Perte de contrôle
Los Angeles, J-7 :
- Allez cette fois c'est la bonne ! La chance va nous sourire !
Je regarde Alison avec l'espoir qu'elle sorte enfin de sa léthargie et lui sourit.
Elle ne me rend pas ce sourire.
Je ne me décourage pas et tire joyeusement le levier de la machine à sous. Lola et moi avons traîné Alison dans le casino le plus proche en espérant que notre amie revienne à la vie.
Lola s'amuse.
Alison et moi pas tellement.
Les rouleaux se déclenchent et se mettent à tourner. Toutes les combinaisons possibles et inimaginables se forment sous mes yeux ébahis.
Sauf la bonne.
La machine s'arrête définitivement et aucune maudite pièce ne tombe.
Je me tourne vers Alison qui me fixe le regard éteint, on dirait bien que le meurtre du portable de Lola n'a pas suffit à la remettre sur le chemin de la joie de vivre. Elle me désigne le bar d'un signe de tête et je capitule, résignée. Nous passons devant la table de poker à laquelle est attablée Lola. Celle-ci ramasse ses jetons avec entrain en ratissant la table de ses bras grands ouverts. Elle nous aperçoit et se lève de table emportant ses jetons et les regards haineux des autres joueurs. Je lui fais signe que nous allons au bar et rattrape Alison qui semble visiblement bien décidée à parvenir à sa destination. Je m'installe sur le tabouret à côté du sien et demande au barman la même chose qu'elle.
- Bon, c'est vrai qu'on a pas eu beaucoup de chance ce soir... mais ça ne veut pas forcément dire que...
- Fermes-là.
J'obéis et la regarde boire l'intégralité de son verre pour en recommander un autre la seconde d'après. Je regarde le liquide ambré dans mon verre et y plonge doucement les lèvres.
C'est mauvais.
Vraiment mauvais.
Pendant que je jaugeais le liquide, Alison s'est de son côté enfilé trois verres de ce même alcool. Lola nous rejoint enfin et se laisse lourdement tomber sur le tabouret à ma gauche.
- Je les ai éclaté !
Voyant que nous ne réagissons pas, Lola s'intéresse à ce que nous avons dans la main.
- Qu'est-ce que vous buvez ?
- J'en sais rien mais c'est pas bon.
Elle saisit mon verre et y trempe les lèvres, elle fait ensuite signe au barman pour avoir la même chose.
- Et on boit pour fêter quoi ? Demande Lola en prenant une gorgée de son verre.
Je ne réponds pas et regarde Alison qui commence sérieusement à être éméchée.
- Ma rupture ! S'exclame Alison soudain plus joyeuse. Ma rupture avec l'autre gros con.
- Énorme con, renchéris-je.
- Insupportable con, poursuit Lola.
Nous nous consultons du regard pendant une bonne minute et vidons nos verres en un seul mouvement.
- De toute façon je n'ai jamais pu le supporter.
J'acquiesce vivement à la remarque de la Lola et rajoute :
- Moi non plus ! Je le détestais même ! Il avait une gueule de poireau.
En vérité je n'ai jamais parlé à l'ex d'Alison, je ne l'ai même jamais réellement rencontré. Tout ce que j'ai vu ce sont des photos, et je sais qu'ils avaient l'air de s'aimer.
- Vous avez raison. Il avait une petite bite aussi. Et il puait de la gueule.
Lola et moi acquiesçons vivement, prêtes à tout dire pour remonter le moral de notre amie.
- On bouge, déclare Alison en abandonnant son verre vide sur le comptoir.
Lola laisse un billet au barman pour régler nos consommations et nous poursuivons Alison à l'extérieur en courant à moitié pour la rattraper. Il est bien sûr hors de question de conduire dans notre état alors nous abandonnons la voiture sur le parking puis nous le quittons. Alison titube le long de la route en murmurant des choses incompréhensibles tandis que Lola et moi restons quelque peu en retrait, nous jetant de temps à autre des regards interrogatifs.
Alison s'arrête quelques mètres plus tard devant la devanture d'un bar délabré et complètement louche.
Le genre d'endroit que je préfère éviter.
Alison entre et je regarde Lola, hésitante. Celle-ci hausse les épaules et entre à son tour dans le bar.
Bon.
Je suppose que c'est mon tour.
Je fais un grand sourire aux hommes qui stationnent devant le bâtiment et qui peuvent potentiellement être des violeurs ou des tueurs en série et entre. Une forte odeur de cigarette règne dans la pièce à éclairage sombre.
Ou tamisé.
Tamisé c'est beaucoup plus rassurant que sombre.
La pièce contient quelques tables et quelques alcooliques qui accompagnent ces tables, la voix de Michael Jackson est crachotée par les vieilles enceintes poussiéreuses accrochées au-dessus du bar et mes alcooliques préférés émettent quelques sifflements à mon entrée.
Mais pourquoi est-ce que j'ai suivie Alison ?
Celle-ci est d'ailleurs déjà accoudée au bar et bavarde avec le barman qui semble bien la connaître. Je rejoins Lola un peu en retrait et fais un geste de main au vieil homme à la barbe grisonnante.
- Tu sais ce qu'on fait là ?
Lola fait un grand sourire au barman et me réponds sans me jeter un regard.
- Non, mais je t'avoue que l'idée de rester là à regarder Alison discuter avec un vieil ivrogne de quatre-vingt ans ne me plait pas beaucoup.
Celle-ci se retourne, un verre de vodka à la main et les sourcils froncés.
- Danny n'est pas un ivrogne ! Et il n'a que soixante-quatre ans....
Nous jetons un bref coup d'œil audit Danny qui sourit légèrement en essuyant son comptoir. Avec un soupir nous rejoignons Alison et nous prenons un tabouret chacune, le mien émet d'ailleurs un grincement assez inquiétant lorsque je m'assieds dessus.
Si mes fesses cassent le tabouret, je mets fin à ma vie.
Fort heureusement, le tabouret proteste encore un peu mais finit par se taire. Danny nous verse une vodka que Lola avale sans même réfléchir. De mon côté j'inspecte mon verre avec méfiance et le repose sur le comptoir.
Je suis décidément la plus raisonnable de nous trois.
Puis je prends quelques minutes pour observer mes amies, tandis que l'une semble beaucoup plus heureuse que lorsque qu'elle était sobre l'autre à le regard perdu sur son verre vide, elle en recommande un autre.
L'idée absurde que peut-être, je ne suis pas la plus raisonnable mais bien la plus heureuse de nous trois me traverse alors l'esprit. Peut-être que finalement rendre le sourire à Alison n'est pas le seul objectif de la mission Carotte. Peut-être aussi que Lola a besoin de se changer les idées.
Celle-ci farfouille maintenant dans les poches de son manteau pour sortir son portable fraîchement acheté, je stoppe sa main et saisis l'objet de sa convoitise. Elle me lance alors un regard noir et tends la main vers moi.
- Lys. Portable. Maintenant.
Je secoue la tête et enfouis le téléphone dans la poche de mon jean.
- Non. Pas ce soir. Lola est-ce que ça va ? Vraiment je veux dire.
Celle-ci hausse les épaules et bois son deuxième verre de vodka d'un trait.
- Oui. Tout va bien.
Je m'apprêtais à répliquer mais Alison m'assène toute une série de claques sur le bras qui m'empêche de dire quoi que ce soit.
- Tout au fond à droite, nous murmure-t-elle sur le ton de la confidence. Regardez discrètement.
Nous tournons la tête d'un coup et lâchons toutes sortes de bruits étouffés allant du choc à l'admiration.
Dans ce bar miteux, dans les tréfonds de Los Angeles, Alison a réussi à trouver un troupeau de tops models.
Alison nous frappe de nouveau moi et Lola mais cette fois ce n'est pas pour attirer notre attention.
- Mais j'avais dis discrètement !
Un des jeunes hommes de la table des mannequins que je vais dès à présent surnommer "LeBeauGosseAuxYeuxBleus" se retourne vers nous et notre comportement change radicalement.
Un peu trop radicalement.
Alison lui offre son plus beau sourire et entortille une mèche de ses cheveux autour de son doigt. Lola quant à elle lui fait un petit signe de main et se mord la lèvre de manière aguicheuse. Moi, je ne trouve rien de mieux à faire que de gigoter sur le tabouret de bar.
Qui cède sous mon poids.
Sans que je puisse me rendre compte de quoi que ce soit, je me retrouve les fesses par terre sous les rires des mannequins de la table des beaux gosses.
Oh.
Je crois que je préfère faire semblant d'être morte et ne jamais me relever.
Malheureusement Alison n'est pas de cet avis et me force à me lever tant bien que mal. Lola pendant ce temps se lève et part insulter copieusement la table des beaux gosses. Alison règle les boissons et nous quittons le bar sous les regards médusés de ses clients. Même après notre sortie, Lola fulmine :
- Tu peux me dire où elle est passée la galanterie ? Je te jure j'aurais pu les castrer.
Je soupire et place mes deux bras sous ceux de mes amies.
- Ce n'est pas grave tu sais. Et puis toi aussi tu as ris.
- Évidemment, s'exclame t-elle. Mais moi j'ai le droit de me foutre de ta gueule ! Pas eux !
Je suppose que c'est logique dans sa tête.
- Et maintenant on fait quoi, demandé-je à mes amis.
Alison désigne le bâtiment de l'autre côté de la route. Une petite supérette sans prétention et encore ouverte malgré l'heure tardive.
Ce que je lis dans les yeux d'Alison me fait comprendre que la fin de la soirée s'annonce... épicée.
***
- Passe la bouteille fais pas ton... comment on dit déjà ? Ton... négoste... éloïste ?
- Égoïste peut-être non ?
- Ouais voilà. Passe.
Lola lui passe la précieuse bouteille pendant que j'essaye de comprendre comment marche cette maudite peinture en bombe.
- Tu crois qu'il faut... secouer ?
Lola me prend la bombe des mains et l'inspecte elle aussi.
- Mais non espèce de phallus... doré.
- Oh c'est bon ça ! S'exclame Alison. Je vais marquer ça !
Nous lui faisons signe de baisser le volume.
- Tais toi sinon on va réveiller tout le voisinage !
Après une bonne demie heure nous comprenons enfin le système de la bombe de peinture et nous la donnons à Alison. Nous sommes toutes trois soûles, Alison beaucoup plus que Lola et moi.
Le résultat promet d'être magnifique.
Alison commence alors à tracer sur la magnifique carrosserie de la voiture de Connard Ultime, le début de son œuvre. Très vite les mots "tu n'es qu'un phallus et tu n'es même pas doré" apparaissent en noir sur une peinture blanche. Il manque certaines lettres, les mots sont tordus mais le message est clair. Alison passe ensuite la peinture à Lola qui assise sur le perron de Connard Ultime, commence à tracer avec application des pénis sur la façade de sa maison. Viens alors mon tour, je décide de compléter le chef d'œuvre de Lola en dessinant une licorne géante qui ressemble finalement plus à un pénis qu'à une licorne.
Pas grave, j'aurais essayé.
En dessous j'écris avec application que nous viendrons à son mariage et je le traite ensuite d'opossum bourré.
Nous nous en allons ensuite gaiement, heureuses d'avoir pu donner à cette maison l'éclat qu'elle mérite.
Du moins sous ces dessins quelque peu immatures, le message est clair.
Tu vas le payer. Très, mais alors très cher.
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