➵ Chapitre 94 ~ Eileen
Eileen tapotait fébrilement ses doigts sur la table. Elle guettait avec anxiété l'arrivée de Luke. La vérité, c'était qu'elle avait fini par succomber à ses vains sentiments, encore et qu'elle se détestait pour ça. L'ennui, c'était qu'à présent, ses sentiments gouvernaient chacun de ses actes et qu'elle ne voyait pas – ou ne voulait pas voir – la lame acérée qui s'enfonçait de plus en plus dans sa relation avec Glenn. Elle aimerait se réfugier derrière le fait qu'elle était effrayée par ses sentiments pour Luke alors qu'elle était supposée être avec Glenn, sauf qu'il n'en était rien : ce qu'elle éprouvait la galvanisait.
C'était donc son cœur qui avait pris le relais sur son cerveau. Elle écouta distraitement Gaël parler de ses projets, des contrats qu'on lui avait proposés, des cours de théâtre qu'il prenait encore parfois parce que ça l'amusait. En l'observant, elle se demanda, pour la énième fois ce que Caitlin avait bien pu lui trouver d'attirant : ça se voyait qu'il n'avait pas bon fond.
— Et là, je l'ai humiliée devant tout le staff, cette garce, racontait-il, goguenard
Eileen ne put se contenir :
— Bah oui, c'est amusant d'humilier une femme qui a eu le malheur de ne pas vouloir que tu la traites comme une moins que rien en exigeant de sa part des trucs insensés pour le boulot. C'est à vomir. Elle a bien fait.
— Ouais, tellement bien qu'elle a été virée, ricana Gaël
— Parfait, comme ça elle sera loin de toi, marmonna Eileen
— Tu es de quel côté, au juste ? questionna-t-il, amusé
— Pas du tien.
— C'est vrai que tu n'avais pas à faire ça, intervint Glenn, les yeux fixés sur Gaël
— Oh, c'est bon ! C'était pour rire.
Eileen haussa un sourcil. Elle n'avait jamais, jamais, apprécié Gaël et ne s'en cachait pas. Elle se souviendrait toujours du soulagement qu'elle avait éprouvé quand Caitlin avait (enfin) ouvert les yeux et mis fin à leur relation, en terminale.
— Drôle d'humour, grogna-t-elle entre ses dents.
Elle remarqua alors que personne n'était à l'aise à part Gaël. « Mais pourquoi personne à part moi ne lui dit ? » se récriait-elle, intérieurement.
John lui avait un jour confié qu'au début, à part sa jalousie envers Luke, il n'avait rien remarqué d'autre. Pourtant, Eileen ne s'était pas trompée quand elle l'avait décrit comme possessif, jaloux, irrespectueux et indigne de confiance. Il y avait des personnes qui n'étaient pas fréquentables, et Gaël en faisait partie. « Il devrait être tout seul dans son coin » songeait-elle avec dégoût.
— Et donc, reprit Gaël, tu sais quand arrivent les autres ? questionna-t-il, à l'attention de Clara
— Aucune idée, répondit-elle d'un ton un peu sec.
— Qu'est-ce qui t'arrive ? interrogea-t-il
— Rien de spécial, soupira-t-elle. Pourquoi veux-tu que je sache à quelle heure ils viennent ? Personne ne me dit jamais rien, minauda-t-elle
— Ils ne devraient plus tarder, indiqua John en regardant son téléphone
— Oui, Emmy et Alice sont juste passées chez elles prendre une douche, renchérit Emma
Eileen replongea dans ses pensées, préférant ne plus entendre les « anecdotes rigolotes de travail » de Gaël. Elle se promit que c'était la dernière fois qu'elle faisait l'effort de venir le voir, même si aujourd'hui, elle était plutôt venue parce qu'elle savait que Luke venait.
Elle observa la rue en face d'elle, où les passants marchaient encore sous les rayons du soleil déclinant. Elle avait toujours apprécié New-York. C'était toujours grouillant de monde.
Absorbée par le paysage, elle se redressa soudainement en reconnaissant les silhouettes qui s'approchaient d'eux. Il était beau. Il portait une chemise orange pastel à moitié ouverte et un pantalon noir. Elle crut s'évanouir quand il tira la chaise à côté de la sienne.
— Alors, qu'est-ce que tu deviens ? demanda-t-il
Gaël dont le regard était sur Émilie se reconcentra sur Luke. « Qu'est-ce qu'ils ont tous à la regarder ! » songea Eileen. « Elle ne s'en rend même pas compte ! » Si Eileen était de bonne foi, elle avouerait que c'était parce qu'elle avait de jolis yeux, mais la jeune femme n'était pas connue pour sa bonne foi.
— Bah écoute ça va plutôt bien. J'enchaîne les projets et les tournages, en ce moment. Je suis invité dans plusieurs séries sur Netflix, précisa-t-il
— Bravo, le félicita Alice
Eileen nota alors le malaise de Caitlin, assise à côté d'Emilie.
« La pauvre » pensa-t-elle, compatissante.
S'ils étaient effectivement en bons termes, on ne pouvait pas pour autant dire que lui et Caitlin étaient les meilleurs amis du monde.
Avec un soupir discret, Eileen songea que la soirée allait être longue, très longue. Alors, elle enchaîna les verres. Elle tenait bien l'alcool, elle avait l'habitude, et pour une fois, elle s'autorisait plus que deux verres. À côté d'elle, Luke faisait comme elle. Quant à Mike, il s'empiffrait de glace, comme d'habitude. Eileen se fit alors la réflexion que les trois seules personnes qui n'avaient pas bu une seule goutte d'alcool étaient Clara, Émilie et Alice. « Peut-être qu'elles n'aiment pas » pensa simplement Eileen.
Elle se reconcentra sur la conversation.
— ... Donc non, la comptabilité, ce n'est pas juste compter, concluait Glenn, assis en face d'elle
— J'ai toujours détesté les chiffres de toute façon, répondit Gaël
— D'après les potes de Lise en maths, il n'y a pas beaucoup de nombres non plus, en licence de maths, l'informa Émilie
— En fait j'ai toujours déteste apprendre par cœur, poursuivit-il
— Dommage que tu sois acteur, remarqua Emma
Gaël vida son verre d'une traite.
— Ce n'est pas pareil. J'apprends les répliques pour m'immerger dans les personnages et les interpréter du mieux que je peux. Je deviens lui, il devient moi, détailla-t-il. Ce que je déteste, c'est apprendre des trucs qui ne servent à rien.
— Tu peux t'en servir pour la culture, répondit Luke
— A quoi ça sert, avoir de la culture ? Juste à paraître en société.
— Non, le contredit Luke. Ça sert à connaître pleins de trucs sur des sujets différents. Mais tout le monde n'aime pas découvrir de nouvelles choses.
— Mouais, fit Gaël.
Eileen se sentait bizarre. C'était comme si elle était sur un bateau naviguant de vagues en vagues, toutes plus hautes les unes que les autres. Son cœur chutait violemment jusqu'à ses pieds et remontait tout aussi brutalement jusqu'à son cerveau.
— On est en vie pour apprendre, non ? continua Luke, son verre d'eau entre les doigts
— Non, là tu confonds avec faire de nouvelles expériences, le contredit Gaël
Eileen tourna la tête vers Luke. Grosse erreur : son cœur fut martyrisé comme s'il venait de se faire écraser par un bulldozer puis broyé par une meule à grains.
— Pas forcément. Techniquement, faire de nouvelles expériences, c'est aussi apprendre.
Gaël leva les yeux au ciel.
— Tu joues sur les mots.
Les lèvres d'Eileen lui semblèrent luire comme des braises éclatantes.
— Toi aussi, concéda Luke.
Elle avait très chaud, aussi. Et elle frissonnait en même temps. Elle avait envie de ... de ...
Sans réfléchir, Eileen empoigna Luke par le col de sa chemise et plaqua presque brutalement ses lèvres brûlantes de désir sur celles de Luke. Sa bouche fraîche lui fit l'effet de la neige fondant sous la chaleur. La rencontre entre l'eau et le feu, voilà ce que lui évoquait ce baiser. Il lui rendit son baiser et une larme roula sur la joue d'Eileen, comme si tous les barrages qu'elle avait érigé avait soudainement sauté un par un, provoquant un tsunami sans précédent, qui ravagerait tout ce qu'elle avait construit autour d'elle. Ils finirent par se séparer.
Luke cligna des yeux, l'air complètement sonné.
— Euh..., dit-il. Je sais que j'ai peut-être un peu trop bu, mais tu ne te serais pas trompée de mec ?
— Non.
— Ah. Pourtant, je-... Non, laisse tomber.
~
Bonsoir ! Comment allez-vous ? :)
Que pensez-vous de ce chapitre, d'Eileen, des autres ? 🙈 J'avoue que j'apprécie pas mal ce chapitre aha :)
Je suis vraiment désolée pour le retard ! Pour tout vous dire, j'ai sept examens et un projet à rendre cette semaine, donc je suis (littéralement) submergée ! 😅
Merci beaucoup d'avoir lu ce chapitre et de continuer à me suivre ! ❤️
On se retrouve samedi prochain pour la suite (du point de vue d'Emmy !)
Prenez soin de vous ! 🖤
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