5.
Chapitre 5
— Tu crois qu'il est ici ? s'inquiéta Hayden alors que Cassie glissait sa clé dans la serrure de la porte.
— Impossible, il m'a téléphoné tout à l'heure, nous avons parlé et il s'est excusé et...
N'ayant pas envie de se remémorer la conversation houleuse qu'elle avait eue avec Isaac, Cassie préféra lui résumer brièvement ce qu'ils s'étaient dit :
— On s'est arrangés, il me laisse son appartement jusqu'à la fin des vacances de Noël, le temps que je m'organise.
Hayden n'osa pas lui demander plus de précisions devinant bien qu'elle ne détenait pas plus de réponses que lui au sujet de ce "qu'elle allait faire".
— Est-ce que tu as faim ? enchaina-t-elle aussitôt en fouillant dans ses placards à la recherche d'une nourriture assez convenable à lui proposer.
— Tu sais cuisiner ? s'étonna-t-il.
Pour quelles raisons pensait-il qu'elle ne savait pas cuisiner ? Elle n'en savait rien, mais était forcée d'admettre que celui-ci avait vu juste puisque ses connaissances culinaires se limitaient au strict minimum.
— Je peux te faire des œufs si tu veux proposa-t-elle après avoir vérifié que leur date limite de consommation n'était pas dépassée.
— Génial ! Je suis curieux de te voir pondre !
— Pathétique souffla-t-elle en lui tourna subtilement le dos afin qu'il ne remarque pas ce petit sourire qu'elle n'arrivait pas réussie à contenir face à sa plaisanterie.
— Pourtant, j'ai beaucoup ri quand on me l'a fait.
— Si c'est un de tes potes qui t'a appris celle-là, change de fréquentation, ou achète-lui des Carambars pour qu'il puisse apprendre des blagues légèrement plus évoluées.
L'idée n'était pas mauvaise, Hayden savait que Matthew aurait approuvé cette idée lui qui adorait manger des cochonneries en tout genre. Matt était le guitariste du groupe. Bien qu'il n'était pas aussi proche de lui que de Thomas qui complétait leur groupe, son humour avait toujours eu le mérite de le réconforter lorsqu'il se sentait seul loin de sa famille durant les interminables tournées qui rythmaient leurs vies. Hayden perdit brusquement sa bonne humeur en réalisant que ces deux-là n'étaient plus là, comme tout le reste de sa vie.
— En réalité, je n'ai pas très faim, je vais plutôt aller me laver.
Prendre une douche, il n'avait rien trouvé de mieux à faire pour s'occuper l'esprit. Il ouvrit l'eau en omettant de régler la température, laissant involontairement l'eau glacée provoquer sur sa peau une douleur et des frissons incontrôlables. Chacune de ses sensations martelait un peu plus dans sa tête qu'il ne rêvait pas, que tout était bel est bien réel. Préférant occulter de son esprit ce détail effrayant, il s'empressa d'actionner l'eau chaude qui apaisa ses muscles et ses pensées. Détendu, il se surprit à chantonner comme il le faisait habituellement : s'amusant à massacrer une veille chanson des années 80, en poussant avec en train des notes totalement fausses qui contrastaient avec le sérieux et le talent qu'on exigeait de lui le reste du temps.
Juste derrière la porte de la salle de bain, Cassie en l'entendant s'égosiller de cette façon chercha la preuve qu'il était effectivement chanteur. Bien que le bruit de l'eau qui coulait l'empêchait d'entendre nettement ce yaourt incompressible, aucun indice ne lui laissait croire qu'il possédait un talent dans ce domaine.
Pourtant, quelques instants auparavant ce doute s'était levé en elle en constatant que les vêtements qu'il avait portés la veille étaient griffés du nom d'une luxueuse marque italienne. Intriguée, elle était même allée jusqu'à inspecter sa montre un peu bling-bling qu'elle avait jusque-là prise pour une reproduction. N'y connaissant rien aux montres de luxe, elle n'avait pu en conclure quoi que ce soit, mais le fait que l'objet soit gravé d'une date lui laissait penser qu'il ne s'agissait pas d'un objet de pacotille.
Qui était-il ? D'où venait-il ? Plus elle réfléchissait et plus son intuition lui criait que quelque chose se cachait derrière cette histoire abracadabrante. Ces interrogations la poussèrent à effectuer de nouvelles recherches derrière l'écran de son ordinateur.
Alors qu'elle venait tout juste de taper « Hayden Howells » dans Google, celui-ci passa devant elle vêtu d'une simple serviette nouée autour de sa taille. Son corps athlétique recouvert de tatouages plus surprenants les uns que les autres la laissa sans voix.
En remarquant les joues rougissantes de Cassie et son empressement à détourner son regard de lui, Hayden s'en trouva flatté. Cela ne valait pas une groupie qui pleurait ou qui criait en le voyant, mais au vu de la situation, cela lui sembla mieux que rien.
— Arrête de me mater.
Rouge de honte, elle se dissimula derrière l'écran en se défendant :
— Pourquoi ferais-je ça ? Il n'y a rien d'extraordinaire chez toi.
Il sourit face à son mensonge, mais Cassie concentrée sur son écran n'en sut rien. Il n'est tout de même pas apparu comme par magie... s'exaspéra-t-elle intérieurement, agacée de ne rien comprendre à cette histoire. À court d'idées, elle finit par lui demander de lui décrire son dernier souvenir.
Hayden fut ravi de lui raconter sa journée de la veille dans les moindres détails : le groupe avait fait escale à New York pour promouvoir leur album et préparer leur concert de samedi.
Si la journée d'hier avait été chargée, cela ne détonnait en rien à leur quotidien. L'interview de bon matin à Good Morning America s'était relativement bien passé malgré la foule importante et la sécurité qui s'était faite légèrement fait surprendre par la ferveur de leurs fans.
— À midi, vu la fatigue et le décalage horaire, j'ai préféré rentrer directement à l'hôtel pour me recoucher. Je me souviens m'être endormi dans ma chambre et puis plus rien...
— C'est de cette façon que tu as atterri ici ? s'étonna Cassie un brin septique.
— Oui, je me suis réveillé dans un bus. Je suis descendu au premier arrêt, je me suis réfugié par hasard dans ce café de peur qu'on me reconnaisse et d'avoir des problèmes.
— Cela ne nous aide pas vraiment... lança-t-elle sans se rendre compte de la peine que cette phrase produirait chez Hayden.
Voyant que sa remarque l'avait abattu et ne croyant pas vraiment à son histoire, Cassie décida de réorienter ses recherches sous un nouvel angle :
— Et si on enquêtait plutôt sur ce qui t'est arrivé ici. Je ne comprends pas pourquoi il n'y a aucune trace de toi sur internet.
— C'est parce que je ne suis pas de ce monde... murmura-t-il sans que Cassie ne l'entende vraiment.
— Ho... Mais j'y pense, Hayden n'est pas ton vrai prénom ! Ça doit être pour cela qu'on ne trouve rien. C'est quoi déjà ton nom complet celui de ton acte de naissance ?
— Hadrien William Howells, céda-t-il en grimaçant après qu'elle ait insisté à plusieurs reprises pour avoir cette information.
Hayden se dirigea vers le placard d'Isaac afin de sélectionner une tenue convenable, laissant Cassie à ses recherches qui il en était persuadé ne la mèneraient nulle part.
— Je t'assure tu ne trouveras rien sous ce nom-là. Même avant d'être célèbre on ne m'appelait pas ainsi. Ça a toujours été Hayden, Hayden Howells.
Loin de se laisser décourager, Cassie rentra consciencieusement "Hadrien William Howells" dans la barre de recherche et l'associa avec "Manchester" sa ville de naissance.
Lorsque la page s'afficha, elle ne put pas s'empêcher de pousser un petit cri de stupeur, réalisant qu'elle avait peut-être fait une erreur en fouillant dans la vie de ce garçon. Bien qu'a peine perceptible, le son qu'elle émit éveilla les soupçons d'Hayden qui trouva suspect de ne plus entendre le bruit de ses doigts taper sur le clavier.
— Tu as trouvé quelque chose ? demanda-t-il en se tournant vers elle.
Paniquant à l'idée qu'il réagisse mal à ce qu'elle venait de découvrir, Cassie éteignit avec empressement son écran.
— Pourquoi as-tu fait ça ? Ajouta-t-il en percevant son malaise.
— Ho... Rien, une photo d'un mec à poil qui est apparue soudainement, un spam rien de grave et j'ai pris peur, voilà tout, lui mentit-elle lamentablement.
— Cassie !
— Ok, je... Assois-toi...
Il s'exécuta tandis que son cœur s'emballait à l'idée d'avoir une vie autre que celle qu'il pensait avoir vécu.
— Il y a plusieurs articles de presse qui disent que tu es porté disparu...
Figé, son esprit mit du temps à analyser le sens de cette phrase :
— Ho tu me rassures, à ta tête j'ai cru que j'étais mort !
— Ça revient à peu près au même, expliqua-t-elle avec gêne tout en reprenant la lecture d'un vieil article du Manchester Evening News à son sujet. En examinant toutes les informations, elle réalisa que la date des évènements évoqués correspondait jour pour jour à celle qui figurait sur la montre d' Hayden. Est-ce une coïncidence ? Impossible.
— 8 juin 2001... Cette date te dit quelque chose ?
— Bien sûr, c'est le jour où j'ai passé l'audition qui m'a rendu célèbre c'est-ce jour là que j'ai rencontré le reste du groupe.
Cassie se mordit la lèvre inférieure tout en réfléchissant à la manière dont elle pourrait lui annoncer la nouvelle.
— Ce jour-là, tu as eu un accident de voiture et... tu as disparu.
— Impossible, je ne conduisais pas à l'époque et je suis allé au casting avec ma mère.
— Je ne sais pas. L'article ne parle que de toi. Ils ont retrouvé un corps un mois plus tard, mais ils ne sont pas sûrs qu'il s'agisse du tien. Il y a eu apparemment des manquements dans l'enquête.
Hayden consulta l'article en ligne qui relatait l'information. Complètement sonné, il se sentait incapable de penser ou d'en éprouver un quelconque sentiment. Ceci n'était pas sa vie, pas son histoire, pas son monde...
— Peut-être tu as pris un coup sur la tête... Et pour je ne sais quelle raison tu as tout oublié de ces quatre dernières années.
Hayden était sous le choc. Avait-il pu inventer ceci ? Il était vrai que ses dernières années avaient été incroyables tant le succès avait été soudain. Lui qui avait toujours espéré mener cette vie extraordinaire, avait-il pu le souhaiter au point de l'inventer ?
— Est-ce que ça va aller ? demanda Cassie sans obtenir de réponses alors qu'il consultait d'autres articles le concernant.
Le cœur de Hayden se tordit en voyant la photo de sa mère accolée à une interview où elle implorait à quiconque avoir croisé son fils de prévenir les autorités.
Sa mère... Il aurait voulu qu'elle soit là, qu'elle le prenne dans ses bras pour qu'il puisse éprouver ce sentiment de sécurité dont il avait tant besoin à présent. Habituellement le son de sa voix au téléphone suffisait à le réconforter ce qui ne manqua pas de lui donner une idée.
— Je dois l'appeler.
Cassie sursauta, elle ne savait pas si elle devait l'en dissuader ou au contraire l'encourager à faire une telle chose. Hayden devait prendre conscience de la réalité de sa vie, mais comment allait réagir celle-ci ? C'était tellement fou.
— Je ne sais pas Hayden...
Le garçon n'attendit pas son approbation pour chercher son numéro dans un annuaire en ligne, mais celui-ci ne trouva rien. À bout de nerfs, il laissa finalement Cassie poursuivre cette recherche :
— J'ai quelque chose, au 25 Aytoun Street.C'est la bonne adresse ?
Hayden lui fit savoir que non.
— C'est pourtant la seule Katherine Howells de Manchester et sa région.
— Son nom de famille est Gallaghe. Elle a repris son nom de jeune fille après avoir divorcé de mon père.
— Si tout ce que tu as cru vivre ces quatre dernières années est faux peut-être que tu t'es imaginé cela.
— J'avais six ans quand ils ont divorcé réfuta vivement Hayden. J'ai déjà du mal à imaginer avoir pu imaginer quatre ans de ma vie, alors zapper une chose qui est arrivée alors que j'étais gosse. Impossible !
— C'est peut-être juste une coïncidence.
Face à son insistance, Cassie n'eut pas d'autre choix que d'appeler ce numéro pour en avoir le cœur net.
— Tu es sûr que tu ne préfères pas l'appeler toi-même ?
— Je n'en sais rien. Il me faut du temps et plus d'information sur ce qui a pu m'arriver.
La sonnerie retentit. Une femme répondit. Hayden reconnut la voix de sa mère. Cassie demanda habillement à parler à George Howells le père de Hayden. Lorsqu'elle lui répondit que son mari ne serait pas présent avant plusieurs heures, Hayden prit sa tête entre ses mains abasourdi en réalisant que ses parents étaient bel est bien toujours mariés.
Impossible. Incroyable. Inimaginable...
Ces gens ne pouvaient être ses parents. Une vie comme celle-ci ne pouvait être la sienne. À présent, il en était sûr à présent, pour des raisons qui lui restaient encore à découvrir ce monde n'était pas le sien.
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