➵ Chapitre 79

    Les conséquences, c'est comme la morve de Simon, on ne les voit qu'une fois qu'elles nous pendent au nez. Les conséquences, c'étaient un éventuel renvoi de quelques jours, un avertissement et tant d'autres choses que nous n'avions pas prises en compte.

   On était dans une voiture qui fonçait à toute allure dans un mur, mais ce n'était plus nous qui conduisions.

— Bonjour, nous salua poliment Mme Joyce alors qu'Alice refermait la porte du bureau.

Âgée d'une quarantaine d'années, le visage encadré par des cheveux raides et bruns, Mme Joyce nous observait d'un air neutre à travers ses lunettes. À côté d'elle, M. Wiener attendait, les bras croisés, le visage pincé.

— Je suppose que vous savez pourquoi vous êtes là, débuta-t-elle, calmement

— On a enfreint le règlement, répondit Ludovic

— Exact. Quelles règles ? demanda-t-elle, son regard clair rivé sur lui

— Plusieurs, affirma-t-il sans sourciller

— Lesquelles ? répéta-t-elle en s'attardant sur chacun de nos visages

— On... On a désobéi à M. Wiener alors qu'il nous avait formellement interdits de jouer en live, dis-je d'une voix maîtrisée

— C'est tout ? interrogea-t-elle en me fixant d'un air sévère

— Non, murmurai-je en baissant les yeux

— On a fait entrer dans les coulisses des gens qui ne faisaient pas partie du lycée, avoua Alice

— C'est exact. Et c'est là où le bât blesse, au delà du fait que votre professeur a édicté d'autres consignes que vous n'avez pas respectées. Est-ce que vous avez conscience des risques que vous avez pris ?

Personne ne répondit.

— Je les connaissais personnellement, intervint Solange. Ils sont mes amis.

— Mais peu importe que tu les connaisses ! Vous n'avez pas à faire entrer des gens de l'extérieur, enfin ça me parait normal ! s'exclama Mme Joyce en montant d'un ton. Vous avez de la chance qu'il ne se soit rien passé.

   Cette fois, Solange fit profil bas et n'ajouta rien. Mme Joyce avait raison.

— Pourquoi vous avez fait ça ? demanda-t-elle

— On voulait jouer en live, répondit Alice

— Ça, j'ai bien compris, affirma notre directrice. Pourquoi avoir fait entrer en douce vos deux complices ?

— Parce qu'il nous fallait des instruments. On ne pouvait pas les transporter nous-mêmes, expliqua Antoine. On ne pouvait pas non plus prendre ceux d'ici. Si on avait pu faire autrement, sans faire entrer personne, on l'aurait fait, conclut-il

— Vous auriez aussi pu ne rien faire et vous en tenir à ce qui était prévu, lui reprocha M. Wiener

Mme Joyce lui jeta un regard pensif.

— Antoine, tu peux me dire pourquoi c'était si important de jouer ces chansons avec des instruments ?

— Parce qu'un instrument transmet autant d'émotions qu'une voix. Madame, on voulait juste montrer à notre professeur qu'on en était capable.

Mme Joyce haussa un sourcil.

— Comment ça ?

— Quand on lui a demandé si on pouvait faire ça, il a refusé en disant qu'on était trop mauvais pour réussir ça, déclara simplement Judickaël

— On ne voulait pas se laisser descendre sans rien faire, ajouta Solange en défiant notre professeur du regard. Encore plus quand c'est infondé.

Mme Joyce soupira.

— Tu confirmes que c'est ce que tu as dit ? demanda-t-elle en se tournant vers M. Wiener qui n'avait pas bougé d'un iota

— Je confirme.

Il s'était exprimé d'un ton froid en jaugeant Solange d'un air exaspéré.

— Bien. Il y a visiblement un problème de communication entre toi et tes élèves, analysa Mme Joyce. Je peux difficilement leur reprocher d'avoir voulu te prouver que tu avais tort. Tu peux dire non sans être condescendant. Quoiqu'il en soit, ajouta-t-elle à notre attention, vous serez puni. Vous serez tous les six en retenue samedi prochain, le 25 novembre.

— Une retenue, c'est tout ? râla M. Wiener

— Et à quoi tu pensais ? répliqua-t-elle

— A un renvoi de quelques jours et à les priver de participer au prochain show, histoire que ça serve de leçon.

— Le problème, répondit-elle, c'est qu'on a mis en ligne le show hier après-midi, et leur performance suscite un certain engouement. C'est de la bonne pub pour l'école. Imagine un peu si tu les exclus, ça finira par se savoir, et peu importe la raison pour laquelle on ferait ça, ce que les gens retiendraient c'est qu'à Sainte-Cécile on risque l'exclusion si on joue du piano aux spectacles. Les on-dit sont importants pour une école ou une formation.

— Alors quoi, ils vont copier le règlement pendant quatre heures ? Ce n'est pas très formateur, répondit M. Wiener

— Tu as une meilleure idée ?

— Oui. Je veux qu'en plus ils refassent tous les six une chanson au prochain show. Ils la joueront avec les instruments de l'école, ou les leurs s'ils en ont. Et pour la peine, ça sera Another Brick In The Wall des Pink Floyd. Ils veulent jouer ? Très bien, ils joueront. Emilie, tu pourras amener ta guitare pour la colle de ce soir. Acoustique. Antoine... Non, on peut difficilement chanter en jouant de la trompette. A partir de maintenant, une bonne partie des chansons sera jouée par la classe.

— Merci Monsieur, répondit Solange, d'une voix transpercée par la sincérité

M. Wiener n'ajouta rien.

— Je le dirai à la classe cette après-midi, annonça-t-il d'un ton sec

— Donnez-moi vos carnets de liaison, reprit Mme Joyce en tendant la main

   Quelques minutes plus tard, les billets de retenue étaient tamponnés et Mme. Joyce nous renvoyait en cours. Notre « coup » comme Solange aimait l'appeler, avait fait le tour du lycée, ce qui nous valait des regards et quelques chuchotements.

   La matinée fila à la vitesse de l'éclair, si bien que nous nous retrouvâmes tous à table, autour de nos plateaux remplis.

— Alors, ça a donné quoi votre rendez-vous de ce matin ? questionna Lucie, les yeux rivés sur Ludovic

Gênée, je gardai les yeux fixés sur mon assiette.

— Bah, franchement, ça va, répondit Solange. On a gagné quatre heures de retenue et une chanson pour le show. D'ailleurs vous ne devinerez jamais laquelle, ajouta-t-elle en appuyant sa langue contre ses gencives

— Ben non, dis-nous ! fit Clara

— Non, ce n'est pas drôle sinon ! répliqua Solange.

   Elle tendit le cou pour regarder Lise, Kahina, Marceline et Timéo à l'autre bout de la table. « A l'opposé de Clara », notai-je, mentalement.

— Lise, une idée ? questionna-t-elle

— Un chant résistant ? proposa-t-elle, avec une moue dubitative

— Tu chauffes ! Emma, qu'est-ce que tu en penses ?

— Le seul chant résistant que je connais c'est Le Chant Des Partisans, et je doute sincèrement que ça soit ça ! gloussa-t-elle, les yeux rieurs

— C'est un truc plus scolaire si je peux me permettre, intervint Judickaël

— Anglophone, précisa Antoine

— D'un très grand groupe de rock, compléta Alice

— Scolaire... et mural, corrigeai-je en échangeant un regard complice avec mes cinq acolytes

— Euh..., hésita Clara, je ne vois toujours pas.

— Rose ! lança Ludovic, sans s'adresser à personne en particulier

— Les Pink Floyd ? hasarda Lise

Solange battit des mains.

— Oui, les Pink Floyd ! Et à ton avis, quelle chanson ?

— J'en sais rien, The Wall ?

— C'est le nom de l'album, ça, la taquinai-je

Another Brick In The Wall ?

— Tout à fait ! Il veut qu'on la chante, confirma Solange

Lise éclata de rire.

— J'adore l'humour de votre prof', conclut-elle toujours en riant

— J'avoue qu'il a fait fort, s'esclaffa Alice

— Et ce n'est pas tout... Dorénavant, on pourra jouer en live, ajoutai-je

— Bien joué ! nous félicita Clara

Elle m'offrit un sourire ravi auquel je répondis.

— Donc, on a réussi, affirma tranquillement Solange. Du coup, pour fêter ça, je propose qu'on sorte vendredi.

— Tu ne penses pas qu'on devrait faire profil bas ? demanda Alice

Solange haussa les épaules et secoua ses cheveux noirs.

— Rien ne nous interdit de sortir, objecta-t-elle. Le couvre-feu est à minuit et il n'y a pas de show le lendemain. Faites, ce que vous voulez, en tout cas moi je sors !

— Moi je ne pense pas venir, fit savoir Lise. Il faut que je me repose.

— Moi je serai là, affirma aussitôt Clara

— De toute façon, on a le temps d'en parler d'ici là, conclut Solange en se levant.

Je me levai à mon tour et déposai mon plateau. Nous filâmes en cours de physique, où je me retrouvai au tableau pour corriger un exercice, heureusement bien compris. Un cours d'anglais plus tard – nous étudiions les cowboys – nous étions tous installés face à M. Wiener.

— Bon, débuta-t-il, pour ramener le silence. Vos velléités de musiciens ne sont pas tombées dans l'oreille d'un sourd. A partir de maintenant, vous jouerez certaines chansons. Eh oui, pas toutes. C'est peut-être un peu compliqué de jouer de la musique électronique au violon. Vous apporterez vos instruments en khôlle. Ça va vous demander plus de travail. Des questions ?

Valentin leva la main :

— Et faire une chorégraphie avec les danseurs, c'est possible ?

— C'est une question d'organisation, répondit M. Wiener en se grattant le crâne. De toute façon, si tu veux danser, tu danseras... Donc autant que tu le fasses bien. J'ai fait une erreur en voulant tous vous faire faire la même chose, sans prendre en compte les aptitudes de chacun, s'excusa-t-il au prix de quelques difficultés. Sur ce, on va reprendre le cours de la dernière fois. On était arrivé à un point crucial : la perception de votre musique par les auditeurs, rappela notre professeur. Que ça soit bien clair : vous seul saurez précisément ce que vous avez voulu transmettre à travers ce qui est sorti de vos tripes. Vous toucherez tout le monde d'une manière différente. C'est là tout le pouvoir de la musique : faire ressentir aux gens des émotions dont ils n'ont pas conscience, vous faire ressentir des sentiments que vous ignorez. Aider les gens à s'évader, leur prendre la main et leur dire « Ça va aller. » Bien-sûr, peut-être que les interprétations que les gens en auront seront peut-être erronées. Mais est-ce que ça compte vraiment ? Vous les aurez touchés, vous aurez évoqué quelque chose en eux. La musique est une forme d'art, au même titre que la littérature, le cinéma, la sculpture ou la peinture. Et quel est le but de l'art ?

   Un bref silence parcourut la salle, le temps que tout le monde mette de l'ordre dans ses pensées.

Alice leva la main.

— Oui, Alice ?

— L'art, c'est inviter l'autre dans son monde et dans sa perception des choses. C'est partager sa vision du monde, voir de la beauté là on ne voit que de la laideur, répondit-elle

— Mhm, intéressant. Oui, Thomas ?

— L'art, c'est la liberté. Donc, le but de l'art c'est d'exprimer tout ce que l'on veut comme on veut, sans craindre aucun jugement, expliqua-t-il

— Pourquoi pas, fit pensivement M. Wiener. Quelqu'un d'autre ?

— Le but de l'art peut aussi être de dénoncer, de prendre position face à l'injustice, à l'oppression, aux discriminations. C'est donner de la force aux gens qui subissent leur vie plus qu'ils ne la vivent, intervint Solange, à ma gauche

— Très juste, commenta M. Wiener. Tout ce que vous avez dit est correct, vous pouvez prendre en note.

Il patienta quelques minutes, nous laissant le temps d'écrire.

— Comme on vient de le constater, reprit-il, le but de l'art est multiple. Ça aussi, ça dépend de vous et de l'idée que vous en avez. Tout le monde n'en a pas la même vision. C'est vrai pour vous et ceux qui vous écoutent. A titre d'exemple, si je chante que l'absence de quelqu'un me pèse, vous penserez que c'est ma femme, mon mari, mon frère, ma cousine ou mon meilleur ami. Vous penserez à la personne qui vous manque le plus et moi seul saurai que j'évoquais mon chat. Jusqu'ici, je n'ai fait que d'énoncer des choses que vous saviez déjà. Mais savoir ça est différent d'en avoir conscience. J'ai connu beaucoup d'élèves qui ne concevaient pas qu'on puisse tomber à côté du sens qu'ils avaient donné à leur création. Seulement, dans chaque chanson, il y a des phrases qui vous semblent écrites pour vous, des airs qui vous paraissent adressés et c'est cette diversité qu'il faut encourager. Il y a quelques années, ce système de show n'avait pas encore été mis en place, et pour ce cours, chaque élève devait écrire une chanson que tout le monde interprétait à sa façon pour avoir une idée de cette diversité d'évocations. Malheureusement, on n'a plus le temps. Si je pouvais vous donner un conseil, ce serait d'être ouvert d'esprit et de toujours vous remettre en question. Car à mon sens, c'est ici que réside la beauté de la musique.

  Il nous laissa plusieurs minutes pour réfléchir à ses propos et les écrire. La fin du cours sonna et je profitai de la récréation pour aller chercher ma guitare. Deux heures de maths plus tard, je patientais devant la salle de musique avec Alice et Antoine.

— Vous chantez quoi, vous ? demandai-je

— Du Claude François, s'esclaffa Antoine, et Alice chante une chanson de Pink. Ça va faire un sacré mélange !

Je n'eus pas le temps de dire quoique ce soit : la porte s'ouvrit avec fracas sur M. Wiener.

— Allez, entrez !

Nous nous faufilâmes à l'intérieur et je déposai mes affaires sur une table.

— Emilie, tu peux prendre ta guitare. Ce sera toi la première victime, dit-il sur un ton tranquille qui tout d'un coup ne m'inspira rien de bon

— Euh, d'accord, dis-je en ouvrant la housse

— Bon, on va déjà faire un test avec l'instrumentale, annonça-t-il, et ensuite je t'expliquerai mon idée pour pimenter ces khôlles. Alors toi, qu'est-ce que je t'ai donné... Ah oui, Faded. Quand tu veux.

— Allez-y.

[Il devrait y avoir un GIF ou une vidéo ici. Procédez à une mise à jour de l'application maintenant pour le voir.]

   Les premières notes retentirent dans la pièce. J'oubliai momentanément ma guitare et ce que M. Wiener préparait pour me lancer dans la chanson.

— You were the shadow to my light
Did you feel us ?
Another star, you fade away
Afraid our aim is out of sight
Wanna see us alight, commençai-je

Alice me sourit en levant ses pouces. Je continuai, rassurée.

— Where are you now ?
Where are you now ?
Where are you now ?
Was it all in my fantasy ?
Where are you now ?
Were you only imaginary ?
Where are you now ? demandai-je, m'adressant à des fantômes oubliés

Il y avait quelque chose de rassurant dans le fait d'avoir encore des sentiments pour quelqu'un qui avait disparu de ma vie : je savais que mes sentiments étaient vains, qu'ils étaient en train de s'éteindre et qu'il ne pourrait plus me briser le coeur. Je n'avais pas peur qu'il parte ; c'était déjà fait. Je savais de quoi il en retournait avec lui, mais pas avec Ludovic. Peut-être que lui aussi, il partira.

— Atlantis, under the sea, under the sea
Where are you now ? Another dream
The monster's running wild inside of me
I'm faded, I'm faded
So lost, I'm faded, I'm faded
So lost, I'm faded ! m'exclamai-je

C'était cette éventualité qui me nouait l'estomac et m'empêchait de faire quoi que ce soit. Ça, et le fait qu'une de mes amies ressentait la même chose pour lui.

— These shallow waters never met what I needed
I'm letting go, a deeper dive
Eternal silence of the sea
I'm breathing, alive
Where are you now ?
Where are you now ?
Under the bright but faded lights
You set my heart on fire
Where are you now ?
Where are you now ? poursuivis-je

M. Wiener grimaça. Je n'étais absolument pas dans le rythme. Heureusement pour moi, je parvins à m'y remettre.

— Where are you now ?
Atlantis, under the sea, under the sea
Where are you now ? Another dream
The monster's running wild inside of me
I'm faded, I'm faded
So lost, I'm faded, I'm faded
So lost, I'm faded ! terminai-je, pile au bon moment

— J'ai noté plusieurs erreurs de justesse et de rythme. Prends ta guitare, on va travailler une version acoustique.

J'échangeai un regard interloqué avec Alice.

— Allez, vite ! me pressa M. Wiener

Je la sortis de la housse et passai la tête à travers la sangle. Je regardai mon professeur, attendant plus d'indications.

— Eh bien vas-y, joue.

— Comment ça ? demandai-je

— Eh bien joue et chante Faded, répondit-il sur un ton qui traduisait l'évidence même

— Je... Je ne connais pas la partition, murmurai-je maladroitement

— Quoi, tu ne peux pas jouer quelque chose pour accompagner ta voix ? s'étonna-t-il en me jaugeant avec dédain

— Euh... Si... Je peux essayer, dis-je sans trop y croire.

Alors, c'était ça son idée ? Nous faire improviser ? Je ne suis pas sûre d'apprécier.

— Je t'écoute avec attention.

J'avalai ma salive, réfléchissant à un moyen de commencer. Des accords ! Oui, ce serait parfait ! Simple, mais inratable. Mes doigts tremblaient tellement que je n'étais pas sûre de pouvoir jouer.

  « Le plus dur, c'est de démarrer. » m'encourageai-je en pensant aux accords les plus basiques que je connaissais. Je grimaçai face au son qui venait de sortir. Ce n'était pas ce que j'imaginais...

— Alors, ça vient ? interrogea M. Wiener, d'une voix tonitruante

— Je... Je cherche juste comment bien démarrer, avouai-je d'une toute petite voix

— On s'en fiche, improvise-moi quelque chose, répliqua-t-il, sèchement

  D'habitude, quand je fais ça, je suis seule et personne ne me juge. Mais M. Wiener, lui ne se gênera pas. Je me représentai mentalement la chanson, me jurant de jeter un coup d'œil à la partition la prochaine fois. Mes dents claquaient mais je les ignorai et me lançai à l'aveuglette.

You were the shadow to my light
Did you feel us ?
Another star, you fade away
Afraid our aim is out of sight
Wanna see us alight, débutai-je, lentement

  C'était étrange de pouvoir jouer avec ma voix, le silence et ma guitare, même si je devais avouer que je ne réfléchissais pas trop à ce que je faisais. Je le faisais, c'est tout. Mes doigts grattaient les cordes tout seul et se positionnaient d'eux même.

Where are you now ?
Where are you now ?
Where are you now ?
Was it all in my fantasy ?
Where are you now ?
Were you only imaginary ?
Where are you now ? enchaînai-je

   Recroquevillée au sein de ma bulle, je ne vis pas l'air lassé de M. Wiener.

— Atlantis, under the sea, under the sea
Where are you now ? Another dream
The monster's running wild inside of me
I'm faded, I'm faded
So lost, I'm faded, I'm faded
So lost, I'm faded !

— C'est trop lent ! m'interrompit-il, me faisant sursauter

— Mais... Je croyais que je devais faire une version acoustique ?!

   « Et je ne vois pas comment ça va m'aider à mieux maîtriser la version originale » ajoutai-je, en pensée.

— Je me suis mal exprimé, soupira-t-il. Je veux te faire travailler la chanson à la guitare pour t'aider à rester dans le rythme.

   « Sans partition ? » pensai-je. Je suis incapable – pour l'instant – de convertir une chanson à la guitare sans jeter un coup d'œil à la partition. J'ai pu retranscrire certains passages – j'ai reconnu les notes – mais d'autres demandent des arrangements que je n'ai pas encore imaginés.

   Et puis, ce n'est pas du premier coup qu'on peut jouer et chanter en même temps ! Le sang quitta brutalement mes joues : je n'avais pas le niveau que M. Wiener escomptait.

— Je vais te mettre la bande-son et tu vas jouer et chanter en même temps, indiqua-t-il. Et bon courage, parce que visiblement tu n'es pas très forte pour ça.

« Il pense que je ne peux pas le faire » songeai-je avec effroi.

Je n'eus pas le temps de me questionner davantage. Il avait lancé la chanson.

    Ce soir-là, mes doigts tremblèrent tellement que je loupai la plupart des notes, jouai trop vite et ne parvins pas à chanter en rythme. Il me fit clairement comprendre que c'était catastrophique et que j'allai me ridiculiser au prochain show, avant d'annoncer à Alice que c'était son tour. Cela ne se passa guère mieux. Antoine tâchait de me sourire alors que je ravalais les effets secondaires des paroles de M. Wiener et que j'observai, impuissante, ma meilleure amie perdre ses moyens au fur et à mesure du temps. Quand ce fut le tour d'Antoine et qu'elle revint à côté de moi, ses yeux brillaient.

   Antoine s'en sortit mieux, ce qui sembla revigorer la bonne humeur de M. Wiener. Lorsqu'il ouvrit la porte pour faire entrer les suivants, il me sembla que je n'avais jamais ressenti pareil soulagement.

— Allons rejoindre les autres, proposa Antoine, me sortant de mes pensées

— Je suis contente que ça soit fini, soupira Alice. Non mais franchement ! Quelle mouche l'a piqué ?

— J'ai envie de me rouler en boule dans mon lit et de déprimer un bon coup devant une série en mangeant du chocolat, mais je dois travailler, déplorai-je

— Une série bien guimauve, appuya Alice

   Nous échangeâmes un sourire complice, ce qui nous valut de voir Antoine lever les yeux au ciel.

— Pour que vous fangirliez ? Non merci !

   Il rit avec nous, et en un instant, sous la nuit tombée, j'ai compris que ce n'était déjà plus qu'un mauvais souvenir, et que j'étais trop abîmée pour me sentir blessée, trop fatiguée pour stresser. Alors autant vivre à en perdre la tête.

   Alice poussa la porte du bâtiment, puis celle de la salle de classe où étaient nos amis.

— C'est nous ! lança-t-elle en entrant

  Je souris à toutes les personnes présentes, à savoir Lise, Solange, Ludovic, Judickaël, Marceline et Kahina, que Lise considérait comme deux amies en or.

— Alors ? À quelle sauce on va être mangé ? demanda Solange, sa frange noire dans les yeux

— Il a inventé une nouvelle torture, répondit Alice en fronçant le nez

— Il nous fait nous entraîner avec nos instruments. Apparemment, on est censé savoir arranger une chanson à la guitare d'un claquement de doigts. Donc, il faut qu'on jette un coup d'œil aux partitions avant, parce que je vous jure qu'improviser avec lui, c'est compliqué, expliquai-je

— Je veux bien te croire, affirma Judickaël

— A moins que chacun joue sa chanson, et dans ton cas Emmy, ça m'étonnerait puisque c'est de l'électro', ça ne sert à rien, étudia pensivement Solange en tripotant les cheveux qui tombaient sur son menton

— C'est sa manière de nous faire payer ce qu'on a fait, intervint Ludovic. Voyons le côté positif : la prochaine fois qu'on voudra jouer en live, on pourra.

— Je sens que la semaine va être longue, soupira Alice.

Elle se tourna vers Solange :

— Ta soirée de vendredi, ça tient toujours ?

~

Bonsoir ! Comment allez-vous ? :)

Merci d'avoir lu ce chapitre ! Que pensez-vous des mots de Mme Joyce, de M. Wiener ?
Comment envisagez-vous la suite, sachant qu'il ne reste plus que le prochain chapitre avant que la partie 2 ne s'achève et que nous retournions dans le présent ? :)

On se retrouve samedi 12 décembre pour le chapitre 80 !❤️

J'ai vraiment hâte que vous le lisiez... 😏

À très vite !

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