26.


Couchés sur les planches du ponton surplombant le lac, leurs yeux tournés vers le ciel, Hayden et Cassie demeuraient blottis l'un contre l'autre. Malgré la fine couverture qui les recouvrait, le froid de l'hiver semblait incapable de les atteindre. Les 12 heures trépidantes qu'Hayden avait offertes à Cassie touchaient à leurs fins. Regarder les étoiles fut pour celle-ci la plus logique et sublime manière de conclure ce moment.

— Admirer les étoiles ? C'est donc cela ton bouquet final ? souffla Hayden peu convaincu sans pour autant détourner son regard du ciel.

Comme s'il n'avait rien dit, Cassie continua de lui nommer une à une les constellations qu'elle reconnaissait, persuadée qu'il aimait cela bien plus qu'il ne voulait l'admettre. Malgré ses efforts, Hayden distinguait difficilement les étoiles qu'elle lui désignait du bout de son doigt. Pour lui, ces amas lumineux qui perçaient l'obscurité restaient irrémédiablement semblables à la luminosité des flammes de briquets que le public allumait lorsqu'il se produisait sur scène. Les voir lui procurait toujours une sensation enivrante, mais à cet instant les choses étaient différentes : ce n'était pas l'attention que les étoiles ou ses fans lui portaient qui le faisait frissonner, mais le regard de Cassie qu'il sentait posé sur lui.

Celle-ci s'était tue depuis de longues secondes déjà et l'observait avec insistance. Hayden s'en trouvait flatté au point de ne pas oser bouger craignant de mettre fin à ce moment. Lorsqu'elle le regardait ainsi, il avait l'impression que rien ne pouvait l'atteindre. Il était prêt à tout lui accorder et cela n'avait rien à voir avec leur petit jeu auquel il allait bientôt prendre la main.

— J'avais imaginé que tu aurais profité de ces 12 heures pour me demander de rester.

— Tu l'aurais fait ?

Craignant que sa réflexion le conduise vers une conclusion inquiétante, Hayden ne répondit pas.

Face au long silence qu'il lui adressa, Cassie reporta son attention vers le ciel et soupira :

— J'ai tes étoiles sur le plafond de ma chambre, toi tu auras les miennes dans le ciel... Qu'importe où tu iras et les choix que tu feras, elles te guideront et veilleront sur toi. Qu'importe le Hayden que deviendras, elles t'admireront, même ce jour où plus personne sur terre ne le fera. Tu n'auras qu'à lever la tête et tu comprendras que tout comme elles, je serais toujours là n'oublies jamais cela Hayden, promet moi de ne jamais l'oublier...

Sentant de plus belle le poids du regard que Cassie portait sur lui, Hayden tourna son visage de son côté jusqu'à ce que leurs têtes proches l'une de l'autre s'effleurent dangereusement. Il dévora des yeux les lèvres de Cassie rosies par le froid.

— J'ai terriblement envie de t'embrasser, là maintenant souffla-t-il dans un murmure crispé d'émotions.

Hayden restait immobile, sans pour autant cesser de l'observer. Son désir enflammait ses sens et bousculait son esprit. Il n'était pas du genre à se poser de questions avec les filles qu'il fréquentait. Son désir pour Cassie était évident, il avait envie d'elle plus que n'importe qui sur terre pourtant, il hésitait. Parce que cette fille était spéciale, il ne voulait pas la traiter comme les autres. Il désirait quelque chose de différent, mais ne savait comment s'y prendre. Face à son hésitation, Cassie insista :

— Alors, qu'est-ce que tu attends ?

Sans réfléchir, il embrassa tendrement le bout de son nez que ses lèvres trouvèrent aussi froid et sucré qu'un bonbon glacé. Ne s'attendant pas à un geste aussi hésitant de sa part, Cassie lui adressa un sourire moqueur.

— Hey, c'est romantique ! protesta-t-il.

— Je ne m'attendais pas vraiment à cela venant d'Hayden Howells le tombeur de ses dames...

— Qu'attends-tu de lui exactement ?

— Je veux que Hayden Howells m'embrasse comme il ne l'a jamais fait avant, ni à moi ni à personne.

Exécutant ses ordres, il se pencha sur elle et caressa sa joue avec son pouce tandis que sa main la guidait jusqu'à ses lèvres. Faire comme si c'était sa première fois ne lui était pas difficile tant les émotions qui le submergeaient étaient différentes de tout ce qu'il avait connu jusque-là. Il la désirait aussi indiscutablement qu'ils n'avaient aucun avenir ensemble. Tout ce qu'ils pouvaient espérer était de vivre le moment présent. Un présent qui s'échappait aussi incontrolablement que du sable dans un sablier.

— Il est 21h. C'est à mon tour maintenant d'exiger certaines choses, murmura-t-il du bout de ses lèvres alors que celles-ci s'attardaient encore sur celles de Cassie.

Appliquant ses paroles, Hayden resserra son étreinte sur Cassie et pivota afin de prendre place au-dessus d'elle.

— Tu m'as changé à jamais... Et je vais faire de même, souffla-t-il presque imperceptiblement.

Hayden s'était cru incapable d'aimer. Il ne s'en était jamais plaint imaginant que c'était là le prix à payer pour cette incroyable vie qu'il avait menée. À présent, sa vision pragmatique des choses, autrefois si inflexible, était en train de s'assouplir. Ce laisser-aller que Cassie lui avait fait retrouver le laissait libre d'exprimer les sentiments enfouis dans un endroit de son cœur où il n'avait encore jamais osé s'aventurer.

— Tu n'as pas peur que cela gâche tout ? Si jamais cela se passe mal. Si tu n'y arrives pas à me faire ressentir certaines choses...

— Crois-moi, je suis plutôt doué pour cela.

Sa remarque eut l'avantage de détendre Cassie qui échappa un rire mélodieux.

— Tu peux toujours me dire non, insista très sérieusement Hayden.

— Si j'ai accepté ce jeu, c'est pour ne pas avoir la possibilité de te dire non. Ton corps contre mon corps, entendre ton cœur battre au rythme du mien... C'est comme si j'avais attendu toute ma vie cet instant.

Troublé par sa déclaration, Hayden hésita une seconde avant de se relever et d'offrir sa main à Cassie pour l'aider à faire de même. Celle-ci se laissa conduire silencieusement vers la vieille maison. Sur ce court chemin, tous deux étaient conscients des risques qu'ils prenaient dans ce jeu qui n'en était plus un.

Tandis que Cassie allumait la cheminée du salon en espérant que celle-ci réchauffe rapidement la pièce, Hayden parcourut la bâtisse afin de récupérer tout ce qu'il jugeait utile pour faire de ce moment le plus magique des instants. Il revient vers elle les bras chargés d'une couverture molletonnée et quelques cousins qu'il avait pris soin de dépoussiérer.

Cassie était nerveuse, mais Hayden se glissa dans ses bras pour la rassurer. Apaisée par son étreinte, une main posée contre son torse, elle pouvait sentir les muscles d'Hayden se crisper sous son T-shirt et son cœur battre frénétiquement. Hayden se mouilla les lèvres du bout de sa langue pour se préparer à l'embrasser. Cassie s'arrêta de respirer, impatiente de connaître une nouvelle fois cette sensation enivrante qu'elle éprouvait à chaque fois qu'il posait sa bouche contre la sienne.

Il déposa successivement plusieurs petits baisers très lents contre ses lèvres. Bien qu'elle en voulait plus, il ne lui donna que des fragments de baisers, ce qui ne fit qu'attiser son envie pour lui. Une attraction qu'elle eut toutes les peines du monde à cacher, tant son corps tremblant trahissait son désir.

— On ne devrait pas jouer à ce genre de jeux... souffla-t-elle alors qu'un sourire illuminait son visage et que ses lèvres s'éloignèrent volontairement à un souffle des siennes.

— Je sais. C'est une très mauvaise idée... répliqua-t-il en l'embrassant de plus belle. Moi je fais ça uniquement pour t'aider... N'y vois rien de personnel là-dedans. Ça se résumera toujours au sexe... mentit-il lamentablement le souffle coupé par ses embrassades successives. Il n'y a rien à l'intérieur de moi... Je suis une putain de coquille vide.

Peinée par ces paroles, elle protesta :

— Il n'y a aucun vide en toi... Si tu savais toutes ces choses merveilleuses que j'y vois.

— Ah oui ? s'étonna-t-il en la poussant avec tact contre le mur pour qu'elle ne puisse plus échapper à son étreinte.

— Oui, et je sais que tu as toujours cru à l'amour au fond de toi.

— Un sourire imbécile... Le regard bête... Des papillons dans le ventre... Hey merde, c'est donc ça, l'amour ?

Il l'embrassait alors que ses mains encadraient son visage et que tout le reste de son corps se plaquer contre le sien.

— Ce papillon, c'est sans doute pour cela qu'il est là admit-elle en déboutonnant avec douceur la chemise d'Hayden, pour dévoiler pleinement l'animal tatoué entre son cou et le haut de son épaule.

Cassie ne s'arrêta pas là et continua à déshabiller Hayden qui tirait une grande satisfaction de son empressement.

Ils allaient le faire là maintenant. Comme à chaque fois qu'il faisait l'amour à une femme, son désir guidait mécaniquement chacun de ses gestes. Pourtant, ce n'était pas ainsi qu'il voulait agir, l'instant unique de ce moment l'incitait à vouloir plus. Hayden regarda autour de lui : le faire dans le salon d'une vieille maison aussi abandonnée que poussiéreuse n'était pas l'endroit idéal.

— Pas comme ça, pas si vite, je veux faire les choses bien... poussa-t-il en se détachant d'elle. Trouvons un endroit où tu te sentes bien.

Il réfléchit. Où pourraient-ils aller ? La voiture ? Cela ne lui semblait pas une option envisageable. La chambre de Cassie semblait plus indiquée bien que cela supposait qu'ils parcourent plusieurs kilomètres en voiture. Il imaginait bien la torture que cela serait de retenir son désir durant le trajet, mais il le fallait. Cassie le méritait.

— Le grenier.

Hayden mit quelques secondes avant de comprendre le souhait de Cassie.

— Je m'y suis toujours senti bien, montons là-haut, insista-t-elle.

Dans la pièce en question, un bric-à-brac de vieilles choses s'entassait sur une étagère qui occupait tout un pan du mur. Le reste de la pièce était vide. Un hublot servant de fenêtre éclairait grâce au clair de lune l'espace d'une lumière jaunâtre presque romantique. Trouvant l'endroit convenable, Hayden s'empressa d'y monter une couverture avant de s'arrêter dans la salle de bain. L'eau étant coupée depuis des lustres, il regretta de ne pouvoir se rafraichir le visage. Tandis que son regard restait figé sur le miroir qui projetait son reflet, de nombreuses pensées se bousculaient en lui :

Demain, je partirai.

Demain, je ne pourrais plus lui dire je t'aime de cette façon

Demain, je n'aurai plus droit à la médiocrité, plus droit à la maladresse... Il faudra que je contrôle tout.

Demain, je vais jouer un autre rôle.

Demain je vais jouer mon rôle.

Demain je serais Hayden Howells

Il lâcha un long soupir espérant que celui-ci atténue le poids de ces pensées. Avec soulagement pour quelques heures encore il restait juste Hayden. Un Hayden inconnu de tous capable d'aimer Cassie comme personne ne l'avait jamais aimé et peut-être même d'être aimé comme lui-même ne l'avait jamais été.

Quand il revint auprès d'elle, Cassie avait disposé un peu partout des bougies noires qu'elle allumait avec concentration.

— Si c'est pour faire une sorte d'incantation, je crois que ce n'est pas nécessaire, tu m'as déjà envouté... nota-t-il avant que le rire de Cassie ne résonne avec douceur dans la pièce.

Tandis qu'ils étaient étendus tous deux sur la couverture, Hayden se mit à admirer le corps à demi nu de Cassie. Son cou était saupoudré de grains de beauté minuscules qui descendaient jusqu'à ses seins. Hayden qui n'arrivait pas à percevoir les constellations dans le ciel les distinguait parfaitement sur sa peau. Il toucha du bout des lèvres chaque étoile que formaient ses grains de beauté, constellation après constellation. Additivement, avançant toujours plus loin son regard et ses caresses, à la recherche d'étoiles inexplorées.

— Tu es magnifique.

Les joues rougies par sa flatterie, Cassie ébaucha un sourire rempli de tristesse. Parce que malgré la magie du moment elle ne pouvait s'empêcher de penser à son départ :

Demain, il partira.

Demain, j'aurai peur qu'il m'oublie

Demain, notre histoire sera finie.

Demain, je ne rirai plus si clairement.

Demain, je serai seule

Comme s'il lisait dans ses pensées, Hayden enlaça Cassie et murmura au creux de son oreille :

— Rien ne pourra effacer ce moment. Rien.

Approuvant ses paroles, Cassie hocha lentement la tête.

Hayden n'avait rien prévu, si ce n'est d'improviser. À ce moment précis, son désir se résumait à la serrer contre lui, à la déshabiller et de laisser ses lèvres explorer chaque partie de son corps Il était curieux de ce voyage et peu importe le chemin, il n'avait qu'un objectif, découvrir l'expression de son visage lorsqu'il l'aurait emmené là où elle n'était encore jamais aller. Il imaginait ce moment comme étant son bouquet final, c'est ainsi qu'il voulait l'admirer comme elle l'avait elle-même fait de son côté alors qu'ils étaient sous les étoiles.

De son côté, Cassie n'eut aucun mal à s'abandonner dans ses bras, poussé par la pensée que ce moment ne se reproduirait sans doute jamais. Elle pria pour que le temps se fige, implorant par la même occasion le ciel pour que cette nuit reste gravée dans leurs mémoires. Ses mains caressaient les muscles du torse d'Hayden, avant que celles-ci osent s'aventurer le long de son ventre.

Hayden sentit ses muscles se tendre nerveusement, comme lorsque le trac le submergeait en montant sur scène.

— J'en ai envie... souffla Cassie en se mordait la lèvre inférieure tandis que ses yeux s'enflammèrent.

Hayden n'avait jamais vu un regard pareil. Il était désiré par des milliers de femmes à travers le monde, mais personne ne l'avait regardé avec un désir si ouvertement exprimé. Jamais il n'avait vu un bleu aussi magnifique que dans ses yeux qui le dévoraient à cet instant.

— Tout ce que tu voudras, répliqua-t-il en sortant un préservatif qu'il enfila dans un geste machinal, si bien que Cassie ne remarqua même pas ce moment.

Il se glissa en elle, doucement puis intensément. Toutes les cellules du corps de Cassie vibraient au rythme des coups de reins d'Hayden qui se laissa guider par son souffle. Un son semblable à ces musiques entêtantes capables de vous arracher les tripes et de marquer votre âme à jamais...

Quand Hayden approcha sa tête de la sienne pour l'embrasser, Cassie ressentit un tsunami d'émotion la dévaster. Une vague de sensations à laquelle elle ne pouvait échapper. « Lâcher prise et vivre », Hayden avait raison. Elle n'avait jamais connu ça, pas de cette façon en tout cas.

— Ouvre les yeux. Regarde-moi.

Ce rappel à l'ordre la ramena soudainement sur terre. Elle s'exécuta bien qu'elle ne voulait qu'une chose : retourner dans cet abysse où elle ne contrôlait rien, où elle étouffait, mais surtout dans cet endroit où elle se sentait vivante comme ne l'avait jamais été.

Voyant cela, Hayden ne put se contrôler davantage. Il regretta de ne pas réussir à faire durer ce moment encore et encore, comme il savait habituellement le faire. Mais Cassie avait ce je-ne-sais-quoi qui le rendait incontrôlable. Vaincu, il la laissa aller jusqu'au bout d'elle-même et l'achever délicieusement d'un coup de reins fatal et dévastateur.

À peine remis de ses émotions, Hayden observa longuement Cassie qui revint lentement à elle.

— C'est comme si tu avais réveillé une partie de moi, remarqua Hayden alors que Cassie, les yeux clos, était encore enivrée par ce qu'ils avaient vécu. Ce bout de moi qui arrive à ressentir et à aimer, aimer quelqu'un d'autre que moi.

— Tu emmèneras cela avec toi.

— Dans mon monde ? Je ne sais pas ce que j'en ferais.

— Reste, susurra-t-elle quasi imperceptiblement.

Regrettant ses mots, Cassie ferma les yeux conscients qu'il était trop tard : ce n'était plus à elle de décider. Seul Hayden détenait ce pouvoir et son choix était visiblement fait. Un long silence s'installa entre eux.

— Ne me demande pas quelque chose que je ne peux pas te donner, souffla-t-il finalement avec regret.

Rester n'avait jamais été une option pour Hayden, seulement un rêve sorti bien trop tard de nulle part, une illusion irréalisable qu'il était contraint d'effacer de son esprit.

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