➵ Chapitre 73 - partie 2/3
Effectivement, Solange avait raison. Cette chanson me rappelait bien trop Luke. Et elle collait un peu trop à mon goût à la situation et à ce que je ressentais. La première semaine de cours s'était bien déroulée, même lorsque j'ai dû chanter devant toute la classe. A trois reprises.
Comme elle rentrait facilement dans la tête, je n'avais eu aucun mal à saisir la mélodie. Le début, par contre, ça c'est une autre histoire. Sans l'aide d'Alice et de Solange, je n'aurai jamais pu y arriver aussi vite. J'avais tellement peur que M. Wiener me fasse une remarque que je m'étais entraînée jusqu'à l'excès, au point qu'Alice ne pût plus supporter la chanson. Peut-être qu'on en fait trop par rapport à M. Wiener ; toujours est-il qu'il a dit à Marine qu'il ne comprenait pas ce qu'elle faisait dans cette classe. Marine a une jolie voix. Ce n'est pas de sa faute si elle ne maîtrise pas toute sa capacité vocale. D'ailleurs, le peut-on vraiment ?
Il m'avait dit que ce n'était pas mal et qu'il s'attendait à pire venant de moi. J'ai soigneusement ignoré sa pique et me suis contentée d'hocher la tête. Quand il a dit la même chose à Solange, elle a pris le temps de regarder successivement ses ongles manucurés puis lui avant de lâcher : « et moi, je suis sûre que je vous ai épaté et que vous ne vous attendiez pas à autant de réussite. »
Il y a eu un silence durant lequel ils se sont défiés du regard, tout le monde retenait son souffle.
— Vous êtes trop sûre de vous.
— Non, Monsieur. Moi, je sais ce que je vaux.
A ces mots, elle était retournée s'asseoir en faisant claquer ses talons sur le parquet, sans lui accorder un regard. M. Wiener n'avait pas répondu à sa provocation et avait continué à faire passer la classe.
— Attention, Solange, il va t'avoir dans son collimateur, si tu continues, l'avait prévenu Ludovic, à la cafétéria
Elle avait secoué ses cheveux en arrière et avait levé la tête bien haut.
— Eh bien, qu'il essaie ! Je ne me laisserai pas faire.
Les pupilles de ses yeux étaient si dilatées que leur brun semblait s'être évaporé au profit du noir.
— Soit, avait répondu Ludovic, mais fais quand même attention.
— Sinon quoi, Ludo ? Il va m'insulter, me tirer vers le bas ? Il est qui pour faire ça ? Mon prof ? Ce n'est pas comme ça qu'on enseigne ! Je refuse de le laisser faire, de me laisser faire. Je ne m'inclinerai pas devant lui, avait-elle répliqué. Tu vas te laisser faire, toi ?
— Ce sont les règles, avait-il affirmé, durement. Ses remarques tombent dans l'oreille d'un sourd.
— Eh bien moi, je jouerai selon mes propres règles. Qui ne dit rien consent, Ludovic, avait-elle rétorqué, sur le même ton dur
— Comme tu veux, avait-il soupiré, vaincu.
A présent, on était mardi soir, et j'allais avoir ma toute première colle de maths. Ma toute première colle tout court, en fait. Le pire, c'est que celle de musique est juste après, à 19 heures. D'après ce que j'ai vu, c'est la seule fois du semestre où elles se suivent.
Mon coeur battait à la chamade, j'avais chaud, très chaud. Mon estomac était noué. Je ne savais pas à quoi m'attendre. Hier soir, j'avais vu Marine sortir en pleurs. Ça ne me disait rien qui vaille. Je jetai un coup d'œil à mes compagnons d'infortune : Léon, qui était pâle comme un linge et Antoine, qui attendait avec détachement et m'offrait des sourires rassurants. S'il était stressé, rien ne transparaissait. Alors que moi... On aurait dit que ma bouche était pleine de grenouilles et que je luttais pour ne pas les recracher.
Avant même que je n'eus le temps de faire part de mes réflexions sur les grenouilles à Antoine (peut-être que ça ferait rire Léon ?), la porte s'ouvrit sur Judickaël, Ludovic et Solange, qui me sourit de toutes ses dents. Ils étaient le seul groupe de colle à avoir leurs deux colles ensemble. Par exemple, j'étais avec Léon et Antoine pour les maths, et avec Alice et Antoine pour la musique – à mon plus grand soulagement –.
— Bonne chance ! claironna joyeusement Solange
— Ça s'est bien passé ? demandai-je, inquiète
Judickaël échangea un regard avec ses deux acolytes.
— Ça allait, oui, affirma-t-il en hochant la tête. Ne t'inquiète pas !
— Allez, à toute à l'heure ! conclut Solange, en me tapotant l'épaule
Ludovic posa sa main sur mon bras.
— Bon courage, dit-il en me jetant un regard appuyé avant de suivre Solange et Judickaël
— Allez, entrez ! nous intima M. Dubois
Sans un mot, nous nous positionnâmes au tableau déjà séparé en trois parts égales et prîmes chacun une craie. Je me retrouvai au milieu, entre mes deux compagnons de galère. Je notai mon nom de famille et mon prénom en haut à gauche et me tournai vers notre professeur. À ma droite, Antoine fit de même. Le silence de la salle, rythmé par les pulsations de mon coeur me parut s'étirer, au point que j'eus le temps de me rendre vertigineusement compte de la situation. Si je bégaie, autant m'enterrer tout de suite.
— Bien, alors, Cloitelon, commencez par me donner la définition d'une suite majorée et d'une suite minorée.
Antoine hocha la tête et les bruissements de la craie atteignirent mes oreilles. Ouf, il commence par des questions de cours.
— Alors... Dray... Pour vous, ce sera la définition de convergence d'une suite vers une limite.
J'acquiesçai et commençai à écrire, toute contente puisque je connaissais mon cours sur le bout des doigts.
— Pour vous, Brun, ce sera le théorème des gendarmes.
Le bruit des craies contre le tableau heurta le silence pendant quelques minutes. Je pris tout mon temps pour écrire ma définition, formant bien mes lettres de manière à ce qu'aucune bévue ne soit possible. Je jetai un œil discret aux tableaux de mes deux comparses. Ils ne s'étaient pas autant appliqués que moi... Ils écrivaient si petit ! Une écriture de scientifique, aurait dit ma mère. Avec mon écriture ronde et mes lettres bien formées, je dénotais. J'avalai ma salive et sursautai quand M. Dubois prit la parole.
— Alors, voyons voir où vous en êtes.
Il s'adressait à Antoine. Je pris mon mal en patience et jetai un coup d'œil à ma montre. Quoi ? Ça ne fait que dix minutes que je suis là ? Je suis supposée rester ici pendant encore cinquante minutes ?
— Parfait, Antoine ! Bon, maintenant vous allez me faire une récurrence. Hum... oui, celle-ci ! lui demanda M. Dubois en lui tendant un des trois exercices qu'il avait entre les mains.
Il s'avança vers moi tandis que je me ratatinai. Si ça se trouve, j'ai oublié quelque chose !
— OK, voyons voir votre tableau.
Il plissa les yeux et parcourut le tableau du regard.
— Oui, très bien, c'est exact. Vous pouvez effacer.
J'obtempérai et effaçai ma parcelle de tableau.
— Tenez, dit-il en me tendant une feuille
Je la pris en le remerciant puis jetai un coup d'œil à ma montre. OK, encore quarante-cinq minutes. Je lus mon énoncé et me mordis la lèvre. J'avais horreur des grosses sommes avec des indices. Franchement, l'écriture en est tout sauf jolie. En plus, la deuxième partie de la preuve est horrible à prouver.
Munie de ma craie, j'écrivis le titre. « Montrons par récurrence que... ». Puis, je tripotai nerveusement le collier que je portais autour du cou et me lançai dans l'initialisation.
— C'est bien, oui. Tout le monde peut la faire, cette initialisation, lança brusquement M. Dubois, ce qui eut pour effet de me faire sursauter et de lui jeter un regard paniqué
Maudits réflexes ! Ça ne m'aidera pas à écrire plus vite ! Il ne prit pas la peine de m'accorder un regard et passa chez Léon. Je regardai l'heure. Quarante minutes. J'expulsai discrètement l'air de mes poumons et enchaînai avec l'hérédité.
Ce fut là que les choses se fâchèrent... Après avoir correctement introduit la chose, il fallait démontrer la propriété au rang n+1. Parfois, la façon de faire sautait aux yeux, parfois pas. Inutile de préciser que cette fois, ça ne me sautait pas aux yeux.
— Vous êtes sûres d'avoir eu un cours, Mademoiselle Dray ? intervint M. Dubois d'une voix à la fois forte, énervée et glaciale
Tétanisée, je me tournai vers lui.
— Je... euh... oui, bredouillai-je
— Ah bon ? Parce que vous êtes vraiment nulle à chier ce soir ! asséna-t-il, sèchement
Je déglutis et le vis prendre une craie pour griffonner rapidement le début.
— Ça vous débloque ? demanda-t-il tandis que je lisais ce qu'il avait écrit et qu'un éclair de lucidité me frappait
— Oui, je... c'est bon, répondis-je d'une voix neutre
— Parfait, je vous laisse me le rédiger proprement, répondit-il, impassible. Je vais voir votre collègue Léon, il a l'air encore plus perdu que vous.
J'opinai de la tête et me retournai vers le tableau, les yeux brûlant. Mes lèvres tremblaient et la boule dans ma gorge refaisait surface. Je jetai un coup d'œil à Antoine qui m'observait d'un air compatissant. « Ça va ? » mima-t-il avec sa bouche. Les yeux brillants de larmes, j'hochai la tête et d'une main tremblante au point que mes lettres s'en trouvèrent déformées, je rédigeai la fin de ma démonstration, clôturant l'exercice. Et peut-être même la colle puisqu'il restait cinq minutes d'après ma montre.
— Dites donc ! Vous faites un concours pour savoir qui est le plus nul entre vous et Dray ? Vous êtes en phase de gagner, M. Brun ! s'écria M. Dubois, tandis que tous mes membres se crispaient
Léon ne répondit rien et se contenta d'acquiescer aux explications de M. Dubois, ponctuées de remarques et de sous-entendus.
— Bon, je vous mets 13. C'est pas si mal. Vous pouvez effacer, conclut l'enseignant en notant la note sur sa feuille. Alors, Miss Dray, où en êtes-vous avec cette petite démonstration ? questionna-t-il
— J'ai terminé, répondis-je en tripotant ma craie
— Vous êtes sûre de vous ? demanda-t-il en étudiant mon tableau
Les mots suivants me coûtèrent et je déglutis avant de les prononcer.
— Oui. Oui, je suis sûre, affirmai-je, la gorge sèche
— Vous faites bien. Dernière petite question avant que je ne vous libère. Qu'est-ce que vous pouvez me dire sur la limite d'une suite ? Qu'est-ce qu'il faut garder à l'esprit, si elle existe ?
— Elle est unique.
— Très bien. Je vous mets 15. Vous pouvez effacer.
Je m'exécutai et l'entendis féliciter Antoine et lui dire qu'il lui mettait 19. Antoine effaça son tableau et nous sortîmes en trombe. J'avais survécu à ma première colle, et j'étais émotionnellement vidée.
— Franchement, le prof de dessin était plus sympa, soupira Léon
— Ce n'est pas très difficile, éludai-je en refermant ma bouteille. Ah ! Antoine ! m'épouvantai-je. On a dépassé de cinq minutes, on est en retard pour la colle de musique !
— T'inquiète, on lui expliquera, affirma Antoine en rangeant sa bouteille
— Quoi ? Vous enchaînez ?! Eh bien bon courage !
— Au moins, c'est fait, positiva Antoine. Salut, Léon !
— Oui, salut ! renchéris-je alors que nous prenions le chemin de la salle musique.
Il fallait sortir du bâtiment, traverser la cour et monter les quatre étages. Aucun de nous ne pipa mot et lorsque nous arrivâmes devant la salle, essoufflés et transpirants, M. Wiener nous jaugea d'un regard perçant et Alice nous sourit.
— Désolé Monsieur, on avait colle de maths-..., commença Antoine
M. Wiener balaya ses excuses d'un revers de main.
— Je m'en fiche. Entrez, ordonna-t-il en ouvrant la porte
Nous nous exécutâmes et posâmes nos affaires au fond de la salle. Nous nous mîmes sur l'estrade, là où il nous faisait toujours chanter en classe.
— Qui veut commencer ? demanda M. Wiener
— Je veux bien, répondit Alice d'une voix assurée
Seule une personne la connaissant bien aurait pu remarquer qu'elle était nerveuse : son index tapotait fébrilement sa cuisse.
— Très bien, allons-y. Montrez-moi ce que vous avez dans le ventre.
A ces mots, il lança la chanson d'Alice.
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— All that I want is to wake up fine ! entama ma meilleure amie
C'était assez drôle qu'elle doive chanter cette chanson. Cela faisait une petite semaine que nous éveillions et nous endormions toutes les deux la boule au ventre.
— Tell me that I'm alright ! That I ain't gonna die. All that I want is a hole in the ground ! You can tell me when it's alright for me to come out !
Sans réfléchir, je me mis à danser au rythme de la musique. Alice chantait vraiment bien ! Et arrivait à retranscrire non seulement les émotions derrière les paroles, mais aussi celles derrière la mélodie.
— Hard times gonna make you wonder why you even try ! Hard times gonna take you down and laugh when you cry ! These lives and I still don't know how I even survive ! Hard times ! Hard times ! And I gotta get to rock bottom !
— Mouais. Ça manque de précision. On va reprendre à partir du deuxième couplet.
Épaulée par M. Wiener, Alice reprit trois fois de plus sa chanson. Il se montrait plus qu'impatient, levant les yeux au ciel ou lui intimant de se presser.
— Non, là, c'était vraiment trop moche, soupira-t-il, lassé
Il lui montra trois fois de plus la partie qu'elle n'arrivait pas et lui fit répéter une dernière fois. Et Alice réussit divinement bien.
— Eh bien, tu vois ! s'exclama-t-il, satisfait. On verra toute à l'heure si on a le temps de la refaire. Bon, qui sera la prochaine victime ? Ah bah tiens, Émilie !
J'aurais dû me douter qu'à partir du moment où M. Wiener parlait de victime, il y associerait tout de suite mon prénom. C'est sûr qu'entre moi et mes mains qui tremblent et le calme olympien d'Antoine, le choix est rapide.
— Tu es prête ?
— Oui...
— Très bien.
Il lança la chanson. Les premières notes, basses et profondes gagnèrent mes oreilles.
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— Why did you leave me here to burn ? commençai-je, sentant une légère colère baigner mon coeur. I'm way too young to be this hurt. I feel doomed in hotel rooms staring straight up at the wall. Counting wounds, and I am trying to numb them all, poursuivis-je avant de fermer les yeux
Est-ce que ça t'importe ? Est-ce que tu penses à moi ? Est-ce que tu te demandes encore si je vais bien ? Parce que moi oui. Mais il n'y a que quand je chante cette chanson que je l'admets.
— Do you care, do you care ? Why don't you care ? m'écriai-je d'une voix puissante. I gave you all of me my blood, my sweat, my heart, and my tears ! Why don't you care, why don't you care ? I was there, I was there, when no one was. Now you're gone, and I'm here..., enchaînai-je, déçue et démunie
M. Wiener ne m'avait pas interrompue ; ça devait donc être au minimum passable.
— I have questions for you : number one, tell me who you think you are, demandai-je, frustrée. You got some nerve trying to tear my faith apart ! I have questions for you. Number two, why would you try and play me for a fool ? I should have never ever, ever, trusted you ! I have questions ! Number three, why weren't you who you swore that you would be ? I have questions, I got questions haunting me...
Tu ne m'as jamais répondu. Pourquoi m'as-tu ignorée ? Tu ne voulais pas de moi pour amie, pourquoi ? Est-ce que je peux arranger ça ? Est-ce que je te manque ?
— Aaah ! fis-je, en montant très haut
M. Wiener fronça les sourcils. Ma note avait dû être horrible.
— I have questions for you, I have questions for you, I have questions, I have questions for you ! m'écriai-je, en pleine litanie.
Je continuai avec le second couplet, le refrain, puis la fin de la chanson.
— Ouh là là ! s'exclama presque théâtralement M. Wiener. La fin, non ! Ça ne va pas du tout ! Tu chantes comme une chèvre ! T'as régressé ou quoi ? Bon allez, on recommence !
Il relança la chanson. Plusieurs fois, mes poings se serrèrent et mes mâchoires se contractèrent. Un message ! C'est tout ce que je demande ! C'est si compliqué de taper un message ? Je lui en ai même renvoyé un il y a deux jours, purement amical ! Je voulais juste prendre de ses nouvelles !
— Bon. Je ne sais pas à qui tu voudrais chanter cette chanson et d'ailleurs j'en n'ai rien à faire, mais sache que la colère se manie avec classe et élégance dans une chanson. Pas avec hargne, déclara froidement M. Wiener, tandis que je l'observais, les yeux ronds.
Pour la première fois de ma vie, je devais réfréner mes émotions pour chanter une chanson. D'habitude, ce sont elles qui me permettent de chanter. Mais pas cette fois. Cette fois, il fallait que je les maîtrise. Mais à quoi allais-je donc penser ? La moindre parole de cette chanson me ramenait à lui.
— On recommence, décida M. Wiener. Maîtrise tes émotions pour maîtriser ta voix. Sinon... je te jure que ça fait chèvre. Et personne n'aime entendre chanter une chèvre.
Je recommençai, remplaçant l'image de Luke par celle de Mike, Caitlin, Alice, Solange et même Ludovic dans les moments où la colère affluait mes veines.
— C'est mieux, admit M. Wiener en ébauchant un sourire.
Enfin, j'imagine que c'est un sourire. Il jeta un coup d'œil à sa montre.
— Une dernière fois, exigea-t-il
J'obtempérai et réitérai la même opération, troublée.
— Bien. On la refera une dernière fois après. Antoine, c'est ton tour.
Comment faisait-il pour être aussi calme ? En tout cas, ça semblait lui profiter : il s'en sortit mieux que nous, et j'étais sûre que sa maîtrise du stress et de toutes ses émotions n'y était pas pour rien.
— C'est bien Antoine. Avec toi, tout est toujours dans la mesure, le complimenta M. Wiener
Il nous fit tous rechanter notre chanson une dernière fois et nous libéra. Comme il était vingt heures passées et que le self fermait à vingt heures trente, nous nous dépêchâmes de descendre les escaliers, traverser la cour et entrer dans le bâtiment.
— Alors, comment s'est passée votre colle de maths ? demanda Alice. Avec tout ça, je n'ai pas eu le temps de vous poser la question. J'ai juste vu Ludovic, Solange et Judickaël qui m'ont dit que ça s'était bien passé pour eux.
— Ah oui, nous aussi on les a vus. Bah écoute, pour moi ça allait, répondit Antoine. J'ai eu 19 !
— Bravo ! le félicita Alice, non sans l'avoir doucement embrassé. Et toi, Emmy ?
— Il m'a mis 15, alors j'imagine que ça va, répondis-je, repoussant le souvenir cuisant de sa remarque
— Mais ? m'enjoignit-elle
— Il m'a dit que j'étais nulle à chier, soufflai-je en regardant mes pieds
— Quoi ? Mais pourquoi ? s'étonna Alice. Oh, Emmy !
Elle me serra dans ses bras et un sourire fendit mon visage.
— Parce que j'étais bloquée dans ma récurrence. C'était tout bête, vraiment !
— Ce n'est pas une raison, intervint Antoine. A mes yeux, c'était gratuit et méchant.
J'haussai les épaules et posai mon plateau, me réfugiant derrière mes boucles brunes.
— Quand Solange va savoir ça, épilogua Alice. Elle va s'énerver.
J'hochai la tête en prenant un yaourt.
— En plus, dit-elle en riant, tu as de la craie partout !
Je baissai les yeux et commençai à rire avec elle : une tache blanche s'épanouissait sur ma hanche droite.
— C'est sur le tableau qu'il faut écrire, pas sur toi ! se moqua Antoine
— Je n'ai pas fait exprès ! riai-je en tendant ma carte à l'employée
J'attendis quelques instants qu'Alice et Antoine paient à leur tour avant de rejoindre Solange, Ludovic et Judickaël qui discutaient à une table, leurs plateaux vides devant eux.
— Holà tout le monde ! les saluai-je, enthousiaste, alors que je ne pensais qu'à une chose : me rouler en boule sous ma couette et oublier cette journée
— Salut les survivants ! nous héla Solange, en retour
Je m'installai en face d'elle et à côté de Ludovic, épuisée par cette journée.
— Alors, ces deux colles ? questionna Judickaël
J'avalai ce que j'avais dans la bouche avant de répondre.
— Ma conclusion, c'est que Wiener est plus sympa que Dubois, balançai-je avec un peu trop d'amertume dans ma voix pour que ça soit anodin
Aïe, moi qui comptais convaincre les autres – et moi-même – que ça n'avait pas d'importance, c'est râpé.
— Totalement d'accord, appuya Antoine, tandis que je me disais qu'il fallait que je termine mon assiette avant d'avoir l'appétit coupé
— Ça s'est mal passé ? demanda Solange en regardant tour à tour
Antoine prit le temps d'avaler sa bouchée avant de répondre.
— Dans mon cas, ça s'est très bien passé.
Antoine, tu étais obligé ? Maintenant, je vais être obligée de tout expliquer toute seule...
— Emmy ? demanda Solange
— Attends, j'ai la bouche pleine, articulai-je, clairement pour gagner du temps.
Car je devais admettre que j'avais honte. Et malheureusement pour moi, Solange ne me laisserait pas m'en sortir avec une pirouette.
— En fait, si on réfléchit bien, ça ne s'est pas si mal passé que ça. C'est juste qu'il n'a pas sa langue dans sa poche, concernant les remarques, expliquai-je
— Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il t'a dit ? questionna Ludovic, à ma droite
Là, j'ai deux possibilités : soit j'expose tout de suite la remarque qu'il m'a faite, ce qui entraînerait une compassion immédiate, ce que je ne veux pas ; soit j'explique la cause de sa remarque et ensuite sa remarque.
— J'ai bloqué sur mon hérédité. Je ne voyais vraiment pas comment m'y prendre. Alors il m'a demandé si j'étais sûre d'avoir eu un cours, j'ai bégayé que oui parce qu'il m'a fait peur en sortant de nulle part, et il m'a dit que j'étais nulle à chier ce soir avant de me débloquer, débitai-je
— Sympa, grommela Solange. Je le porte encore moins dans mon coeur.
— Voyons le côté positif, étudia Judickaël. Il a dit « ce soir », il aurait pu ne pas préciser et énoncer un truc qui ressemble à une vérité générale.
— Il aurait aussi pu ne rien dire, rétorqua Solange. Et se contenter de faire son métier.
— J'espère que tu n'en penses pas un mot, intervint Ludovic, à mi-voix.
Comprenant qu'il s'adressait à moi, je me tournai vers lui.
— Tu sais qu'il a tort, n'est-ce pas ? ajouta-t-il, ses yeux bruns plongés dans les miens
— Je suppose, répondis-je, sans trop y croire moi-même
— Il a voulu te déstabiliser. Ne le laisse pas réussir, conclut le jeune homme en me souriant d'un air encourageant.
Nous changeâmes de sujet et le reste du repas se déroula sans accrocs. Rapidement, il fallut partir, car le self fermait. Nous remontâmes dans nos studios, et heureusement car ma fatigue avait pris le dessus. Néanmoins, j'avais encore des devoirs à faire pour le demain. Sous les conseils d'Alice, je fis les devoirs du matin, gardant ceux de l'après-midi pour après-manger, puisque nous avions deux heures de pause. Le point positif, c'est que Ludovic m'avait promis toute à l'heure qu'il m'aiderait à faire la physique pour vendredi et qu'Antoine avait accepté d'être mon binôme en TP de physique et Solange en SVT demain après-midi.
Après une douche, je me laissai tomber sur mon oreiller, mes cheveux humides en éventail autour de ma tête. Trop épuisée pour lire, j'écoutai Alice se laver les dents.
— Cette journée m'a vidée. Littéralement, chuchotai-je dès qu'elle fut revenue
— Tu m'étonnes. Tu as eu deux colles aujourd'hui, soit une double dose de stress, répondit-elle
— En vrai, j'étais sous adrénaline pour la deuxième. Ça fait moins de stress, objectai-je. Toi par contre, tu as la deuxième demain.
— Merci de me le rappeler, grimaça-t-elle. Non, plus sérieusement, des sources fiables m'ont dit que la prof' était gentille. C'est Mme Bido, tu sais ma prof' de littérature. Elle est adorable et hyper motivante en cours.
Ses sources fiables, ce sont les filles de sa classe, comme Rose, Liza ou Safiya. Bien qu'Alice les apprécie grandement, elle ne traîne pas beaucoup avec elle.
— Je croise les doigts pour toi, dans ce cas, affirmai-je
— Merci, dit-elle en baillant. Au fait, je peux te faire part d'un truc que j'ai remarqué ? questionna-t-elle
— Je t'en prie, répondis-je, sentant une migraine se profiler à l'horizon
— Ludovic et Judickaël t'aiment bien. En amour ou en amitié, ça je ne sais pas, annonça-t-elle, tout à trac
Perplexe, je lui jetai un regard interrogatif.
— Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
— Une intuition. Non, je rigole ! s'exclama-t-elle devant mon air dubitatif. En fait, ça se voit. Je te jure.
— Je crois que j'ai loupé un détail dans ce cas, éludai-je en faisant mine de réfléchir
— J'ai dit amour ou amitié, rappela ma meilleure amie. Rassure-toi, je te ferai part de mes théories lorsqu'elles seront étayées d'un côté ou de l'autre !
— Tu as intérêt ! J'espère que pour ta survie personnelle tu étayeras le côté amical, la taquinai-je, à moitié sérieuse
— Oh ça, minauda-t-elle, ce n'est pas à moi de décider...
Je m'esclaffai et éteignis ma lampe.
— Bonne nuit, Ali'.
🎶🎶🎶
Bonsoir ! Comment allez-vous ? :)
Merci d'avoir lu ce chapitre ! Qu'en avez-vous pensé ?
A votre avis comment s'annonce la suite ? 🍂😄
On se retrouve samedi 24 octobre pour la suite ! 🧡
Bonne semaine ! 🎸
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