink histoire de la détendre. Elle soupire et se détourne, je prends ça comme une victoire ! Même si bon. Je préférerais qu'elle vienne me faire un bisou…

Tiens tiens, Lisa a ouvert les yeux, mais elle reste accrochée à moi comme une moule à son rocher. Je l'embrasse sur le front pour lui dire bonjour, et elle rougit un peu en cachant son visage dans mes seins. Te gêne pas ma chérie, c'est à ça que ça sert, mère nature ne m'a pas donné un 95C pour qu'il se perde.

– … On va être en retard, les filles, il faudrait peut-être vous lev-

J'interromps Lucie en la tirant par le bras pour l'entraîner sur le lit. Elle est déjà complètement habillée, mais je m'en fous, je veux juste mon câlin avec mes deux chéries.

Je veux dire, j'ai toujours l'impression que je ne les mérite pas, que je suis en train de rêver et qu'elles risquent de disparaître à tout moment. Parce que bon, je suis… je suis pas spécialement intelligente, contrairement à elles. J'ai rien accompli. Je passe ma vie à parler de cul, à prétendre être quelqu'un que je ne suis pas et à mentir aux gens que j'aime parce que j'ai peur qu'ils me laissent si je leur montre la vérité. Je suis un peu pathétique, dans le fond.

– Lucie ? Lisa ?

Elles relèvent les yeux vers moi. Leurs magnifiques yeux, qui attendent que je continue de parler. Mon cœur se serre dans un mélange de douleur et d'amour.

– Je vous aime.

Ça au moins, c'est la vérité.

****

J'ai beau râler sans arrêt - faut bien que je tienne ma réputation de français.e - j'aime bien l'hiver. J'adore ça, même.

Et j'adore encore plus ça parce que je suis malade. Oui bon je sais que ça sonne pas très bien comme ça, mais laissez-moi expliquer, ça arrive.

Je suis cloué.e au lit depuis ce matin avec de la fièvre et les chutes du Niagara en guise de nez parce que j'ai oublié de prendre mon parapluie l'autre jour alors qu'il grêlait sec. Et je peux pas rentrer chez moi, parce que bon, la France c'est loin. Donc ma chambre d'internat est mon refuge pour la journée.

Et devinez qui vient de m'apporter les devoirs ? Teodora Kasjasdottir. Littéralement la fille sur laquelle je simp depuis… depuis qu'elle a débarqué dans ma classe en fait. Elle est actuellement en train de placer les devoirs sur mon bureau, en me regardant d'un air… inquiet. Elle est inquiète ? Pour moi ? Noa you useless gay, ça devrait pas te rendre aussi joyeux.se. Arrête de te monter la tête dès que quelqu'un t'accorde un peu d'affection et d'attention…. Elle est trop bien pour toi.

– … Noa, ça va aller, tout.e seul.e ? Tu n'as vraiment pas l'air bien…

Je hoche la tête. Ma voix est horrible, je ne veux pas qu'elle m'entende comme ça.

– Bon… Je vais y aller, alors…

Et voilà. Quelques mots à peine suffisent à me donner l'envie de pleurer. La fièvre ça me rend émotif, et j'ai aucune envie qu'elle parte… je veux pas être tout seul… mais je peux pas faire de caprice non plus. Elle a sûrement beaucoup plus important à faire, beaucoup plus important que moi, je la retiens inutilement, je-

– N-Noa ?

Sa main. Sa main dans mes cheveux. C'est si doux… et rassurant… ça me donne encore plus envie de pleurer, mais de soulagement. Elle n'est pas partie. Pas encore. Je renifle.

– T-Tu pleures, ça doit être la fièvre… Je… je vais rester avec toi, d'accord ? Tu m'inquiètes.

Je hoche la tête, murmure un petit "merci" entrecoupés de sanglots. J'ai le nez bouché, et je pleure, donc ça ressemble à rien. Je suis pathétique, mais elle reste quand même.

Elle reste, alors… tout va bien.

****

Je suis seul dans le lit lorsque j'ouvre les yeux. Shun doit être dans la cuisine, et Kiseki, partie courir comme d'habitude. Ça me fait un peu bizarre de me réveiller tout seul dans ce lit immense, maintenant que je suis habitué à m'endormir collé à mon copain et ma meilleure amie. Les deux miracles de ma vie. Que j'épouserais volontiers. Enfin, surtout Shun. Kiseki je l'épouse platoniquement.

Du moins c'est comme ça que j'ai expliqué le schmilblick à mon père lorsque j'ai ramené mes deux zigotos pour les vacances d'été et qu'il a vu Shun nous embrasser tous les deux sur la bouche. Vu qu'apparemment "bah tu vois c'est comme si toi tu avais épousé Helena sans divorcer de maman avant", c'est pas une explication satisfaisante. La première surprise passée, il a été nickel, et maintenant ils les a adopté, ce qui est plutôt cool quand on sait que Shun est orphelin et que la famille de Kiseki est aussi accueillante que la prison d'Alcatraz. Mes pauvres choupinous ont été assez confus par tant d'affection venant de papa, Helena et Alex. Même si Shun a été horrifié en lae voyant. Il pensait pas tomber sur plus cahotique que moi, mais ohoho il n'a encore rien vu.

J'ai eu l'occasion de retaper la discute avec papa. Il m'a avoué pas mal de trucs – la bière a dû aider – notamment qu'il avait peur que je ne trouve jamais l'amour à cause de ma "différence", comme il l'appelle. Bon, c'est un peu blessant à entendre, mais je lui en veux pas, parce qu'il a ajouté qu'il avait tort, et qu'il était vraiment heureux pour moi. Que Kiseki et Shun étaient de bonnes personnes. Et là dessus, il a bien raison. J'aurais pas pu trouver mieux. Même si Shun a déjà jeté trois de mes paires de crocs à la poubelle et que Kiseki a essayé de me couper ma frange dans mon sommeil à de multiples reprises.

Après j'ai encore du mal à me montrer totalement vulnérable devant eux, mais je progresse, eh eh. Et ils m'encouragent. Ils savent bien que c'est pas parce que je souris la plupart du temps que je vais tout le temps bien, et ça me suffit de me sentir compris et accepté.

Mais assez de digressions, je dois me lever, car aujourd'hui est un jour important et si j'aide pas Shun il va me coller un coup de charentaise dans la face.

Et après c'est moi qui suis un hérétique parce que je porte des crocs...

****

– … Qu'est-ce que tu penses d'elle, du coup ?

– Elle a l'air sympa.

Tu parles. J'ai bien vu sa tête lorsqu'elle m'a regardée. Je sais bien que je ressemble à un pitbull quand on me rencontre la première fois, mais limite j'ai cru qu'elle allait s'enfuir en courant. Trouillarde.

– … Mais encore ?

Ouais, je vois bien que ça te suffit pas. Tu fais genre que tu te fous de mon avis, mais au fond tu te sens obligé de me consulter avant. Tu soûles.

– Plutôt pas mal. D'habitude tu crushes que sur des cageots.

Et hop, un petit euphémisme enrobé de fiel histoire qu'il se pose pas trop de questions. La vérité, c'est que c'est une bombe, cette fille. Et je suis lesbienne alors je sais de quoi je cause. Mais plutôt crever que de l'admettre à voix haute.

– … Va droit au but. S'il te plaît.

Évidemment. On est jumeaux, on a cet espèce d'instinct, de sixième sens qui s'excite quand l'autre ment.

Si j'allais droit au but, je te dirai que c'est pas la bonne. Que votre couple marchera jamais. Mais ce serait nul à chier de ma part, parce qu'en vérité cette fille elle est adorable, et elle t'aime, elle pourra te protéger et prendre soin de toi, bien mieux que moi. Et c'est pour ça que j'ai peur. Peur que tu me laisses, parce que je suis ta connasse de sœur qui sait pas te montrer son affection. Mais tu me demandes d'aller droit au but, alors tout ce que je vais dire c'est-

– Je pense que c'est la bonne personne pour toi.

Parce que c'est la vérité. Et puis j'ai quand même envie qu'il soit heureux, mon crétin de frère.

– … Ok. Merci, Ema.

Tant pis si je me retrouve toute seule. Mao sourit. J'en demande pas plus.

– Y a pas de quoi.

Ça sert à ça, une sœur, après tout.

****

Lorsque Eugénie m'a dit qu'elle dormirait sur le canapé, je lui ai dit que c'était hors de question. Que moi vivant, elle ne dormirait pas sur autre chose qu'un matelas. Donc j'ai pris dans mes économies pour acheter un plus grand lit, où on pourrait dormir tous les trois. Je me suis dit qu'avec un peu de chance, si on mettait Stefan au milieu, il arrêterait de voler la couette chaque nuit.

Il s'avère que j'avais tort, puisque encore ce matin je me réveille avec mon pyjama comme seule protection contre le froid de la pièce. Stefan a rapatrié la couette sur lui et Eugénie. Si tu as un message à me faire passer, mon amour, c'est le bon moment…

Enfin. Je devrais me lever, puisqu'il est sept heures et que ces deux-là n'ont pas l'air très enclins à émerger.

Le miroir de la salle de bain est décoré d'un post-it en forme de cœur sur lequel sont griffonnés quelques mots en danois, français, anglais et japonais, qui date de la veille. Je ne peux pas m'empêcher de sourire à mon reflet. Je suis rentré très tard hier, Stefan et Eugénie étaient déjà couchés, mais ils ont quand même pensé à m'écrire bonne nuit en quatre langues différentes avant. Ah, et de me signaler en tout petit qu'ils ont fini le tube de dentifrice. Comme si je ne savais pas, il y en a déjà des tout prêts dans la réserve.

Je prépare un petit déjeuner rapide, c'est que l'heure tourne et qu'on ne peut pas trop se permettre d'être encore en retard… C'est notre dernière année à Hope's peak, on devrait laisser bonne impression. Mais mes deux idiots ne sont toujours pas levés.

Je frappe à la porte. Pas de réponse. Bon, je joue ma dernière carte.
Je m'approche du lit, dépose un bisou sur le front de Stefan et dégage doucement les cheveux d'Eugénie de son visage. Ils sont adorables, quand ils dorment, mais je ne suis pas certain que ce soit un motif de retard recevable.

– Dites, les enfants, il serait peut-être temps de vous rév-

Une main attrape soudainement mon bras, et je chute au milieu du lit alors que deux bras enserrent ma taille par derrière et que deux autres s'enroulent mollement autour de mes épaules.

– Attrapé, Riri, ricane Eugénie contre mon dos, tandis que Stefan me fait un petit sourire, les paupières encore lourdes de sommeil.

Ces traîtres. Ils savent très bien que je suis trop faible pour leur résister dès le matin, et pris en sandwich comme ça, impossible de bouger.

Leur odeur m'enveloppe, et leur chaleur me donne envie de me rendormir. Je les serre contre moi autant que ma position me le permet, et l'anneau que je porte à l'annulaire gauche brille légèrement dans la lumière blafarde du matin d'hiver.

Cet anneau, le post-it, leurs sourires de satisfaction alors qu'ils se rendorment contre moi, tout est un rappel du chemin parcouru. Cela fait déjà sept ans, mais il me semble que tout a commencé hier seulement.

On va arriver très en retard ce matin, mais finalement, je m'en fiche. Tant pis pour la bonne impression. Même après sept ans du même manège, je veux tout de même chérir cette matinée. Que ça plaise ou non à notre cher Quechua.

****

Le soleil se lève à peine quand je repasse la porte du hall de l'immeuble. Je ne suis pas vraiment fatiguée, j'ai dû ralentir à peine pour que Theodosia puisse suivre le rythme. J'ai speedé comme une dingue après qu'on se soit séparées, ça fait à peine deux heures que j'ai quitté Shun et Altaïr mais ils me manquent déjà… Je monte les escaliers quatre à quatre jusqu'au premier, le sang bat contre mes tempes, mais mon coeur se gonfle de joie rien qu'à la perspective de les revoir, tous les deux. Je veux revoir l''air tout grognon de Shun, les cheveux en désordre d'Altaïr, les mugs de chocolat chaud qu'on jette dans l'évier sans les laver par flemme, l'odeur de toast grillé, oui bon c'est vrai j'ai faim aussi, la nourriture c'est la quatrième chose la plus importante après Shun, Altaïr, et Airi.

D'habitude, lorsque je pousse la porte de l'appartement en braillant que je suis rentrée, j'interromps une engueulade de Shun, ou bien Altaïr qui s'improvise chanteur sous la douche, mais… mais ce matin, tout est silencieux. Silencieux et sombre. Oooh j'aime pas ça, j'aime pas ça du tout.

– … Y a quelqu'un ?

Pas de réponse. Pourtant, je sens encore une odeur de café, donc ils ne doivent pas être bien loin… Je retire mes chaussures salies par la neige et la gadoue – Shun déteste qu'on salisse parce qu'il, je cite, "a déjà assez de boulot comme ça" – et fais un pas dans la cuisine.

– Qu'est-ce qui se passe ? Shun, les plombs ont encore sau-

Une détonation, je pousse un cri alors que je me fais couvrir d'une pluie de confettis et que les lumières se rallument. J'ai à peine le temps de me remettre de mes émotions que Shun et Altaïr, encore en pyjama, se ruent vers moi et me serrent fort dans leurs bras.

– M-Mais… les gars, il se passe quoi, là…?

Au-dessus de l'épaule de Shun, je remarque qu'il y a un énorme gâteau posé sur la table. Et un énorme chiffre 6 dessiné dessus. Je comprends pas, c'est pourtant pas mon anniversaire…

– Kiseki, me souffle Altaïr en s'écartant de moi avec un grand sourire. Aujourd'hui, ça fait six mois que tu es clean.

Six mois que je- Oh. Ils s'en… Ils s'en sont souvenus ?

J'ai les larmes qui me montent aux yeux. J'ai envie de leur dire que je mérite pas autant, que durant ces six mois je me sentais mal à l'aise dès la vision d'un objet coupant, que je m'obligeais à garder les ongles courts, que j'ai failli recommencer, plein de fois. Que jamais j'aurais réussi, sans eux. Eux aussi ils le méritent, ce gâteau, peut-être même plus que moi. Shun embrasse ma joue, déjà trempée de larmes.

– … J'suis super fier de toi, Kise, me murmure-t-il à l'oreille. T'es super courageuse. On sait que ça a été dur mais t'as géré.

– Alors on s'est dit qu'il fallait faire quelque chose pour marquer le coup, conclut Altaïr en me frottant les cheveux.

Ils essaient de s'écarter, mais je les garde de force contre moi, encore un peu… Juste… le temps que mes sanglots se calment… et après j'irai m'empiffrer avec plaisir…

Ils sont géniaux. Incroyables. Je suis tellement chanceuse qu'ils m'aient choisie, moi, comme amoureuse et comme amie. Ils me rendent si heureuse, je…

Je les aime tellement…

****

Il fait encore nuit dehors. Hmm, décembre et ses joies. Ça me dérange pas tant que ça, mais bon ça a quelque chose de déprimant, la nuit noire à six heures. Vivement Noël que ça soit un peu animé dans la rue.

Je sens qu'on soulève l'autre extrémité de ma couette, et je souris alors que tu te faufiles sous les draps pour venir te pelotonner contre moi, comme chaque matin. C'est dingue à quel point ça se réveille tôt, les gamins.

– Salut, moustique, je marmonne avec ma voix du matin.

Heureusement que tu as l'habitude de la voix de fumeuse de ta maman, hein mon bébé ? Parce que je sonne comme un gros méchant monstre. Mais je sais que ça ne t'a jamais fait peur. Ça te fait rire, même. Et ton rire de bébé résonne dans la chambre, tes cheveux me chatouillent le nez, et je te fais des papouilles dans le cou en faisant semblant de te dévorer. Et tu ris, tu ris encore. J'aimerais que tu ne t'arrêtes jamais de rire.

Je m'écarte de toi, pour te laisser calmer ton fou rire, mais tu te recolles à moi aussi sec. Mon bébé koala. Ou bébé loutre, plutôt. J'ai appris que les bébés loutres s'accrochaient au ventre de leur maman. Donc tu serais un loutron. Je me fais rire toute seule, tiens, elle est un peu bête ta maman, choupi.

Je caresse tes cheveux tout emmêlés, en écoutant ton babillage sans fin sur la maîtresse, tes copaines, les dernières conneries du chien de Lan Yue – plus jamais je lae laisse te babysitter après ça –, du fait que tonton Teiji et mamie viennent lundi – Putain, j'avais oublié – et je te laisse parler.

Je savoure ces mots, parce que je sais qu'ils sont précieux, et qu'un jour tu ne me parleras plus de cette manière. Tu ne viendras plus te réfugier dans mon lit le matin. Tu seras peut-être très en colère contre moi, parce que j'aurais merdé sur pleein de trucs sans même m'en rendre compte, tu me reprocheras peut-être l'absence de père, peut-être même que tu diras que tu me détestes.

Mais ce moment n'est pas encore arrivé. Et puis même s'il arrive, moi je t'aimerais toujours, je le sais. Mon amour pour toi est immense, je déplacerais des montagnes pour ton bonheur, je trouverais un moyen de décrocher la lune, de t'offrir les étoiles, tout pour entendre ton rire. Te construire les meilleurs escaliers pour que tu puisses atteindre le bonheur. Parce que tu m'as donné le mien.

– Maman ? Pourquoi tu pleures ?

Pour rien, trésor. Pour rien.

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