➵ Chapitre 72
— Son Altesse reveut-elle du café ? plaisanta Solange en désignant la cafetière pleine sur la table
— J'en veux bien, répondis-je, me prêtant au jeu
D'un air moqueur, elle remplit ma tasse de café brûlant pour la deuxième fois. J'étirai mes muscles endoloris et grimaçai en sentant les courbatures qui traversaient mes bras et mon dos. Les neuf kilomètres de canoë d'hier avaient eu raison de moi et du peu de force physique que j'avais encore, la randonnée d'il y a deux jours ayant achevé mes jambes et mes pieds.
Aujourd'hui, nous allions à la plage, à La Grande Motte. Solange avait prévu un pique-nique sur le sable chaud. Je me frottai les yeux, me rappelant que ce soir nous avions prévu de dormir à la belle étoile et de faire griller des marshmallows autour d'un feu de camp.
Le petit-déjeuner avalé, nous remontâmes enfiler nos maillots de bains et préparer nos affaires. Je grimaçai en enfilant mon débardeur : j'avais pris un sacré coup de soleil sur les épaules. Ensuite, chacun prépara son sandwich avec les baguettes que nous avions acheté ce matin, et je manquai de me couper le doigt en tranchant les tomates.
Ma maladresse ne finit pas de faire des siennes, puisque en sortant de la maison, je me pris les pieds dans les pavés inégaux et m'écroulai au sol dans un cri de surprise, sous les rires de mes amis. Je me relevai en les toisant d'un air boudeur, ce qui eut pour effet d'accentuer leur fou rire.
— Tu t'es fait un croche-pied toute seule ! se moqua Alice
— Pff ! Je n'ai pas fait exprès ! protestai-je, les bras croisés, avant de me rendre compte qu'un liquide chaud coulait le long de mon genou
— Viens, railla Solange entre deux rires, je vais te soigner ton bobo !
— Tu veux un bisou magique ? plaisanta Ludovic
— Jamais de la vie ! m'écriai-je en suivant Solange à l'intérieur
Elle sortit des cotons et du désinfectant. Je nettoyai la plaie qui s'avéra être une égratignure sous ses commentaires et collai un pansement.
— Franchement, je ne sais pas comment tu as fait ! Je comprends pourquoi tu ne portes jamais de talons !
— Je ne porte jamais de talons parce qu'on dirait que je marche sur des œufs, corrigeai-je en inspectant ma blessure de guerre couverte par un pansement
— Mouais... Moi je pense que c'est pour ne pas t'étaler tous les deux pas ! conclut-elle, en riant
Nous rejoignîmes les autres dans la voiture et Eulalie prit le volant. Les voitures sept places, c'est vraiment pratique. Vitres ouvertes, cheveux au vent, chansons à fond, nos blessures oubliées, nous partions pour la mer.
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L'ambiance était aux rires et à la bonne humeur, aux cris et aux paroles qui sortaient de nos lèvres. Il en ressortait une impression d'unité, d'union, comme si nous étions soudés par le destin.
A Sky Full Of Stars tourna en boucle dans la voiture pendant tout le trajet, si bien que nous connaissions tous les paroles. Nous arrivâmes sous un soleil éclatant et une chaleur accablante. Mais aujourd'hui, je m'en fichais. Car j'étais avec mes amis et ça, personne ne pourrait jamais me le prendre.
— Pas un seul nuage à l'horizon ! s'extasia Antoine, protégeant ses yeux bruns du soleil par sa main libre
— Parfait pour couler Emmy ! remblaya Ludovic en me jetant un regard provoquant
Ben tiens ! Tu peux toujours essayer !
— Si tu ne fais ne serait-ce qu'essayer, j'espère qu'une mouette te fera caca dessus, ripostai-je en lui tirant la langue
— Ah non ! s'exclama Antoine. Après il y en aura partout dans la voiture ! Hors de question ! En plus je dors avec lui... déjà qu'il ronfle, si en plus il sent la mouette...
— Tu m'as bavé dessus la nuit dernière ! se récria Ludovic
— Ça fait quatre nuits que tu me souffles ton haleine fétide dans les bronches, j'ai bien le droit de me venger un peu ! protesta Antoine, sous nos rires moqueurs
— Pas mon genre ! s'entêta l'intéressé
— Bandes de chochottes ! s'exclama Solange. Ça, ce n'est rien ! Moi, j'ai pire ! Eulalie m'a déjà vomi dessus.
— J'étais malade ! rappela sa sœur en rangeant les clés de la voiture dans son sac à main
— Certes ! répliqua Solange. Mais rappelle-toi la règle fondamentale de la sororité : on ne vomit pas sur sa sœur !
En riant, nous nous engageâmes en direction de la plage, qui n'était pas très loin. Nous marchâmes quelques mètres sur une route goudronnée, traversâmes la route. Le sable nous brûla les pieds et je sautillai sur place comme un oisillon jusqu'à ce que nous pûmes étaler la nappe sur le sable.
La casquette de Simon vissée sur mon crâne et le corps luisant de crème solaire, je m'assis en tailleur à côté d'Alice et Solange. En face de moi, Rachelle et Ludovic se chamaillaient pour savoir qui servirait les boissons.
Rachelle obtint gain de cause et le déjeuner put commencer. Nous trinquâmes à l'avenir prometteur, à la promesse d'une vie future où nous serons toujours ensemble et aux vacances qui s'avéraient être très enrichissantes... Rien ne pouvait entacher ma bonne humeur, même le morceau de salade coincé entre mes dents que j'ai réussi à déloger grâce à l'aide d'Alice.
L'après-midi passa rapidement, alternant entre baignade et fous rires (ce n'est pas de ma faute si j'ai ramassé un nombre incalculable de coquillages !), si bien qu'après une bonne glace et une dernière baignade, il était déjà l'heure de rentrer. Les poumons pleins d'air marin, je somnolai derrière mes lunettes de soleil pendant tout le trajet.
Une fois rentrés, nous refîmes un plongeon – dans la piscine, cette fois. Puis, je me séchai rapidement et rentrai avec Alice aider Jeanne et Benoît à préparer le dîner, pendant que les autres passaient à la douche.
Le repas passé, Alice et moi passâmes l'une derrière l'autre à la douche tandis que les autres préparaient les matelas gonflables, la pompe et tout ce qu'il fallait. J'enfilai des baskets et nous partîmes les mains pleines, dans la montagne au-dessus du village.
Par je ne sais quel miracle, je parvins jusqu'à la clairière sans me prendre les pieds dans aucune racine. Comment je fais, quand je suis avec mes parents ? Je ne suis pas si maladroite !
Avec des grosses pierres ramassées de çà de là, nous entourâmes un tas de petits bois comme nous pûmes. Nous gonflâmes les matelas que nous alignâmes autour du feu éteint, nous ramassâmes du bois pour l'alimenter. La nuit tombait à peine lorsque nous nous installâmes en cercle.
Solange froissa du papier journal et gratta une allumette. Bientôt, le brasier s'éclaira et quelques flammes montèrent dans le ciel.
— J'ai toujours rêvé de faire un feu de camp avec des amis, confia pensivement Rachelle, nous sortant de notre contemplation silencieuse
— Amis ? releva Alice. Parce que tu es mon amie peut-être ? plaisanta-t-elle
Rachelle lui donna une boutade dans l'épaule avant d'éclater d'un rire cristallin.
— C'est fascinant, le feu, vous ne trouvez pas ? fit Solange, dont les yeux bruns reflétaient toutes les flammes
— C'est juste de la chimie. Il n'y a rien d'extraordinaire là-dedans, objecta Antoine en plissant les yeux
— Quel rabat-joie ! le rabroua-t-elle. Alice, comment tu fais ?
— Si seulement je savais, soupira-t-elle en regardant son petit-ami d'un air désespéré
Il ignora sa petite pique et regarda le ciel :
— Ça, par contre, c'est fascinant, éluda-t-il en pointant du doigt les étoiles
Je rejetai mes cheveux en arrière et lançai d'un ton sarcastique :
— Je ne vois pas pourquoi tu en fais tant. Ce n'est que de l'astronomie après tout.
— Oh ! Elle t'a eue ! le charria Ludovic
Nous rîmes et Ludovic, assis à côté de moi me tint le paquet de marshmallows pendant que je remplissais consciencieusement ma brochette. Il ne faut pas négliger le remplissage de brochettes, c'est tout un art d'optimiser le nombre de bonbons dessus.
— Tu crois que ça va suffire ? plaisanta-t-il
— Non, je pense qu'il m'en faut vingt de plus, affirmai-je, très sérieusement
Il rit et je passai le paquet à ma meilleure amie qui copia mon idée avant de le passer à Antoine.
— Rappelle-moi, Ludovic, tu joues de quel instrument ? demanda Alice
— Du violon, répondit-il
— Mmh, oui, c'est bien ce qu'il me semblait, affirma pensivement ma meilleure amie. J'ai bien envie de t'embêter gratuitement... Du coup, tu peux jouer quoi à part Vivaldi ? demanda-t-elle, avec une moue narquoise
— Oh, tu serais étonnée du large panel auquel j'ai accès. Je peux jouer de tout, si j'en ai envie. Regarde Lindsey Stirling, elle joue du classique, du rock, de l'électro, de la pop, et tout !
— Eh bien moi, je ne demande qu'à écouter ! répondit-elle
— Comment ça t'est venu, le violon ? À quel moment tu t'es dit « c'est de ça que je veux jouer » ? interrogeai-je, par pure curiosité
Il passa une main dans ses cheveux et planta son regard dans le mien. Tout le brasier y miroitait.
— C'est l'heure de l'anecdote larmoyante à mon sujet, annonça-t-il. Mon grand-père était violoniste. Quand j'étais petit, il m'en jouait souvent. Les souvenirs sont encore nets. Quand il est mort, dit-il en reportant son regard vers le feu, ça a sonné comme une évidence. Il fallait que j'apprenne à en jouer. Et puis, ajouta-t-il en me gratifiant d'un sourire et d'un regard taquins, les filles adorent !
— Ah bon ?! répondis-je en croisant les bras sur ma poitrine. Moi, je préfère les guitaristes, appuyai-je en souriant d'un air mutin. Ou les pianistes. Je trouve qu'ils dégagent un truc.
— Mais non, Emmy ! Les batteurs sont bien mieux ! Leur biceps ! s'exclama Alice en tapotant son bras
— Moi, je suis d'accord avec Emmy, intervint Solange. La guitare, ça a son charme.
— C'est juste cliché ! Aucune originalité, de nos jours ! répliqua-t-il, tandis que je levais les yeux au ciel
— Et toi, lança suspicieusement Alice, qu'est-ce qui te ferait tomber sous le charme ?
— Une harpiste. J'aime bien l'atmosphère que dégage une harpe. C'est très majestueux, comme instrument, expliqua-t-il
— Alors là, je ne m'y attendais pas, avoua ma meilleure amie
— Ça, c'est Ludo ! commenta Solange en ébouriffant le crâne. Il trouvera toujours un moyen de t'étonner.
— Pas autant que toi, So'. Si je me souviens bien, c'est toi la plus scandaleuse ici, argua-t-il
— La tête de Wiener ! Je ne m'en remettrai jamais ! répondit-elle en riant. Je suis sûre que ça a fait jaser tous nos profs. Je ne suis pas une drama queen pour rien, moi !
Nous rîmes sous les étoiles, les marshmallows nous collèrent aux dents. Le ciel était si clair que je croyais presque voir la Voie Lactée. Ma taille me parut dérisoire face à toute cette immensité.
— Je suis contente d'être avec vous, dit tout d'un coup Alice
— Oh, tu es trop mignonne ! s'exclama Solange tandis que je souriais à ma meilleure amie
— Je pense que c'est important de le dire, poursuivit-elle. Bref, maintenant vous le savez.
— C'est digne d'un film, ce que tu as dit, commenta Ludovic
— J'aurais plutôt dit d'un livre, contrecarrai-je en lui jetant un regard
— Ah oui ? Je n'aime pas lire, répondit-il en haussant les épaules
— Quoi ? m'écriai-je en le détaillant, les yeux exorbités. Comment c'est possible ? repris-je tandis qu'Alice pouffait de rire à côté de moi
— Je ne sais pas, je trouve que les livres sont d'un ennui mortel, expliqua-t-il, désinvolte
Et j'essaie d'être amie avec lui ? Quelqu'un qui n'aime pas lire ? Toute forme d'amitié est impossible entre nous. Mmh, quoique... Je vais tenter la dernière carte...
— Ça, c'est parce que tu n'as pas encore trouvé LE bon livre, décrétai-je, les bras croisés
— Ah bon ? fit-il en me fixant d'un air intéressé
— Tu perds ton temps, Emmy. J'ai déjà essayé, grimaça Solange. Il adore les séries policières, alors je lui avais conseillé Sherlock Holmes mais ce n'est pas du goût de Monsieur !
— Quoi ? Tu n'as pas aimé lire Sir Arthur Conan Doyle ?! m'étonnai-je
Il fit non de la tête.
— Et Agatha Christie ? Non ?! Hercule Poirot, quand même ! déplorai-je
— Désolé, articula-t-il en riant
Tu parles ! Il est tout sauf désolé !
— Mmh, voyons voir... Les livres de Mary Higgins Clark, tu as essayé ? demandai-je
— Je n'ai pas accroché, réfuta-t-il en secouant la tête
J'ouvris la bouche d'étonnement puis la refermai, comme un poisson.
— Je sais ! m'écriai-je en claquant des doigts. Tu as déjà lu La Vérité Sur L'Affaire Harry Québert de Joël Dicker ?
— Euh non...
— Eh bien, essaie ! enchaînai-je, enthousiaste. Celui-là, il va forcément te plaire, il est tellement bien ! Le plot-twist... oh mon dieu ! Et le style d'écriture ! Oh là là c'est un plaisir ! Une tuerie ! conclus-je, rêveusement
— Vu comment tu t'extasies, j'ai presque envie d'essayer, énonça-t-il en me fixant d'un air amusé
— Presque, releva Alice. Là, Emmy va te forcer la main jusqu'à ce que tu le lises.
J'hochai vivement la tête pour confirmer ses dires, tandis que ses yeux marrons me sondaient silencieusement.
— OK, j'essaierai. Un jour, concéda-t-il
— Victoire ! s'exclama Solange. C'est quoi ton super pouvoir pour le convaincre ? Moi, ça m'a pris des jours !
— C'est mon talent caché, répondis-je en battant des cils
— Je n'ai pas précisé quand, rappela-t-il
— Bah voyons ! commenta simplement Solange
Un silence s'installa. On n'entendait plus que le crépitement du feu, mélangé aux sons produits par les grillons et les cigales. Je ne dormis pas, cette nuit-là. Je gardai les yeux grands ouverts, mémorisant chaque instant, chaque sensation. Les frissons qui parcouraient mon corps à cause de la fraîcheur de la nuit, les rires de mes amis, la chaleur du feu. Je me souviendrai de tout. Même si les conversations s'effaceront, même si les confidences deviendront floues, je n'oublierai pas à quel point je me suis sentie bien.
~
Hey ! Comment allez-vous ?
Que pensez-vous de ce chapitre et des bons mots qu'Emmy vient de passer avec ses amis ? Je crois que c'est l'un de mes chapitres préférés ! 🙈
Ce chapitre clôt le deuxième arc de la partie 2 !
On se retrouve donc mercredi 7 octobre pour l'interlude n°2 !
Excusez-moi pour le retard de publication, j'ai été prise par mes révisons, et en plus il y a eu une coupure de courant 😅
À très vite ! 🎶❤️🖤
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