II. Acide comme une orange
Ava portait une veste orange vif. Elle aimait bien assortir une pièce colorée avec ses tenues. Aujourd'hui, avec sa sublime salopette noire, une couleur acide, pétillante.
À l'image de son masque.
En descendant de son bus, elle aperçut Bastien au loin. Un haut-le-cœur la prit, mais elle inspira un coup et détourna le regard. Elle se focalisa sur la foule d'élèves à l'entrée du bâtiment, et se dirigea d'un pas rapide vers eux. Un sourire sur ses lèvres.
Toujours sourire. Peu importe les circonstances. C'était le plus important.
Elle marcha droit vers Alix, ayant rapidement reconnu sa veste en cuir, avant de lui toucher les deux épaules brusquement, d'un geste rapide. L'adolescente sursauta et se retourna avec une moue réprobatrice sur le visage. Ses pupilles lançaient des éclairs, mais cela ne changeait pas des jours habituels.
— Il n'y a que toi pour faire ces trucs de gamine, lui reprocha-t-elle.
Ava lui répondit avec un petit rire, tout en enlevant les écouteurs de ses oreilles. Retrouver son amie permit de réduire légèrement les sombres pensées qui tourbillonnaient dans son esprit. Même si Alix pouvait être une réelle peste aux yeux de tous, elle, elle la tolérait.
Enfin bon. Même avec elle, elle ne pouvait être entièrement franche.
— Si je ne le faisais plus, ça te manquerait, avoue-le !
Son amie ne prit pas la peine de rétorquer, mais secoua la tête en levant les yeux au ciel. Elle avait beau faire semblant, l'adolescente savait qu'elle aimait ce rituel du matin.
— Tiens, voilà ton mec, dit Alix d'un ton blasé.
Un frisson parcourut la peau de la blonde. Une main se posa sur sa hanche et la statufia sur place. Bastien laissa un petit rire lui échapper devant la moue d'Alix.
— Tu m'aimes toujours autant, toi !
Elle ne l'avait jamais apprécié. Un je-ne-sais-quoi qui la faisait se méfier. D'habitude, cela embêtait un peu Ava, qui avait toujours voulu qu'ils s'entendent bien. Mais aujourd'hui, elle comprenait enfin pourquoi Alix était ainsi. Cette dernière adressa un sourire forcé à Bastien, empli de tout son mépris, avant de se tourner vers son amie.
— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-elle en haussant un sourcil. T'as l'air bizarre...
Ava se mordit les joues. Elle avait dû laisser transparaître ce qu'elle ressentait. Elle fixa le sol et prit une inspiration.
— Ce n'est rien, j'ai juste mal au ventre, laissa-t-elle sortir, d'une voix plus faible qu'elle ne l'aurait voulu.
— Tu veux un médoc, mon cœur ?
Ah, Bastien. L'archétype du petit copain attentionné. Mais à ce moment précis, c'était lui qui la rendait malade.
— Faut que j'aille aux toilettes, répondit-elle dans un souffle.
Ava s'échappa de l'étreinte de Bastien, avec la sensation d'échapper à la prise d'un prédateur. Elle fonça sans se retourner, malgré les protestations d'Alix. Il fallait qu'elle aille vite : elle ne voulait pas que son amie la suive.
Une fois la porte des toilettes franchie, sa respiration commença à s'accélérer sans qu'elle ne puisse reprendre le contrôle. Elle eut la conscience de vérifier en vitesse si les lieux étaient vides, et elle s'enferma dans une cabine. Le battant verrouillé, elle se laissa glisser contre lui en fermant les yeux, tentant de reprendre son souffle.
Non, c'était une mauvaise idée. Dès qu'elle se trouva dans le noir, des images d'hier soir lui revinrent en tête. Nombreuses. Précises. Effrayantes. Horrifiantes.
Sa respiration s'accéléra. Elle plaqua ses mains contre ses oreilles, comme si un bruit assourdissant lui envahissait les tympans. Inconsciemment, elle commença à se balancer d'avant en arrière, alors que les larmes commençaient à rouler sur ses joues.
Sa hanche la brûlait. Elle avait envie de s'arracher la peau, de faire disparaître la zone qu'il avait touchée. Non, pas seulement cette zone. La totalité de son épiderme. Pour oublier son passage. Pour nettoyer toutes les parties de son corps qu'il avait touché. Sali.
Elle était pourtant passée sous la douche, ce matin. Pendant un long moment. Et son odeur avait fini par partir. Mais elle se sentait toujours aussi sale. Aussi cassée.
Ava finit par calmer sa respiration. Son balancement cessa à son tour, et elle laissa sa tête s'appuyer sur la porte battante des toilettes. Elle prit une longue inspiration et essuya ses larmes. Son mascara avait dû couler. Elle allait devoir rattraper ça. Pour faire semblant à nouveau. Pour ne pas montrer aux autres ce qu'il s'était passé hier soir. Ce qu'elle avait subi. Ce qu'il lui avait infligé.
Parce que les apparences étaient tout ce qu'elle avait. Et même si son petit ami l'avait violée la nuit dernière, elle devait garder le sourire.
Toujours sourire. Peu importe les circonstances. C'était le plus important.
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