Lise couvrait mon visage de blanc avec une éponge. Si Alice et Solange étaient très douées en maquillage, ce n'était pas mon cas... C'est à peine si j'arrive à faire un trait d'eye-liner !

Du coin de l'œil, blanche comme un lavabo, j'observais Ludovic qui avait coiffé ses cheveux blonds en arrière et qui, tout en blanc, venait d'enfiler une veste en cuir jaune. Quant à Judickaël, il portait un pantalon en cuir rouge avec sa chemise blanche et une cravate, rouge aussi, à moitié nouée.

— Sympa, vos tenues à la Freddie Mercury ! les complimenta Lucie

— C'est Emmy qui a eu l'idée ! répondit Judickaël, alors que Ludovic, un pot de gel et un peigne à la main se démenait avec les cheveux bouclés de son ami

— Franchement, tes cheveux ! Tu pourrais au moins les coiffer ! râla-t-il

— Non, j'aime beaucoup trop t'entendre râler, le taquina Judickaël

— Trop stylé ton éclair noir, Alice ! s'extasia Emma, qui venait de surgir

— Mon eyeliner est décédé, mais ça valait le coup ! répondit-elle, la partie gauche de son visage recouverte par un éclair

— Oh oui, pas mal ! approuva Solange, dont le maquillage d'inspiration clownesque prenait forme

   Lise entreprit de peindre mes lèvres et mes yeux en rouge et noir, ainsi que de redessiner mes sourcils en noir. Elle ajouta des détails noirs en haut de mes pommettes et m'observa d'un air satisfait.

— Voilà ! conclut-elle en me tendant un miroir

— Oh, Lise ! C'est magnifique ! Merci ! m'écriai-je, dès l'instant où je vis mon reflet

   Elle avait dessiné des petites étoiles en haut de mes joues, et de nombreuses courbes gracieuses partaient de mes yeux. Le tour de mes lèvres était bordé de noir, et l'intérieur tirait vers le rouge. Mes paupières étaient étirées par un premier trait noir, puis un deuxième rouge et un troisième noir.

— Ravie que ça te plaise ! répondit-elle

— J'avoue que c'est réussi ! Bravo Lise ! approuva Ludovic tandis que je souriais

— Ludo ! Il faut qu'on se bouge ! intervint Judickaël, dont les cheveux avaient été domptés

— Si vous devez bouger, alors nous aussi ! décréta Solange. Enfin dans trois minutes...

— Tu as raison ! À plus tard les filles ! nous salua Ludovic en nous adressant un clin d'œil

Emma insista pour qu'on prenne une photo toutes ensemble, et alla même chercher Clara et Rachelle pour l'occasion. Quelques minutes plus tard, nous rejoignions Ludovic et Judickaël aux abords de la scène, ainsi qu'Antoine et Thomas, qui démarraient le « Quart d'heure Queen » avec Killer Queen.

Alice se tendit en apercevant son ancien meilleur ami puis se détendit une fois qu'Antoine lui eut fait signe que tout allait bien. Elle lui souhaita bonne chance et Thomas et Antoine entrèrent sur scène.

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Nous les écoutâmes silencieusement, commentant leurs notes par des expressions faciales. Une salve d'applaudissements retentit et ce fut au tour de Ludovic et Judickaël de monter sur scène.

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Sous les premières notes, je souris à Solange et Alice et passai mes bras autour de leurs épaules. Elles s'esclaffèrent et nous nous balançâmes au rythme de la musique jusqu'au refrain où nous tapâmes trois coups dans les mains avec le public.

Très vite, ce fut la fin et Ludovic et Judickaël quittèrent la scène sous les cris hystériques de la foule.

— Le spectacle n'est pas encore terminé, clama M. Ginsique. Je dirais même plus, que le show DOIT continuer. J'appelle donc à la barre Solange, Alice et Émilie pour The Show Must Go On !

De nouveau, les applaudissements fusèrent et nous montâmes sur scène dans un mélange de fumées rouges et grises.

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Sous les premières notes, les projecteurs s'allumèrent comme en plein jour.

— Empty spaces, what are we living for ? interrogea Solange, d'une voix suave

— Abandoned places, I guess we know the score, on and on ! déplora tristement Alice

— Does anybody know what we are looking for ? demandai-je, à mon tour

Autour de nous, je savais les projecteurs prenaient des teintes et des formes différentes, comme celle d'un clown triste.

— Another hero, another mindless crime, continua Solange

— Behind the curtain, in the pantomime
Hold the line ! détailla Alice, alors que des ombres semblables à des rideaux s'ouvraient derrière nous

— Does anybody want to take it anymore ? clôturai-je, en m'adressant au public

— The show must go on ! s'exclama Solange en commençant à danser

— The show must go on, yeah ! répéta Alice

— Inside my heart is breaking
My makeup may be flaking
But my smile, still, stays on ! poursuivis-je en prenant un sourire crispé

— Whatever happens, I'll leave it all to chance ! enchaîna Solange, en pirouettant

— Another heartache, another failed romance, on and on ! laissa échapper Alice d'une voix un peu plaintive, non sans m'avoir regardée en chantant

— Does anybody know what we are living for ? lui répondis-je

Son regard semblait dire « je sais ».

— I guess I'm learning, intervint Solange

— I must be warmer now ! soupira Alice

— I'll soon be turning, round the corner now
Outside the dawn is breaking
But inside in the dark I'm aching to be free ! m'exclamai-je, ma voix se répercutant en écho dans toute la salle

— The show must go on ! affirma puissamment Solange

— The show must go on ! répéta Alice

— Inside my heart is breaking
My makeup may be flaking
But my smile, still, stays on ! complétai-je

Nous exécutâmes certains des mouvements que faisait Freddie Mercury sur scène.

— My soul is painted like the wings of butterflies ! s'émerveilla Solange

— Fairy tales of yesterday, grow but never die !

— I can fly, my friends ! hurlai-je, en pleine délivrance

— The show must go on ! The show must go on ! chantâmes-nous, ensemble

— I'll face it with a grin ! promit Solange

— I'm never giving in ! rajouta Alice

— On with the show ! continuai-je

— I'll top the bill ! reprit Solange

— I'll overkill ! remblaya Alice

— I have to find the will to carry on ! achevai-je, mon micro dans une main, la barre dans l'autre

— On with the show ! firent Alice et Solange

— Show ! criai-je, avec toute la puissance dont étaient capables mes cordes vocales

— Show must go on, go on, go on, go on, go on, go on, go on, go on ! terminâmes-nous, à l'unisson

   Une canonnade d'applaudissements retentit dans toute la salle. Nous nous inclinâmes puis quittâmes la scène, la musique résonnant encore en nous. Toute étourdie, je sortis ma robe bleue de mon sac, et Lise insista pour m'aider à me démaquiller avant que je ne me change. Je n'entendis pas ce que racontaient les autres, j'étais absorbée par mes propres pensées.

La vie continuait, triste et inébranlable. Elle n'arrêterait jamais sa course folle, et c'était à moi de décider de courir avec elle ou de la laisser me traîner comme un fardeau.

Comme nous l'avions chanté, The Show Must Go On, malgré tout. La vie est un vaste show ; à nous de choisir qui on veut être : le présentateur, le pantin ou l'artiste qui guide le spectacle au gré de ses envies.

Lise promit de m'aider à me remaquiller et je partis me changer. A mon retour, Alice m'aida à refaire mon teint et Lise s'occupa de mes yeux, et surtout de mon trait d'eye-liner. Promis, un jour j'y arriverai. Je terminai par une touche de rouge à lèvres, et j'étais prête. Prête à montrer à la vie que j'étais solide comme du titane. Car rien ne pourrait détruire le titane, pas vrai ?

Solange siffla d'admiration.

— Eh bien, dit-elle. Si tu veux mon avis, Luke ne sait pas ce qu'il perd !

— Je crois qu'il sait très bien, marmonna Alice, malheureusement suffisamment fort pour que ça revienne à mes oreilles

  Je me contentai de sourire et de remercier Solange, Alice et Lise. Avant que je ne parte pour la scène, Lise m'attrapa par le poignet.

— Emmy, si tu as besoin de parler ou d'être écoutée, je suis là. Si tu as envie que quelqu'un te parle d'autre chose, je suis là aussi. Tu peux compter sur moi, affirma-t-elle, sans sourciller. Je sais qu'on a mal démarré, toutes les deux, et c'est entièrement de ma faute. Je voyais en toi tout ce que je ne pourrais jamais être. A présent, je vois en toi tout ce que je peux être, et l'amie que je pourrais être pour toi.

    Réellement touchée, je ne sus que répondre. Alors, je la pris dans mes bras et lui chuchotai un merci. Avant de repartir sur scène, je la regardai droit dans les yeux et lui avouai :

— Lise, tu es mon amie. Toi aussi tu peux compter sur moi.

Elle sourit et je partis, la tête haute.

Je rejoignis les abords de la scène et attendis patiemment mon tour, le cœur battant. C'était le moment de montrer à mon père qu'il se trompait, que je n'étais pas un gâchis vivant, au contraire, je suis une tempête mélodieuse et je ferai de la musique ma vie, avec ou sans lui. Peut-être sera-t-il fier de moi ?

Sofia, qui devait danser pendant que je chantais, répétait mentalement sa chorégraphie, tandis que le calme se profilait dans mon esprit. Comme dans un rêve, M. Ginsique nous appela. J'étais si concentrée que je n'avais pas écouté le lien qu'il avait fait avec la prestation précédente.

Un sourire plaqué aux lèvres, j'entrai avec Sofia sur la scène sous les projecteurs bleutés. Rien ne m'arrêterait plus jamais. Je me positionnai derrière le micro tout à droite et attendis le début de la mélodie, qui ne tarda pas à s'élever gracieusement dans l'atmosphère de la pièce.

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Je valais mieux que tout ce que mon père avait dit. Et, ce soir, j'allai le lui montrer.

— You shout it out but I can't hear a word you say ! lui avouai-je, harmonieusement

A l'avenir, ses mots douloureux n'entreraient plus dans mon esprit.

— I'm talking loud not saying much, lui répondis-je, comme s'il me demandait de répéter ce que j'avais dit.

Écoute bien.

— I'm criticized but all your bullets ricochet. You shoot me down, but I get up, affirmai-je.

Et ce sera toujours le cas.

— I'm bulletproof nothing to lose ! Fire away, fire away ! Ricochet, you take your aim ! m'exclamai-je. Fire away, fire away ! You shoot me down but I won't fall, I am titanium ! You shoot me down but I won't fall ! I am titanium !

   Malgré moi, je cherchai des yeux son approbation dans le public, bien que je savais qu'il me serait impossible de le voir. Je fermai les yeux, me remémorant la discussion.

— Cut me down but it's you who has further to fall ! lui rétorquai-je

   Ou du moins, c'est ce que j'aurais dû lui dire. Mais mieux vaut tard que jamais, n'est-ce pas ?

— Ghost town, haunted love, murmurai-je, imaginant New-York... et Luke

Non, ça c'était pour mon père, pas pour Luke. Il n'a rien à voir avec ça.

— Raise your voice, sticks and stones may break my bones... I'm talking loud not saying much ! repris-je, fermant les yeux.

Je sais que tu me regardes. Comprends-moi, s'il-te-plaît.

— I'm bulletproof nothing to lose ! Fire away, fire away ! Ricochet, you take your aim ! Fire away, fire away ! You shoot me down but I won't fall ! I am titanium ! You shoot me down but I won't fall ! I am titanium ! m'écriai-je à nouveau, laissant les émotions affluer dans ma voix

J'étais comme le cactus de mes rêveries.

— I am titanium !

Non, je suis le cactus.

— Stone-hard, machine gun ! Firing at the ones who run ! Stone-hard, thus bulletproof glass !

Sans M. Ginsique et M. Wiener, je n'aurai jamais pu chanter une note finale aussi haute, c'est certain.

— You shoot me down but I won't fall, I am titanium ! You shoot me down but I won't fall, I am titanium ! répétai-je, en pleine litanie, montant crescendo en intensité. You shoot me down but I won't fall, I am titanium ! You shoot me down but I won't fall, I am titanium !

A tous les coups, Simon comprendrait le message avant mon père. Mais tant pis, je me sentais mieux, et rien d'autre ne comptait.

— I am titanium ! terminai-je, d'une voix forte et maîtrisée, rouvrant les yeux.

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Hello ! Comment allez-vous ? :)

Merci d'avoir lu ce chapitre ! Que pensez-vous de ce chapitre, de Lise, de Titanium ?

On se retrouve samedi 19 septembre pour le prochain chapitre ! 🖤🎶