Vieilles blessures
Il y a 9 ans...
"Vous êtes bien sur le répondeur d'Alison Davis, je ne suis pas là pour le moment mais vous pouvez laisser un message si vous n'êtes pas mon ex Shad. Si c'est le cas ne laissez aucun message après le bip sonore."
Ledit bip sonore retentit une énième fois dans le combiné et je me laisse lourdement tomber sur mon matelas.
Elle doit être occupée.
Seulement voilà, cela fait maintenant cinq mois que mes meilleures et seules amies sont trop occupées pour me répondre.
Lorsque Alison est partie en Californie et ensuite Lola à New York, je ne pensais pas que la distance aurait cet effet sur notre amitié. À vrai dire, je n'imaginais pas un seul instant que quoi que ce soit puisse nous séparer.
Et pourtant, cela fait cinq mois.
Hawaï J-7
- Franchement, elle n'avait pas l'air si en colère que ça...
Alison décolle sa tête de la porte de notre chambre pour me regarder un moment, comme si elle essayait de mesurer à quel point je suis sérieuse.
- Franchement, elle est certainement en train d'échafauder un plan pour se débarrasser de nous de la manière la plus douloureuse possible.
Je ferme les yeux un moment tout en jouant avec la moquette du couloir, seule distraction que j'ai sous la main en cette sombre période et cogne ma tête contre la porte à plusieurs reprises.
- Lola... ouvre nous Lola...
Alison se met elle aussi à gémir contre la porte en la grattant légèrement avec ses ongles.
- On voulait pas s'immiscer dans ta vie privée Lola... on regrette... ouvre nous Lola...
Un couple de touriste passe devant notre duo assis devant la porte d'une chambre et visiblement en train de harceler une cliente quand je lui glisse en chuchotant :
- Tu regrettes toi ?
Elle secoue la tête, les yeux exorbités et continue à gratter à la porte certainement sans y penser. Pendant ce temps, le couple passe, nous jette un regard intrigué et disparaît de notre champ de vision.
Tout en les observant, je lance d'une voix déterminée :
- Je vais enfoncer la porte Lola...
Alison me fixe alors avec des yeux exorbités et je secoue la tête, lui faisant signe que ce n'est qu'une provovation pour la forcer à nous ouvrir.
Sauf qu'Alison ne comprend pas.
Un peu agacée, je lève les yeux au ciel et articule tout en essayant de faire le moins de bruit possible :
- C'est du bluff !
Une voix résonne de l'autre côté du battant, visiblement agacée et au bout de sa patience :
- Je vous entends, espionnes en polystyrène.
Épuisée de ce petit jeu, je laisse lourdement tomber ma tête sur la porte en levant les yeux au ciel.
- Lola... ouvre nous. Laisse nous au moins nous expliquer.
À vrai dire, je ne m'attendais pas à ce qu'elle obtempère. C'est pourquoi j'ai mis quelques secondes à me rendre compte que ma tête reposait désormais sur du vide et que Lola me regardait de toute sa hauteur.
- Ah. Salut. Ma très chère amie.
Tout en levant les yeux au ciel, cette dernière nous fait signe d'entrer d'un geste las de la main et se dresse devant nous comme l'Everest, froide et hostile.
Bon d'accord, j'en fais peut-être un petit peu trop.
Alison se dépêche de se lever et lui adresse un sourire contrit tout en la saluant de la main.
- Hey ! Lola ! Comment ça va ?
Cette dernière nous regarde un moment sans la moindre once d'émotion et nous désigne le canapé d'une voix monocorde.
- Assis.
Nous obéissons sans trop faire d'histoire étant donné qu'il n'est pas nécessaire de rendre Lola plus furieuse qu'elle ne l'est.
Vraiment. Pas. Nécessaire.
Tout en m'asseyant, je ne peux m'empêcher de remarquer qu'il n'y a plus l'ombre d'un homme dans la pièce et que personne n'est sorti par la porte.
Je me surprends un moment à penser qu'elle n'a pu que le cacher dans un placard ou le faire sortir par l'accès piscine.
Ce qui n'est pas très pratique.
- Lysandre, arrête de fixer cette armoire.
De nouveau, j'obéis et reporte mon regard sur Lola, ses bras croisés et son regard bleu glacier qui nous transperce littéralement de part en part.
Doucement, elle pose une main sur son front, soudainement avec un air très fatigué :
- On dirait que je passe ma vie à être en colère après vous... je vous écoute. Qu'avez vous à dire pour votre défense ?
De nouveau, Lola me fait penser à l'avocate d'une grande multinationale dans une série TV.
- Tout d'abord, nous nous excusons, commence Alison incertaine. On aurait pas dû t'espionner c'était... bête.
La blonde acquiesce vivement en nous jettant un regard sévère.
- Mais... tu es tellement secrète ! Dis-je pour compléter. On voulait simplement en savoir plus sur toi, sur ta vie, ce que tu aimes, qui tu fréquentes ! Nous savons tellement peu de choses sur la nouvelle toi et sur ta vie...
Alison et moi tentons un moment de l'attendrir en levant sur elle des yeux larmoyants et en battant un peu des cils.
Malheureusement, ça n'a pas beaucoup d'effet sur Lola qui reste aussi expressive qu'une pierre.
Tout en attrapant son sac, elle secoue la tête et se dirige vers la sortie :
- C'est peut-être parce qu'il y a une bonne raison... je vais prendre l'air. Vos têtes me fatiguent.
Sur ces paroles pleines d'amour, elle quitte la pièce et n'oublie évidemment pas de claquer la porte.
- Bon, ça, c'est fait...
Je regarde Alison un moment et fait une grimace pour illustrer mon état d'esprit. Elle me la rend et se met elle aussi à fixer l'armoire :
- Tu crois vraiment qu'il est là dedans ?
Je secoue la tête, presque sûre de ce que j'affirme.
- Non, elle ne l'aurait pas laissé avec nous.
- Pas faux.
Mon amie se laisse lourdement tomber sur le lit et je l'imite avec un soupir.
Génial.
Lola nous déteste et nous ne savons toujours pas qui est ce mystérieux jeune homme.
Tout en émettant quelque chose entre la plainte et le grognement, Alison se contorsionne pour extirper sa valise se trouvant en dessous du lit et en sort son ordinateur portable. Tout en restant allongée, Alison l'allume et j'ai le bonheur de découvrir que oui, elle aussi est affreuse dans cette position.
- Je propose... qu'on aille harceler Lola sur les réseaux sociaux.
Tout en restant moi aussi allongée, je me hisse à côté d'elle et écrase ma joue contre son épaule.
- Comme ?
Elle hausse les épaules, faisant de nouveau tressauter ma tête et pianote à l'aveuglette sur le clavier de son PC.
- Son Facebook, son Twitter et pourquoi pas son Instagram même si je doute sincèrement qu'elle en ait un.
Je fronce les sourcils. Une Lola qui possède un compte Instagram ne serait plus notre Lola.
À vrai dire, je n'en ai un que pour fouiner la vie des autres.
Quoiqu'on ne puisse plus vraiment appeler ça du fouillage, puisque tout est étalé sous mes yeux.
Je ne fais qu'apprécier le spectacle.
Alison recherche le wifi de l'hôtel tandis que je me mets en quête du petit livret remis au début de notre séjour et qui contient tous les mots de passe et numéros importants.
Une fois le Saint Graal déniché, je me contorsionne une nouvelle fois pour pouvoir l'attraper et le ramène près de Alison. Je l'ouvre avec lassitude, n'ayant pas vraiment envie de mettre fin à mes vacances sans Internet et récite avec tout autant de motivation l'interminable suite de chiffres et de lettres.
- lapis-lazuli-234... ah non pardon c'est : lapis-laz0li...
- Quoi ?
- En gros ils ont remplacé le "u" de "lapis-lazuli" par un "0".
- Pourquoi ?
Je lève les yeux au ciel et laisse tomber le livret sur le matelas.
- Qu'est-ce que j'en sais moi Alison ?
Cette dernière lève les yeux au ciel et corrige mon erreur. Après quelques minutes de lutte nous arrivons enfin à bout de cette horreur et obtenons le wifi avec soulagement.
- À nous deux, vie privée de Lola !
Je la regarde faire avec un sourire amusé et suit ses mouvements rapides des yeux. En quelques secondes, Alison met ses promesses à exécution et tente de percer à jour le secret qu'est devenu Lola.
Oui, je dis bien tenter. Car non seulement la française du groupe n'a que très peu de réseaux sociaux, mais surtout il faut être son "amie" pour pouvoir accéder à leurs contenus.
Or, ni moi, ni Alison ne sommes amies avec Lola sur Facebook.
- Comment c'est possible ?
Je hausse les épaules, ne m'en étonnant qu'à moitié.
- Ça fait dix ans Alison. C'était même étonnant que Lola ait toujours mon numéro et toi le sien.
Elle me regarde un moment, de la confusion plein les yeux et secoue la tête.
- Comment on en est arrivées là...
Lui répondre ne serait pas compliqué pour moi. Je sais exactement quand et pourquoi nous nous sommes éloignées. J'ai simplement l'impression qu'Alison ne posait pas de question et qu'il est donc inutile de lui fournir une réponse qu'elle n'attend pas.
Elle referme son ordinateur portable d'un coup, ne prenant même pas la peine de l'éteindre. J'ai l'impression que ce constat lui a fait beaucoup de mal. Il est vrai que nos retrouvailles ont été immédiates. Aucune de nous ne s'est demandée si oui ou non notre amitié avait souffert de ces dix ans de séparation.
Nous avions d'autres chats à fouetter.
Et pourtant, je me rappelle encore comme si c'était hier des soirées passées à appeler Alison ou à envoyer des messages à Lola qui sont restés sans réponse.
La distance. Voilà comment nous en sommes arrivées là.
Alison a sûrement pu se faire des milliers d'amis à Los Angeles, Lola a dû trouver du réconfort dans ses études.
Mais moi, je n'avais qu'elles.
Je ravale la bile qui me monte à la gorge et ferme un instant les paupières. Alison doit le remarquer puisque lorsque j'ouvre de nouveau mes yeux les siens sont emplis de culpabilité et de quelque chose qui ressemble à une prise de conscience.
- Lys... je suis tellement désolée...
Je hausse les épaules une énième fois avec un petit sourire gêné.
- Ce n'est rien. On devrait retrouver Lola.
Mensonge.
***
- Où est-ce qu'elle a pu aller ?
Tout en protégeant mes yeux du soleil avec ma main, je fronce les sourcils pour tenter d'apercevoir mon amie malgré cette marée de gens. Le soleil hawaïen est encore très puissant malgré l'heure tardive et plusieurs personnes profitent encore de la piscine.
- J'en sais rien ! Probablement pas ici en tout cas !
J'ai conscience d'être assez désagréable avec Alison depuis notre discussion dans la chambre mais je ne peux pas refréner la vague de souvenirs qui afflue constamment dans ma tête.
La digue qui les retenait a cédé.
Jusque là, j'avais réussi à ne pas y penser. À vrai dire, j'ai été tellement occupée durant ces dernières semaines que cela ne m'a pas demandé beaucoup d'efforts.
Seulement voilà, il a fallu qu'Alison en parle.
Je n'arrive depuis plus à me sortir de la tête que j'ai accouru pour sauver une personne qui m'a abandonné une dizaine d'années plus tôt.
Sûrement fatiguée de mon ton sec, Alison s'arrête immédiatement d'avancer, retire ses lunettes et me toise un moment.
- Qu'est-ce qui ne va pas ?
Je soupire et baisse la tête. Personne autour de nous ne semble prêter attention à notre mini dispute et je ne peux que remercier le ciel pour ça.
- Rien du tout. Tout va bien. Retrouvons Lola, il commence à se faire tard.
Alors que je m'apprêtais à esquiver la conversation avec panache tout en fuyant habilement, Alison attrape mon bras et m'empêche de m'en aller.
- Lysandre. Nous avons traversé tout l'hôtel ensemble, fouillé la plage et maintenant nous nous attaquons à la piscine. Les seuls mots que tu as prononcé durant toute cette aventure visaient à me dire de me taire, à râler pour me dire que tu ne savais pas où est Lola et à te plaindre du fait qu'il fasse trop chaud. Tout ne va pas bien.
Je me dégage de son emprise avec une rage à peine dissimulée et me dirige tout droit vers une destination encore inconnue.
Sauf qu'évidemment, Alison vient se planter juste devant moi.
Et les mots sortent sans que je puisse faire quoi que ce soit pour les retenir.
- Franchement, ça t'étonne vraiment ? Je veux dire, c'est quelque chose que tu découvres ? Bon sang, ça fait dix ans ! Dix ans sans un coup de fil ! Et c'est pas faute d'avoir essayé, mais tu n'avais pas le temps d'accorder cinq minutes à une vieille amie puisque tu étais trop occupée à te taper des footballeurs. Quand on a fini le lycée, je n'ai eu le droit qu'à un pauvre sms impersonnel et triste. Et puis tu as tourné cette ignoble série et tu m'as totalement oublié !
Je prends un moment pour reprendre mon souffle et tenter de chasser les larmes qui menacent de couler.
- Vous m'avez abandonné. Voilà ce qu'il s'est passé. Tu avais tes nouveaux amis à Los Angeles, Lola ne m'a plus jamais adressé la parole après son départ et vous m'avez abandonné. Et je suis venue, pour toi, après dix ans.
Je plante mes yeux dans ceux d'Alison que je découvre aussi mouillés que les miens et détourne très vite le regard.
- Tu as appelé et Lola a décroché. Durant ces dix années, j'ai vécu des situations bien pires que celle dans laquelle tu es aujourd'hui et je n'ai même pas songé à téléphoner à l'une de vous. Tu sais pourquoi ?
J'étouffe avec peine un sanglot qui se transforme en un petit haut le cœur.
- J'avais bien trop peur de ne pas avoir de réponse.
Il s'écoule un long moment avant que j'ose de nouveau faire face à Alison. Lorsque je me décide finalement à poser mon regard sur elle, ce dernier est attiré par quelque chose d'autre.
La scène.
Je n'y prête généralement pas attention bien que je sache que l'on donne parfois des spectacles le soir au bord de la piscine parce que je n'aime pas particulièrement ce genre d'animation.
Mais c'est très différent aujourd'hui et pour cause.
Mike est sur cette scène.
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Coucou mes petits oursons qui sentent la menthe !
Voilà pour ce chapitre ! La première partie de la fiction est bientôt terminée et nos trois héroïnes s'envoleront pour Rome dans peu de temps !
Je profite de ce chapitre pour vous annoncer ma participation au concours X-Writor. Peut-être l'aviez vous remarquer, peut-être pas mais dans tous les cas...
Je participe au concours X-Writor.
Cette fiction a d'ailleurs été retenue pour participer au deuxième cycle (YOUPIIIII) du concours contrairement à 4 Vies pour ses quelques éventuelles lectrices ou lecteurs qui traînent par ici.
Pas très étonnant.
Le concours est composé de plusieurs cycles dans les lesquels les jurés viennent déposer leurs commentaires en bas des segments des fictions concurrentes. C'est un concours très exigeant mais aussi très instructif et intéressant pour nous, auteurs, puisqu'il nous permet de connaître les points faibles et points forts de nos fictions mais aussi d'en découvrir des aspects que nous n'avions même pas remarqué.
Ou du moins, en ce qui me concerne.
Tout ça pour dire que ces gens sont ici pour m'aider et non pour m'insulter ou critiquer gratuitement ma fiction. Si je fais cette remarque c'est parce que certains lecteurs de certaines fictions auraient apparemment mal réagi aux commentaires des jurés.
Donc, s'il vous plaît, n'aboyez pas sur eux, ils n'ont rien fait.
Personnellement je suis convaincue qu'aucun de vous n'aurez eu ne serait-ce que l'idée d'aller les importuner mais je vous idéalise sans doute.
Forcément, vous êtes mes lecteurs chéris, vous êtes parfaits.
En tout cas, merci à tous ceux qui me lisent et un plus grand merci encore à ceux qui commentent pour me donner leurs avis.
À très bientôt pour un nouveau chapitre !
Kissssssssssssssss
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