9.

Chapitre 9

— Tu es sûr de vouloir venir ? demanda nerveusement Cassie en réalisant que la proposition qu'elle venait de lui faire s'avérait des plus stupides.

— C'est toi qui me l'as proposé se défendit-il dans un haussement des épaules.

— Oui, je l'ai fait parce que tu étais à côté de moi lorsque Jenna m'a appelé pour me dire qu'elle avait plus intéressant à faire... En réalité, je te l'ai proposé par pure politesse.

Hayden laissa volontairement transparaitre sur son visage une marque de déception destinée à la faire culpabiliser. Son plan marcha au point que Cassie se sentit obliger de rajouter :

— Je serai ravie que tu m'accompagnes à ce concert, mais je ne suis pas sûr que... enfin tu comprends, les Sound Evidences quoi !

Elle n'avait pas totalement tort. Cette idée était tordue, mais assister au concert de son propre groupe était une expérience qu'Hayden n'avait jamais imaginé pouvoir vivre un jour. Alors, puisque cette occasion inespérée se présentait à lui, il estimait devoir la saisir sans hésitation.

— Tu te retrouves avec une place en trop, voyons cela comme un signe. Perso, je ne crois pas au destin je suis plutôt du genre à penser qu'on peut avoir tout ce qu'on veut si on s'en donne les moyens. Mais vu que tu crois à ce genre de bêtises. Tu ne devrais pas te poser ce genre de question. Réfléchis, cela pourrait m'aider à avancer, à réaliser que ce n'est pas ma vie et me faire à l'idée de tout cela...

Cassie goba ce mensonge, bien trop heureuse de voir dans cette confession un progrès énorme. Portée par son enthousiasme, elle accepta qu'il vienne avec lui, même si un sentiment persistant lui soufflait que ce n'était pas la meilleure des idées.

— Je crois que certaines choses avancent, j'ai fait quelques découvertes lui lança-t-il comme si de rien n'était tout en finissant ses dernières frites.

— Des souvenirs te sont revenus ?

Alors que son aveu empêcha Cassie de finir son sandwich, Hayden sirota une gorgée de Coca puis se redressa sur la banquette, essayant tant bien que mal de dissimuler son malaise. Comment lui avouer que son seul espoir reposait sur ce bout de papier replié dans la poche de son jean ? Celui-là même sur lequel il avait gribouillé le numéro de téléphone d'une certaine Carmen Benitez.

Carmen était une sorte de médium qui parlait aux esprits et notamment à certaines personnalités disparues. Elle écrivait des bouquins à ce sujet : c'était son gagne-pain. Bien sûr, Hayden trouvait cette activité aussi risible que douteuse, mais il n'était pas dupe : c'était le business. Il ne pouvait se voiler la face, lui-même étant mal placé pour la critiquer : une grande partie de ses revenus provenait de choses qu'il jugeait inappropriée comme la vente d'un parfum dont il n'avait jamais senti l'odeur ou d'objets aussi divers qu'improbables qui se vendaient à son effigie.

Qu'elle soit honnête ou non n'était pas la question, l'essentiel demeurait qu'il se souvenait clairement de l'avoir croisé dans les coulisses de l'émission d'ABC. Alors qu'elle avait souhaité lui parler, un de ses gardes du corps avait fait barrage. C'était la procédure habituelle : avant toutes prestations scéniques, le groupe devait rester concentré au maximum. Dans ces moments-là, Hayden se coupait mentalement du monde extérieur et ne prêtait guère attention aux personnes autour de lui. Pourtant, le visage de vieille dame l'avait marquée, il faut dire que celle-ci n'avait pas vraiment le profil de ses groupies qui gravitaient constamment autour de lui.

Ce matin lorsqu'il avait vu la rediffusion de l'interview de Carmen à la télévision, lui qui ne croyait pas aux signes du destin avait remis en cause ses convictions. Pour la première fois de sa vie, il avait envie d'y croire. Cela ne pouvait être une coïncidence. C'était une piste un peu maigre, mais étant la seule dont il disposait, il s'y accrochait et y plaçait tous ses espoirs.

— Tu te rappelles de certaines choses ? insista Cassie face à son long silence.

Conscient qu'il serait contraint de lui mentir s'il répondait à sa question, il préféra s'excuser auprès d'elle et quitta leur table. Muni du téléphone de Cassie, Hayden se réfugia dans les toilettes du fast-food où ils venaient tout juste de finir leur repas. S'il redoutait ce moment, il ne pouvait se permettre d'attendre plus longtemps.

Il s'enferma dans un des cabinets pour plus de discrétion et décida d'appeler cette femme. La plateforme téléphonique sur laquelle il tomba l'informa que le numéro était surtaxé. Hayden pesta contre lui-même regrettant d'avoir pu imaginer que ce numéro puisse le conduire jusqu'à elle. Alors qu'il s'apprêtait à raccrocher quelqu'un possédant un fort accent hispanique lui répondit. Surpris, il bafouilla maladroitement son souhait de parler à Carmen Benitez en personne.

— Impossible, lui répondit-on.

Par réflexe, il se présenta, son nom lui ouvrant habituellement toutes les portes. Bien qu'il réalisa trop tardivement que cela ne lui apporterait rien dans ce monde-là, le contraire se produisit et on le pria de patienter.

— Allo ? murmura une vieille voix féminine.

Ne s'attendant pas à l'avoir au bout du fil Hayden sursauta et en oublia ce qu'il avait prévu de lui dire.

— Heu... Vous êtes bien Carmen Benitez ? Je suis Hayden Howells mon nom ne vous dit sans doute rien, mais...

— Ho, si je te connais très bien l'interrompit-elle, mais tu fais erreur tu n'es plus qu'Hayden à présent n'est-ce pas ? poussa-t-elle d'une voix rieuse.

— Qu'est-ce que vous dites ? Vous savez ce qui m'est arrivé ?

— Soyons discrets, nous ne pouvons en parler au téléphone. Rejoint moi au plus vite au 1919 Madison Avenue souffla-t-elle avant de raccrocher avec précipitation.

Hayden resta un moment les yeux rivés sur le téléphone qu'il tenait entre ses mains à se demander s'il n'avait pas rêvé tant la conversation qu'il venait d'avoir lui paraissait insensée, aussi insensé que ce monde dans lequel il avait atterri.

* * *

Lorsqu'il rejoignit Cassie, celle-ci sut immédiatement que quelque chose clochait. Hayden eut beau prendre un air détaché son visage pâle et fermé parlait de lui-même.

— Merci j'avais un coup de fil à passer... dit-il en lui rendant son Nokia.

Cassie ne le quitta pas des yeux essayent de décrypter dans son regard qui il avait bien pu contacter. Elle fut tentée de consulter son historique d'appel, mais étant assise en face de lui, elle savait que Hayden ne pourrait pas louper son geste.

— C'est la fille d'hier soir que tu as rappelée ? lacha-t-elle instinctivement.

Cette supposition était stupide et Cassie trouvait encore plus stupide le fait de l'avoir pleinement exprimé.

— C'est une blague, tu es encore là-dessus ?

Sa réponse était aussi tranchante qu'il semblait soucieux. Ce n'était pas son genre de ne pas prendre avec humour ce qu'elle lui disait. Ce n'était pas ainsi qu'il agissait habituellement avec elle. Cassie en était certaine quelque chose de grave s'était passé.

— Nom de Dieu ! Ta mère ? Tu as appelé ta mère ? lâcha-t-elle en imaginant immédiatement le choc qu'il avait dû lui causer en l'ayant au bout du fil.

Hayden n'avait pas la tête à répondre à ses questions, une seule trottait dans sa tête : devait-il se rendre à l'adresse que lui avait indiquée la vieille femme ? S'agissait-il d'un piège ? Cela n'avait pas de sens, pourquoi en aurait-elle après lui ? Surtout ici alors qu'il n'était personne.

En pleine réflexion, il ne prêta guère attention au discours de Cassie qui continuait de le questionner dans un affolement dont il ignorait la raison, mais lorsqu'il réalisa qu'elle lui parlait de sa mère, une sensation terrible l'envahit. Ce manque de tout ce qu'il avait laissé derrière lui, se transforma en un courage qui le décida à se rendre 1919 Madison Avenue au plus vite.

— On y va ? lui demanda Cassie en le sortant soudainement de ses pensées. On peut se rendre au concert à pied ce n'est qu'a quelques pâtés de maison d'ici.

— Hein ? Il est à peine 13h... souffla-t-il perdu.

— Les jumelles veulent être bien placées, elles sont fans alors je ne peux pas leur refuser ça.

Alors qu'ils marchaient silencieusement le long du trottoir. Hayden se demanda s'il devait mettre Cassie dans la confidence et lui demander de venir avec elle. En l'admirant scruter innocemment le ciel à la recherche du premier flocon de neige qui tomberait, Hayden conclut qu'il ne pouvait la mêler à ses histoires. Il ne voulait pas qu'elle ait d'ennuis, ni déranger sa vie tranquille, conscient d'y avoir déjà semé un sacré bordel.

— Tout compte fait, j'ai des choses à faire. Je vous rejoindrais un peu plus tard lui avoua-t-il en stoppant sa marche.

Cassie fut surprise, d'autant plus qu'Hayden resta une fois de plus évasif sur ses intentions.

— Tu es fâché à cause de ce que j'ai dit ?

— Non, non, tout va bien.

— On se retrouve devant la salle ok ? Tu seras bien là ? Demanda-t-elle avec angoisse.

Hayden ne sut quoi répondre. Il n'en savait rien. Il espérait tenir son billet de retour en supposant que cette Carmen sache comment le faire sortir de cette vie qui n'était pas la sienne.

— Ouais... souffla-t-il finalement alors qu'il se blottit un bref instant dans les bras de Cassie pour lui dire au revoir.

Son cœur se serra lorsqu'il la vit s'éloigner au bout de la rue. Il espérait tristement ne plus jamais la revoir même si cette idée le bouleversait.



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