21.
— Tu es sûr que c'est ici ?
Comme à chaque fois qu'Hayden lui avait posé la question, Cassie lui assura qu'ils avaient pris la bonne direction. La carte qu'elle tenait entre ses mains ne lui semblait pas si difficile que cela à déchiffrer. Hayden avait l'impression de tourner en rond et pour cause cela faisait plus deux heures qu'ils parcouraient la forêt de long en large sans avoir obtenu le moindre résultat.
La neige collante sur le sol rendait difficile leur avancée et l'air glacial brûlait les narines d'Hayden à chacune de ses inspirations.
Chercher un caillou dans une forêt enneigée... Comment Cassie avait-elle pu l'entrainer là-dedans ? Épuisé, le jeune homme commençait à se décourager. Il s'arrêta pour observer Cassie qui bien plus téméraire que lui, cherchait le moindre indice qui les guiderait alors qu'un épais brouillard s'élevait autour d'eux.
— C'est Noël, ne devrait-on aller chez ta grand-mère et rejoindre ta famille comme prévu ?
Agacée par ses plaintes incessantes, Cassie commençait à perdre patience :
— Toi aussi tu devrais être avec ta famille, tu ne penses pas ? Alors, disons que je te soutiens de cette manière.
Hayden fut surpris qu'elle mette sa famille sur le tapis. En ce jour de Noël, celle-ci ne quittait pas son esprit. Bien que cela lui tordait le ventre, il ne pouvait s'empêcher d'imaginer ce que sa mère et sa sœur devaient faire au même instant dans son monde. Fêtaient-elles Noël sans lui ? L'année dernière, il avait fait venir toute sa famille chez lui à Los Angeles. Il avait fait appel aux meilleurs décorateurs et traiteurs de la région, mais, malgré toute l'application qu'il y avait mise, ce Noël sous le persistant soleil californien n'avait ressemblé en rien aux Noëls idylliques de son enfance dont il gardait le souvenir. « La neige c'est à cause de la neige » lui avait expliqué son voisin, un producteur hollywoodien d'origines canadiennes qui en faisait venir du Montana par camion entier pour l'occasion. Sur le coup il n'avait pas trouvé l'idée si ridicule que cela, ce qui à présent lui paraissait carrément flippant.
Cette année, sa famille était loin, mais la neige était là, plus vraie que nature. Il pouvait se délecter de ce paysage de pins enneigés et de cette tranquillité retrouvée. Une ambiance particulière flottait dans l'air, quelque chose qui faisait naître en lui le sentiment qu'il s'agissait d'un vrai Noël.
L'esprit joueur, Hayden amassa de la poudreuse entre ses mains pour en lancer en direction de Cassie. Celle-ci surprise de recevoir une boule de neige dans son dos, laissa échapper un cri de surprise :
— Hey, les recherches ne vont pas avancer de cette façon !
— Rentrons, on continuera demain insista-t-il amusé par sa réaction.
— Qu'est-ce que tu es casse-pied ! Je le fais pour toi je te rappelle, c'est moi qui devrais me plaindre !
Lui donnant raison, il consentit à la suivre et à peine quelques mètres plus loin Cassie trouva l'endroit indiqué par la carte. Hayden s'étonna : la zone où ils se tenaient n'avait rien de particulier. Des arbres et de la neige. Avant qu'il n'ait eu le temps de lui faire remarquer, Cassie était déjà un genou à terre pour creuser.
— Qu'est-ce qui te fait penser que c'est au pied de cet arbre et pas d'un autre ?
— Grâce à ce formidable pouvoir que je possède : la vue.
En observant les alentours avec plus d'attentions, il constata que le chêne face à eux était effectivement différent de tous les autres. Celui-ci possédait toutes ses feuilles, comme si le cycle des saisons n'avait eu aucune emprise sur lui.
Son attention fut vite détournée en voyant Cassie s'épuiser à retourner une terre rendue aussi dure que l'acier par le gel. Il s'empressa de prendre le relais, usant d'une pierre en guise de pioche pour creuser le sol tandis que Cassie frigorifiée sautillait sur place pour tenter de se réchauffer. Ben que sa méthode était incontestablement plus efficace que la sienne, il n'obtint aucun résultat. Hayden était sur le point d'abandonner lorsqu'il entendit un bruit métallique résonner sous ses coups. Il redoubla d'efforts et découvrit avec stupeur l'objet tant convoité.
— C'est elle ! s'émerveilla Cassie.
— Qu'a-t-elle de spécial au juste ?
Bien qu'il lui posa cette question, il n'en avait jamais rien vu de tel. La pierre avait l'apparence d'un cristal transparent qui scintillait en son centre. En l'examinant de plus près, l'intérieur semblait renfermer d'innombrables gouttes de rosés. Selon l'angle à laquelle on l'observait, sa couleur oscillait du rosé au doré.
— Elle capte et emmagasine toutes les énergies autour d'elle.
Le regard d'Hayden ne quitta pas le caillou jusqu'à ce que Cassie intervienne en lui arrachant des mains.
— Une sorte de pile ? remarqua-t-il avec dédain.
Elle sourit face à cette comparaison et lui précisa en observant à son tour l'objet avec attention :
— Tout n'est qu'une question d'énergie, avec ceci on peut faire beaucoup de choses. Des bonnes et même des mauvaises...
Depuis qu'elle l'avait récupéré, Cassie n'avait pas lâché la pierre des yeux. En prenant conscience de l'attraction que ce caillou provoquait sur elle, celle-ci se tourna vers Hayden et attrapa sa main afin de déposer la pierre entre ses doigts. Hayden aurait voulu que ce contact inattendu se prolonge, mais Cassie s'était écartée de lui en lui ordonnant gravement :
— Garde-là précieusement et ne me dit pas où tu la cacheras. Ni à moi, ni à Sora, ni à personne d'autre...
— Sérieusement ? s'étonna-t-il persuadé que Cassie y allait un peu fort. Tu me donnes le rôle du troll Frodon ? Tu es sûre de vouloir me confier le précieux ? Est-ce que je dois t'appeler Gandalf ?
— Pourquoi faut-il toujours que tu plaisantes sur des sujets aussi... soupira-t-elle sans finir sa phrase. Et Frodon n'est pas un troll, mais un Hobbit...
— Un Hobbit, c'est un troll avec de grands pieds non ? Je ne suis pas sûr que cela soit bien mieux... marmonna-t-il en s'amusant par pure provocation à lancer la pierre en l'air comme il le ferait avec une pièce pour effectuer un pile ou face. Qui te dit que je vais résister à son emprise et ne pas m'en servir à des fins malhonnêtes ?
— Tu ne serais pas capable de faire de mal à une mouche et encore moins de t'en servir.
— Pas capable ? Hey ! Ce n'est pas parce que je ne suis pas comme toi que...
— Je n'ai rien de plus que toi jeune Hobbit !
— Tu as provoqué une tempête de neige pas plus tard qu'hier soir, insista-t-il en lui faisant face dans un sérieux qui ne donnait pas à Cassie d'autres choix que de se justifier.
Déstabilisée, elle ne sut quoi lui répondre, ne sachant pas elle-même si elle était responsable de cela.
— Et tu m'as trouvé sur le pont de Brooklyn enchérit-il. Comment as-tu fait ?
— Il y a certaines choses qui ne s'expliquent pas, répondit-elle d'une voix tendue. Ça ne t'a pas déjà traversé l'esprit que je pouvais ne pas détenir toutes les réponses à tes questions ?
— On s'est promis de faire équipe. Pourquoi faut-il que je te tire les vers du nez à chaque fois ! s'énerva-t-il en shootant dans un caillou.
Hayden conscient d'avoir été trop loin s'excusa aussitôt.
— J'ai senti que tu étais là-bas. Voilà tout.
— Est-ce que tu es une... demanda-t-il sans oser finir sa phrase ne sachant pas lui-même quelles théories absurdes envisager.
— Non !
— Ne le prend pas mal Cassie, j'essaie juste de comprendre se rattrapa-t-il peiné à l'idée de l'avoir vexée.
— Est-ce que tu me croirais je te disais que je n'avais rien de plus que toi ? Parce que c'est la vérité. Tout le monde possède ça en lui, comme un sixième sens. J'ai juste appris à le développer dès mon plus jeune âge. Il suffit de se connaitre et de ressentir les choses. C'est comme chanter, certains sont plus doués que d'autres, mais tout le monde peut le faire. Je pourrais t'apprendre.
Il ne put s'empêcher de rire devant le manque de pertinence de sa métaphore.
— Si tu le prends ainsi je ne peux rien pour toi, ça ne marchera pas si tu n'y crois pas ajouta-t-elle en s'éloignant de lui. Rentrons !
— Désolé, je ne doute pas ce que tu me dis, mais je suis du genre à ne croire que ce que je vois, continua-t-il en la rattrapant.
Elle s'arrêta subitement et lui fit face :
— Ferme les yeux. Sérieusement, essaie.
Sous son insistance, il s'exécuta.
— Voilà, trouve-moi maintenant.
— Colin-maillard, c'est ça ton truc ? pouffa-t-il en gardant ses yeux fermés.
Même s'il trouvait cela absurde, il consentit à tourner d'un tour sur lui-même et ralentit persuadé qu'elle se trouvait face à lui. Sa raison lui criant qu'il faisait fausse route, Hayden s'arrêta finalement un peu plus à droite à l'endroit même où il se rappela l'avoir entendu s'éloigner grâce aux craquements de la neige sous ses pas.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, Cassie se trouvait à sa gauche, à l'endroit exact où il avait souhaité s'arrêter, mais Hayden ne remarqua pas ce détail. Toute son attention était focalisée sur la déception lisible qu'affichait le visage de Cassie.
— À quoi tu t'entendais-tu ?
Refusant de baisser les bras, Cassie s'avança vers lui et descendit le bonnet qu'il portait jusque sous ses yeux.
— Cassie le bonnet ne changera rien, si j'avais triché je t'aurais trouvé !
Elle soupira et apposa une main sur chacune de ses joues pour le calmer. Hayden sentit son visage rougir, le fait qu'il ne voyait rien décuplait cette sensation de désir que provoquait le contact de sa peau contre la sienne.
— Tu sens cette énergie entre nous ? murmura-t-elle d'une voix douce et réconfortante.
Le corps d'Hayden se tendit et trembla légèrement. Elle insista en posant sa tête contre la sienne et ce bonnet qui séparait leurs deux fronts n'empêcha pas leurs cœurs de s'emballer conjointement.
— Comme si nous étions liés depuis toujours, souffla-t-elle au creux de son oreille. Écoute ton cœur, uniquement ton cœur. Écoute ce qu'il a à te dire et viens me retrouver.
Hayden n'osa plus bouger. Qu'avait-elle voulu dire par "lié" ? Plusieurs secondes s'écoulèrent avant qu'il ne réalise qu'elle était partie. Hayden n'avait pas envie de cela. Il ne voulait pas la savoir loin d'elle, pas plus qu'il ne voulait jouer à ce jeu stupide. Il retira son bonnet et cria son nom en la cherchant des yeux, mais ne trouva devant lui qu'une forêt devenue subitement aussi silencieuse et desserte que son cœur.
Seul au milieu de nulle part, Hayden était persuadé de n'avoir aucune chance de la rattraper. Il avança au hasard, guidé par le simple espoir de croiser rapidement une route qui le conduirait vers la civilisation.
Après de longues minutes de marche, il entendit au loin le bruit d'un klaxon. En s'y dirigeant, il comprit que Cassie en était à l'origine et l'avait actionné considérant qu'il ne la retrouverait pas. La colère qu'il éprouva envers elle en réalisant qu'elle l'avait abandonné prit le pas sur la surprise de la revoir.
— Tu n'y crois pas assez, tu ne t'écoutes pas ! objecta-t-elle face à ses remontrances.
Vexé, Hayden prit place silencieusement sur le siège passager et dirigea les grilles du chauffage de son côté pour se réchauffer. Son aigreur n'était rien face à la déception qu'éprouvait Cassie qui voyait dans cet échec la possibilité qu'ils ne fussent pas liés l'un à l'autre comme elle s'était rêvée à le penser. Ce doute ne la quitta pas de la journée.
Lorsque vient le repas du soir, entre deux cuillères de purée, Cassie en était arrivée à la supposition qu'elle pouvait se connecter à n'importe qui comme qu'elle l'avait fait avec d'Hayden. Son regard balaya l'ensemble de la tablée. Cette veille peau de Patricia aurait fait un parfait cobaye, mais n'étant pas là Cassie se rabattit sur Éric le cher et tendre de sa sœur.
Elle se concentra, ignorant les risques que cela pouvait engendrer. Sa vision se troubla et son équilibre vacilla alors qu'elle se tenait pourtant assise. Elle se reprit en reposant son dos contre sa chaise et redoubla d'efforts.
Aucune image, aucun pressentiment. Rien.
Lorsqu'elle revint à elle, légèrement désorientée, sa sœur lui chuchotait quelques mots d'une voix inquiète pour s'assurer que tout allait bien. Cassie la rassura d'un signe de la tête.
En pleine conversation avec Éric, Hayden ne remarqua rien jusqu'à ce que Cassie se mette à saigner de nez et que celle-ci se lève de table précipitamment un mouchoir à la main. Hayden, voulut la rejoindre, mais la mère de Cassie fut plus rapide et le jeune homme se contenta d'écouter Alan le rassurer en affirmant que sa fille souffrait parfois de tensions artérielles qui provoquaient ses symptômes :
— Il n'y a rien de grave, cela arrive quand Cassie sale trop ces plats. Dans deux minutes elle reviendra toute pimpante !
Dix minutes plus tard, Cassie n'était pas revenue. Lorsqu'il s'en étonna, Hayden apprit que celle-ci avait préféré aller directement se coucher.
— Qui sait peut-être que vos activités physiques d'hier soir l'ont épuisé ? lui chuchota discrètement Lisa pour le taquiner une fois de plus.
Hayden lui adressa un demi-sourire et réfuta sa théorie d'un mouvement de la tête.
— Non ? Vous n'avez pas... s'étonna-t-elle. Bon ben au moins tu n'as pas à chercher bien loin la cause de son problème... Et il n'appartient qu'à toi de le résoudre. Aller, file la rejoindre personne n'y redira rien, ils ont tous trop bu autour de cette table.
— Tu es dans le même état qu'eux visiblement...
— Merde Shakespeare m'a démasqué ! J'ai bien le droit de faire un petit écart de temps en temps, non ? glissa-t-elle à Hayden en le voyant quitter la table.
Il rejoignit Cassie en prenant soin de ne faire aucun bruit, soucieux de ne pas la réveiller, mais la trouva allongée sur son lit, le regard fixé au plafond.
— Et si je n'étais pas assez forte pour cela ? souffla-t-elle sans avoir pris le temps jeté un coup d'œil pour vérifier qu'Hayden était bien à ses côtés.
Il sursauta, surpris qu'elle ait pu l'entendre arriver avant de comprendre que ce n'était pas le cas. Elle ne l'avait ni vue ni entendue, mais avait ressenti sa présence...
— Pas assez forte pour te ramener précisa-t-elle face à son silence. Sora a dit que j'avais ça en moi, mais même si c'était le cas, comment le trouver ?
— Sora ? Tu as parlé de cela avec elle ? Elle est comme... toi ?
Cassie grimaça face à cette comparaison.
— Je croyais que tu ne lui faisais pas confiance, ajouta-t-il perdu.
— Ça n'a pas changé, mais c'est la seule personne qui peut nous aider, le problème c'est que je ne vois pas pourquoi elle le ferait. Quel serait son intérêt là-dedans?
— On peut aider de façon désintéressée.
— Elle en pince pour toi, je ne suis pas sûr qu'elle serait ravie que tu partes d'ici.
— Tu crois que je lui plais ? s'étonna Hayden.
— Elle t'a bien dragué au bar...
— Pas du tout ! Si je lui parle, elle t'aidera, on ne me refuse jamais rien en général.
— Elle n'est pas comme les autres... Elle a bien refusé de te ramener ici hier soir.
Hayden n'avait pas fait attention à ce détail et pour cause ce n'était pas la première fois qu'on lui refusait quelque chose pour lequel il avait vraiment insisté... Enfin, il le pensait jusque-là parce qu'en y réfléchissant, il ne trouvait aucun exemple lui permettant d'affirmer ce qu'il pensait.
— Je préfère y aller seul. Je ne veux pas te mettre à l'écart, mais je préférais que tu restes loin d'elle. Ce n'est pas de la jalousie, c'est juste un pressentiment inexplicable.
La fébrilité de Cassie poussa Hayden accepter sa requête.
* * *
Le lendemain, Cassie fut réveillée de bon matin par le froid. Tourné dos à elle, Hayden s'était approprié intégralement la couverture. Dans un soupir, elle s'empressa de tirer un bout de celle-ci de son côté. Ce ne fut pas uniquement la couverture qu'elle gagna par ce geste, mais également le corps chaud d'Hayden qui se lova contre elle.
— Tu pourrais dire bonjour, souffla Hayden en lui adressant un sourire espiègle
— Je pourrais, répliqua-t-elle avec malice en savourant ce moment.
— Pas de cauchemars cette nuit ?
— Jamais quand tu dors près de moi.
Alors que le sourire d'Hayden s'étendait jusqu'aux oreilles. Gênée par cet aveu spontané Cassie enchaîna:
— Je devrais me dépêcher de me lever avant que mes parents nous voient.
— Ils ne sont pas stupides, ils savent que tu ne dors pas dans le canapé.
Cassie se releva regrettant ce moment d'égarement :
— Oui, mais je dois y aller de tout de façon...
Ils se préparent rapidement. Ayant insisté pour la déposer, Hayden prit le volant et emmena Cassie chez Sora. En apercevant ce chalet perdu au milieu de nulle part, Hayden eut un sentiment des plus étranges. Il n'avait jamais rien vu de telle ou si justement, l'endroit lui rappelait ce que l'on voyait dans les contes. Il hésitait entre la maison des sept nains et celle du Petit Poucet abritant des parents pleins de mauvaises intentions. Une image idyllique et inquiétante à la fois.
— On aurait dû la prévenir... souffla Hayden pas emballé à l'idée de laisser Cassie ici.
— Crois-moi, elle sait que nous sommes là.
Alors qu'Hayden réfléchissait à ce qu'elle sous-entendait, Cassie sortit de la voiture et se dirigea lentement vers la bâtisse. Lorsqu'il se tourna vers le siège passager, il ne restait rien d'elle, à part son écharpe qui traînait sur le tableau de bord. Profitant de cet oubli comme prétexte, il s'empressa de rattraper Cassie.
— Ton écharpe... Fais attention à toi souffla-t-il en lui enroulant l'étoffe autour de son cou avant de faire demi-tour comme elle lui avait demandé.
Cassie frappa à la porte avec hésitation. Aucune réponse. Et si Sora n'avait pas deviné sa visite ? Bien qu'Hayden, avait songé à l'attendre dans la voiture, il s'était résolu à partir et la voiture s'éloignait à présent dans le chemin.
Pas le choix. Cassie se saisit de la poigné de la porte, entrer sans y être invité été culotter, mais elle déculpabilisa en pensant que Sora était bien du genre à faire ce genre de chose. À l'intérieur rien n'avait changé, la petite télévision à l'angle de la pièce était allumée, mais le son de celle-ci avait été coupé. Cassie sursauta en voyant Sora appuyée contre le mur. Son regard livide accroché à l'écran poussa Cassie à s'attarder sur les images de CNN qui annonçait qu'un tremblement de terre venait de se produire au large de Sumatra.
— J'aurais dû y être... poussa Sora d'une faible voix.
Cassie marqua un temps d'arrêt.
— Vraiment ? Tu as de la famille là-bas ?
Elle observa Sora horrifiée par ce qu'elle voyait sur l'écran et se sentit obligée d'ajouter quelque chose pour la rassurer :
— Ce n'est peut-être pas si grave que cela ils n'ont pas l'air d'avoir beaucoup d'information.
— J'ai bien peur que ce ne soit que le début.
— On ne peut malheureusement rien contre ça...
— Tu ne serais pas là si tu ne pensais pas qu'on pouvait aller contre certaines choses... soupira-t-elle en éteignant la télévision. Espérons que cela vaille le coup... Viens avec moi. Le temps presse.
* * *
Pendant ce temps-là, Hayden roulait au hasard, se laissant entraîner par une musique rock qu'il adorait. Devant lui des champs de maïs à perte de vue, le soleil matinal était encore caché par les montagnes, mais le ciel dégagé de tout nuage dévoilait une lune qui semblait le narguer en se remplissant un peu plus chaque jour.
C'est ainsi qu'une idée lui traversa l'esprit. Quelque chose qui, il le savait, serait capable de veiller sur Cassie et de la réconforter après son départ. Quelque chose d'unique et de personnel, qui la pousserait à se souvenir de lui à chaque fois qu'elle posera les yeux dessus...
Réaliser son projet l'occupa une grande partie de la journée et à peine celui-ci achevé, Cassie l'appela afin qu'il vienne la chercher. Une fois sur place, il l'attendit dans la voiture, mais la patience n'était pas son fort, celui-ci en sortit rapidement.
Il observait la porte d'entrée avec attention lorsqu'un bruit derrière lui le fit sursauter. Comme le souffle provenant d'un animal. Un ours ? s'alarma Hayden qui se retourna lentement avec la peur au ventre. Il se sentit bien bête en constatant qu'il ne s'agissait que d'un cheval qui l'observait à quelques mètres de là.
L'animal d'abord nerveux se calma lorsque Hayden s'approcha de lui en lui murmurant quelques mots d'une voix douce. Le jeune homme lui adressa quelques caresses affectueuses qu'il semblait apprécier.
— Fais attention, il n'a pas l'air très docile.
Hayden sursauta, Cassie se tenait seulement quelques mètres de lui. Il la dévisagea avec attention et fut rassuré de voir qu'elle semblait en bien meilleure forme que la veille.
Sur le chemin du retour, Cassie ne fut pas bavarde, mais Hayden préféra ne pas insister pour connaitre le détail de sa journée. Il se focalisa sur la pierre de lune dont il sentait le poids dans la poche de son manteau. Elle appartenait à Cassie. Qu'en aurait-elle fait s'il n'avait pas débarqué dans sa vie ? L'aurait-elle utilisé à des fins plus honorables que satisfaire les envies d'un type sorti de nulle part ? Sans doute que oui et pourquoi pas pour réaliser ses propres rêves ? Quels étaient les siens ? « Vivre, juste vivre » c'est ce qu'elle lui avait sorti lorsqu'il lui avait demandé ses projets.
— Comment tu te vois dans 10 ans ? lui demanda-t-il afin de comprendre ce qu'elle avait voulu dire par là.
— Je ne me vois pas admit-elle honnêtement.
Il la regarda avec étonnement lorsqu'elle lui précisa très sérieusement qu'elle n'avait aucun projet sur le long terme étant persuadée qu'elle mourrait avant ses 25 ans.
— On dit tout ça, car on ne veut pas s'imaginer vieux...
— Je le sais c'est tout lui assura-t-elle.
Hayden marqua un temps d'arrêt et ses mains se crispèrent au volant.
— Ne me regarde pas comme ça, intervint Cassie, je ne peux pas expliquer cela, je ne suis pas malade, mais je ne sais pas... Un présentement, ce qui doit arriver arrivera. On verra bien.
Hayden supposa que Cassie pensait cela à cause de son caractère. Cette fille était maniaque et aimait contrôler les choses. L'avenir étant la seule chose absolument incontrôlable, il lui semblait normal qu'elle flippe à ce sujet et ne prit finalement pas sa confession au sérieux.
— Et toi? Tes projets pour les 10 ans à venir ? Devenir acteur, faire de la musique c'est ce que tu m'as dit l'autre jour se remémora-t-elle.
— Je ne sais pas réalisa-t-il un peu déstabilisé. C'était mon plan, mais je ne sais plus. Je ne sais pas si ça me rendra vraiment heureux.
Elle lui adressa un sourire au coin ce qui le poussa à préciser :
— Acteur, chanteur. Avant d'être quelqu'un, je voulais surtout marquer le monde, peu importe comment. Laisser une trace. C'est un peu puéril en y réfléchissant...
— Tu as réussi.
— Oui, d'une certaine manière là-bas j'ai fait cela...
— Dans ce monde, tu n'auras marqué que mon mur lui lança-t-elle dans un rire étouffé.
— C'est vrai, dommages à part toi personne ne va le voir, soupira-t-il. En y réfléchissant, il n'est peut-être pas trop tard...
— Mais qu'est-ce que tu fous ! s'écria-t-elle paniquée alors qu'Hayden faisait subitement demi-tour. On va avoir un accident !
Il se gara précipitamment sur le bord de la route.
— Je veux juste marquer ton monde
Cassie ne comprit pas ce qu'il sous-entendait, elle le regarda fouiller à l'arrière du pick-up et s'éloigner d'un pas décidé. N'ayant pas vu ce qu'il avait pris, elle se résigna à le suivre dans le froid.
Elle sortit de la voiture et courut le rejoindre. Hayden se dirigeait vers ce vieux pont fait de pierres et de briques qui surplombait la route et s'arrêta au pied de celui-ci un pot de peinture à la main, l'un de ceux qui, supposa Cassie, avaient servi pour repeindre sa chambre.
— On va avoir des problèmes si on se fait prendre! s'écria-t-elle nerveusement en comprenant ce qu'il s'apprêtait à faire.
— Voilà personne n'oubliera Hayden ! annonça-t-il avec fierté
En admirant son nom qui tonnait à présent sur le pilier du pont. Cassie ne sut quoi penser. L'écriture était visible depuis la route. Une route qu'elle empruntait souvent étant la seule menant au centre-ville. Comment réagira-t-elle face à ces six lettres de peinture une fois Hayden retourné chez lui ? Raviveraient-elles de bons souvenirs ou ferait-elle naître en elle un chagrin inconsolable ?
Qu'importe, il était trop tard, Cassie allait devoir vivre avec. Quelle que soit l'issue de leur histoire, elle savait que les traces qu'Hayden avait laissées sur ce mur tout comme celles qu'il avait laissées dans sa vie ne s'effaceraient sans doute jamais.
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