Un chat clandestin

Il y a 14 ans...

Assises toutes les trois devant le Roi lion, nous dégustons en silence et avec amour une immense boite de pop-corn préparé par le père d'Alison. Avec l'orage qui gronde dehors, impossible pour nous de sortir. Pourtant le programme de cette journée d'été s'annonçait merveilleux. Au lieu de ça je dois assister pour une énième fois à la naissance de Simba. 

La fenêtre ouverte de la cuisine grince d'un coup et nous nous retournons toutes les trois comme un seul homme. Nous sommes seules au rez de chaussée et ce bruit était tout sauf rassurant. Je me lève d'un bond et avance lentement vers la cuisine, mes deux amies me suivent à pas de loups. 

On dirait un film d'horreur. 

Je frémis lorsque le tonnerre gronde et m'aperçoit que la fenêtre est désormais grande ouverte. 

- Ce n'est peut-être que le vent, nous dit Lola d'une petite voix. 

Un saladier se renverse d'un coup et nous poussons toutes les trois un cri suraigu. Nous nous regroupons et attendons le pire lorsque j'aperçois un énorme chat noir nous regarder avec flegme. Je tapote le bras d'Alison qui avait fermé les yeux et lui désigne le chat, celle-ci se met à courir vers lui et sans qu'il ait le temps de s'enfuir, le prend dans ses bras et nous l'expose comme un trophée  

- Regardez, un petit chat !

Alison câline avec amour cette boule de poils immonde qui ne semble pas du tout consentante et qui aimerait sans doute être n'importe où qu'ici. 

- Il n'est pas... enfin il est... c'est juste que... 

- Il est affreux, termine Lola à ma place. Au moins centenaire et sûrement bardé de puces. J'ai toujours détesté les chats de toute manière...

Alison écarquille ses petits yeux marrons et nous jette un regard méchant. 

- Pas du tout ! Il est adorable et je vais l'appeler Simba, comme dans le Roi lion. 

Le père d'Alison descend les escaliers de la maison avec une vitesse surprenante et se poste auprès de nous vérifiant que nous allons toutes bien. Une fois ce petit constat terminé il respire de nouveau et remarque le chat dans les bras d'Alison. Il n'a pas le temps de dire quoi que ce soit que sa fille argumente déjà.

- Papa s'il te plaît on peut le garder ? S'il te plaît, s'il te plaît, s'il te plaît, s'il te plaît, s'il te plaît, s'il te plaît... 

Son père l'interrompt d'un geste.

- Alison on ne connaît pas ce chat, il est sûrement à quelqu'un, il a l'air d'un véritable sac à puces et on dirait bien qu'il est en fin de vie... je ne pense pas que... 

- Sacàpuces ça lui va bien non ? Demande Lola réellement sérieuse. 

Des larmes commencent à naître aux coins des yeux d'Alison. 

- Papounet chéri... s'il te plaît...

Los Angeles, J-1:

Les jours ont filé à une vitesse surprenante. 

Nos derniers moments à Los Angeles se sont écoulés dans le calme et la bonne humeur. La plupart du temps, nous restions chez Alison à regarder des Disney en mangeant de la pâte à tartiner bio. Ce n'était pas très intéressant mais ça me convenait. 

Alors que maintenant, c'est tout simplement l'enfer.  

- Lysandre tu t'occupes de nettoyer la maison, Alison je te confie nos valises, pendant ce temps je m'occuperai de la nourriture étant donné que je ne vous fais absolument pas confiance sur ce point. 

Alison et moi nous éloignons en traitant Lola de "sale dictatrice obsédée par le bio" mais suivons tout de même ses instructions à contrecœur. Les préparatifs pour Hawaï sont déjà bien entamés mais Lola tient à ce que tout soit parfait.

Et c'est littéralement du harcèlement.

Je ne sais pas ce que j'ai bien pu faire pour hériter du ménage mais au vu du regard que me lance Lola je ferais mieux de ne pas trop traîner. J'empoigne alors un chiffon et du produit ménager sous l'évier de la cuisine et commence à nettoyer le comptoir sans grande conviction pendant qu'Alison se dirige vers sa chambre. Malheureusement pour moi, je n'avais apporté qu'une poignée de vêtements puisque je ne comptais absolument pas m'éterniser à Los Angeles et encore moins partir à Hawaï avec mes deux plus vieilles amies. Lola avait quant à elle bien évidemment prévu le coup et a assez de vêtements pour tenir une décennie. Étant trop ronde pour entrer dans les fringues d'Alison et trop grande pour celles de Lola, je vais sûrement devoir porter le même short pendant deux mois ou me ruiner dans des magasins beaucoup trop chers. 

Ô joie. 

- Psssssst ! Lys !

Je tourne la tête vers la source du bruit et découvre Alison, à demie cachée derrière sa porte, et me faisant de grands gestes pour attirer mon attention. 

Je vérifie doucement que Lola est trop occupée pour me voir et la rejoint dans la chambre. Alison ferme lentement la porte derrière moi et se précipite derrière son lit. Elle se baisse, ramasse quelque chose qui miaule et me l'exhibe comme un trophée. 

J'éclate bruyamment de rire. 

Alison me fait signe de me taire en me montrant la porte pendant que son chat me mitraille de ses étranges yeux verts. 

- Ne me dis pas que c'est Sacàpuces, lui demandé-je toujours morte de rire. 

Alison lève les yeux au ciel.

- Il s'appelle Simba combien de fois devrais-je le répéter ? 

Ma crise de rire qui s'était quelque peu calmée repart de plus belle.

- Mais Aly on en avait déjà parlé ce chat est tout sauf roux ! C'est une immonde boule de poils noire qui ne ressemble en rien à Simba et qui a au moins cent ans ! 

Alison se renfrogne et sert l'horrible chat contre elle, celui-ci ronronne contre les bras de sa maîtresse et semble me toiser de là où il est. 

- Il s'appelle Simba, c'est actuellement le seul homme de ma vie et le seul qui ne m'a jamais lâché. Je veux l'emmener. 

 Mon rire cesse immédiatement et je fixe Alison avec des yeux exorbités. 

- Tu te moques de moi ? J'ignore encore comment tu as fait pour le cacher à Lola tout ce temps mais tu sais très bien que si elle le voit, elle en fait de la rillettes bio. Et bien sûr ne parlons même pas des contrôles de sécurité à l'aéroport, on ne peut pas faire passer clandestinement un chat il faut demander l'avis de la compagnie aérienne et faire tout un tas de procédures ! 

Le chat nous fixe tour à tour Alison et moi beaucoup moins serein qu'il y a quelques minutes. La mention de la rillettes de chat de Lola ne semble pas lui plaire beaucoup. 

- Écoute, j'emmène Simba et c'est comme ça. Soit tu m'aides, soit tu te tais. 

Je pèse en vitesse le pour et le contre, estime nos chances de survie, commence à établir une stratégie et jette un œil à Alison et son chat qui me fixent tout deux les yeux larmoyants. 

- Bon c'est d'accord, dis-je dans un soupir. Je vais t'aider. 

***

L'aéroport sera l'étape de notre croisade la plus complexe. 

Il faudra en premier lieu éviter les paparazzis qui sont constamment à l'affût afin d'avoir une photo immonde d'une star pour leurs torchons quotidiens.  

Il faudra ensuite passer les contrôles de sécurité sans que ce maudit chat soit détecté. 

Ce qui est tout simplement impossible. 

Donc, il faudra expliquer à Lola pourquoi nous avons dû fuir comme des voleuses. 

Alison et moi avons tout planifié. Sacàpuces est dans un sac à main d'Alison, confortablement installé et caché sous une pile de coton. Les contrôleurs seront, je l'espère, moins vigilant pour cet accessoire et Sacàpuces pourra peut-être passer incognito. 

Au cas où ce dernier serait détecté, Alison, moi et Lola sommes munies de perruques et autres déguisements ridicules que nous avons mis de force sur la tête de Lola en prétextant que c'était pour ne pas se faire reconnaître. 

Elle n'a pas du tout apprécié la plaisanterie. 

Ce qu'elle ne sait pas, c'est que ces perruques nous serviront à détaler et à se faire oublier au cas où notre description physique est communiquée à tout l'aéroport. 

Je me prends peut-être un peu trop la tête pour un chat. 

Après tout nous ne nous apprêtons pas à commettre un meurtre ! Ce n'est qu'un chat. 

Rien qu'un chat. 

Tout va bien. 

Alison me lance un regard effrayé avant d'entrer dans la file des contrôles, nous attendons quelques minutes, Alison et moi ne parlons pas et n'écoutons pas plus Lola le faire.

Puis notre tour vient. 

Nous déposons nos objets métalliques dans les corbeilles et avançons timidement vers les contrôleurs. Lola est la première à passer au détecteur de métaux puis à se faire fouiller pour finalement devoir présenter son bagage à main. Je m'avance à mon tour la boule à la gorge alors que ce n'est même pas moi qui transporte Sacàpuces. Je présente mon bagage à main au contrôleur qui fronce les sourcils et plonge la main dans mon sac. 

- Je vais devoir...

- Non vous mentez il n'est pas là ! 

Le contrôleur me lance un regard ambigu et fronce de nouveau ses imposants sourcils. 

- Je parlais simplement de cette bouteille. Elle n'est pas conforme je vais devoir la retirer. 

Je reste muette en le regardant la bouche grande ouverte.

- Ah...

- Mais je serai curieux de savoir de quoi vous voulez bien parler. 

- Oui moi aussi, me dit Lola d'un air menaçant. 

Ne sachant pas quoi dire, je me mets à bredouiller des excuses sur le stress d'une toute petite voix à peine audible et surtout peu convaincante. Tout en tripotant ma perruque rousse, je supplie du regard mes deux persécuteurs de me laisser tranquille.

- C'est ma faute ! Elle voulait parler de mon grille-pain ! 

Alison sort ledit grille-pain de son bagage à main et le pose sur le tapis roulant avec une précaution incroyable. Elle se tourne vers nous et se met subitement à pleurer tout en caressant le grille pain qui commence son ascension vers nous. 

- Il appartenait à mon fiancé mort pour l'Amérique... Johnny mon amour si tu nous entends...

Alison fond littéralement en larmes et les essuie ensuite du bout des doigts. 

- Je n'arrive pas à m'en séparer... même pour une courte durée. 

Le contrôleur reste bouche bée tout comme moi et Lola. Reprenant ses esprits il hoche la tête et saisit ma bouteille d'eau tout en me demandant de circuler. Alison avance donc en serrant ses deux bagages contre elle, des larmes encore au coin des yeux. L'homme ose à peine la toucher et ne vérifie même pas son sac. Il lui tapote l'épaule un peu maladroitement comme pour s'excuser lorsque qu'elle court récupérer le grille-pain de Johnny. Elle lui fait un signe de la main tout en laissant couler une dernière larme avant de nous rejoindre. 

- Je ne sais même pas quoi dire tellement je suis épuisée, nous annonce Lola en nous jetant un regard outré. 

- Moi je voudrais savoir pourquoi tu avais effectivement un grille-pain dans ton bagage à main et comment tu fais pour être si convaincante. 

Alison me jette un regard en biais et émets un petit bruit d'exaspération. 

- C'était en cas d'excuse si Simba sonnait ! De plus je n'aurais jamais eu à user de mes talents de comédienne si tu n'avais pas aussi lamentablement merdé ! 

- Mais tu m'expliques pourquoi il aurait sonné ton maudit chat ?!

- Et vous vous m'expliquez pourquoi vous être en train de dire n'importe quoi ? 

Nous interrompons notre petite dispute pour nous tourner vers Lola qui nous foudroie littéralement du regard me faisant immédiatement déglutir. 

- À trois on court, m'annonce Alison. 

Je jette un regard à Lola qui semble prête à faire de nous son repas et hurle :

- OK ! TROIS ! 

***

- Je vais vous frapper si fort que vous ne vous relèverez jamais si vous ne me dites pas immédiatement ce qu'il se passe ! 

Alison et moi nous jetons un regard indécis et montons nos bagages à main dans la soute. Alison tient fermement le sac à main qui contient Sacàpuces en se laissant tomber lourdement sur le siège du milieu. Je prends celui côté hublot et Lola s'installe côté couloir. Alison pose son doigt sur sa lèvre inférieure et semble réfléchir intensément. 

- Tu promets de ne pas péter un câble si je te dis que Simba est parmi nous ? 

Lola fronce les sourcils et cherche profondément quelque chose dans sa mémoire qui ne lui revient apparemment pas. 

- Quoi ? Hurlé-je complètement outrée. Tu ne te souviens pas de Sacàpuces ? 

Les yeux de mon amie s'éclairent d'un coup mais s'obscurcissent la seconde d'après.

- Ne me dis pas que cet immonde chose énorme et inutile est toujours en vie ? 

Alison frappe le bras de Lola avec une haine non feinte et ouvre son sac. 

- Il s'appelle Simba ! Et il n'est ni énorme ni inutile ! 

Lola passe sa main sur son front en apercevant ce pauvre chat nous regardant du fond du sac. Il ne semble pas très rassuré de voir Lola, sans doute qu'il a toujours des souvenirs d'elle et de la rillettes de chat. Alison le caresse gentiment et l'affreuse bestiole ronronne en nous jetant un regard de défi. 

"Mangez moi si vous le pouvez."

Lola me regarde avec incrédulité et pointe le chat du doigt. 

- Vous avez fait passer ce truc clandestinement ? 

J'ouvre la bouche pour répondre mais je ne sais quoi dire à part oui. Oui Lola, j'ai effectivement manœuvré en secret dans le but affreux de faire passer cette immondice dans cet avion. 

- C'est possible oui. 

Lola se laisse tomber sur son siège. 

- Vous vous moquez de moi... vous êtes au courant qu'il était possible de lui offrir un voyage bien plus confortable en prévenant tout simplement la compagnie ? Ils l'auraient mis dans une petite cage, dans la soute et il nous aurait pas fait chier ! De plus franchement, vous avez passer l'âge de faire ce genre de conneries.

Je regarde Alison avec interrogation. 

Non. 

Je ne savais. 

- Je... je sais ! Bredouille Alison. C'est simplement que Simba est trop lourd selon leurs critères ! Et c'est hyper cher leur truc ! En plus c'est un Persan et ils disent qu'avec leurs petits nez ils ont du mal à respirer, ce qui est faux bien sûr. 

Lola lève les yeux au ciel et moi je considère le fait que je viens peut-être de tuer ce chat en aidant Alison à le mettre dans cet avion. 

- Si il passe le voyage, dit Lola en pointant Sacàpuces du doigt, j'en fais de la terrine de ce maudit chat ! 

Ah, j'y étais presque. 

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