➵ Chapitre 89

   Satisfaite, je contemplai les gâteaux et les ingrédients pour les pancakes que Mike et moi venions d'acheter. Je répartis nos achats dans nos deux sacs à dos tandis qu'il payait. Bientôt, le soleil brûlait ma peau à nouveau. Cette fois, le trajet démarrait dans le silence, mais cela ne dura pas :

— Emmy, il faut que je te dise un truc, murmura Mike, se tordant les doigts

— Qu'est-ce qu'il y a ? questionnai-je, soucieuse

Je lui jetai un coup d'œil : le soleil avait fait apparaître des taches rouges sur sa nuque.

— Promets-moi que tu ne me jugeras pas, ajouta-t-il avec précaution

— Évidemment que je ne te jugerai pas, Mike. Tu sais que tu peux tout me dire. Même si ça concerne les autres, je resterai muette comme une carpe, affirmai-je d'un ton plus qu'assuré

— Ça me concerne, moi, souffla-t-il, les yeux baissés vers ses pieds

   Je voyais bien qu'il était nerveux. Il évitait mon regard et je ne savais pas quoi faire pour le mettre en confiance. Et puis, mon coeur commençait à battre très vite au creux de mes tempes.

— Écoute Michael, peu importe ce que c'est je ne dirai rien, finis-je par dire, la bouche sèche

— Tu es la première à qui je le dis, sache le.

   J'hochai la tête, attendant la suite. Je m'étais arrêtée au beau milieu de la rue, au beau milieu des gens qui continuaient de marcher, tantôt tête baissée, tantôt les yeux levés bien haut.

— Voilà, Emmy, je... Je suis amoureux.

— Oh, fis-je d'abord, surprise. Mais c'est génial ! m'exclamai-je, une fois remise

Mike avait pâli.

— Mais... Mais pas d'une fille, acheva-t-il, le regard perdu dans le mien

— Et alors ? Où est le problème, Michael ? répliquai-je en lui souriant

— Ben, c'est que... Enfin, ça peut peut-être dérouter, hésita-t-il en passant sa main dans ses cheveux. Ça ne te dérange pas ?

— Évidemment que non ! m'écriai-je. Moi, je t'aime comme tu es. La seule chose qui compte, c'est ton bonheur, et ceux qui réagissent mal n'ont qu'à sortir de ta vie. Ils n'y ont d'ailleurs jamais eu leur place, affirmai-je en lui souriant affectueusement

Je ponctuai la fin de ma phrase par un câlin. Je respirai doucement l'odeur de son shampooing.

— Merci, dit-il, simplement

   Et dans ce mot, j'entendis tout le courage qu'il lui avait fallu pour me le dire, toutes les nuits qu'il avait passées à y réfléchir, tout le soulagement qu'il éprouvait d'être enfin en accord avec lui-même.

— C'est la première fois que tu me le dis, lança-t-il d'une voix rauque

— Quoi ? demandai-je en me reculant, scrutant son visage apaisé

— Que tu m'aimes, répondit-il en souriant

— Oh. C'est vrai, remarquai-je. C'est le genre de choses que j'ai du mal à dire.

— Peut-être, mais tu arrives à le montrer, objecta-t-il. Je crois que je suis touché.

Et comme je rougis, je changeai de sujet :

— Et quel est l'heureux élu ?

Un voile de chagrin passa sur son visage.

Je repoussai une mèche de mon visage.

— Je crois que je n'ai aucune chance, souffla-t-il, dépité, au bout de quelques minutes

— Pourquoi ça ? questionnai-je, les sourcils plissés

— Parce que c'est ton cousin.

Malgré moi, un rire franchit mes lèvres.

— Thomas est gay, je pensais que tout le monde le savait ! Il ne te l'a pas dit ? m'étonnais-je

— Je suis donc le seul abruti qui ne s'en est pas rendu compte..., soupira Mike

— Probablement, répondis-je, avec un sourire taquin

Je marquai une pause avant de reprendre :

— Tu as donc toutes tes chances, conclus-je

— Et tu sais s'il a un faible pour quelqu'un ? remblaya-t-il, les yeux pleins d'espoir

— Non, réfutai-je en me mordillant la lèvre. Il ne m'a rien dit.

— Oh. Bon, au moins, j'ai appris que ce n'était pas totalement vain, positiva Mike en haussant les épaules

— C'est déjà une bonne chose, appuyai-je.

Nous nous sourîmes et reprîmes notre route. Mike chuta dans quelques graviers avant de reprendre :

— Je crois que je vais aussi le dire à Luke et Caitlin.

— Je suis même étonnée que tu ne leur aies pas encore dit, confiai-je

— C'était important pour moi que tu sois la première à le savoir, expliqua-t-il, tandis que nous patientions devant le feu rouge

Émue par cette marque de confiance, je me contentai de sourire et de presser sa main.

— Si on arrive en se donnant la main, gloussa Mike, ils vont tous croire qu'on sort ensemble. Je donnerais cher pour voir la tête de Luke !

— Je ne suis pas sûre qu'il en ait quelque chose à faire, répliquai-je, tout de même amusée parce que je savais qu'Alice était persuadée que Mike avait des sentiments pour moi

— Oh ! fit-il en levant les yeux au ciel. Je suis sûr que si.

— On n'aura pas la réponse, le taquinai-je en lâchant sa main à mesure que nous arrivions dans la rue de Caitlin

— Même pas drôle, râla-t-il, souriant tout de même

— Ça serait dommage que Thomas croit ça aussi, tu ne penses pas ? rétorquai-je, le regard mutin

Les joues de Mike rougirent.

— T'as gagné. Mais que pour cette fois !

J'éclatai de rire et je m'avançai pour sonner chez Caitlin.

— Rebonjour ! s'exclama gaiement Mike en me bousculant pour passer

— C'est me revoir qui te met de si bonne humeur ? l'accosta Luke

— Non, réfuta mon meilleur ami en étirant sa bouche en un sourire carnassier. C'est la promesse de mes futurs pancakes !

A ces mots, il agita son sac à dos pour appuyer ses dires.

— Oh, oui j'adore tes pancakes ! se réjouit Clara, en sautillant

J'avais oublié qu'elle avait une voix aussi nasillarde...

Bon, OK, peut-être que j'exagère et que mon aversion pour elle serait sans doute moitié moindre si elle ne passait pas son temps à tourner autour de Luke.

— Moi aussi, répondit Mike en tapotant son estomac. Oh, Emma ! Tu vas être contente : Emmy a pris de quoi faire du caramel beurre salé maison.

— Enfin, si tu n'as pas perdu la main, la taquinai-je

— Tu plaisantes ! se récria-t-elle. Je pourrais en faire les yeux fermés.

Elle et moi suivîmes Caitlin dans la cuisine tandis que Mike s'affairait déjà à sortir les aliments et John à prendre des saladiers. J'entendais les rires de Luke, Thomas, Alice et Clara résonner dans le salon.

— Glenn et Eileen arriveront vers 20 heures, se réjouit Caitlin, adossée au plan de travail sur lequel Mike mélangeait le sucre et la farine

Priant pour ne pas me retrouver seule avec Eileen, j'observais Emma allumer les plaques chauffantes et laisser son mélange reposer à feu doux.

— Ça va faire du bien à Alice, elle ne sera pas seule dans son lit à se morfondre, songeai-je, tout haut

— Sacré Antoine, quand même, soupira Emma

— J'ai de la peine pour lui, avoua Caitlin. Je sais ce que ça fait d'être avec quelqu'un qu'on n'aime plus. C'était la meilleure chose qu'il pouvait faire, pour lui, et pour elle.

— Quand même, ils ne s'étaient pas vus depuis des mois, soupira Emma. Il aurait fallu le faire à un autre moment.

— Je ne crois pas qu'il y ait vraiment de bons moments pour ça, finit par répondre Caitlin, les yeux voilés par des souvenirs que je ne connaissais pas

— Oh oui, appuya Mike. Et puis tu sais, Emma, Cait' a connu ça avec Gaël. Ça n'était pas joyeux non plus.

— C'est terrible, quand on s'en rend compte, poursuivit Caitlin. On s'imagine qu'on est le pire des monstres. Et puis, c'est difficile de briser le cœur de quelqu'un, même si c'est la seule chose à faire. Je peux encore distinguer clairement son regard.

— J'espère que tu vas mieux, murmurai-je, touchée par ses paroles

— Oui, acquiesça-t-elle. Quelques temps plus tard, je suis sortie avec Zoey. Je ne sais pas si tu te souviens d'elle, ajouta-t-elle un peu précipitamment

— Si, dis-je. C'était ta colocataire, et elle avait les yeux gris.

— Oui, c'est elle, confirma Caitlin, un sourire rêveur aux lèvres.

— C'est... Tu n'es plus avec elle ? questionnai-je, un peu naïvement

— Non..., soupira-t-elle. Je te raconterai, conclut-elle en sortant des verres du placard.

   Peu désireuse de voir Clara – je la verrai bien assez toute à l'heure –, je restai dans la cuisine avec John, Mike et Emma, et entrepris de faire la vaisselle quand ils eurent terminé.  Au moins, avec le bruit de l'eau, je n'entendais pas ce que racontaient les autres.

   Vingt heures sonnaient quand je terminais de ranger tous les ustensiles. Quelques minutes plus tard, Eileen et Glenn entraient. La soirée allait pouvoir commencer. Je m'installai à l'opposé de Clara et Luke et, ma bonne humeur prit le dessus. Je ris aux blagues de John, écoutai les anecdotes de Glenn et me pris à imaginer que Solange était parmi nous, comme une déesse bienveillante qui nous protègerait de la douleur. Je laissai un court instant la nostalgie m'envahir et ma poitrine se comprimer dans la peine avant de tout chasser hors de ma tête.

   Je notai mentalement que c'était la toute première soirée qui se passait sans accroche depuis que nous étions arrivés à New-York. Je me levai pour aller chercher une nouvelle brique de jus de pomme dans la cuisine et fus surprise d'y trouver Eileen, Clara et Emma en pleine discussion.

— Oh ! Émilie tu tombes à pic ! m'apostropha Eileen. On parlait de toi. Confirme à Clara qu'il n'y a rien entre toi et Mike !

Je plissai les sourcils.

— Non, en effet, il n'y a rien entre Mike et moi, dis-je avec précaution

— Ah ! Tu vois ! fit Eileen, en jaugeant Clara d'un air pompeux

— Qu'est-ce qu'il se passe ? interrogeai-je

— Rien, on fait juste notre séance hebdomadaire de commérage, répondit Emma. Tu veux te joindre à nous ?

— Pourquoi pas, acceptai-je en tirant une chaise.

— Du coup, on a notre réponse pour Emmy, reprit Eileen. Réponse, qui, je le rappelle, était plutôt évidente. Du coup, à qui le tour ?

— Ton cousin, la coupa Emma, à mon intention. Il n'aurait pas un petit crush sur Luke ?

— Pas à ma connaissance, répondis-je, soudainement très mal à l'aise

— Mais tout le monde a un crush sur Luke ou quoi ? fit Eileen

— Pas moi, signala Emma

  Quant à moi, je me contentai de m'esclaffer avec les autres et de mettre sur le compte de la chaleur la rougeur de mes joues.

— Qui n'en aurait pas ? répliqua Clara, en me souriant de toutes ses dents

— Oh, toi, tu nous caches quelque chose, lança aussitôt Eileen, en remettant une mèche de cheveux derrière son oreille

— Mais je ne peux rien dire, déplora Clara. Je n'ai rien d'officiel pour l'instant.

— Ah non, c'est nul si c'est officiel ! protesta Eileen. Moi j'aime connaître les choses officieuses, sinon, ça n'a plus aucun intérêt de le raconter. Le but de l'officieux, c'est que tout le monde soit au courant d'un fait sans que personne ne sache ce que tout le monde sait.

— C'est vrai, renchérit Emma, après m'avoir jeté un coup d'œil

— Alors du coup, j'ai dormi chez Luke, comme tous les jours depuis trois mois.

— Ah, intéressant ! commenta Eileen, tandis que je sentais le sang quitter mes joues

— Oui, et puis je pense que ça ne devrait pas tarder à se concrétiser.

Mon coeur bondit dans ma poitrine.

— Comment ça ? demandai-je

— Ben Luke et moi, répondit-elle, comme si c'était évident.

Mon sang ne fit qu'un tour et je me levai d'un bond, bien décidée à avoir le fin mot de cette histoire.

— Émilie ! s'exclama Eileen, en se levant. Où tu vas ?

— J'ai deux mots à dire à quelqu'un, lâchai-je d'un ton hargneux.

— Je savais que c'était une mauvaise idée, marmonna Emma, suffisamment fort pour que je l'entende

Je débarquai dans le salon, les yeux brillant de colère, sans avoir la moindre idée de ce que j'allais dire. Ils étaient tous installés sur le canapé.

— Toi ! m'exclamai-je en pointant Luke d'un doigt accusateur. T'as intérêt à avoir de bonnes explications.

— Quoi ? Comment ça, de quoi tu parles ?

— Tu le sais très bien, répliquai-je, les bras croisés

— Non, désolé, je ne vois pas, réfuta-t-il sur un ton aussi sec que le mien

Il se leva pour me faire face.

— Ben, tu n'as qu'à le lui demander, rétorquai-je en désignant Clara d'un mouvement de tête

— Je n'ai rien à voir là-dedans, affirma-t-elle en jetant un regard implorant à Luke

— Tu n'as rien à faire avec elle, et tu le sais ! explosai-je, les yeux rivés sur lui

— Je fais ce que j'ai envie ! protesta-t-il

— Tant que ça n'implique pas de jouer avec les sentiments d'autrui, oui !

Il soupira et ferma les yeux un bref instant avant de replonger son regard dans le mien.

— Emmy, désolé de t'avoir embrassée l'autre jour. Je n'ai pas réfléchi.

~

Bonsoir ! Comment allez-vous ? :)

Que pensez-vous de ce chapitre ? 🙈 Les explications de Mike à Emmy, la conversation avec Caitlin, le commérage d'Emma, Eileen et Clara, et bien-sûr la fin ! Emmy est parfois un peu trop impulsive 😅

Je vous remercie de me lire et du soutien que vous m'apportez en me lisant ! ❤️ C'est toujours un plaisir de publier ici toutes les semaines 🖤

A samedi prochain pour le chapitre suivant ! 🎶

Prenez soin de vous ! 🖤🎶

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