Los Angeles, J-4 :

- On va lui arracher les os. 

- Et les couilles. 

- Lui enlever ses yeux avec des cuillères. 

- Et les lui faire bouffer. 

- On va le torturer.

- Jusqu'à ce qu'il crève. 

- On va le noyer.

- Puis le cramer. 

- Puis jeter ses cendres dans le vide-ordure. 

- Où il rejoindra ses semblables.

Lola et moi finissons notre petite énumération ainsi tout en terminant d'appliquer notre rouge à lèvre. Alison ne semble pas vouloir participer et reste allongée sur le lit tel un gros légume moisi. 

- Je ne veux pas y aller...

Lola et moi nous retournons en coup de vent et je lui jette avec haine mon tube de rouge à lèvre de la même couleur que le sang de Connard Ultime qui ne manquera pas de couler aujourd'hui. 

- Bien sûr que si tu veux y aller Alison ! Répète après moi : "je veux aller faire la peau à mon connard d'EX"

Alison me regarde avec des yeux complètement vides et soupire lourdement.

- Il est hors de question que je... aïe mais vous êtes complètement folles ! 

Cette fois c'est Lola qui a pris la décision de lui jeter son escarpin à la figure. 

- Répète ! 

Alison lève les yeux au ciel et répète ce que je lui ai dis avec peu de conviction : 

- Je veux aller faire la peau à mon connard d'EX. 

- Merci ! Dis-je en récupérant mon rouge à lèvre qu'elle tenait nonchalamment dans sa main. 

Je glisse le tube dans mon sac et enfile ma robe rouge assortie à celle de Lola et d'Alison. 

Comme ça, le sang ne nous tachera pas. 

Nous avons finalement trouvé notre bonheur chez un couturier dont j'ai oublié le nom, notre recherche fut laborieuse mais je dois avouer que ça en valait largement la peine. Lola se contorsionne à présent dans sa magnifique robe fourreau tandis qu'Alison ajuste la sienne avec lassitude. Une longue fente sépare sa jupe dévoilant ses longues jambes fines et dorées. 

Je meurs de jalousie. 

Je soupire une fois. Puis deux. Puis trois. Puis je me décide enfin à jeter un regard à mon reflet dans le miroir. 

Je ressemble plus à un gros tas de tissu qu'à un ange vengeur comme le voulait Lola. Je suis la seule à avoir choisie une robe courte, j'ai besoin d'avoir un contrôle total de mes mouvements ce soir. 

J'ai des fesses à botter. 

Lola vient replacer ma robe, la rajustant de ses mains expertes. 

- C'est pas mal, admet-elle. Pour une fois que tu ressembles à quelque chose. 

Je vais le prendre comme un compliment. 

Nous finissons notre préparation puis quittons la villa d'Alison au pas de course. Nous nous installons à l'arrière de la voiture d'Alison tandis que celle-ci se place derrière le volant. Alison a toujours eu une passion pour l'automobile et son garage est étourdissant. Plusieurs voitures dont je ne veux même pas connaître le prix stationnent dans une grande pièce grise et sans artifices. 

Qui pourrait croire qu'Alison Davis préfère les voitures à la mode ? 

Moi, et Lola évidemment. Son père est garagiste, les boites motorisées ça la connaît. 

Alison a choisi la voiture que nous avons pris seule, nous n'avons pas eu voix au chapitre cette fois-ci. Son choix s'est porté sur une très belle Maserati de couleur noire.

Une Maserati. 

Mon amie d'enfance possède une Maserati. 

Tout va bien. 

Installée derrière le volant, Alison caresse presque charnellement le cuir de la voiture pendant que Lola bougonne que le véhicule est un horrible doigt d'honneur à l'environnement et qu'elle ne montera plus jamais dans une telle abomination. 

Ah, Lola et l'environnement. 

Alison démarre et sans que je comprenne quoi que ce soit, je me retrouve propulsée dehors a une vitesse impressionnante. La voiture rugit comme un lion en cage et un immense sourire se dessine sur les lèvres d'Alison. 

- Prêtes ?

Absolument pas. 

***

-  ALISON JE VAIS VOMIR ! 

- ALISON ELLE VA VOMIR SUR MA ROBE VALENTINO !

- On est presque arrivées calmez vous ! 

Alison se gare comme une clocharde sur le bord du trottoir et je descends en trombe escaladant Lola au passage. Je vomis l'intégralité des biscuits de sésame bio de Lola sur le sol en me tenant le ventre de façon très peu délicate. 

Lorsque je relève la tête, j'ai plus d'une centaine de paires d'yeux braquées sur moi. 

Je me retrouve nez à nez avec Emily et son nouveau mari, tous deux en tenue de mariage et visiblement pas très heureux d'avoir du vomi sur leurs magnifiques chaussures. Je me redresse lentement pendant que Lola se contente de mourir derrière moi appuyée sur Alison qui elle aussi rit à s'en décrocher la mâchoire. J'essuie le reste de vomi au coin de ma lèvre et leur fais un sourire un peu contrit tout en tendant ma main qu'ils regardent avec dégoût. 

- Lysandre Clark, je me tape occasionnellement Alison. 

Lola arrive derrière moi toujours un immense sourire aux lèvres et visiblement d'humeur joueuse. Elle me claque vivement les fesses et tire cette pauvre Alison vers nous :

- Lola Leroy, moi aussi. 

Je retire finalement ma main lorsque je comprends qu'ils ne veulent vraiment pas la serrer et pense soudain aux paparazzis qui se cachent sûrement dans des buissons.

Tant pis. 

Nous partons rejoindre les autres invités en riant et observons les mariés reprendre leurs esprits. Emily porte une magnifique blanche digne d'une princesse Disney et Connard Ultime un smoking qui a du coûter l'équivalent de ce que j'ai dû dépenser en une vie.

- Toute cette thune, dis-je à Lola en m'éventant d'une main, c'en est presque vulgaire. 

Mon amie me regarde de bas en haut et reporte son regard vers les mariés, un sourire aux lèvres. 

- Tu portes actuellement une robe à plus de cinq mille dollars. 

Je balaie ses propos d'une main et continue d'observer Connard Ultime et Emily saluer leurs amis avec tellement d'enthousiasme que cela sonne faux. Tout ce mariage sonne faux. 

- Tais toi et laisse moi penser que j'ai choisi d'être pauvre. 

Lola hausse les épaules et lève son majeur vers Connard Ultime lorsqu'il pose les yeux sur elle. Elle fait joyeusement tournoyer son doigt et accompagne cette petite danse d'un immense sourire Colgate. Le fameux sourire. Celui qu'Emily commence à connaître. Connard Ultime lui répond en secouant simplement la tête d'un air dépité pendant qu'Alison roule une énorme pelle à...

Oh oh oh. 

Attendez... 

Comment ça se fait ça ? 

Lola et moi nous tournons vers elle comme une seule femme, son doigt toujours en suspend et mon air surpris toujours sur le visage. Alison ne nous prête pas beaucoup d'attention et continue de faire un lavement buccal à notre nouvel ami. Les invités se mettent en marche vers le mairie mais nous ne les suivons pas étant donné qu'Alison ne veut toujours pas lâcher sa proie.

- C'est qui lui, demandé-je en pointant le brun de l'index.

- Ça, répond Alison avec motivation, c'est notre seul chance de rendre Connard Ultime dégoûté.

Lola hausse un sourcil et me regarde perplexe. 

- Je croyais que tu ne voulais plus te venger ?

Alison roule des yeux et saisit le menton de ce pauvre jeune homme.

- La vue de ces deux traitres a rouvert quelques cicatrices. Chris, ici présent est le meilleur ami et confident de Connard Ultime. Il est particulièrement sexy aussi. Je pense qu'il est temps de rendre la pareille à mon ex. 

Lola et moi acquiesçons vivement, heureuses de voir que la période dépression d'Alison n'est plus qu'un lointain souvenir. 

- Très bien alors... je déclare la chasse au connard ouverte !

***

Ils m'agacent.

C'est indéniable. 

Je ne sais pas réellement pourquoi, après tout ce n'est pas moi qui voit mon ex se marier avec ma meilleure amie. Pourtant les voir s'embrasser et minauder comme des gamins de quinze ans m'est insupportable. Peut-être est-ce aussi parce qu'Alison ne cesse de ronchonner et de gigoter sur sa chaise. 

- Tiens toi tranquille, lui intime Lola d'un ton ferme, notre heure n'est pas encore venue. 

Alison râle un peu mais finit pas se calmer. Néanmoins, je commence moi aussi à en avoir sérieusement assez. Nous n'en sommes qu'à la première étape de cette insupportable union et j'ai déjà envie de briser les deux jambes de Connard Ultime. 

- Et quand est-ce qu'elle viendra notre heure, demandé-je à Lola d'une voix emprunte de désespoir. 

Cette dernière me frappe la cuisse d'une petite tape et me lance sans le moindre égard pour mes pauvres nerfs : 

- Sois patiente, souris et pense à ce que tu lui feras quand on le coincera. 

Je soupire longuement et reprends ma contemplation du bonheur de ces deux enfoirés. Tout ça me rappelle à quel point je suis seule. 

Il faut que je rappelle mon ex.

À tout prix.

- Lola... dis-je d'une voix doucereuse. 

- Lysandre... me répond-elle un peu suspicieuse. 

- Tu crois que je devrais rappeler Mike ? 

Seconde tape sur la cuisse. 

- Bien sûr que non ! 

- Mais... 

Lola soupire et jure le plus silencieusement possible. 

- Il faudrait savoir à la fin, c'est ton ex ou ton mec ? 

Je hausse les épaules. Nous avons une relation peu commune je suppose. 

- C'est... compliqué. 

Une vieille dame coiffée avec un chat mort sur la tête nous demande avec gentillesse et politesse de fermer nos gueules pour qu'on puisse écouter toute l'étendue de la niaiserie de ce mariage. 

Je n'écoute pas vraiment ce que dit le maire, j'entends simplement deux "oui" retentissants et une porte claquer. 

Alison. 

***

- Il n'avait pas le droit ! Il n'avait tout simplement pas le droit de m'humilier ainsi après tout ce que nous avons vécu ! 

Alison frappe dans le mur de la mairie et le regrette la seconde suivante. Plusieurs émotions se succèdent à la suite sur le visage de mon amie. Colère, souffrance, peine, colère...

Au fond une seule seulement est authentique. 

Elle sautille sur place en tenant son pauvre poing dans son autre main et donne aux mariés différents noms d'oiseaux que je ne répéterai pas. Puis Alison s'affale sur le mur qu'elle a molesté quelques secondes plus tôt et continue de marmonner des choses incompréhensibles.

- C'est un connard. 

- Oui, répondis-je en chœur avec Lola.

- Je le déteste. 

- T'as raison. 

- Il peut aller crever.

- Assurément. 

Alison ne dit plus rien et nous nous laissons tomber à ses côtés. 

- T'as terminé ? Demande Lola. 

- Je crois...

- Parfait alors...

- Non mais vous vous rendez compte quand même ?!

Lola et moi soupirons en même temps et écoutons les plaintes d'Alison avec patience. Nous nous relevons ensuite direction l'église. Cette journée est loin d'être terminée et je compte bien faire payer à cet enfoiré ce qu'il a fait à Alison. 

- Je suis censé vous suivre ? 

Le dénommé Chris se tient quelques pas derrière nous, les mains dans les poches et un sourire en coin sur les lèvres. 

La partie continue.