7.

Chapitre 7

Du coin de l'œil, Cassie scrutait Hayden qui se frayait un chemin parmi la foule dansante. L'endroit aux allures de boîte de nuit était bondé d'étudiants. Musique assourdissante, alcool coulant à flot, filles survoltées : Hayden avait toujours été adepte de ce type de distractions. Bien que cette fête était moins guindée que celles qu'il avait l'habitude de fréquenter, cette sortie nocturne le replongeait dans un environnement familièrement rassurant qui le fit presque oublier ses récentes mésaventures.

Dans ce genre de soirée, il se faisait toujours vite remarquer et si aujourd'hui Hayden ne pouvait pas compter son statut de célébrité, il n'en restait pas moins persuadé qu'il n'avait rien perdu de son sex-appeal. S'imaginant que son succès avec les filles ne reposait pas uniquement sur sa notoriété, il était déterminé à faire tourner les têtes de toutes les femmes qu'il croiserait ce soir.

Alors que la fête battait son plein, Cassie accoudée seule au bar ne perdait pas une miette de ce qui se passait autour d'elle. Un jeune homme qui se tenait deux tabourets à sa gauche lui adressa un sourire explicitement aguicheur. Mal à l'aise, celle-ci lui tourna instantanément le dos. Elle n'était pas là pour cela et ne restait ici que pour Hayden qui avait insisté pour venir. Elle ne pouvait envisager de le laisser là, bien que depuis leur arrivée celui-ci s'était rapidement désintéressé d'elle comme toutes les personnes présentes dans ce lieu.

"Transparente" était la boite dans lequel les gens la plaçaient et ce type qui insistait en lui demanda son prénom alors qu'elle se tenait toujours dos à lui, était un contre-exemple parfait. Il en est ainsi : une exception confirme toujours la règle.

Elle émit un profond soupir et chercha Hayden du regard en espérant que celui-ci devine son malaise et la sorte de cette situation embarrassante.

Contrairement à elle, Hayden ne passait pas inaperçu. Il osait se mettre en avant et Cassie jalousait cette capacité qu'il avait de sortir du lot. Elle était loin de comprendre que ce comportement signifiait tristement que le bonheur d'Hayden reposait en grande partie sur le jugement des autres. Être apprécié et regardé constituait la base de son épanouissement, ce qui rendait celui-ci aussi fragile qu'un château de cartes.

Elle l'aperçut dans le fond de la salle, assis à une table occupée par quelques étudiants qu'elle connaissait tout juste de vue. Quiconque aurait facilement pu deviner qu'il ne faisait pas partie de leur bande, néanmoins Cassie admit qu'il était plus logique qu'il traine avec eux plutôt qu'avec une fille solitaire comme elle. Sur ce point, il était clair qu'Hayden n'était pas de son monde. Son monde à lui c'était eux : un endroit rempli d'étudiants insouciants aux vies parfaites tandis que la sienne n'était qu'un sac de nœud auquel elle n'y comprenait rien.

« Je n'ai personne d'autre » lui avait-il dit récemment. Si cela avait été vrai, en le voyant rire avec eux, Cassie comprit que les choses changeaient : d'autres personnes rentraient à présent dans la vie d'Hayden. À ce rythme, ils seraient bientôt nombreux, peut-être même finirait-il même par dormir chez l'un d'entre eux et l'oublier complètement. Son cœur se glaça. Elle aimait la présence de ce garçon et son histoire l'avait indéniablement touché. Comme un étau se resserrant à chacun de ses mouvements, elle s'était attachée à lui et cette lutte intérieure pour que cela n'arrive pas n'avait fait qu'empirer cette situation. Elle se sentait prise au piège et détestait cela.

Il avait atterri dans sa vie sans qu'elle ne puisse faire quoi que ce soit, la sortant de ce quotidien qu'elle s'était acharnée à construire. Hayden lui avait ouvert les yeux sur Isaac et bien qu'elle ne le regrettait pas, une peur nouvelle la rongeait à présent : celle de le perdre et que sa vie puisse redevenir comme l'avait été.

Pourtant, elle le savait, Hayden était semblable à une étoile filante. Une étoile capable d'aveugler toutes les autres. Une de celle qui la poussait à croire en ses rêves. Un corps céleste disparaissant avant même d'avoir réussi à dévoiler toute la subtilité de son éclat.

Beau et admiré, Hayden faisait tourner les têtes depuis toujours, célèbre depuis sa toute jeune adolescence il n'avait eu que peu d'expériences avec les filles en tant que personne lambda. Et ce soir, il était déterminé rattraper ce retard.

Il ne se doutait pas un instant que cette expérience allait se montrer aussi désastreuse que traumatisante. Si on l'avait volontiers invité à s'asseoir à cette table, sa tentative d'approche envers les filles qui s'y trouvaient se solda par un échec retentissant. N'étant pas le premier qu'il subissait depuis le début de la soirée, l'idée effrayante qu'il finisse ses jours en vieux garçon solitaire prit une place démesurée dans son esprit.

Dépité, il retourna s'asseoir au côté Cassie et ne put s'empêcher de s'apitoyer sur son sort :

— Cette fille là-bas m'a remballé. Je ne comprends pas. Elle n'était même pas spécialement jolie.

— Quoi, ton petit cœur s'est brisé ?

Hayden esquissa un léger sourire qui éclipsa sa peine durant quelques secondes :

— Tu ne peux pas comprendre ça ne se passe pas comme ça d'habitude et je pensais que mon succès avec les filles n'était pas lié à ma célébrité, mais visiblement sans ça je n'ai rien... Je suis comme inexistant. N'être personne : il n'y a rien de plus horrible.

Cassie perdit patience.

— Tu n'es pas personne tu es toi. Hayden juste Hayden ! Cela devrait te suffire.

Juste Hayden ? L'idée lui paraissait absolument effrayante. La soirée étant presque finie, le garçon regarda autour de lui dans un ultime espoir et remarqua une rousse sur la piste de danse qui un brin éméchée lui faisait de l'œil. C'était une opportunité inespérée :

— Je vais tenter quelque chose avec elle, ça ne te gêne pas ? demanda-t-il à Cassie en penchant sa tête en direction de la fille.

Cassie fut déroutée par sa question. Avait-elle le droit de lui dire que oui ? Si elle ne lui répondit pas immédiatement, sa tête exprimait clairement son malaise.

— Je ne préférerai pas. C'est qu'il y a ce gars derrière moi, un peu trop collant... murmura-t-elle en espérant que cette excuse paraisse crédible.

Hayden jeta un coup d'œil vers l'homme en question. Ce type n'avait pas l'air bien méchant, mais dans le doute, il savait ce qu'il devait faire pour que celui-ci reste loin d'elle :

Dans un élan maîtrisé, ses lèvres percutèrent celle de Cassie et craignant que le message ne soit pas assez explicite, ses mains agrippèrent ses fesses. La rapidité de son geste, paralysa Cassie qui prit de surprise resta figée quelques instants.

Tout se déroula très vite. Si vite qu'elle n'eut pas le temps de se poser la moindre question. Et quand ce fut le cas, il s'était déjà écarté d'elle pour rejoindre la piste de danse. Tout cela avait-il était réel ? Ses lèvres encore mouillées en étaient la preuve. Décontenancée, Cassie se retourna dans tous les sens apercevant au passage que l'homme sur le tabouret avait pris la fuite.

Soit, elle était maintenant tranquille, mais n'approuvait pas pour autant la méthode qu'Hayden avait employée. Son agacement se décupla en l'observant frotter la fille rousse au rythme de la musique.

— Superficielle et stupide, pesta Cassie convaincue que deux cases correspondaient parfaitement à celle-ci.

Soit Hayden s'en foutait, soit il ne s'en était pas rendu compte. Le pire ? Elle ignorait ce qui était préférable.

Pourquoi diable trouvait-il ce genre de fille attirante ? Était-ce ses cheveux un peu trop longs qui en retombant devant ses yeux l'aveuglaient ou bien l'encre de ses tatouages qui avait déteint jusqu'à son cerveau ? Exaspérée d'être témoin de leurs échanges salivaires dignes d'adolescents en rut, Cassie avala son cocktail cul sec. Elle s'étouffa sur sa dernière gorgée lorsqu'elle les vit s'éclipser tous deux par une porte dérobée. Sa stupéfaction l'empêcha de réfléchir clairement, que devait-elle faire ? Instinctivement, elle éprouvait le besoin de le protéger de cette fille, mais aussi, et surtout de tout le reste, bien qu'elle ne sût pas de quoi et encore moins comment procéder.

* * *

Sur le chemin du retour, Cassie ressassa inlassablement le cours de sa soirée qu'elle pouvait résumait en une phrase : il l'avait embrassé juste avant de rouler un patin à une autre.

Contrairement à ce qu'elle avait redouté, il était rentré avec elle, après avoir passé près de vingt minutes avec cette fille Dieu ne sait où à faire des choses qu'elle préférait ne pas imaginer.

À présent, la situation était des plus étrange. Assise à ses côtés à l'arrière du taxi, Cassie s'efforçait de rester collée contre la portière du véhicule afin de demeurer au plus loin de lui. Hayden il ne put s'empêcher de sourire face à cette réaction infantile qu'elle avait à son égard :

— Qu'est-ce qui te tracasse à ce point ?

— Tu fais ça souvent ? Baiser la première fille que tu croises, pesta-t-elle en tournant enfin la tête de son côté.

— Leur offrir un instant inoubliable de plaisir, tu veux dire ?

Il aimait la taquiner et se délectait de ses réactions conservatrices qui cette fois encore allaient au-delà de ses espérances :

— Non, je veux dire les rejeter aussitôt l'affaire conclue et les humilier ouvertement.

Le sourire qu'abordait jusque-là Hayden disparut brusquement et fut remplacé par un rictus révélant toute l'offense qu'avaient provoquée ces mots. Qui était-elle pour la juger ainsi ? Avait-elle seulement une idée de ce qu'il vivait et ressentait ces derniers jours ? Toute sa vie avait été axée dans un seul but devenir célèbre, être au top et le rester. Ce chemin déjà à demi-tracé n'était plus qu'un trou béant, alors adopter un comportement exemplaire était le dernier de ses soucis.

— Je n'ai pas gardé sa culotte en trophée si c'est ce que tu penses.

La bouche de Cassie s'ouvrit et se referma aussitôt, celle-ci ayant décidé de ne pas surenchérir dans cette provocation. Dans le fond, elle n'était pas furieuse contre lui, seulement triste qu'il puisse agir ainsi.

— Je pensais que tu valais plus que cela. C'est tout.

— Vraiment ? Tu as juste les boules de m'avoir mis dans la mauvaise case, car contrairement à ce que tu penses je ne suis pas un prince charmant tombé du ciel. Ouvre les yeux. Mon histoire n'est pas belle, elle est merdique je suis coincé dans un monde aussi réel que Matrix et tu es là à blâmer mon comportement !

— Ce monde est bien réel et tous les actes que tu y feras auront des conséquences ! Ce n'est pas ton comportement le problème, mais les choix que tu fais. Je veux que tu sois heureux et tu ne le seras pas en agissant ainsi !

Confrontée à la sincérité de Cassie, la colère du jeune homme s'estompa. Habituellement, les gens autour de lui se souciaient bien plus de son succès que de son bonheur même si lui aussi avait longtemps cru que les deux étaient liées.

— Pourquoi c'est toujours elles qui ont les mecs comme toi ? Tu aurais pu choisir une fille normale... soupira-t-elle en déviant son regard vers la fenêtre.

— Une fille qui doute d'elle et qui reste assise seule au bar ? Le genre de nana normale comme toi ? Susurra-t-il en se rapprochant d'elle afin que le chauffeur n'entende pas leur conversation.

Pour Cassie "Normale" était presque un compliment, du moins elle le supposait.

— Tu me trouves normale ?

Hayden chercha ses mots :

— Non, mais je ne fais jamais cela avec les filles comme toi...

Sa franchise n'avait d'égal que son arrogance, néanmoins elle devait bien admettre qu'elle aurait préféré qu'il soit un peu moins honnête de temps en temps, car cette réflexion lui fendit le cœur.

— Contrairement à ce que tu penses, je ne brise pas le cœur des femmes, précisa-t-il. On ne m'a pas élevé comme ça. Avec ce genre de fille, je suis tranquille, elles savent à quoi s'attendre de la part des hommes comme moi... Alors, si le vrai problème vient du fait que je ne t'ai pas choisi sache que c'est parce que je n'ai nullement envie de te briser le cœur. C'est tout, ne va pas penser que tu n'es pas à mon gout, j'en ai connu des plus moches que toi si ça peut te rassurer.

Lui briser le cœur ? Elle n'en revenait pas ! Ils se connaissaient depuis quarante-huit heures, comment pouvait-il croire une telle chose ?

— Je n'ai jamais connu un gars aussi prétentieux ! Comment peux-tu être aussi sûr de toi ?

Sans réponse, Cassie céda en soupirant :

— Tu as raison, il n'y a pas de quoi en faire toute une histoire. Tu es un homme, tu as des besoins tu l'as même clairement dit pas plus tard qu'hier... J'aurais dû m'y attendre.

— Alors on oublie ?

— Est-ce que je dois aussi oublier le fait que tu m'as embrassé ?

Conscient que ce nouveau sujet de conversation ne tournerait pas en sa faveur, il préféra nier les faits :

— Vraiment j'ai fait ça ? Tu en es sûr ?

— C'était peut-être un accident... Mais j'ai quand même un souvenir vague que tu as... balbutia Cassie en rougissant.

— "Un souvenir vague" n'est pas vraiment le terme qu'on m'attribue lorsque j'embrasse quelqu'un. Je voulais juste éloigner ce type alors considères que j'ai glissé mes lèvres sur les tiennes, rien de plus. Le jour où je t'embrasserai, une chose est sure, tu ne pourras pas l'oublier. Jamais. Je te le promets.


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